La Couronne de Cuivre

" Je crois pas que je pourrais faire la différence entre l'accent d'ici ou de là-bas, dit Margot avec un léger rire. Je sais juste que c'est pas l'accent du coin ! Et vous êtes au bon endroit, pour les plantules ! Y'a tout ce que vous voulez, par ici. De la belladone et de la grande camomille, des champignons rêveurs, c'est d'ailleurs la saison, et puis des monceaux de jusquiame et d'ortie sauvage. Moi je fais pas trop dans le médicinal, c'est généralement les vieilles biques qui s'y connaissent..."
Elle jeta un oeil vers le haut.
" Enfin, vous avez pas l'air d'une vieille bique, vous."
Son sourire s'ouvrit dans la pénombre.
" Mais je vais vous laisser dormir. La pluie, ça berce, c'est déjà ça."
Elle souffla la mèche de sa lampe tempête, les plongeant dans le noir.

- Bonne nuit ! répliqua Astrée avec un sourire. En espérant que le soleil brille demain...
Elle se retourna à demi, cherchant une position confortable. Elle avait presque perdu l'habitude de dormir dans son hamac durant ces quelques nuits...
Elle avait du mal à trouver le sommeil immédiatement, trop de choses tourbillonnant dans son esprit. Reynald qui lui manquait trop, cet arbre de vie impossible à trouver, ce qu'elle ferait ensuite de sa vie, le retour à Luménis, Kasumi... Et Reynald, encore, la chaleur de son corps contre le sien. Si elle avait été seule, elle aurait fredonné cette étrange chanson en langue sylvestre, pour calmer son esprit trop préoccupé. Mais elle n'était pas seule.
Elle se retourna encore, se concentrant sur le bruit quasi hypnotique de la pluie sur le sol, sur le toit. Elle avait passé tropo de nuits sans dormir assez ces derniers temps. Le sommeil ne tarderait plus guère.

La nuit, malgré l'orage, se déroula sans incidents et Astrée s'éveilla alors que le soleil était déjà levé depuis un moment. Elle ouvrit les yeux au son d'un fredonnement guilleret, les narines caressées par la bonne odeur d'une omelette printanière crépitant sur les flammes. Margot était levée et elle l'aperçut par l'embrasure de la porte, mitonnant le petit déjeuner. Le chien noir et blanc avait quitté la bergerie et il ne pleuvait manifestement plus. Les oiseaux chantaient, rivalisant d'ardeur, comme chaque matin. La jeune chasseuse d'escargots avait les cheveux très longs, tressés jusqu'aux hanches, et ses vêtements avaient couleur de prairie. En l'observant plus attentivement, Astrée lui trouva les traits légèrement elfiques, mais peut-être pas autant qu'une personne dont un parent direct aurait été elfe.

Astrée se laissa glisser à bas de son hamac, un peu honteuse d'avoir laissé la jeune fille préparer seule le petit déjeuner. Mais cela lui avait fai( du bien de dormir tout son content, après les courtes nuits précédentes.
Elle fouilla dans ses affaires, en sortit les maigres provisions qui lui restaient. Un peu de confiture et de pain, un reste de jambon, du thé.
- On devrait arriver à se faire un petit déjeuner convenable avec tout ça....
Elle regarda Margot avec curiosité.
- Je ne vous ai pas demandé, hier... Vous êtes d'ici ? Des Etourneaux peut-être ?

" Ah, j'espère que je ne vous ai pas réveillée ! s'exclama la jeune femme en la voyant descendre de son perchoir. Mais venez-vous installer. Il fait encore un peu mouillé, cela dit, mais cette pierre, là, est sèche déjà."
Le chien noir et blanc était entendu dans l'herbe, un peu plus loin.
" Je ne suis pas des Etourneaux, non. Je viens de Montequine. C'est un peu plus haut par là..."
Elle désigna une vague direction, derrière le flanc des montagnes voisines.
" Nous autres, Montequins, ne descendons pas aussi bas. Pas souvent, du moins. Nous avons tout ce qu'il nous faut dans les hauteurs et, de manière générale, les montagnes suffisent à nos envies d'aventure. En bas, c'est plat... brrrrr !"
Elle sourit et servit une généreuse part d'omelette à Astrée.

