[Désert d'Anauroch] Quête : Racines

[Voyageuse]

La nuit fut calme, ou presque. Il fut réveillé par des bruits légers et eût la surprise de voir défiler toute une troupe de rats des sables, au seuil de son abri, qui filaient vers le nord sans paraître conscients le moins du monde de sa présence. Rubis, à demi éveillé, profita de la lueur de la lune pour en picorer quelques-uns au passage avant de se rendormir. Le calme revint, total.
Au petit matin, ce furent trois minuscules renards à grandes oreilles, des fennecs sans doute, qui traversèrent la cuvette, éveillant l'appétit de l'aigle qui en goba un au passage. Un drôle de cri animal se fit entendre, et le rôdeur découvrit qu'il n'était plus seul : un dromadaire, arrivé peut-être la veille à la tombée de la nuit, était couché près de l'entrée de l'abri.

[Kasumi]

Kasumi n'avait pas croisé beaucoup de représentant de cette espèce - même pendant son séjour précédent dans le désert - mais il savait tout de même que ces animaux étaient particulièrement bien adaptés au désert car ils étaient capables de stocker l'eau qu'ils buvaient, en faisant des bêtes de bât idéale pour les bédouins.

Celui-ci était certainement "l'ami" dont lui avait parlé Ta'sslan plutôt qu'un animal domestique et le rôdeur s'empressa de saisir soin pipeau pour renouveler leur petit bassin d'eau. Sachant que le nouveau venu se nourrissait des plantes qu'il trouvait, il ne donna des grains qu'à Rubis après avoir posé une main sur son cou en un geste affectueux. Il comptait produire quelques litres d'eau avant de s'atteler à la préparation de son propre petit-déjeuner mais, après tout, rien ne pressait et la journée promettait d'être longue.

[Voyageuse]

La journée fut longue, en effet. Il n'y avait aucun bruit à l'exception de ceux produits par les rares déplacements de l'aigle et du dromadaire, et le soleil semblait avancer à une allure d'escargot dans le ciel d'un bleu absolu. La chaleur montait, contraignant Kasumi à rester à l'ombre du petit abri creusé dans le sable. La seule distraction de la matinée fut une famille de serpent qui traversa subitement son abri souterrain, sans lui accorder la moindre attention heureusement.
Juste après le repas de midi, cependant, quelque chose vint rompre la monotonie de la journée. On aurait dit une voix humaine. Féminine. Kasumi finit par identifier un appel au secours, venant du sud-est, approximativement la direction de la Mer de la Soif.

[Kasumi]

Dans ce silence oppressant et avec rien d'autre à faire que sculpter une nouvelle statuette, le demi-elfe crut tout d'abord à un mirage et ne prêta pas attention à l'appel dans un premier temps, laissant le temps à son cerveau d'enregistrer l'information et un appel renouvelé. Dès lors, ses réflexes reprirent le dessus : il vérifia que rien ne menaçait Eärundra puis, n'ayant aucun moyen de quitter la dépression sans lui, il rejoignit Rubis et l'enfourcha après lui avoir flatté l'encolure. Il comptait aller vérifier ce mirage : ce n'était peut-être pas prudent ou même un piège mais il ne pouvait tout simplement pas l'ignorer. Qui plus est, cela tromperait son ennui même s'il n'avait fait que rêver éveillé.

[Voyageuse]

L'aigle semblait ravi de quitter la terre ferme, et s'envola avec un battement d'aile joyeux. Le rôdeur eût le temps de voir que le dromadaire, intrigué sans doute par ce départ soudain, se mettait à escalader apparemment sans difficulté l'une des parois de la dépression, comme s'il y avait là une rampe d'accès dissimulée. C'était sans doute par là qu'il était arrivé pendant la nuit...
Il ne lui fallut pas longtemps pour repérer la source des cris : une silhouette humaine courait sur le sable à plusieurs centaines de mètres de la cavité, se dirigeant vers le nord. Il lui fallut un peu de temps pour déterminer ce qui pouvait bien pousser quelqu'un à courir par une chaleur pareille, mais il finit par apercevoir la cause de la fuite : à cent mètres derrière se trouvait une sorte de gros canidé noir qui gagnait peu à peu du terrain.

