La Couronne de Cuivre

L'ours ne bougeait pas d'un poil : il était bel et bien mort. En s'approchant, Kasumi vit la blessure à la cuisse gauche. Elle était probablement causée par une flèche, que l'ours avait arrachée, entraînant ainsi une hémorragie.
Il contourna l'animal avec prudence, tandis que Neige, moins circonspecte, le flairait brièvement avant de s'en détourner. Il s'était roulé en boule et une flaque de sang à demi séché s'étendait sous lui. Mais ce qui attira soudain l'attention de Kasumi, ce fut le haut de son corps : entre ses bras repliés, là où aurait dû se trouver sa tête, se trouvait un trou béant, encore sanguinolent.

Furieux par cette découverte, Kasumi prit quelques minutes pour recouvrer son calme avant d’adresser une prière à sa déesse comme pour contrer ce qu’il considérait comme une infâme profanation. Il avait la conviction qu’on avait laissé l’ours agoniser lentement – ce que la flaque de sang séché suggérait – puis qu’on avait cherché à prélever un trophée en lui coupant la tête. Et, pour ajouter à l’horreur de cette exécution, on avait simplement laissé la viande comestible à pourrir ce qui excluait encore un peu plus qu’un chasseur ait simplement cherché sa pitance.

Il ne pouvait plus rien pour l’ours ni même récupérer sa carcasse dans l’immédiat mais il se mit tout de même à chercher des traces de pas autour de son cadavre : peut-être apprendrait-il ainsi le nombre et la morphologie des profanateurs. Ensuite de quoi il demanderait à Première Neige de le mener jusqu’à la carcasse de sanglier qui avait été son repas de la veille. Il aurait alors l’opportunité de récolter d’autres indices sur l’identité de la personne à l’origine de ces perturbations de l’ordre naturel. S’il parvenait à y récupérer des flèches, il avait la certitude de pouvoir en apprendre beaucoup plus et notamment de les comparer à celles utilisées par les chasseurs du village.

Ce qui l’amenait à penser qu’il allait devoir s’entretenir discrètement avec le chef du conseil pour lui révéler ces premiers éléments inquiétants. Il formulait déjà deux hypothèses qui ne s’excluaient pas forcément mais qu’il faudrait confirmer sans éveiller trop de soupçons : soit un villageois s’en prenait aux animaux sauvages par crainte et par méconnaissance. Soit ils avaient affaire à un culte sombre que le cercle de pierres semblait corroborer.

Kasumi dut faire appel à tous ses talents de pisteurs pour trouver des indices aux alentours. La -ou les- personnes auteur de ce crime savaient à l'évidence se déplacer discrètement en forêt et dissimuler leurs traces. Mais l'oeil exercé de Kasumi lui permit de repérer quelques branches arrachées, des brindilles piétinées, vers la direction du sud-est et les profondeurs de la forêt.
En suivant la maigre piste sur quelques dizaines de mètres, il trouva l'empreinte d'une botte dans la boue. Les traces étaient trop infimes pour qu'il en tire des conclusions solides, mais il semblait qu'il n'y ait qu'une personne, ou peut-être deux, incriminées.
Quant à Première Neige, elle semblait quelque peu surprise qu'il s'intéresse à une carcasse où il n'y avait plus rien à manger, mais elle se souvenait parfaitement du lieu où elle l'avait laissée : c'était toutefois à bonne distance d'ici.

Kasumi hésita à s'y rendre tout de même mais il fallait bien reconnaître que son programme chargé ne lui permettait pas de perdre trop de temps sur une piste froide. Il se promit tout de même d'aller y faire une reconnaissance après son retour de Respelm et il mettrait le temps économisé à profit pour solliciter une brève entrevue avec le chef du conseil : il y avait apparemment des individus habitués à la forêt mais fort peu recommandables qui fomentaient des troubles.

Il n'avait encore que de maigres soupçons mais tous s'orientaient vers des adeptes de Malar ou d'autres dégénérés aussi dégénérés. Il prit en outre la décision de demander à Première Neige de l'accompagner pour que tous sachent qu'elle était son compagnon animal et non pas une bête sauvage qu'il faudrait chasser. Evidemment, il prenait un risque : celui de se heurter à l'incompréhension de certains villageois voire que le mystérieux tueur d'animaux se cache parmi eux mais le risque était encore plus grand qu'on le surprenne par hasard ou qu'on attaque sa louve par méconnaissance.

