La Couronne de Cuivre

Compte tenu de la bonne vue des gobelins dans le noir, c'était peut-être un peu risqué de les abattre sur la rive. Mais peut-être pouvaient-ils se permettre de les laisser s'en écarter quelque peu, et pénétrer entre les maisons, avant de leur régler leur compte. De la même manière, détacher les quatre cordes paraîtrait sans doute un peu étrange...
Mais Taliesin, invisible, put en détacher une première, qui s'effondra sous le poids de son gobelin et celui-ci fut aussitôt emporté par les flots de la rivière. Plus loin, une des flèches se délogea de son arbre et le même destin échut à son funambule. Enfin, un des promeneurs glissa en cours de traversée et tomba dans l'eau, si bien qu'un seul d'entre eux parvint sur la rive opposée. Mais déjà on bandait de nouveaux arcs et de nouveaux grimpeurs empruntaient les deux cordes survivantes.
L'éclaireur grommela quelque chose, fit des gestes belliqueux à l'intention de son clan resté de l'autre côté, et entreprit de longer la façade arrière de la maison de gauche, pour rejoindre discrètement les réjouissances.

Espérer juguler le flot des éclaireurs serait une illusion : ils en enverraient cinquante si cinquante leur semblaient nécessaire, tandis que lui-même resterait tout seul.
Bref, restait une unique solution : abattre lesdits éclaireurs quand ils seraient dissimulés aux regards, derrière ou entre les bâtiments.
C'est donc ce qu'il entreprit de faire avec le premier, espérant qu'il pourrait s'en charger avant que les autres ne débarquent.

Vu son invisibilité, pister puis abattre le gobelin fut un jeu d'enfants. Il se glissa dans son ombre, le transperça proprement de sa lame, puis le laissa glisser dans l'herbe. Un jeune villageois dégouté vint l'aider à se débarrasser du cadavre : ils le jetèrent à l'intérieur d'un appentis, puis revinrent en arrière pour réceptionner l'éclaireur suivant. Une troisième corde avait été tendue, mais elle penchait bas sur la rivière et le gobelin qui l'escaladait était balloté par les flots. Soudain, une bûche voyageuse surgit de l'amont et le frappa dans les côtes. Il fut, à son tour, emporté par le courant.
" Plus que nonante-six." dit le fermier à côté de lui.
Un nouveau gobelin avait mis pied à terre sur la rive. De l'autre côté, le chef vociférait en agitant sa hache. Quatre gobelins étaient revenus, transportant... une porte, qu'ils jetèrent sur la rivière. Elle fut aussitôt emportée, ce qui parut beaucoup les surprendre.

Qu'ils perdent donc du temps tout en continuant à leur envoyer des éclaireurs : cela leur permettait de diminuer leur nombre sans grand risque. Quant à ce que penseraient les gobelins du non-retour de leurs envoyés... Bah, il s'agissait de créatures indisciplinées : elles avaient pu trouver à boire, à manger, à assassiner une personne isolée et oublier leur mission première.
Le tout était de rester concentré et efficace.

Le barde put occire un seconde éclaireur sans trop de mal, tandis qu'un des jeunes gens du village, — le porcher, si ses souvenirs étaient exacts — en assommait un troisième. De l'autre côté, les gobelins étaient revenus avec une seconde porte, et cette fois, ils la mirent sur l'eau tout en la maintenant avec des cordes. Cinq ou six gobelins sautèrent à son bord, certains avec des pelles en guise de rames. Ils lâchèrent leurs amarres et furent aussitôt emportés par le courant. Ils eurent beau ramer de toutes leurs forces, la Sylvestre les emporta. Cette vision remplit leur chef de rage. Il donna des ordres et une dizaine de gobelins filèrent dans le village. Leurs rangs s'écartèrent à nouveau et de gros loups aux allures de sanglier firent leur apparition. Au nombre de trois, ils avaient l'air suffisamment costauds pour se défier de la rivière et parvenir à nager jusqu'à l'autre rive. Deux gobelins enfourchèrent le premier tandis qu'il s'approchait de l'eau en grognant. Derrière lui, une bande revint avec... une barque, cette fois. Apparemment, les villageois avaient dû en oublier une quelque part, à moins qu'il se fut agi d'un butin ramené de la Bergeronnette.