[Kasumi]

Kasumi fit faire un léger virage à Rubis en tirant sur un côté des rênes et effectua un tour complet pour vérifier qu'aucune autre créature n'était présente dans les environs. Il restait évidemment la possibilité d'une menace cachée sous le sable mais le demi-elfe se poserait tout de même s'il ne trouvait pas trace d'autre menace : l'humaine ne tiendrait pas plus de quelques minutes sous cette chaleur déjà étouffante à supposé que le canidé ne l'ait pas rattrapé d'ici là. Tout en scrutant un autre danger potentiel, le rôdeur tâcha de repérer une zone plate et - si possible - pierreuse où se poser entre le chasseur et sa proie. Il ferait ensuite parler ses épées ou son arc pour le persuader de chercher ailleurs son repas.

[Voyageuse]

Il n'y avait pas de zone pierreuse dans les parages. Du sable traître et des dunes, rien d'autre.
La victime était une jeune humaine, et son poursuivant n'avait rien d'un canidé ordinaire. Il était énorme, complètement noir. Peut-être même était-ce un molosse d'ombre... Ou peut-être pas. Toujours est-il qu'en apercevant l'aigle tournoyer au-dessus de lui à la recherche d'un terrain d'atterrissage propice, il parut hésiter, craignant peut-être de lui servir de repas ou simplement de se faire attaquer par un adversaire inhabituel.
Le rôdeur finit par se poser entre deux dunes, à quelques dizaines de mètres du canidé qui semblait toujours aussi impressionnant, mais plutôt circonspect.

[Kasumi]

Kasumi observa son adversaire, presque aussi circonspect que lui : l'animal était inhabituellement grand mais il commençait à y être habitué car, dans cette région étrange, quelque-chose ou quelqu'un semblait modifier l'ordre naturel des choses. Les mages de Pénombre et leurs sinistres expériences en étaient probablement les seuls responsables.

Toutefois, il n'était pas temps de s'interroger sur les causes profondes du mal et il savait que chaque minute passée ainsi exposé le mettait en danger ainsi que Rubis et la jeune humaine. Même s'il hésitait à attaquer, le molosse restait un adversaire des plus dangereux et le rôdeur avait tout sauf envie de se battre à portée de ses mâchoires. Il doutait cependant qu'une ou deux flèches ne parviennent à l'abattre mais il ne pouvait pas lui permettre de suivre et remonter leur trace jusqu'à la déclivité. Les risques d'une bataille dans cet espace confiné seraient trop grand et le molosse risquait en outre de les faire repérer. Le rôdeur sortit donc son arc et le banda, prenant place devant Rubis. Si le molosse ne rebroussait pas chemin en comprenant la menace, il tenterait de viser ses pattes et ses flancs pour tenter de limiter sa mobilité : le blesser devrait l'empêcher de parcourir rapidement la distance jusqu'à l'abri du druide.

[Voyageuse]

Le molosse hésita un instant, puis chargea. La première flèche de Kasumi l'atteignit au flanc, lui arrachant un jappement de douleur, stoppant un instant sa course. puis il chargea de nouveau, au moment où le rôdeur encochait sa seconde flèche. Kasumi s'aperçut alors qu'un immense oiseau le survolait en rase-motte, filant droit sur le chien. Rubis avait peut-être été dressé à attaquer, ou peut-être simplement à impressionner son adversaire. Toujours est-il que le molosse, apercevant l'aigle, poussa un couinement et fit brutalement demi-tour en boitillant.
- Vous m'avez sauvé la vie, fit une petite voix aiguë derrière lui.
La jeune fille, qui s'approchait à son tour, ne devait pas avoir plus de vingt ans et portait l'habit traditionnel des nomades.

[Kasumi]

Le rôdeur s'assura d'abord que le molosse battait vraiment en retraite et qu'il ne s'agissait pas d'une ruse. Il s'inquiéta aussi du fait que Rubis puisse décider de poursuivre sa proie aussi crut-il bon de siffler pour le rappeler avant de se tourner vers la jeune inconnue.