Son expédition lui avait pris du temps, et midi approchait lorsqu'il revint vers le village. Comme prévu, les coupes des bûcherons étaient désertes, les hommes attendant son feu vert pour retourner en forêt. On guettait d'ailleurs son arrivée : l'un des bûcherons se précipita pour prévenir le chef du conseil, et on l'invita à se rendre dans la bâtisse communale où, apparemment, il l'attendait. Lorsqu'il franchit les portes du village, il y eut cependant quelques regards curieux vers sa louve. Puis des regards franchement inquiets. Mais personne n'osa rien dire.
Nulle trace de Sylvia, bien sûr : elle devait rester allongée.

Kasumi demanda à sa louve de l'accompagner jusqu'à la maison communale et la caressa au vu de tous pour montrer qu'elle n'était pas dangereuse avant de lui demander de l'attendre juste devant l'entrée : cela dissuaderait certainement des interruptions inopportunes du court entretien qu'il prévoyait d'avoir avec Bertrand. Il entra sans s'attarder davantage, la mine un peu sombre sans doute mais il n'arrivait pas à s'ôter de la tête les récents massacres gratuits et cruels dont avaient été victimes plusieurs animaux sans doute paisibles. Par ignorance ou par maléfice, cela restait à déterminer.

Personne ne semblait vouloir s'approcher : les yeux restaient fixés sur la louve, inquiets. Tous firent mine de retourner à leurs occupations, mais il était clair qu'ils gardaient un oeil sur la porte qu'il s'apprêtait à pousser. Il sentit que Première Neige n'était pas très rassurée de se trouver ainsi exposée aux regards, qu'elle aurait largement préférer retourner en forêt. Mais elle obéit sans rechigner.

Il était attendu : Bertrand se leva immédiatement pour l'accueillir.
" Alors ? Vous avez trouvé quelque chose ?..."

Kasumi avait laissé la porte ouverte pour que sa louve puisse sentir sa présence toute proche et le rejoindre en cas de mouvement de panique chez les villageois. Malgré tout soulagé que cette révélation ne se soit pas si mal passée, il serra la main de Bertrand avant de lui livrer son rapport d’un ton grave :

- La bonne nouvelle pour vous est que l’animal qui a effrayé vos concitoyens ne représente plus de danger pour les bûcherons de la communauté : j’ai retrouvé l’ours déjà mort…

Il marqua une pause pour laisser au chef du conseil le temps d’assimiler cette information qu’il attendait certainement avec impatience mais il reprit avant qu’il ne puisse exprimer son soulagement :

- En revanche, j’ai bien peur que ce genre d’attaques ne se reproduise à l’avenir : j’ai la conviction que l’ours et au moins un autre animal sauvage ont été blessés volontairement. Dans le but de les faire souffrir et sans doute qu’ils attaquent les bûcherons.

Une nouvelle fois, il laissa le temps de digérer cette hypothèse avant de devancer les questions bien naturelles de son interlocuteur :

- Je m’avance dans mes conclusions et il faudra que j’enquête encore à mon retour de Respelm mais j’ai découvert plusieurs indices qui vont dans ce sens : les deux bêtes ont été blessées par un archer et ont agonisé plusieurs heures sans que la viande ne soit récupérée. En outre, leurs carcasses ont été profanées pour récupérer des trophées. Et il y a aussi ce cercle de pierres dressés que Sylvia et moi avons découvert il y a deux jours : un endroit qui a peut-être servi à de sombres cérémonies.

Bertrand Dupuy resta silencieux un moment, le front plissé, digérant la nouvelle.
" Ah..., finit-il par dire, cherchant ses mots. Vous pensez... à un culte... ou peut-être à des personnes malintentionnées qui en voudraient au village, alors, en poussant des bêtes à nous attaquer ? Mais qui viendraient d'où ? Nous ne voyons guère passer de monde, vous savez. Il y a Respelm, pas très loin, ou le bas,mais j'imagine mal leurs habitants s'en prendre à nous..."
Il soupira.
" Ça ne tient pas debout, tout ça... Vous êtes sûr de ce que vous avancez ? Les bêtes auraient pu être simplement blessées par un chasseur mais réussir à fuir ? C'est quoi, cette histoire de trophée ?"