- Oui, beaucoup trop plat, je trouve aussi, acquiesça Astrée avec un sourire joyeux.
La direction indiquée était vague, trop pour qu'elle puisse déterminer si le hameau se trouverait sur son chemin. C'était assez peu probable vu la description de Maedron : elle avait eu le sentiment qu'il n'y avait aucun groupe d'habitations digne de ce nom au-delà des étourneaux. Il faudrait qu'elle prenne le temps d'étudier sa carte, à l'occasion...
Elle mit de l'eau à bouillir avant de s'asseoir sur la pierre indiquée.
- Et c'est pour des escargots que vous êtes descendue aussi bas cette fois-ci ? questionna-t-elle en coupant en deux sa miche de pain, tendant une moitié à Margot.

La jeune femme accepta volontiers le pain.
" On n'est pas si bas que ça... Depuis les Etourneaux, y'a déjà un sacré dénivelé. Je dirais que c'est un peu ma limite. Les cagouilles, on en trouve dans certains pâturages, c'est pas toujours facile de savoir exactement quelle plante les attire. Ils aiment les radis sauvages ou alors certaines fleurs, mais parfois, je trouve un coin que je crois propice, et puis il n'y a rien de rien ! Mais je suis leur piste... J'en trouve un, puis un deuxième..."
Son regard balaya la prairie.
" Ici, y'en a plein ! J'entends presque leurs petites antennes qui s'agitent..."
Elle sourit.
" Je vais bientôt me remettre en chasse."

L'image de centaines d'antennes d'escargot, vibrant toutes en choeur dans la prairie, fit sourire Astrée.
- Je vous souhaite une bonne chasse, alors. Et une bonne cueillette de champignons également, il doit y en avoir des milliers après la pluie de cette nuit. Je ferais bien d'en récolter un peu moi aussi, aussi bien des escargots que des champignons d'ailleurs, si je ne veux pas jeûner à midi... Les étourneaux sont encore loins. Mais promis, je n'en prendrai qu'un peu, je vous laisse les plus gros !
Elle termina son petit déjeuner rapidement.
- Merci en tout cas, pour l'omelette.

Margot rassembla ses quelques affaires, siffla son chien, puis s'élança à la chasse aux cagouilles. Le pré semblait en regorger car la jeune femme y passa un long moment, nez en terre, soutenue par son fidèle compagnon qui semblait participer avec talent à la cueillette. Astrée, de son côté, n'eut aucun mal à dénicher ce qu'elle voulait, champignons et escargots, des fraises des bois par dizaines, quelques asperges et pois sauvages, des oeufs de caille au creux d'un nid. La montagnarde lui fit de grands signes avant de repartir vers ses hauteurs et la rôdeuse se retrouva à nouveau seule dans l'alpage fleuri. Prince ne refit son apparition, cheval miel sur l'herbe verbe, que lorsque Margot eut disparu, petit point noir sur la roche grise, depuis longtemps.

Astrée caressa doucement l'encolure de son étalon, le félicitant pour sa discrétion.
Puis elle rassembla ses maigres bagages, sa cueillette du jour, et fixa de son mieux l'ensemble sur son dos.
- Ils vont être surpris, aux Etourneaux, de te voir arriver... Peut-être qu'il vaut mieux que tu te transformes juste avant... Mais d'un autre côté, ils risquent de trouver que j'ai beaucoup de bagages pour les avoir transportés seule. Bah, je dirai que tu avais préféré passer la nuit précédente dans les alpages, s'ils se demandent d'où tu viens. Qu'en dis-tu ? De toute façon, je sais bien que tu n'en feras qu'à ta tête...
Elle n'en attendait nulle réponse. Mais après tant de journées à bavarder avec Reynald -à l'écouter surtout-, l'envie de parler lui venait spontanément, et tant pis pour ceux qui la jugeraient folle de discuter ainsi avec un cheval : il était de toute façon mille fois plus intelligent qu'un cheval ordinaire. Enfin, peut-être pas quand même...