- Non, vous m'attribuez ce qui revient à Rubis : c'est lui qui a mis le molosse en fuite, commença-t-il en désignant l'aigle géant. Puis il prit un ton plus apaisant :

- Mais vous ne pouvez pas rester ici, sous le soleil et sans eau. Venez jusqu'à mon abri et vous pourrez me raconter comment vous vous êtes retrouvé en si mauvaise posture.

[Voyageuse]

L'inconnue ne détachait pas ses yeux de Rubis, comme fascinée. Elle paraissait n'avoir entendu les mots de Kasumi qu'à demi, et ne faisait pas mine de vouloir le suivre ou de ressentir le besoin d'un abri. Sa tête, tout comme l'ensemble de son corps, étaient enroulés dans une étoffe gris perle qui la protégeait des ardeurs du soleil. On n'apercevait que ses yeux, aussi gris que son vêtement.
- Il est à vous ? questionna-t-elle abruptement. Je veux dire... j'avais entendu parler de ces aigles géants, mais pas avec de simples voyageurs. J'avais entendu parler d'une garde ailée à Everaska...
Elle avait un léger accent, que Kasumi ne parvint pas à identifier.

[Kasumi]

Kasumi détailla l'inconnue du regard, cherchant à évaluer à sa tenue ou à son accent d'où elle pouvait bien venir, elle qui était apparu en plein désert à des lieues de la plus proche oasis qu'il ait pu apercevoir depuis le dos de Rubis. Toutefois, cette observation ne répondant aucunement à ses interrogations, il décida de jouer la carte de l'honnêteté pour tenter de mettre l'inconnue dans de bonnes dispositions pour répondre à ses propres questions :

- Rubis ne m'appartient pas mais il voyage effectivement avec moi. Et vous semblez bien informée sur la Garde Ailée everaskane. Vous pouvez m'appeler Meredith... Et puis-je demander quel est votre nom ?

Toujours ce nom d'emprunt - ou presque tellement il était peu usité depuis bien des années - : le rôdeur préférait ne pas divulguer une identité qui pourrait trop aisément parvenir à de mauvaises oreilles. Il ne pouvait malheureusement plus faire grand chose pour dissimuler la présence d'un aigle géant d'Everaska en revanche...

[Voyageuse]

Il lui sembla que la jeune femme hésitait imperceptiblement.
- Je m'appelle Thi-An, finit-elle par répondre. Un nom qui ne ressemblait à rien de connu... mais peut-être était-il commun dans cette région du monde ?
- Pour ce qui est d'Everaska, je n'en connais que les légendes... Mais puis-je savoir ce qui vous amène dans ces contrées, noble voyageur ?
Elle ne regardait pas Kasumi, détaillant toujours l'aigle.

[Kasumi]

Kasumi esquissa une grimace : se dévoiler davantage n'était pas tout à fait dans ses intentions, surtout sous un soleil de plomb et dans une zone que chaque fibre de son être lui hurlait être affreusement exposée. Il répondit néanmoins, éludant quasiment la question :

- Je ne suis pas noble. Seulement un rôdeur qui voyage. Mais je pense que vous ne me croiriez pas si je vous répondais que je suis venu ici pour sauver les bédouins isolés pourchassés par quelque monstre ? C'est bien ce que vous êtes n'est-ce pas ? Bédouine évidemment, je n'oserais pas suggérer que vous êtes un monstre, bien entendu !

Le ton se voulait léger - il ne pouvait pas s'en empêcher - mais l'humour était-il perméable aux cultures ?

[Voyageuse]

La jeune femme le regarda d'un air totalement interloquée, ignorant visiblement si elle devait rire ou se défendre de la semi-accusation. Elle finit par opter pour la première solution et eût un rire bref, sans joie, presque un aboiement.
Elle fit un pas ou deux en direction de Kasumi, boitillant légèrement.
- Il va falloir que je me soigne, fit-elle d'un air absent, quittant un bref instant l'aigle des yeux pour jeter un coup d'oeil à son pied, avant de reporter son attention sur le rôdeur. Mais... Je ne pense pas que vous soyez ici uniquement pour sauver des damoiselles en détresses. Alors, pour quelle raison ? Surtout... avec un aigle ?