Kasumi s'était bien évidemment attendu à ce que le chef du conseil et il reprit d'un ton calme et posé qu'il espérait convaincant :

- Je comprends vos doutes mais il y a bien des forces sombres à l'œuvre à la lisière de la Forêt Maudite : peut-être le village n'est-il pas visé et je n'ose que l'espérer mais il y a bien trop longtemps que les gardiens sylvestres ont déserté ces lieux... Mais parlons concret : le tueur a décapita l'ours que j'ai retrouvé. Il était déjà mort depuis plusieurs heures à ce moment à en juger par le sang qu'il a perdu par sa blessure initiale. Et ma louve a trouvé un sanglier ayant reçu plusieurs flèches. Les deux animaux étaient mortellement touché mais à des endroits où leur agonie serait lente et n'importe quel chasseur digne de ce nom s'en serait rendu compte.

" Oui... enfin... ça pourrait aussi être un chasseur qui a mal visé et manqué sa cible, non ? Il aurait blessé l'animal mais pas assez grièvement ? Et l'animal se serait enfui ensuite ? Enfin, je dis ça... mais n'y connais rien en chasse. Et cela dit, ça n'explique pas la tête coupée... Mais au moins, je suis certain que ce n'est pas un chasseur d'ici : on l'aurait vu, s'il avait ramené ce genre de trophée !"
Il soupira, puis secoua la tête.
" Que voulez-vous dire en parlant de gardiens sylvestres ?", questionna-t-il finalement avec curiosité.

Kasumi avait secoué la tête : il était toujours possible que la mort des animaux soit imputable à un villageois paniqué mais cela n'expliquait pas tous les éléments de son point de vue. Il ne pouvait pourtant guère faire plus que d'appeler Bertrand à une certaine vigilance le temps de réunir des indices plus tangibles. Mais la question du chef du conseil lui changea agréablement les idées et le fit même sourire :

- Parfois, les bosquets druidiques sont défendus par des gardiens puissants de ma déesse comme des dryades ou même des sylvaniens. Mais je songeais aussi à de simples rôdeurs comme Sylvia et moi-même le sommes.

" Je n'ai jamais entendu parler de sylvanien ou de dryade dans les environs, répondit son interlocuteur, guère convaincu. Mais effectivement, nous avions un rôdeur. Et une prêtresse de Mielikki, il y a longtemps. Nous n'avons plus grand-monde pour nous prémunir des dangers de la forêt, désormais, à part les quelques chasseurs du village... Mais ils restent en bordure. Comme vous le dites, il y a trop de forces maléfiques dans ces bois, même si nous n'avions pas conscience du genre de menace que vous évoquez..."
Il soupira.
" Je vous remercie en tout cas de m'avoir prévenu. Je vais indiquer aux bûcherons qu'il n'y a plus de risque dans les environs..."

Kasumi se contenta cette fois de hocher la tête avant de demander à Bertrand de garder pour lui ses révélations tant qu'il ne serait pas parvenu à les étayer. Il avait maintenant l'intention d'aller voir Sylvia pour la tenir au courant et lui dire au revoir avant son départ pour Respelm avec Ombrage et Première Neige : il ne pourrait malheureusement pas s'attarder autant qu'il l'aurait voulu car le temps filait à toute vitesse et il valait mieux qu'il atteigne la ville avant la nuit.

Sylvia était allongée dans son lit, la fenêtre grande ouverte comme pour faire rentrer dans la pièce le parfum de la forêt toute proche. Elle se redressa en le voyant approcher, souriant largement.
" Ah, te voilà enfin ! Martha m'a dit qu'elle t'avait vu traverser le village pour aller à la maison commune. Tu as trouvé quelque chose ?"

Kasumi s'assit sur le bord de son lit pour la dissuader de se lever et lui sourit avant de répondre d'un ton calme, essayant de ne pas l'inquiéter outre mesure étant donné l'épreuve qu'elle traversait et sa frustration de ne pas pouvoir l'accompagner :

- J'ai retrouvé l'ours, oui. Mais je n'ai malheureusement rien pu faire pour lui : il avait déjà succombé à ses blessures. Il avait reçu une flèche à la patte comme nous le soupçonnions.

" Oh... Pauvre bestiole..."
Elle soupira. La version donnée par Kasumi était cependant très édulcorée, trop pour qu'elle puisse s'inquiéter davantage de l'événement.
" Bah, j'imagine que les chasseurs iront récupérer la peau maintenant, la viande peut-être... Et là, tu pars à Respelm ?"

Il ne voulait rien ajouter qui pourrait l'inquiéter avant son retour aussi ne lui donna-t-il pas de détails : il serait toujours temps de le faire à son retour surtout si le phénomène persistait. Il se pencha pour lui embrasser le front et lui sourire :

- Oui : si je pars maintenant, je pourrai certainement être rentré demain en milieu d'après-midi.