Avant de se mettre en route, elle prit le temps de consulter sa carte, cherchant à y situer le hameau de Montequine, et surtout le fameux sentier partant derrière le temple de Chauntéa, qu'elle comptait emprunter dès le lendemain matin. Elle voulait voir s'il menait quelque part, savoir au moins dans quel type de relief il la conduirait. Il lui faudrait peut-être alléger ses bagages si elle devait faire beaucoup d'escalade... Et il fallait qu'elle se renseigne sur les abris qu'y s'y trouvaient. Lui faudrait-il une tente, par exemple ? Il fallait vraiment qu'elle prenne un peu de temps pour interroger ses hôtes à ce sujet.

Mais la carte était trop imprécise pour la renseigner en détails. La piste qui s'étirait hors des Etourneaux au nord était réduite à un trait incertain, qui serpentait mollement dans un relief de moyenne montagne avant de disparaître contre les flancs d'un pic anonyme. Quant à Montequine, il n'y en avait nulle trace. Mais il n'y avait en réalité pas le moindre village renseigné au-delà des Etourneaux : tous étaient placés plus bas vers la Trouée. Non, si Astrée voulait des informations sur ce qui l'attendait plus haut, il lui faudrait interroger les gens et dessiner elle-même les éléments qui lui manquaient. Même le cours des rivières et le tracé des falaises lui parut douteux quand elle les compara à ce qu'elle pouvait observer de l'endroit où elle se trouvait.

Elle atteignit le hameau en début d'après-midi, tranquille sous les rayons doux du soleil, posé dans son écrin de verdure. Elle croisa quelques villageois mais personne ne semblait s'inquiéter de sa nouvelle monture : sans doute les gens ignoraient-ils qu'elle n'en avait pas disposé plus tôt. C'est seulement lorsqu'elle parvint à hauteur de la maison de Florence qu'elle tomba sur une tête connue, en la personne de Siméon, qui la regarda approcher, les yeux écarquillés de stupeur.
" Vous... vous l'avez attrapé dans la montagne ?" s'exclama-t-il, ébahi.

- Bien sûr !
Astrée n'avait pas pu résister à l'envie de lui répondre du tac au tac.
- Mais non, corrigea-t-elle aussitôt avec un sourire amusé. C'est ma monture... Enfin, je devrais plutôt dire que c'est un cheval libre. Et l'autre jour il avait préféré rester brouter tranquillement dans les alpages plutôt que de nous accompagner ici. Il a passé la nuit là-bas et je l'ai retrouvé le lendemain...

" Il fait ça, votre cheval ? Un cheval libre ? J'avais jamais entendu parler de ça..." fit Siméon en s'approchant, circonspect.
Il regarda ensuite derrière l'épaule de la jeune femme, puis plus loin sur le chemin. Il cherchait manifestement quelque chose, mais il ne s'en ouvrit pas. Astrée pouvait cependant supposer qu'il s'agissait de Reynald.
" Vous allez rester une autre nuit chez nous ? J'demande ça pour savoir combien de haricots je dois cueillir... et puis pour le poulet aussi... Si j'prends un gros ou un p'tit, tout ça... Il est parti, le barde ?"