[Kasumi]

Le rôdeur regarda instinctivement le pied de son interlocutrice, cherchant à déterminer si sa blessure était grave ou non. Probablement pas sinon elle ne tiendrait pas debout mais le moindre handicap pouvait s'avérer fatal par ces conditions extrêmes : une leçon aussi valable dans le désert qu'en montagne d'après sa propre expérience.

- Je viens rendre visite à une connaissance. A l'ami d'une connaissance en fait. Mais, au risque de paraître grossier, si je dois vous faire confiance et vous en révéler davantage, acceptez-vous au moins de me suivre et de profiter d'ombre et d'eau. Vous pourrez ainsi soigner votre pied et peut-être me dire ce qu'une personne seule et sans moyen de transport est venu chercher dans une zone si dangereuse. Certainement pas un elfe d'Everaska venu la sauver sur son aigle ? Les chances étaient encore bien plus minces que les miennes si tel est le cas.

[Voyageuse]

- Et bien... En fait, si, j'étais venu chercher un elfe et son aigle..., répliqua la jeune femme d'un ton léger.
Elle ne regardait plus Kasumi mais l'aigle, à nouveau.
Elle boitilla d'un pas ou deux.
- Je vais d'abord me soigner, si vous permettez... fit-elle en s'accroupissant.
La blessure semblait bénigne. Kasumi ne voyait rien d'anormal. Peut-être un léger renflement.
La jeune femme, sans plus se préoccuper de lui, se mit à incanter, dans une langue gutturale que Kasumi n'avait jamais entendue.

[Kasumi]

Kasumi fit un pas en arrière, alerté par l'incantation, mais il se rapprocha en constatant qu'il ne s'agissait apparemment que d'un sort de soin. L'insistance de l'humaine à regarder son aigle ne cessait toutefois de le mettre mal à l'aise et il ne retint pas plus longtemps la question qui le taraudait :

- Etes-vous clerc ? Ou shaman peut-être ? Et pardonnez-moi si je suis si direct mais pourquoi vous intéressez-vous autant à Rubis ? On dirait presque que ce n'est pas la première fois que vous voyez un représentant de son espèce.

[Voyageuse]

La jeune femme lui prêtait à peine attention. Elle ne prit pas la peine de répondre à ses questions.
Il l'entendit incanter à nouveau, toujours accroupie, le regard apparemment dans le vide, ou peut-être sur Rubis... et il vit subitement un rai de lumière fuser brièvement en direction de l'aigle.
Elle se releva, l'air parfaitement détendue, le regard toujours fixé sur l'aigle. Celui-ci ne paraissait pas le moins du monde affecté par le sort qu'elle lui avait lancé, mais ça n'était peut-être qu'une impression. Elle continuait à ne pas regarder le rôdeur. Elle semblait se ficher éperdument de sa présence.

[Kasumi]

Kasumi frémit en comprenant ce qu'elle s'apprêtait à faire mais il réagit trop tardivement pour empêcher la jeune femme d'agir. Même si le sort ne montrait pas immédiatement ses effets, elle en avait bien lancé un mais elle semblait aussi absente, comme sous le coup d'une crise de somnambulisme. Sauf qu'ils étaient en plein jour. Alors, obéissant à une impulsion, le rôdeur posa ses mains sur les épaules de l'inconnue et les secoua en haussant la voix :

- Que se passe-t-il ? Qu'avez-vous fait !?

Si elle ne répondait pas, il rejoindrait Rubis et lui ordonnerait de s'envoler vers leur abri, s'il n'était pas déjà trop tard pour cela. Mais que lui avait-il pris d'écouter sa sempiternelle conscience au risque de mettre Eärundra et peut-être toute leur mission en danger ?

[Voyageuse]

La jeune femme ne répondit pas à son injonction. mais il eût subitement l'impression que son apparence se modifiait. Elle lui parut devenir plus grande...mais à peine. Et lorsqu'elle leva les yeux vers lui, ils étaient devenus presque noirs. Son ombre projetée sur le sable était trop noire, ses vêtements semblaient étranges, comme si chaque morceau d'étoffe projetait une ombre profonde. Il n'était même pas sûr qu'elle soit une femme, à bien y réfléchir.
Elle ne prononça pas un mot, se contentant de lui tourner à nouveau le dos et d'avancer vers Rubis.
L'aigle, quant à lui, fut imperméable à tout ce que le rôdeur tenta de lui dire. Son regard était fixé sur l'humanoïde qui s'avançait vers lui, et il semblait ne plus avoir conscience d'autre chose.