Peu importait la cause : restait le résultat qui était très, très problématique.
Expliquant ses intentions aux premier villageois qu'il croisa et lui demandant de faire en sorte que lui et les autres continuent à éliminer les gobelins isolés qui prendraient pied sur la rive, lui-même se rapprocha discrètement de la rivière. Il n'était pas possible de laisser traverser trop d'ennemis avant que le gros des troupes n'ait embarqué, sous peine de voir leur piège éventé : il fallait donc intervenir. Et si les troncs d'arbres des elfes ne suffisaient pas, il devrait recourir à des invocations.

Mais il semblait bien que les gobelins n'étaient pas prêts de trouver une solution pour traverser en masse. Chaque fois que l'un d'entre eux descendait de la corde, un autre montait. Huit gobelins grimpèrent dans la barque. Le premier warg, affublé de deux cavaliers, sauta dans l'eau. Pour la première fois, un des gobelins éclaireurs, loin de s'enfoncer dans le village, demeura sur la berge. Peut-être avaient-ils décidé de se rassembler, finalement, avant de pousser l'exploration...

Si tel était le cas, leur plan serait tout simplement ruiné.
Mais ils n'avaient absolument aucun moyen d'action : tuer les gobelins sur la berge, c'était être repéré, c'était donc aboutir au même résultat.
Il fallait donc attendre, croiser les doigts pour qu'un petit groupe facile à éliminer s'engage entre les bâtiments.
Dans le cas contraire, il faudrait combattre sans tarder. Peut-être les créatures croiraient-elles qu'on avait posté des guetteurs pour que les autres habitants puissent s'amuser en toute quiétude. Et même s'ils voyaient clair dans leur jeu, peut-être que cela ne ferait qu'accroître leurs ardeurs belliqueuses et leur désir de traverser.

Le warg avait commencé à nager en travers de la rivière, lorsqu'une série de branches dévalèrent à nouveau le courant et le heurtèrent. Il poussa un cri furieux, attrapa l'une des branches et la secoua violemment, frappant un de ses cavaliers qui tomba à l'eau. Les gobelins dans la barque se mirent à l'invectiver avec violence et à lui lancer de l'eau, manquant déséquilibrer leur embarcation. Sur la rive, quatre autres venaient de jeter une grande armoire sur l'eau ainsi qu'une table. Les deux meubles parurent flotter et embarquèrent à nouveau cinq ou six gobelins. Plus les cavaliers des deux autres wargs, il y eu bientôt une vingtaine de gobelins sur l'eau. Sans doute serait-ce le maximum qu'il y en aurait en une fois. Sur la berge, ils étaient désormais quatre à encourager leurs compagnons.

Cela faisait déjà un nombre conséquent...
Un nombre qui, lui semblait-il, justifiait l'apparition inopinée de Marsouins célestes.
Aussi incanta-t-il discrètement, espérant que la manoeuvre rendrait la traversée un tantinet plus difficiles pour leurs horribles envahisseurs.

Taliesin --> Convocation de monstres III

Les marsouins, au nombre de quatre, apparurent dans la rivière un peu en amont des gobelins. L'effet de surprise fut total. Un des cétacés éperonna le warg le plus proche, l'envoyant valser dans l'onde avec ses cavaliers. Un second renversa la table. Les deux derniers s'attaquèrent à la barque, avec la même idée. L'armoire, de son côté, s'était prise dans quelque chose, sans doute le chariot démantibulé que les paysans avaient jeté à l'eau. Bref, pour l'heure, les gobelins ne progressaient plus, mais sur la rive, on était en train de bander ces petits arcs aux flèches noirs en nombre : nul doute que les marsouins seraient rapidement hérissés de traits et que leur valeureux combat prendrait fin.
La femelle gobelin s'était aussi mise à incanter, gesticulant comme si elle était possédée, en secouant ses nombreux colliers et bracelets d'os. Impossible de savoir ce qu'il en résulterait.

La situation était terriblement frustrante : il aurait pu, d'une flèche bien ajustée, éliminer la chamane, mais le faire aurait signifié la ruine de leur plan. Il n'avait donc d'autre choix que de s'abstenir. S'abstenir et continuer sur la même lancée : gêner discrètement les gobelins qui essayaient de traverser tout en comptant sur les villageois pour se débarrasser de ceux qui pourraient finir par se glisser entre les bâtiments.
Voilà qui réclamait du sang-froid, pour le moins...