- Il est rentré, oui, répondit Astrée en réprimant un soupir. A Bortheias. Cela dit, il n'est pas impossible qu'il revienne faire un tour par ici, en se téléportant...
Il viendrait s'il pouvait : quelques minutes ou quelques heures ensemble le tenteraient certainement autant qu'elle. Mais mieux valait ne pas l'espérer trop fort. Goran allait peut-être le tenir occupé fort tard, peut-être même toute la nuit... Il suffisait qu'il ait choisi juste ce soir-là pour organiser une énorme fête... Et puis, peut-être qu'il y avait un risque que son escapade soit découverte... Mais s'il pouvait se libérer un moment... ce serait agréable d'être dans ses bras ce soir. Ce ne serait certainement plus possible une fois en montagne, puisqu'il ne pouvait se téléporter que vers des endroits qu'il connaissait et elle serait bien en peine de lui expliquer où elle se trouvait !
- Mais ce ne sera sans doute pas pour le dîner. Moi, en revanche, je serais heureuse de bénéficier à nouveau de votre hospitalité cette nuit, si c'était possible... Si cela ne te fait pas trop de travail bien sûr.

" Il sait se téléporter ? fit le petit garçon, abasourdi. Comment il fait un truc pareil ? Je croyais qu'il était troubadour, un truc comme ça, pas magicien ! Ça veut dire..."
Il eut une grimace.
" Ça veut dire qu'il peut apparaître, comme ça, bing ?! Il pourrait venir maintenant ?"
Il parut soudain plus soucieux.
" Est-ce qu'il peut devenir invisible, aussi ? Parce que ça, ça m'a toujours fait peur."

Astrée rit.
- Invisible ? Je ne sais pas... Peut-être, après tout. Je ne m'y connais pas plus que toi en magie, mais ça doit être moins dur que se téléporter non ?
Est-ce qu'un prêtre peut se rendre invisible ? Ou est-ce réservé aux mages ? Non, c'était sans doute un sort de mage, mais elle n'en savait rien au fond. Et puis, il avait bien décidé d'apprendre un sort de mage, pourquoi n'en aurait-il pas appris un deuxième ? Non, c'était peu probable. Il avait certainement appris la téléportation à la suite du décès de sa soeur, où ce sort lui avait tant manqué pour arriver à temps, mais il n'y avait aucune raison pour qu'il en ait appris un autre.
Elle se garda néanmoins de détromper l'enfant au sujet de l'invisibilité, et se contenta d'ajouter.
- Et, oui, il peut apparaître n'importe quand, c'est vrai... mais à ma connaissance il est bien trop occupé pour apparaître maintenant, je te rassure !
Elle lui sourit.
- Est-ce que tu veux de l'aide, pour les haricots ?

Siméon parut songeur puis acquiesça et l'entraîna vers l'arrière de la bâtisse, où se trouvait un superbe potager que le printemps avait gratifié de ses largesses. La plupart des légumes étaient seulement en train de pousser, mais les pois, les haricots, les asperges et trente-six sortes de salades avaient déjà la mine verte et généreuse.
" Moi je vais aller choisir la poule... Peut-être que vous pouvez ramasser des haricots... et puis choisir des herbes aussi, elles sont un peu plus loin. Si vous voyez des limaces, vous pouvez toujours les lancer dans le buisson là-bas... Y'a une famille de hérissons qui a grand faim, et c'est toujours moins coûteux que le sel..."
Puis, sans attendre, il s'éclipsa entre les buissons.
Astrée entendit du bruit vers l'avant de la maison, puis une exclamation de surprise, féminine, lorsque Florence ou sa fille, peut-être, découvrit Prince des Frelons.

Astrée ramassa rapidement quelques poignées de haricots, la quantité qu'elle estima suffisante pour ses hôtes et elle-même.
- C'est mon cheval, ne vous inquiétez pas, cria-t-elle à l'adresse de la voix qui avait découvert Prince, sans cesser pour autant sa cueillette.
Elle se mit en quête d'un peu de persil et de thym, jetant consciencieusement les limaces là où on lui avait indiqué. Puis s'en revint vers l'avant de la maison, à la rencontre de ses hôtes.

HRP : c'est un post express... Normalement je devrais pouvoir me connecter demain ou après-demain, en hongrie ; on quitte la roumaine demain, on sera en france samedi soir ou dimanche en journée je pense.

HRP : pile-poil quand je pars

Je serai un peu dispo vendredi, mais pas des masses, et plus à partir de samedi à l'aube

Florence faisait connaissance avec Prince et elle lui sourit amicalement en la voyant revenir du potager avec les haricots.
" Je vois que Siméon vous a mise à contribution. Je vous croyais partie sur les sentes escarpées, à la recherche de plantules ! Mais la chambre du grenier est toujours à votre disposition, bien sûr. J'ai même changé les draps !"
Elle lui ouvrit la porte.
" Mais venez donc déposer votre récolte à l'intérieur. Reynald est reparti, alors ? Ce garçon est un courant d'air. Ou une mélodie. Peut-être un petit ruisseau, dirait son ami l'Eldathien, mais les ruisseaux suivent toujours le même parcours, l'analogie est mauvaise..."

Astrée sourit. Oui, Reynald était un cxourant d'air, un jour ici, le lendemain ailleurs, se laissant porter par le vent au gré de son humeur. Florence paraissait plutôt bien le connaître, mais elle n'osait pas la questionner à ce sujet.
- Lui opterait plutôt pour la mélodie... Et moi, je dirais que c'est un courant d'air. Cela dit, il peut se téléporter n'importe où n'importe quand, encore plus vite que le vent. Il pourrait même lui arriver de refaire un saut par ici s'il trouve le temps... mais rien n'est moins sûr.
Elle franchit le seuil de la porte et déposa sa récolte sur la table à l'intérieur. Prenant une chaise, elle se mit à les préparer d'un geste machinal.
- Je ne suis que de passage, je vous rassure... Je compte repartir vers les hauteurs dès demain matin, en prenant le sentier qui part derrière la chapelle de Chauntéa...

hrp : bonnes vacances à toi alors !
Il est probable que je puisse poster une dernière fois demain dans la journée, on a pris un peu de retard sur l'itinéraire... et ensuite pause pendant tes vacances !

Florence l'installa à côté d'elle pour l'aider à préparer le fruit de sa cueillette.
" Vous allez partir vers Lustac et Montequine, alors ? Les montagnards sont des gens bizarres, croyez-moi. Ceux de Lustac sont encore plus ou moins accueillants, mais à Montequine, attendez-vous au pire... Enfin, en même temps, vous êtes des hauteurs, vous aussi, et sans doute parviendrez-vous davantage à comprendre leur curieuse... attitude. Je sais bien que les guerres contre les orques, incessantes, les ont forcé à s'endurcir, mais pour ce qu'il en reste... et puis nous ne sommes pas des orques, si ? On dirait que la méfiance est désormais vissée dans leurs os et qu'ils ne parviennent plus à l'en extirper..."
Elle haussa les épaules.
" Bon, ils ne nous dérangent pas, cela dit, et ils ne sont pas hostiles. Mais ils n'adorent pas les visiteurs. Soyez prévenue."

- Merci de l'avertissement... Cela dit, j'ai rencontré une jeune fille de Montequine hier soir, elle n'avait pas l'air si hostile. Mais effectivement, j'ai compris qu'ils ne descendaient guère de leurs montagnes. Et je retiens qu'ils ont tendance à se méfier des intrus... J'essaierai de leur donner une meilleure image des étrangers que celle qu'ils semblent avoir des orques.
Il serait préférable sans doute de se présenter comme venant des Montagnes de Fer plutôt que de Luménis.
- Et sinon... Vous êtes-vous déjà aventurée par là-bas ? Savez-vous par exemple si je peux trouver facilement des abris pour la nuit ? je n'ai guère envie de m'encombrer d'une tente, mais peut-être est-ce nécessaire dans ce secteur...

" Ça peut être une bonne idée. Le printemps est souvent humide, dans ces régions, et il pourrait pleuvoir la nuit. Vous trouverez des bergeries pendant les deux trois premiers jours, à mon avis, mais au-delà... Cela dit, Lustac n'est pas beaucoup plus loin, et Montequine non plus, mais ça dépend vraiment de combien de jours vous comptez rester et de où vous voulez aller. Je n'y entends pas grand chose en espèces rares, et donc je ne sais pas si vous aurez besoin de monter plus haut..."
Elle secoua la tête.
" Quant à moi, oui, je suis déjà allée par là. La plupart des gens ont tenté l'aventure... mais bon... On est tellement bien ici... et la vallée est beaucoup plus accueillante."

Astrée sourit, rêveuse.
- Certes, votre vallée est magnifique... Mais j'aime bien aussi les hauteurs. Cela dit, je ne sais pas non plus exactement jusqu'où je devrai aller, ça dépendra de ce que je trouve, là où le hasard guidera mes pas. Mais je pense qu'il me faudra monter pas mal en altitude.
Elle ressentait une vague angoisse devant son ignorance complète de ce qu'elle allait faire, de ce qui l'attendait là-bas. Elle ne savait absolument pas où elle se rendait, ni le chemin qu'elle suivrait, ni ni ce qu'elle y trouverait, ni combien de temps cela lui prendrait. En conséquence, elle avait bien du mal à prévoir le matériel ou les vivres qui lui seraient nécessaires. Mais comment avouer cette vérité incompréhensible ? Reynald lui avait conseillé d'éviter de mentionner sa quête devant les gens du coin. Maedron lui avait dit, en quelque sorte, de simplement laisser le destin guider ses pas et de s'en remettre à Tymora. Bon, certes, il ne l'avais pas exprimé ainsi mais c'était tout de même le sens de ses paroles. Et donc elle en revenait toujours au même point : elle n'avait pas la moindre idée de là où elle devait se rendre. Elle avait envisagé de biaiser et de se mettre en quête de Dymphea, qui peut-être la guiderait... mais apparemment, même l'amie d'Isudë était liée à cet arbre mythique. Cela dit, s'enquérir de Dymphea, une fois à Montequine, était peut-être une meilleure entrée en matière que de s'enquérir de l'arbre.

Elle réprima un soupir.
- Va pour une tente, tant que j'ai ma monture à disposition pour transporter mon matériel. Et après tout, si je dois vraiment grimper vers les hauteurs, vers des zones inaccessibles, je pourrai toujours m'alléger au maximum et laisser mon cheval et mes bagages inutiles plus bas, à l'abri, je trouverai bien une grotte quelconque.... Mais connaîtriez-vous quelqu'un susceptible de m'en louer une ? Je n'en ai pas prévue, j'avais craint de m'encombrer trop...

HRP : Yiha !

" Hum... Je pense que nous devons avoir de la toile quelque part dans la grange, mais le vieux Keyth a sûrement du matériel plus approprié... C'est l'apiculteur qui vit dans la petite maison grise à la sortie nord du village, juste avant la chapelle de Chauntéa. A cette heure-ci, il doit être rentré... C'était autrefois un baroudeur des hauteurs, quand il cherchait des endroits originaux pour installer ses ruches. Il fait le meilleur miel de la région... La bruyère est sa spécialité. C'était aussi un redoutable chasseur, sans pareil pour pister le chamois, mais ça date... Il est déjà allé plusieurs fois à Montequine, il pourra sûrement vous en dire quelque chose..."
Elle eut un petit haussement d'épaules, assorti d'un sourire.
" Laissez-moi le repas et allez voir. Si vous attendez la nuit, vous risquez de ne plus le retrouver."

Ahhhh... C'est chouette de te voir de retour ! Passé de bonnes vacances ?

Astrée eut un sourire de gratitude.
- Merci, c'est gentil à vous, je vais aller le voir de ce pas...
Ce qui signifiait qu'elle lui abandonnait le repas à faire... Elle avait à nouveau l'impression d'abuser un peu de son hospitalité, mais c'était proposé de si bon coeur. Et puis, elle ne voulait pas prendre le risque de manquer ce vieux Keyth.
- Je suis désolée de vous laisser tout le repas à faire, ajouta-t-elle avec une grimace d'excuses. Je vous promets de revenir aussi vite que possible donner un coup de main.

" Ne vous en faites pas, Astrée. Je préparerais le même repas si vous n'étiez pas là, et Siméon va rentrer m'aider."
La rôdeuse put donc regagner les rues du village et cheminer jusqu'à la maison grise que lui avait indiqué Florence. C'était une chaumière coquette en bordure du hameau, manifestement ancienne, au toit d'ardoises récemment refait. Une glycine spectaculaire en colonisait la façade et des volets verts s'y dissimulaient habilement. Une multitude d'abeilles bourdonnaient dans les fleurs violettes, sans prêter attention à la visiteuse. Astrée entendit une voix de baryton qui chantait à l'intérieur. Quand elle eut frappé, la porte s'ouvrit sur un homme de petite taille, cheveux gris et moustache fournie, qui lui sourit tout en la dévisageant, l'oeil pétillant.
" Une gente dame à ma porte... Voilà qui n'est pas arrivé depuis bien longtemps !" s'exclama-t-il avec bonne humeur.

La bonne humeur de l'homme était contagieuse, ou peut-être était-ce la perspective de partir à l'aventure dans les montagnes qui égayait la rôdeuse. Toujours est-il qu'Astrée lui sourit largement à son tour, heureuse de cet accueil chaleureux.
- C'est Florence qui m'envoie vous trouver, exposa-t-elle en guise de préambule. Elle m'a expliqué que vous étiez incollable pour tout ce qui concerne les expéditions dans les montagnes au-delà du village, en plus d'être le meilleur apiculteur du village... Mais pardonnez-moi, j'oublie de me présenter... Je m'appelle Astrée, ajouta-t-elle en rougissant de son manque de politesse.
Le bourdonnement des abeilles lui donnait envie de miel. A croire que les goûts de Prince étaient contagieux. Il faudrait qu'elle songe à lui en acheter un pot pour égayer ses petits déjeuners...

Le vieil homme se mit à glousser.
" Alors si Flo vous envoie, vous devez savoir que je suis Keyth..."
Il lui tendit une main sèche et noueuse, mais non dépourvue de force.
" Ce n'est pas difficile d'être le meilleur apiculteur du village : je suis le seul ! Enfin, si on ne compte pas les trois ruches de mon petit-fils Ferdinand. Il n'a pas encore complètement la main, mais ça va venir... Son miel de châtaigner a de l'avenir."
Il lui décocha un sourire encore resplendissant.
" Mais vous êtes sûrement là pour une bonne raison, mamzelle, alors dites-moi... En quoi puis-je vous être utile ?"

Astrée serra la main du vieil homme en souriant.
- Et bien... c'est tout simple. Je compte partir un peu sur les hauteurs, par le sentier nord, à la recherche d'herbes médicinales assez rares.
Entre autres. Mais non, elle n'avais pas le droit de parler de l'arbre de vie.
- Je ne sais pas exactement jusqu'où il me faudra aller, sans doute au-delà du hameau de Montequine. Et je cherche à me renseigner un peu sur ce qui m'attend par là-bas. En particulier, je me demandais si je trouverais facilement des abris, bergeries, grottes ou autres, ou s'il valait mieux que j'emporte une tente. Je n'en ai pas prévue, je voyage toujours léger, mais d'habitude je reste sur des secteurs que je connais mieux... Et voilà, Florence m'a dit que vous sauriez me renseigner mieux qu'elle.

La Couronne de Cuivre

[Quête] Dans les contreforts des Pics des Orcs