[Kasumi]

Il aurait dû s’en douter, davantage se méfier de cette inconnue tombée du ciel… Mais non, il n’avait fait qu’écouter son cœur et sa conscience : il était devenu bien trop tendre pour ce genre d’endroits, bien trop facile à duper. La « fille » était une envoyée de Pénombre, cela ne faisait plus aucun doute. Une mage tout aussi probablement. Une servante de l’ombre en tous cas. Il aurait pu l’attaquer, tenter de la détruire mais quelque-chose le poussait à ne pas le faire, une impression que ce serait inutile, qu’il ne disposait pas de quoi lutter contre elle. Que ce serait du temps perdu. Elle avait fait quelque-chose à Rubis, c’était une évidence. Il se précipita vers l’aigle avec le mince espoir que son contact puisse en partie briser l’enchantement dont il était victime. S’il ne semblait pas capable de répondre à son appel, à fuir d’ici, il se battrait. Son dernier recours.

Il eut une pensée morose : allait-il mourir ici, sur cette étendue de sable déserte ? Ta’sslan respecterait-il sa part du marché en sauvant Eärundra malgré son absence ? La druidesse pourrait-elle au moins retourner à Everaska pour avertir ses proches de sa fin, permettre à Sylvia de passer à autre chose. Elle l’avait déjà bien trop attendu par sa seule faute : elle ne méritait ça…

[Voyageuse]

L'aigle baissa la tête vers lui, un instant, en le voyant s'approcher. Il réagit à son contact en se reculant légèrement, prouvant qu'il n'était pas complètement coupé du monde. Mais inlassablement, ses yeux revenaient vers la jeune femme. Kasumi n'arrivait pas à atteindre son esprit, trop fuyant, le contact était ténu, flou, il sentait une présence entre eux. Le regard de l'aigle allait de l'un à l'autre.
- Laissez tomber, fit une voix sarcastique, plus aiguë encore que lors de ses paroles précédentes. Vous n'avez pas de véritable lien avec lui, il vous a déjà oublié. Mais c'est une belle prise pour mon peuple. On pourra en faire... quelque chose de grandiose, puissant, et infiniment utile...
La jeune femme -ou du moins la créature qui se dissimulait sous ses traits- s'avança d'un pas rapide vers l'aigle. Et l'aigle, en réponse, s'avança vers elle, détournant les yeux du rôdeur. Il était visible qu'elle comptait tout simplement se saisir de la lanière de cuir et s'envoler.

[Kasumi]

Alors - réagissant par instinct - pour protéger l'aigle en dépit du danger qu'il courrait maintenant lui-même, Kasumi dégaina ses épées en un mouvement fluide et frappa, en appelant en même temps au pouvoir de lumière d'Etincelle. Il doutait que cela changerait quoique ce soit en plein jour mais cette engeance s'était révélée, créature d'ombre de Pénombre. Il se devait au moins d'essayer de la combattre en mobilisant toutes ses forces...

[Voyageuse]

Effectivement, le sort de lumière de son épée ne faisait pas vraiment de différence. Mais l'attaque, en revanche, faillit bien surprendre la créature qui esquiva in extremis la lame du rôdeur, se jetant en arrière avant de rouler souplement au sol. Il vit ses yeux noirs étinceler de rage, et elle dégaina son arme. Une arme peu courante, constituée d'une chaîne cloutée avec des embouts en forme de piques, qu'elle maniait avec une dextérité redoutable et qui lui conférait une allonge supérieure. Peu habitué à ce genre d'arme, le rôdeur dut à Tymora d'esquiver la première attaque, et la chaîne qui devait s'enrouler autour de sa cheville ne rencontra que le vide. Mais déjà elle frappait à nouveau, visant son avant-bras, sans doute pour le désarmer. Il allait lui falloir apprendre très vite à deviner les intentions de son adversaire... et trouver un moment pour frapper. Car pour l'heure, hormis la première frappe, il n'avait fait qu'esquiver. il ne parvenait même pas à savoir si son adversaire portait une armure quelconque dissimulée sous ses vêtements, mais c'était peu probable vu la souplesse de ses gestes.