Mieux valait s'accrocher à cette pensée positive que de faire de son absence toute une histoire...

Elle sourit.
" J'espère ! Ce serait chouette..."
Elle avait les traits tirés, le teint un peu pâle, et les conseils de l'ex sage-femme semblaient parfaitement justifiés : il lui fallait du repos, c'était évident.
Mais ses yeux brillaient néanmoins d'espoir et d'impatience lorsqu'elle l'attira à elle pour l'embrasser à son tour, goulûment et passionnément... très passionnément, même.
" Ça, c'est pour que tu sois pressé de revenir à mes côtés, murmura-t-elle d'une voix un peu rauque en le relâchant enfin. Mais file vite..."

Il devait bien reconnaître que le baiser lui avait fait de l'effet mais il n'était pas raisonnable de s'attarder. Sa voix était tout aussi rauque que celle de sa compagne quand il répondit tout en se dirigeant déjà vers la porte de la chambre :

- A demain mon adorée ! J'ai déjà hâte d'y être moi aussi !

Il restait désormais à récupérer ses vivres auprès de Martha puis de se mettre en route bien que ce soit pour lui étrange et difficile d'avoir à le faire seul.

Martha avait préparé quelques provisions pour le rôdeur, qui seraient suffisantes pour les deux repas de midi, présumant sans doute qu'il logerait à Respelm durant la nuit et n'aurait pas besoin de davantage de ravitaillement.
" Bonne route, lui glissa-t-elle en lui tendant le sac de toile. Et ne vous en faites pas, je veillerai sur votre compagne !"
Première Neige l'attendait dehors, sous les yeux méfiants des villageois, et Martha lui jeta un regard tout aussi méfiant, mais ne fit aucun commentaire. Il nota que les enfants, sans doute sermonnés par leurs parents, se tenaient soigneusement à l'écart de la louve.
" C'est... un loup ? Ou une race de chien particulière ?", l'interpella un villageois alors qu'il se dirigeait vers la sortie du village.

Kasumi se retourna sur sa selle vers le villageois qui l'avait interpelé et répondit d'un ton calme et sans chercher à tergiverser :

- C'est une louve et ma compagne animale depuis des années : vous n'avez rien à craindre d'elle.

Il se tourna vers Première Neige qui s'était approchée de sa monture, manifestement soulagée de quitter la petite communauté humaine qui la mettait mal à l'aise.

L'homme grimaça, guère convaincu par les paroles du rôdeur, mais il n'insista pas et s'éloigna. d'autres le rejoignirent, et une petite discussion entre eux s'ensuivit: sans doute leur expliquait-il ce qu'il en était de la louve.
Première Neige, quant à elle, se mit à trottiner avec entrain sur le petit chemin de terre battue qui s'éloignait vers le sud-ouest. Il était parallèle à la lisière de la forêt, toute proche, à une centaine de toises seulement.

Kasumi ressentait d'autant plus durement l'absence de Sylvia à ses côtés que cette escapade vers Respelm s'apparentait à une agréable promenade dans un milieu champêtre. Il faisait grand beau, il y avait la forêt toute proche et sa louve gambadait non loin : en somme, il ne manquait que sa belle fiancée pour qu'il se sente parfaitement heureux. Mais il se rassura en songeant qu'il serait de retour dès le lendemain si tout se déroulait comme prévu en chemin.

Assuré que Première Neige était bien remise de sa blessure et ne se laisserait pas distancer, il laissa Ombrage piquer une petite pointe de vitesse quand ils se furent éloigné du hameau.

La route était étroite et mal entretenue, preuve qu'elle était certainement très peu empruntée. Il était probable que la proximité de la forêt maudite ait découragé des communautés humaines de s'établir dans le secteur. Il y avait néanmoins quelques champs cultivés, quelques troupeaux, une ou deux cabanes, des bergeries parfois en ruines, jusqu'à une bonne distance du village. Puis ce furent des étendues de jachères et de landes, pendant un moment, avant que quelques champs annoncent le retour de la civilisation alors qu'il en était à la moitié du parcours : il découvrit un petit hameau, à un bon kilomètre de la forêt et la route faisait un crochet pour le traverser. Des enfants le regardèrent passer, médusés, sous l'oeil tout aussi surpris de leurs mères. Des paysans, dans les champs alentours, se redressèrent pour l'observer. Certains le saluèrent d'un signe de la main, mais discrets, ils ne cherchèrent pas à l'aborder.
Puis, les champs se raréfièrent à nouveau, entrecoupés de bosquets et de taillis, de landes herbeuses. Une cabane abandonnée, près de la forêt. Quelques pierres évoquant une tour en ruine. Et, à nouveau, des traces de civilisations. Un champ de maïs, un autre de blé. Le soleil baissait à l'horizon, il était l'heure de dîner mais Respelm n'était toujours pas visible. Il se souvenait néanmoins que la prêtresse habitait bien avant le village.