La gobeline tapa du pied et dressa les mains au-dessus de la tête, avant d'être entourée d'une énergie noire, qu'elle projeta vers l'eau. Quelque chose de noir se mit à se mouvoir sous la surface et l'un des marsouins fut subitement soulevé hors de la rivière, entouré par des tentacules visqueux, puis projeté sur la rive opposée où il percuta une façade avec un bruit sec. Trois des gobelins qui avaient traversé se ruèrent sur lui pour le larder de coups d'épée et la malheureuse créature demeura inerte. Les gobelins en profitèrent pour se repaître de sa chair crue.
La pieuvre noire alla ensuite porter secours à la barque, que les marsouins peinaient à renverser car ils se prenaient des coups de rame et les flèches pleuvaient désormais. Cela dit, vu le mouvement et la maladresse des archers, plusieurs gobelins furent touchés. Taliesin eut même l'impression que parmi les flèches noires se glissaient d'autres flèches, plus meurtrières, mais passant inaperçues dans la multitude. Sur les huit gobelins de la barque, quatre furent tués. Un de l'armoire périt aussi, et un autre sur sa corde. Si bien que le chef donna l'ordre de cesser de tirer.
En dérivant la table qu'avait renversé un des marsouins s'était accrochée dans une corde et l'arracha, entraînant son arpenteur dans la rivière. La pieuvre se chargea des derniers combattants de Taliesin. L'un d'entre eux flottait déjà vers l'aval, criblé de flèches. Les deux derniers furent attirés vers le fond où ils ne tarderaient pas à se noyer. Aidée par les tentacules de la bête, la barque atteignit la rive opposée et les quatre survivants gobelins montèrent rejoindre leurs quatre compagnons. Ils étaient désormais huit. Et dévorer le marsouin mort demeura leur priorité.

Il était heureux que les gobelins soient à ce point maladroits et désorganisés. Sans quoi la bataille aurait déjà été perdue. En fait, elle l'aurait été avant même d'avoir débuté.
Pour autant, la situation lui semblait toujours aussi hasardeuse...
Pas d'autre choix que de continuer comme jusqu'à présent : avec discrétion. Même si le groupe de gobelins ayant pris pied sur la rive risquait de devenir sous peu problématique...

Les gobelins terminèrent de manger le marsouin et tournèrent alors leur attention vers le porc qu'on avait installé dans l'enclos voisin, pour les attirer. Il paraissait clair qu'ils allaient sous peu le découper et le dévorer. La bête elle-même émit des couinements effrayés.
La barque avait été ramenée vers l'autre rive par la pieuvre qui semblait désormais satisfaite d'agir comme un gardien sinistre dans la rivière. Huit nouveaux gobelins embarquèrent. Il restait deux cordes qui furent empruntées : les assaillants avaient renoncé à en tirer pour remplacer celles qui s'étaient rompues. Les wargs progressaient, eux aussi, et un premier d'entre eux grimpa sur la berge, truffe au vent. Sans doute pourrait-il rapidement percevoir la présence odorante des villageois embusqués. Quelques branchages dévalèrent à nouveau la rivière, heurtant l'un des wargs, mais sans dommage. L'armoire, par contre, était toujours bloquée, au grand dam de ses matelots improvisés.

Bon et bien, c'en était fini de leur plan improvisé à la hâte. Il leur avait permis d'éliminer une infime poignée d'ennemis, ce qui était toujours bon à prendre, mais n'avait plus de sens à présent, alors qu'un nombre sans cesse croissant de gobelins traversaient, qu'ils bénéficiaient du soutien d'un waqrg, qu'une créature aquatique avait totalement sécurisé leur traversée..
Alors puisque la mise en scène était tombée à l'eau, puisque agir avec discrétion n'avait absolument plus aucun intérêt, il banda son arc, visa et tira sur la prêtresse gobeline. Avec un peu de chance, sa disparition entraînerait celle de la pieuvre, ce qui leur laisserait le temps d'éliminer la troupe qui avait déjà franchi la rivière avant que le reste de leur multitude grouillante n'arrive.

Au moment où Taliesin lâcha sa flèche, un incident se produisit sur la berge. Le porcher, sans doute effaré par la situation précaire de son porc, chargea la petite bande de gobelins, gourdin à la main. Il eut le temps d'en percuter un en pleine tête, avec un craquement de bon aloi, mais les sept autres se retournèrent aussitôt vers lui, épées courtes à la main.
Le trait du barde, cependant, avait filé dans l'air noir et rencontré sa cible : la prêtresse eut la gorge transpercée de part en part, et s'écroula dans un gargouillis. Comme l'avait espéré Taliesin, la pieuvre disparut aussitôt, libérant la barque qui dériva. Les gobelins à son bord commencèrent à ramer à contre courant mais heurtèrent un warg qui but la tasse. Si la créature surnagea, ce ne fut pas le cas de ses cavaliers. L'armoire était toujours coincée, un tronc plus imposant parut et l'explosa en mille esquilles, envoyant ses six passagers à la rivière.
Le chef gobelin hurla de rage. Une vingtaine d'archers prirent position. Les flèches allaient incessamment pleuvoir.

Tant pis pour le porcher : il aurait bien voulu l'aider mais... D'une part c'était sans doute déjà trop tard, d'autre part il y avait beaucoup, beaucoup plus urgent que d'essayer - probablement en pure perte - de sauver la vie de quelqu'un ayant agi comme le dernier des imbéciles.
Leur seule et unique chance de s'en tirer résidant dans la désorganisation de la horde, c'est bien son chef qu'il tenta de prendre pour cible.

Cette fois, le coup ne porta pas, pour la bonne et simple raison que Taliesin dut se mettre à couvert pour ne pas être pris dans le mur de flèches qui descendait désormais du ciel. Pour le reste, il avait vu juste : le porcher fut massacré en quelques secondes à peine, tout comme son précieux cochon. Les gobelins présents sur la berge fuirent ensuite entre les maisons, pas tellement dans un but belliqueux mais surtout parce qu'ils étaient eux aussi la cible des tirs de leurs alliés, qui semblaient n'avoir aucune intention de viser. Deux d'entre eux ne furent d'ailleurs pas assez rapides.
Les hommes postés sur les toits étaient en sécurité, mais ceux qui étaient à terre se replièrent entre les maisons. Il était de toute façon nécessaire de prendre le groupe de gobelins en chasse. Le warg, blessé de deux flèches amies, en prit une troisième en travers de la gorge, tirée depuis un arbre de la rive d'en face. A nouveau, les gobelins parurent ne pas réaliser que d'autres tireurs profitaient de leur attaque pour y glisser leurs propres traits.

L'avantage de cette situation chaotique à souhait, c'est qu'il ne servait absolument à rien de réfléchir, d'élaborer de grandes stratégie, de maintenir une stricte organisation : il fallait agir, voilà tout, et en l'occurrence éliminer les gobelins qui s'étaient repliés entre les maison.
C'est donc ce qu'il s'efforça de faire. Si les villageois à terre ne se comportaient pas aussi stupidement que le défunt porcher, ils avaient des chances de venir à bout de l'adversaire sans subir de nouvelle perte.

Les gobelins fuyaient de manière désorganisée, aussi les villageois et le barde parvinrent-ils à leur régler leur compte. Les créatures reçurent de la caillasse sur la tête, l'un un coup de fourche, l'autre un coup de pioche, et Taliesin en décapita un pour terminer son mouvement dans le ventre d'un autre, d'un geste fluide que n'aurait pas désavoué Gérard de Berge. Ils avaient désormais tué plus d'une quarantaine de gobelins, en comptant tous ceux que la rivière avait emportés. Les flèches avaient cessé de pleuvoir sur la berge mais le chef gobelin donnait des ordres gutturaux et furieux, on les entendait jusque là...
" En fait, on arrive à tenir notre rive..." remarqua Marcelin, d'un ton stupéfait.

Il lui dédia un sourire encourageant.
-Et nous continuerons à la tenir. Le tout est de rester concentrés, de continuer à agir comme nous l'avons fait jusqu'ici. Et s'ils venaient à passer plus nombreux la rivière, il ne faudrait pas paniquer : le capitaine, ses hommes et moi-même passerions simplement à la vitesse supérieur. Mais songez que nous en avons déjà éliminé plus d'un tiers, dont leur lanceuse de sorts.
C'est sûr que présentée comme ça, la situation paraissait tout de suite moins désespérée.

Les gobelins s'étaient repliés sur la berge opposée. Pour l'heure, plus aucun d'entre eux ne tentait la traversée. Les deux wargs étaient remontés sur la rive, et la barque était rangée le long du quai. Les créatures avaient reculé dans le village, tenant probablement conseil. Une dizaine d'archers étaient cependant restés en arrière et surveillaient la berge où gisaient leurs congénères, le porcher et son animal...

Il conseilla aux villageois de rester à leur poste, de demeurer vigilants et, de temps à autre, de jeter un regard vers l'aval : qui sait, en effet, si les gobelins, saisis d'un brusque accès d'intelligence, ne décideraient pas de traverser la rivière dans cette direction, la jugeant plus abritée ? Ils pourraient également opter pour l'amont mais celui-ci était surveillé par les elfes.
En dehors de cela... Attendre, guetter.

Les berges étaient touffues et si les gobelins décidaient de traverser en aval, il serait très difficile de s'en rendre compte avant qu'il ne soit trop tard, à moins d'envoyer des villageois patrouiller les rives. Mais comme ils n'y voyaient pas grand chose, sans doute était-ce inutile : Taliesin était le seul à vraiment pouvoir percer les ténèbres, du moins de leur côté de la rivière.
On entendit alors des craquements du côté opposé et un arbre proche de la rive s'agita.
" Ils vont l'abattre, murmura un des villageois. Ça va leur faire un pont..."
Un second arbre, plus à droite, se mit également à s'agiter au rythme d'un son régulier et mat.

Et malheureusement, ils ne pouvaient rien y faire, à moins que les troncs lâchés par le capitaine et ses hommes suffisent à les déplacer.
-Et bien, nous passerons à la vitesse supérieure pour les accueillir, voilà tout, dit-il, d'un ton empreint d'une tranquillité qu'il n'éprouvait pas le moins du monde. Je me positionnerai près de leur point d'arrivée et je leur décocherai des flèches : vu qu'ils seront en file indienne, ça ne devrai tpas être trop dur.

Un premier arbre s'abattit au bout d'une dizaine de minutes, formant effectivement un pont sur la rivière. Il ne reposait cependant pas dans l'eau et aucun projectile n'aurait pu l'en déloger. Un second arbre s'abattit peu après, à un tout autre endroit. Pour l'heure, aucun gobelin ne les empruntait. Mais Taliesin ne pourrait pas surveiller les deux côtés en même temps. Il y eut un nouveau bruit sourd. Puis un warg, de l'autre côté de la rivière, hurla comme un loup, un long cri sinistre. Un rythme métallique lui répondit, comme les gobelins frappaient sans doute leurs boucliers de leurs épées, emplissant l'air d'un bruit de casseroles des plus désagréables.

Bon bon bon.
Deux ponts impossibles à détruire : deux voies royales par lesquelles les hordes ennemies se rueraient.
Face à elles... Une vingtaine de personnes.
Tout cela semblait indiquer qu'était proche l'heure de l'hallali.
Il n'hésita donc pas à donner le signal convenu avec le capitaine.
Puis il s'apprêta... à faire ce qu'il pourrait. C'est à dire... pas grand chose.

Comme répondant à son signal, les gobelins surgirent sur les troncs. Ils attaquèrent bien entendu des deux côtés en même temps, en file indienne sur les arbres-ponts, comme Taliesin l'avait imaginé. Sa première flèche fit chuter l'assaillant de tête, qui bouscula le suivant, les envoyant tous deux à l'eau. Des flèches gobelines, noires, filèrent dans la direction du barde, le manquant. Depuis les toits, les villageois embusqués se mirent à lâcher leurs flèches et leurs pierres, tentant de faire chuter les créatures qui s'approchaient. Mais certaines se mirent à quatre pattes, d'autres brandirent leurs boucliers, et il apparut bientôt clair qu'ils ne parviendraient pas à tous les éliminer avant qu'ils n'aient traversé. Les paysans restés entre les maisons les attendaient, cependant, gourdins, hachoirs et pelles à disposition. Mais peut-être Taliesin lui-même avait-il intérêt à revoir sa position : un arbre, un toit, seraient peut-être plus sûr que le plancher des vaches... D'autant qu'ils avaient encore la possibilité d'enflammer l'huile qu'ils avaient répandue sur la berge...

Malheureusement, les chances pour que les gobelins se regroupent et s'attardent pile sur la zone inflammable étant plus qu'infime, il préférait ne pas trop compter sur cette possibilité.
Il ne s'en replia pas moins à l'abri des habitations - grimper sur les toits était impossible, il y avait déjà autant de personnes dessus que le chaume pouvait en supporter. S'il en avait le temps, il utiliserait son plus puissant sort d'invocation pour faire venir un lion ou un ours céleste. Sinon... Il faudrait sans remettre à sa seule lame.

La Couronne de Cuivre

[Quête] Sur la Sylvestre...