hrp : je te laisse décrire comment Kasumi progresse, petit à petit, et arrive à équilibrer le combat... et je ferai la conclusion

[Kasumi]

Aucune leçon de Hef n’aurait pu le préparer un adversaire aussi fuyant qu’une ombre, à la technique et à l’arme aussi chaotiques et imprévisibles. La chaleur qui accablait le rôdeur - réclamant des efforts pour chacun de ses gestes, chacune de ses esquives – ne semblait pas même affecter son adversaire. S’il s’était déjà battu en plein désert, il ne l’avait plus fait depuis des années et certainement pas contre un adversaire aussi puissant. Il ne pouvait pas se servir de son environnement pour équilibrer la lutte comme les rôdeurs et son expérience lui avait appris à le faire : ici, rien ne permettait de se dissimuler ou de faire obstacle aux lames cruelles du fouet, aucune végétation ne pourrait ralentir son adversaire ou restreindre ses mouvements. Rien n’y personne ne viendrait l’aider : Première Neige ne prendrait pas l’ennemi à revers pour attaquer ses jambes, Astrée ne ferait pas usage de son bâton pour détourner l’attention de son adversaire, Sylvia ne tirerait pas une flèche salvatrice pour rompre cet engagement défavorable. Ni les sorts de Tilmandil ou d’Eärundra ne lui seraient utiles. Certes – maigre contrepartie – il n’avait que sa propre vie à défendre, que sa propre vie en jeu à l’issue de ce combat trop déséquilibré. C’était trop peu. Sans doute.

Et pourtant il tenait bon, mobilisant chaque once de concentration pour ne faire qu’éviter des coups mortels, pour en réduire la portée. Chaque passe le rapprochait un peu plus d’une conclusion inéluctable : quand ses forces l’abandonneraient tout à fait, quand un retour de lame erratique surprendrait sa garde, il tomberait. Ici, seul dans ce désert, sinistre tombe indigne de sa déesse. Son âme trouverait-elle seulement le chemin de son royaume verdoyant alors que son corps se trouvait si loin de toute plante, de toute nature. Il était plus probable que même cela lui soit refusé et que les mages de Pénombre l’utilisent à leurs propres fins.

Il ne faisait que se défendre pour repousser un peu plus cette perspective atroce, pour échapper à la non vie contre laquelle il avait lutté si ardemment des années durant. Pour se laisser une dernière chance de dire à Sylvia combien elle était importante pour lui, combien elle l’avait été toutes ces années. Pour faire la paix avec son père aussi. Il avait cru pouvoir y parvenir, entouré d’un groupe destiné à le libérer de la malédiction. Mais il était seul à présent, bien loin de son objectif.

La créature – ou quoi que ce fut exactement – ne semblait pas assaillie par les mêmes doutes, bénéficiait d’une meilleure allonge, avait réduit à néant la meilleure chance de Kasumi en évitant son attaque surprise. Elle devait avoir conscience de sa supériorité autant qu’il avait lui-même conscience de n’avoir aucune chance. Son adversaire avait-il seulement des faiblesses ? Plusieurs minutes de combat ne lui en avaient pas donné l’impression. Alors il se battait avec l’énergie du désespoir, luttant pas à pas, tentant d’éloigner le monstre de Rubis avec la vague idée en tête que l’aigle pourrait peut-être se libérer de son emprise. S’il parvenait au moins à le sauver, sa résistance n’aurait pas été complètement vaine. Le rôdeur était contraint de ne faire que se défendre et de viser exclusivement le fouet lors de ses trop rares contre-attaques. Celui-ci se détendait trop vite et de façon trop imprévisible pour qu’il prenne le risque d’entrer durablement dans son champ d’action.

Plusieurs tentatives de le faire s’étaient soldées par de cuisants échecs et il se remémorait douloureusement cette journée lointaine où il avait dû affronter le prêtre loviate des esclavagistes qui avaient enlevé Astrée. Il avait bien failli mourir pour y parvenir, s’exposant aux blessures. Et cette fois encore il sentait le sang couler sous ses vêtements déjà maculés, accélérant à chaque seconde sa défaite si prévisible, inéluctable. Une mort inutile pour avoir voulu sauver un leurre… Un piège dans lequel il s’était jeté sans faire preuve de la prudence la plus élémentaire. Il en payerait bientôt le prix, ainsi que son père et ses amis. Il attendait maintenant à chaque instant le moment de délivrance où il ne sentirait plus la douleur, où il s’effondrerait sans même s’en rendre compte, comme cette journée au Palais de Luménis qui avait marqué la fin d’un tyran, la libération de tout un peuple.

HRP : désolé, je n'ai pas respecté les consignes mais j'ai trouvé plus logique de jouer ça comme ça et je trouve que ça ferait une belle fin !

[Voyageuse]

hrp : faut suivre l'inspiration quand elle vient ! Ca fait un beau post (bon, du coup je change un tout petit peu mes plans )

Le salut, inattendu, vint du ciel. Kasumi, mobilisant toute sa concentration pour esquiver les attaques de l'étrange arme de son adversaire, ne comprit pas tout de suite qu'ils n'étaient plus seul. Mais subitement, la lumière qui l'éblouissait décrut, comme si quelque chose s'était interposé entre le soleil et lui... et c'était manifestement le cas. L'ombre bienfaisante ne dura que quelques instants à peine perceptibles avant que la lumière et la chaleur le frappent à nouveau de plein fouet, et le contraste fut aussi déstabilisant pour lui que pour son adversaire... et même davantage pour celui-ci car il recula subitement, levant des yeux inquiets vers le ciel, laissant à Kasumi l'opportunité rêvée pour frapper de toute ses forces.
L'épée transperça le torse de son adversaire... et celui-ci s'écroula, tandis qu'un aigle, Opale selon toute évidence, se posait un peu plus loin, son cavalier se laissant glisser à terre.

[Kasumi]

Kasumi tint fermement son épée pendant un long moment, ne parvenant tout simplement pas à croire en ce dénouement pour le moins inattendu : Tymora devait l'avoir à la bonne tout compte fait et il lui dédia une prière silencieuse avant de retirer vivement son épée. Au soleil succédèrent immédiatement les étoiles alors que son corps tendu par le combat réclamait à présent son dû à cause de la chaleur intense ou de la trop grande perte de sang sans doute. Peut être était-ce même le soulagement d'avoir vu des renforts inespérés... C'est sur cette dernière lueur d'espoir qu'il s'effondra au sol, inconscient de son sang absorbé par le sable chaud.

[Voyageuse]

Il se réveilla avec une sensation de fraîcheur et d'humidité sur le visage. Il devina, avant même d'ouvrir les yeux, qu'il était à l'ombre, et détecta une odeur d'infusion inconnue.
- Ah, je vois que vous vous réveillez...
C'était la voix sifflante de Ta'sslan. Il mit quelques instants à la reconnaître et à réaliser qu'il était de retour dans son abri de sable.
- Vous avez eu affaire à un adversaire coriace... Une shadar-kaï, à ce qu'il m'a semblé. Je me demande ce qu'elle cherchait...
L'asabi s'approcha, s'encadrant dans son champ de vision.
- Vous avez l'air d'avoir bien récupéré. Comment vous sentez-vous ?
Effectivement, il était sonné par sa mésaventure, épuisé, mais indemne. Le druide l'avait sans doute soigné.

[Kasumi]

Kasumi sentait que sa gorge était sèche et il prit le temps de l'humecter avec le peu de salive qu'il lui restait avant de tenter de répondre. Il lui fallut cependant quelques secondes de plus pour reprendre contact avec la réalité. Le sens des premières paroles du druide lui avait échappé mais il s'entendit tout de même répondre d'un ton las :

- Merci pour votre aide. Sans vous nous serions morts ou pire. Elle voulait Rubis. Elle l'a envoûté... Est-ce... Est-ce qu'il va bien ?

Il tenta de se redresser sur un coude, d'ouvrir les yeux mais l'effort lui coûtait et il se rallongea, demandant d'un ton plus inquiet encore :

- Et pour Eärundra ? Est-ce que vous avez pu faire quelque-chose ?