Mais il ne savait guère si elle avait élu domicile au bord du chemin. Toutefois, il ne s'inquiétait pas trop : d'une part il pourrait toujours demander où elle habitait - si tant est qu'elle soit toujours vivante - au premier paysan ou bûcheron qu'il croiserait et d'autre part il ne doutait pas de pouvoir arriver à Respelm avant la nuit noire si jamais il ne rencontrait personne avant cela. Il demeura toutefois attentif à la moindre construction qui pourrait donner l'impression d'âtre habité et aussi à la lisière la forêt : il n'était pas rare que des animaux sauvages en sortent à l'approche de la soirée alors autant ne pas se laisser stupidement surprendre.

Avec l'approche du soir, Première Neige était parfaitement à son aise. Plutôt que de courir sur la route, elle avait préféré suivre une trajectoire parallèle, côté forêt, un peu en avant, et sa position lui permettait de repérer d'éventuelles bêtes sauvages avant même que Kasumi ne puisse les voir.
Au fur et à mesure qu'il se rapprochait de Respelm, des signes de vie humaine apparaissaient. Trois ou quatre bergeries et cabanes perdues dans la campagne -l'une d'elle pouvait servir d'habitation à la prêtresse-, quelques troupeaux aussi, mais l'heure tardive expliquait sans doute qu'il ne croise aucun humain au-dehors. Il commençait à apercevoir à l'horizon -ou plutôt à deviner- la petite éminence sur laquelle était perché le village. Il y serait dans une heure sans doute, et il savait où demander l'hospitalité. Il pouvait s'y rendre directement, ou décider d'aller frapper au hasard à la porte d'une cabane, avant le village, en espérant y trouver un berger susceptible de le renseigner. A l'heure qu'il était, il faisait malheureusement encore trop clair pour qu'il puisse apercevoir, de loin, la lueur éventuelle d'une bougie indiquant une présence.

Kasumi opta toutefois pour une attitude prudente : il pouvait tout aussi bien prendre ses renseignements au village et rencontrer la prêtresse le lendemain plutôt que de s'inviter à l'improviste en donnant l'impression de réclamer le gîte et le couvert. Non, il préférait prendre une chambre à l'auberge locale et y demander si la prêtresse était toujours en vie plutôt que chercher une aiguille dans une botte de foin. A bien y réfléchir, il n'y perdrait pas vraiment de temps et pourrait se coucher tôt pour se mettre en route dès l'aube.

Le soleil déclina, puis disparut à l'horizon. Quelques lueurs apparurent dans l'une ou l'autre cabane isolée. Il faisait clair encore, la vue portait loin, et il vit peu à peu apparaître devant lui la palissade de bois qui entourait Respelm. Il se souvenait bien du village, même si son dernier passage commençait à dater un peu.
Il était probable que le clerc Lathandrite se souvienne tout aussi bien de lui et des services qu'il avait rendus à la communauté, et accepte de l'héberger pour la nuit. A moins qu'au cours de l'année écoulée, une auberge se soit miraculeusement ouverte au village, ce qui était, à la réflexion, plutôt improbable.

Quête : Mission

Ce n'est qu'à la nuit tombée que Kasumi parvint enfin à destination. Franchissant l'une des larges portes ouvertes dans la palissade, il trouva le village à demi endormi, chacun cloître dans sa maison. On devinait la lueur des bougies derrières les rideaux, et l'air sentait bon la soupe du soir.
Ombrage ne se fit pas prier pour rejoindre le carré communal, mais le rôdeur dut encore le bouchonner et lui verser un peu de grain avant de pouvoir se diriger enfin vers la maison de Martha.
Celle-ci ouvrit la porte avant même qu'il ne s'annonce. Elle avait probablement entendu ses pas sur le gravier.
" Vous voilà enfin !
- C'est lui ? questionna une voix bien connue depuis leur chambre.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Peyregorde