La Couronne de Cuivre

Anita secoua la tête avec un soupir.
" Pas grand-chose..."
Elle parcourut du regard les lieux, observant la voûte de la grotte. Gabriel nota qu'il n'y avait aucune issue apparente : ils étaient dans une cavité totalement fermée.
" Il a dit qu'il n'était pas question qu'il nous laisse partir. Nous avons traversé son territoire et nous sommes ses prisonniers."

Gabriel encore fasciné par cet être imprévisible s’interrogea à haute voix.
« Quelle étrange créature… Nous sommes ses prisonniers..., Son territoire ?... Mais que compte-t-elle faire de nous ? J’ai l’impression qu’elle a trouvé avec plaisir, deux animaux de compagnie... »

" C'est exactement l'impression que j'ai, moi aussi, grommela Anita. Et je ne me sens aucune vocation de chien fidèle. Il est hors de question qu'on reste ici !"
Elle commença à faire le tour de la grotte, sondant les parois.
" Je ne sais pas... ce qu'il est. Je ne l'ai jamais vu avant. Il faut dire que je ne vais jamais dans les profondeurs du lac. J'ai déjà navigué en surface, et je me souvenais qu'il y avait une île... enfin, un simple bout de caillou où je n'ai jamais accosté. Après... Noah me disait que dans les Landes, il n'y a pas que des tumulus et des morts-vivants. On trouve aussi des créatures très anciennes qui y sont restées cachées, à l'abri des humains..."
Elle soupira, puis se remit à observer les parois.

« C’est un être doué de conscience certain de sa supériorité, mais aussi probablement empathique… S’il s’est caché des humains, c’est qu’il a dû souffrir. Peut-être qu’en s’ouvrant à lui… Il est télépathe, il pourrait connaître nos véritables intentions et pourquoi pas… Nous remplacer par les Ithilliens ?... ».
Gabriel sourit à cette idée, les esclavagistes asservis. Il n’éprouvait pas de rejet, ni d’antipathie à l’égard de leur geôlier, mais plutôt de la curiosité.

Anita secoua la tête.
" Je te trouve bien optimiste ! J'ai plutôt l'impression d'une créature très ancienne, peut-être aussi vieille que le monde. des légendes mentionnent ce genre de chose... certes, jamais sous la forme d'un poulpe géant, en général il s'agit plutôt de dragons, mais pourquoi pas après tout ? Et donc, à mon avis, il n'en a rien à cirer des humains, de nos petits conflits... Que nous soyons lumeniens, ithilliens, mélandiens ou autre, cela ne doit rien représenter pour lui. J'ai plutôt l'impression qu'il cherche en quoi nous pourrions le distraire..."

Pensif, Gabriel prit conscience de sa relative existence. Il soupira, Anita avait encore raison. Il supposa qu’elle avait commencé la vie depuis plus longtemps que lui.
« Anita, si nous plongeons dans le lac, la créature nous rattrapera… C’est son territoire. Tu inspectes ces parois anciennes… Ont-elles été imprégnées de magie ? … Recherches-tu un artéfact ? »

" