La Couronne de Cuivre

D’ordinaire, l’Ombreterre offrait un silence oppressant à ceux assez hardis pour tenter d’y effectuer une excursion. Ici, c’était très différent et ni moins inquiétant, ni moins dangereux. Cette zone bruissait en effet d’une vie endémique foisonnante : les plantes elles-mêmes y étaient certainement létales et leur activité formait un désagréable bruit de fond qui pouvait masquer bien des espions ou des éclaireurs embusqués. L’avantage était cependant que cela facilitait tout autant la progression discrète du groupe d’Alchem. Ils purent ainsi traverser le champ de champignons sans faire de mauvaise rencontre et enfin gagner une zone plus commune, faite de roches et de trous. Une zone peut-être plus propice à une halte pour que tous, surtout les deux blessés, puissent récupérer un peu de leur vigueur.

Étant revenu dans un lieu plus conventionnel, Alchem, se mit en quête d’un endroit acceptable pour faire une halte. Cela signifiait un endroit facilement défendable et discret. Cela signifiait aussi un endroit vide de monstre, car le simple fait de livrer bataille était la quasi certitude de faire du bruit, donc de devoir partir. De ce fait, le groupe de groupe éviterait l’affrontement autant que possible.

Alchem trouva ce qu’il escomptait sous la forme d’un repli de terrain entièrement minéral permettant de se réfugier à l’abri des regards. Pour peu que les svirfneblins n’émettent aucun son, il était très peu probable que la moindre créature puisse détecter leur présence. C’était dans tous les cas un endroit propice pour récupérer un peu et faire le point sur la prochaine étape de leur voyage.

En premier lieu, les blessés purent s’installer. Les valides s’occupèrent d’eux pour qu’ils puissent au mieux récupérer. Alchem estima ensuite la position du groupe, confronta son estimation avec celle de ses collègues et ensemble ils déterminèrent la prochaine étape. Puis vint la répartition des tours de garde. L’illusionniste n’ayant pas puisé dans ses ressources magiques, il put combler à lui seul le trou laissé par les blessés et ainsi leur offrir un repos total. Enfin, il fut possible de boire, de manger. Tout se faisait avec un bruit minimal. Des humains auraient eu bien du mal à maintenir une telle discrétion, surtout qu’une fois l’indispensable murmuré, tout le monde se tut. Ils n’étaient pratiquement plus que des statues de pierre dans un monde de pierre.

Malgré l’endroit terrifiant dans lequel il se trouvait, malgré le danger qu’il escomptait affronter, Alchem avait retrouvé une routine qui lui était familière. Mais, alors qu’il pensait avoir tout planifié et s’apprêtait à se reposer quelque peu à son tour, il sentit un picotement à la base de son crâne. Il n’eut pas le temps de s’en inquiéter que déjà résonnait une voix qui lui était familière. Une voix qui était présente directement dans sa tête :

- Alchem, des driders ont été aperçus près de Belroc. La cité risque d’être assiégée.

Il réfléchit un instant, puis répondit, placide mentalement :
« Deskata dirige. Tenez-moi informé. »
Il ne pouvait pas prendre une décision sans avoir pleinement connaissance de la situation. Bien sûr, cette nouvelle était inquiétante, mais il s’agissait de Belroc, le comptoir commercial, pas de la cité. Il se doutait qu’il y aurait un assaut sur ce point, un assaut qui théoriquement avait peu de chance de fonctionner. Lameroy avait envoyé des renforts, Ornegemme avait sa propre garnison, Belroc disposait de quelques fortifications... en somme, il s’agissait d’une place forte. Pour prendre ce genre d’endroit, il fallait plus qu’un petit groupe de monstre, il fallait des régiments. Or les Drow ne pouvait pas déplacer une troupe conséquente sans que les gnomes ne s’en rendent compte. C’était les svirfnebelins qui avaient la connaissance du terrain, eux qui avaient des sentinelles partout. Et s’il ne pouvait pas vraiment engager l’ennemi frontalement, avec les nains et leurs golems, cela devenait possible. Bien sûr, il ne fallait pas exclure quelques filouteries des prêtresses de Lolth, mais Ornegemme avait ses propres mages et clercs, et la magie ne permettait pas de téléporter une armée entière. Alchem communiqua la nouvelle à ses confrères. Alors qu’il le faisait, il fut assaillit par les doutes, cette petite voix insidieuse promettant toujours le pire. Ne devrait-il pas retourner à Belroc ? Il le pouvait. Il avait un sort de téléportation en mémoire. Et pour revenir ici à coup sûr, il lui suffisait d’extraire un fragment de roche. Il suggéra l’idée, à tout hasard.

Les compagnons d’Alchem restèrent stoïques bien qu’au moins l’un d’entre eux avait de la famille proche au comptoir commercial. De toute évidence, les drows préparaient un mauvais coup mais lequel ? Si les driders avaient été vus, c’est que les prêtresses le souhaitaient. Cela signifiait aussi qu’il s’agissait vraisemblablement d’un piège. Ou d’un appât. Les compagnons d’Alchem étaient d’avis de poursuivre leur mission de surveillance. Ornegemme pouvait certainement se débrouiller seule quelque temps. Mais seule la connaissance du plan de l’ennemi pourrait leur assurer la victoire à terme. Dotha sembla également du même avis :

- Nous allons gérer ça. Soyez prudent.

Découvrir les plans de l’ennemi, découvrir un antidote à la mystérieuse maladie fongique... les raisons de poursuivre ne manquaient pas. Alchem chassa ses doutes. Le petit groupe allait poursuivre sitôt la pause achevée. À chaque nouveau point d’étape, ils détermineraient le trajet idéal vers le suivant et ils procéderaient ainsi jusqu’à parvenir aux abords de la cité Drow. Les choses sérieuses commenceraient alors... à moins qu’elles ne commencent plus tôt en cas d’incident de parcours ou de rencontre avec l’ennemi.

Le groupe progressa donc, prudemment, jour après jour, halte après halte. Il y eut plus d'une alerte mais ils parvinrent à chaque fois à éviter le combat. Leur discrétion leur valut même une belle opportunité alors qu'ils se trouvaient à moins d'un jour de marche des abords directs patrouillés régulièrement par les éclaireurs drows. Et c'est justement un petit groupe de leurs ennemis mortels que les svirfneblins parvinrent à repérer. Il y avait quatre elfes noirs. Et ils escortaient un petit groupe d'humanoïdes enchaînés.

Alchem et son groupe devaient limiter les interventions. S’ils tuaient des Drow, s’ils libéraient des esclaves, ils allaient accélérer le moment où l’ennemi se douterait de leur présence. Ils devaient voir sans être vu, entendre sans être entendu. Paradoxalement, Alchem savait qu’ils auraient plus de facilité à se cacher au beau milieu de la ville, plutôt qu’ici. Dans la cité, ils pouvaient circuler presque librement en se faisant passer pour des esclaves menant divers tâches pour leur maître. Ici, s’ils étaient vu, il faudrait se battre pour conserver leur couverture. À moins qu’une situation particulière ne leur offre des possibilités inédites. Voilà pourquoi le groupe commença à suivre les Drow, juste pour savoir où ils allaient, qui étaient les esclaves, à quoi ils étaient destinés.

Il y avait une demi-douzaines de captifs très hétéroclites : deux humains, un svirfneblin, une créature fongique et deux ogridés à la carrure impressionnante. Il était difficile de déterminer à quoi ils étaient destinés exactement mais leurs gardiens étaient probablement de simples marchands d'esclaves venus proposer leurs marchandises en ville. Car c'est bien vers la ville qu'ils semblaient se diriger à marche forcée.

Ce n’était pas très intéressant. Bien sûr, ils pouvaient tuer les probables marchands, libérer les esclaves, mais pour quel bénéfice autre que cette bonne action ? Ils mettaient en danger leur discrétion. Profiter des marchands pour pénétrer la ville n’était pas non plus très indiqué. Il n’y avait pas assez d’esclaves pour se glisser parmi eux sans être repéré. De surcroît, se faire passer pour de nouvelles marchandises n’était pas du tout un bon plan. Non, il fallait se faire passer pour des esclaves déjà intégrés, ceux qui travaillaient docilement, ceux qui avaient une situation établie, ceux qui formaient le paysage. Le groupe d’Alchem cessa sa surveillance et approcha la cité par sa propre route.

Il y eut d'autres patrouilles. Ils les évitèrent parfois d'extrême justesse. Surtout quand le lézard d'un cavalier perçut leur présence et se mit à les pister. Il fallut perdre sa trace en masquant leur odeur à l'aide de déjections de rothé. Malgré tout, c'était maintenant une question de temps avant qu'un éclaireur ne les repère. Il fallait décider d'une stratégie pour entrer dans la cité toute proche.

La dernière fois, Alchem et son groupe était parvenu à franchir l’entrée de la ville en profitant d’un défaut de surveillance. Les Drow avaient mobilisés trop de troupes dans la guerre contre Ornegemme, espérant sans doute hâter la fin du conflit. Ne s’attendant pas à une véritable infiltration de la part des gnomes des profondeurs, l’opportunité s’était présenté et la surprise avait été presque totale. Il était peu probable qu’un tel cas de figure se représenterait et si jamais il semblait que ce soit le cas, Alchem se méfierait. Les pièges elfes noirs étaient particulièrement retords. Il ne fut donc pas long à faire halte en un coin relativement sûr, en profita pour se reposer, et ordonna à son escorte de l’attendre ici. Ils se situaient hors du périmètre trop étroitement surveillé. Il leur donna également un délai au-delà duquel il devait être considéré comme mort ou pris par l’ennemi. Dans ce cas, un des membres du groupe prendrait le commandement et ferait son possible pour poursuivre la mission ou se replier. Alchem n’expliqua pas ce qu’il allait tenter car ainsi, si son escorte était prise, elle ne pourrait rien révéler, sauf qu’il était là, quelque part. Il s’éloigna seul, puis lança un sortilège dont il avait acquis la maîtrise grâce à l’étrange phénomène dont il avait été victime.

Alchem > Forme éthéré > Alchem

Il bascula alors dans le plan éthéré, devenant parfaitement indiscernable pour ceux du plan matériel. Durant huit heures, il allait pouvoir évoluer à sa guise, passer à travers les murs, voir et entendre en toute discrétion. Il ne put réprimer l’ombre d’un sourire. Et lui qui avait voulu emporter les bracelets magiques, il ne s’était même pas rendu compte qu’il pouvait faire mieux avec ses seuls pouvoirs. Il ferait bien de plus s’y habituer. Les bracelets restaient un plan de secours. Sans tarder, il se mit en route. Selon ses estimations, il lui faudrait au moins deux heures avant d’arriver à la cité et il était peu probable qu’il se contente d’espionner pendant seulement deux heures de plus. Cela signifiait que ce sort allait lui permettre de venir, pas de partir. à lui de trouver dans les temps un moyen de réintégrer le plan matériel sans être repéré. Ce ne devrait être pas trop difficile au beau milieu de la ville.

HRP : je pensais qu’Alchem avait téléportation en sort préparé par défaut. Après vérification, j’ai constaté mon erreur. On va dire qu’il a remplacé durant le repos téléportation par forme éthéré. Également pour coller à la fiche, je pars du principe, si ça ne te dérange pas, qu’Alchem est désormais porteur d’une amulette d’anti-détection confiée par sa mère, car il n’a plus l’anti-détection automatique conférée en 3.5 et que je n’ai pas pris le don qui permettait de l’avoir en v5. Cela n’empêche pas de mettre un monstre dans le plan éthéré pour repérer Alchem, ou de placer dans la cité Drow des créatures ayant la vision véritable.

HRP : ces changements me conviennent. Alchem étant méfiant et prévoyant, il me paraît logique qu’il ait pris ces précautions en vue de la mission.

La cité drow était telle que celle de ses souvenirs comme si rien, véritablement, n’avait changé depuis le dernier conflit qui l’avait opposé à son peuple. Ce n’était guère étonnant en soi : les changements prenaient du temps dans les sociétés elfiques, même pour les si chaotiques drows. En somme, la ville semblait toujours organisée en cercles concentriques : après les murs et le périmètre de défense s’étalaient les élevages de rothé et toutes les activités en découlant ainsi que les habitations de la populace – principalement esclave - qui s’en occupaient. Il ne serait certainement pas difficile de se confondre avec les locaux de cette partie de la ville. Ce serait une toute autre affaire pour entrer et circuler dans le deuxième cercle, celui abritant les maisons drows de moindre rang, le marché aux esclaves et la plupart des activités de loisir. Quant à pénétrer dans la zone ultra sécurisée se situant autour des stalagmites et des stalactites du centre de la ville, il faudrait se montrer ingénieux et extrêmement prudent. C’était là que se trouvaient autrefois les plus grands temples dédiés à la déesse araignée et les domaines des quelques familles dirigeantes à la tête de la ville.

Alchem sachant pouvoir compter sur plusieurs heures, il s’employa tout d’abord à examiner les bas-fonds de la cité. Il lui fallait un point de chute, un coin où se reposer et où, pourquoi pas, cacher des choses. Il envisageait ce coin de plusieurs manières. Ce serait peut-être un endroit pas ou excessivement peu fréquenté. Une cave à l’abandon, une remise délaissée, une pièce condamnée, un grenier inutilisé. Mais ce pouvait être aussi une simple cavité au plafond, un trou, n’importe quel petit recoin où il pouvait au minimum s’allonger et ne pas craindre d’être découvert. Ayant dans son sac de quoi boire et manger, il pourrait ainsi n’avoir aucun contact avec qui que ce soit. Car même les esclaves pouvaient être dangereux. Certains étaient si serviles qu’ils pouvaient le dénoncer. En revanche, si le gnome assistait à une scène qui pouvait lui indiquer que des esclaves étaient encore assez indociles pour représenter des alliés, peut-être envisagerait-il de se cacher parmi eux. Cela aurait l’avantage de pouvoir les questionner et donc, potentiellement, de pouvoir gagner beaucoup de temps. Or le temps, comme bien souvent, était crucial.

Il fallut un certain temps à Alchem pour trouver et examiner plusieurs endroits potentiels. Sa recherche se trouvait complexifier par sa condition : dans le monde astral, il avait beaucoup plus de difficultés à déterminer si un lieu était fréquenté ou non, si les marchandises entreposées étaient fraîches ou périmées, s’il y avait ou non de la poussière. En somme, il devait se fier à son instinct plus qu’à ses sens. Ou décider de revenir dans le plan matériel pour évaluer ses hypothèses. Pour l’heure, il avait réussi à dégoter une cave située à l’arrière d’une grange qui semblait partiellement délabrée.

HRP : je considère que la réalité - et particulièrement les éléments organiques - est troublée et déformée dans le monde astral.

HRP : il ne s’agit pas du monde astral, mais du plan éthéré. Et de ce que j’ai lu, il ne déforme pas la réalité, outre le fait que tout est en nuance de gris et que la vision est limitée à 18 mètres. Je le précise car le plan éthéré n’est pas un plan miroir comme le son Féérie ou la Gisombre, c’est un plan de transition. Il ne peut donc pas faire paraître les choses différentes de ce qu’elles sont. Après oui, c’est peut-être un poil moins net, mais peut-être pas au point de cacher des toiles d’araignées ou des amas de poussières. M’enfin, je chipote un peu. C’est sûr que ce sort, pour l’espionnage, est juste monstrueux. Mais, pour ma part, je le vois s’accompagner d’un risque : celui de croiser des monstres du plan éthéré. Et il ne me paraît pas impossible de partir du principe que plus quelqu’un reste longtemps là-bas, plus il risque d’attiré quelque chose d’indésirable.

Alchem nota mentalement l’emplacement de cette cave puis il poursuivit ses investigations. S’il revenait dans le plan matériel, il mettrait un terme à son sortilège. Aussi voulait-il en profiter le plus longtemps possible ou, tout du moins, assez pour faire du repérage dans le quartier où se situait cette cave. Quelle rue était fréquentée ? Lesquelles l’étaient moins ? Qu’est-ce qui se trouvait à proximité ? Toutes ces informations l’aideraient s’il devait se déplacer sans l’usage de la forme éthérée, ce qui arriverait tôt ou tard.

HRP : je préfère rester sur mon idée de limiter légèrement les informations fiables obtenues par ce biais pour la simple raison que l'usage des sens est forcément perturbé par le fait de se déplacer dans un autre plan. Certains sens sont peut-être même inaccessibles ou limités comme l'odorat, le goût et le toucher. Puisque tu le suggères, je garde aussi l'idée de la probabilité d'apparition d'une entité... désagréable.

Dans cette partie de la cité au moins, les allées entre les bâtiments n'étaient pas vraiment organisées sous forme de rues : en fait, toute cette zone ressemblait à un cloaque offrant mille possibilités d'orientation et de vastes zones entièrement dégagées où se cacher devait être difficile. En revanche, Alchem eut tout le loisir d'inspecter ce qui s'apparentaient à des fermes avec étables, greniers, granges et bâtiments d'habitation. Il y avait aussi, ici ou là, des grottes donnant probablement sur des champignonnières ou d'autres lieux de stockage. Un peu plus loin des murs, il semblait y avoir davantage de fabriques destinées à la transformation de la nourriture ou des matières brutes et une organisation plus rigoureuse et systématique d'un plan d'urbanisme.

HRP : niveau sens, oui, effectivement. De ce que je lis, de ce que j’imagine aussi, il ne reste que la vue et l’ouïe. Le touché ne peut plus existé puisque Alchem ne peut plus interagir avec le plan matériel. Il passe à travers tout, rien n’a de substance. Puisqu’il ne peut pas toucher, il ne peut pas non plus goûter quelque chose sur le plan matériel. Seul l’odorat pourrait faire débat, mais il n’est pas mentionné dans le sort et ça me ferait bizarre de pouvoir sentir, sans toucher et goûter. Le plan éthéré est fade. Rien que partit de ce constat, on peut facilement imaginer la haine de créature qui peuvent voir et entendre le plan matériel mais qui y sont à jamais exclus.

Alchem, qui avait une bonne notion du temps, estimait avoir devant lui encore plusieurs heures avant que ne cesse le sort. Il n’allait pas tenter le diable en restant dans le plan éthéré jusqu’à la dernière seconde. Ce serait un coup à faire un retour au mauvais endroit. Il tâcha donc de poursuivre ses investigations en s’approchant un peu du centre de la cité, juste assez pour considérer des endroits moins misérables. Ce serait un début. Et qui sait, peut-être trouverait-il une autre cachette potentielle.

Le cercle le plus extérieur semblait couvrir une grande partie de l'espace de la cité mais Alchem n'eut aucun mal à se rendre jusqu'à la délimitation - très nette et matérialisée par une seconde muraille - avec le quartier un peu plus favorisé abritant les commerces et habitations des maisons de second plan. Ici, l'activité semblait battre son plein, bien loin des préoccupations que pouvaient apporter une guerre. Si elle devait avoir lieu, elle n'était certainement pas à l'échelle de la cité toute entière. Il était aussi probable qu'elle ne concerne qu'une partie des puissantes familles de rang supérieur et leurs vassaux. Il y avait, ici aussi, bon nombre de cachettes potentielles mais très peu de bâtiments semblaient à l'abandon : il serait donc assurément plus risqué de revenir au plan matériel directement depuis cet endroit.

HRP : je suis d'accord avec ton interprétation.

Voilà déjà des informations intéressantes. Belroc ne risquait pas grand-chose, comme l’avait supposé Alchem. L’essentiel de l’armée Drow devait encore se trouver ici. Pas d’assaut massif à redouter. Juste de sales manigances à déjouer, ce qui n’était pas forcément plus simple. Alchem décida de poursuivre, ou plutôt d’achever ses investigations en restant dans cette partie de la ville pour y trouver la meilleur des cachettes. C’était peut-être un peu plus risquer de rester ici, mais en même temps, cela allait aider son enquête. Sans audace, il passerait peut-être des jours à errer sous forme éthérée sans rien trouver. Il ne pouvait pas se le permettre.

La meilleure des cachettes - et peut-être la plus indiquée pour recueillir nombre d'informations - se révéla être la cave partiellement désaffectée d'une taverne peu recommandable. Ici, quelques esclaves et travailleurs de la ville extérieure semblaient côtoyer des artisans pauvres et des prostituées de cette partie industrieuse de la ville. Une foule peu recommandable qui vous trahirait à la moindre occasion mais aussi une source d'information sans pareil.

Voilà ce qui lui fallait ! Alchem entreprit de faire le tour de l’établissement, de repérer les proches environs, puis d’observer chaque pièce de l’auberge, chaque étage, avant de retourner dans la cave, de soigneusement vérifier si elle était bien vide puis... franchit la frontière du plan éthéré, retournant à l’instant même dans le plan matériel. Il entreprit alors de nouveau fouiller la cave, puis il se tapis dans l’ombre et entreprit d’un peu se reposer.

HRP : s’il reste tranquille une heure, il profite de ce repos court pour étudier son grimoire et ainsi récupérer son emplacement de sort de niveau 7.

Alchem put se dissimuler derrière un empilement de caisses et de tonneaux : ce n'était pas comme s'il prenait beaucoup de place ou ne supportait pas un peu de poussières et de toiles d'araignées. Car on ne chassait pas les arachnides dans une cité drow : c'était un blasphème envers la déesse et les blasphèmes faisaient partie des crimes les plus sévèrement réprimés par les prêtresses de Lloth.

Personne ne vint déranger le svirfneblin, ce qui validait son hypothèse selon laquelle cette cave était peu souvent utilisée. Une heure s'écoula, Alchem sentit que son potentiel magique était de nouveau intact. Il était donc en pleine possession de ses moyens pour entreprendre la suite de son infiltration.

Replonger aussitôt dans le plan éthéré était tentant, mais Alchem n’en fit rien. Les sorts qu’il avait en mémoire lui permettait de se sortir de pratiquement toutes les embuches. Alors pourquoi ne pas se mêler à la sordide clientèle de cet établissement ? Il lui fallait absolument s’informer pour trouver ne serait-ce qu’un début de piste. Bien sûr, hors de question de se montrer sous les atours d’un patrouilleur. Il pouvait se servir de ses illusions pour parfaire un déguisement, mais ce serait excessif. De surcroît, la magie était utile pour changer d’apparence rapidement et pendant peu de temps. Là, il avait du temps et risquait de rester ainsi un bon moment. Alors il se déshabilla et ne garda que sa baguette magique, une dague et son amulette d’anti-détection. Il sortit de son sac une tenue, vieille, élimée, crasseuse. Il avait prévu son coup. Il l’enfila, cacha l’amulette sous la tunique, la baguette et la dague dans ses manches. Il se prépara ensuite à cacher dans un tonneau le reste de ses affaires, avant de marquer une hésitation et de prendre son précieux rubis. L’objet n’avait aucune magie, mais pour lui, c’était le meilleur des porte-bonheur. De toute façon, s’il était fouillé, la présence de l’amulette et de la baguette suffisait à le rendre plus que suspect. Il cacha ensuite tout ce qui devait l’être, pris soin d’effacer autant que possible ses traces, puis monta à l’étage. Silencieux et discret comme une ombre, il allait se glisser jusqu’à la salle commune. Pieds nus, miteux, il devrait bien s’y fondre, ne pas attirer les regards.

Sa tenue se fondait parfaitement dans le décor mais le plus important, au-delà de l’apparence, était d’afficher une attitude en adéquation avec son nouveau statut. Les bas quartiers de la cité drow n’étaient pas imperméables aux rivalités entre les différentes strates de la population. Il se pouvait même que la concurrence et les antagonismes se trouvent exacerbées. Peu importe à quel point on était pauvre et misérable, il y avait toujours un inférieur qui pouvait servir de souffre-douleur : c’est ainsi que fonctionnait la société drow, que s’évacuait le trop plein de frustration, que les révoltes étaient évitées. Il était donc primordial de connaître sa place dans la hiérarchie et de se comporter en conformité avec sa situation.

HRP : dis-moi comment tu vois cette place qu’Alchem est censé incarner. Fais un jet de dé pour déterminer à quel point il parvient à s’y conformer.

Les plus grands mensonges sont drapés dans la vérité. Alchem était une ombre peu expressive mais à la féroce détermination. Aussi comptait-il adopter un profil discret, effacé, humble, introverti. Il pouvait ainsi sembler faible, insignifiant. Toujours s’écarter des maîtres, jamais poser de problème. En revanche, si un esclave commençait à l’importuner, il afficherait l’attitude de celui prêt à défendre le peu qu’il lui reste avec acharnement. En somme, il serait sur la défensive, tout le temps. En somme, il n’allait pas changer fondamentalement sa façon d’être, lui qui se méfiait déjà de tout. Il en profiterait pour vérifier que personne ne puisse lui faire les poches. Et il avait fait disparaître Dailus.

HRP : 13

Alchem était aidé par son naturel méfiant pour se fondre dans la masse paranoïaque des clients du bouge sur lequel il avait jeté son dévolu. Mais les mœurs des villes drows étaient bien loin de tout ce qu'il avait pu réellement expérimenter surtout depuis qu'il avait quitté son rôle de patrouilleur. Alors qu'il se faufilait pour se trouver une place et s'approcher du bar, un colosse - mélange humanoïde aux origines douteuses - le bouscula et l'interpella sauvagement :

- Hey, tu peux pas faire attention où tu vas, avorton !

Ha, la raclure... Alchem sut à cet instant que cette histoire n’allait pas lui plaire. Il préférait de loin rester dans son rôle de maraudeur invisible que d’espion infiltré. Mais ce qu’il préférait, présentement, n’avait aucune importance. Il y avait des choses à faire, alors il fallait les faire. Il observa un instant le colosse, cherchant à savoir si c’était un esclave, mais il préféra dans tous les cas marmonner des excuses en commun des profondeurs avant de s’écarter.

La Couronne de Cuivre

Ornegemme, cité svirfnebline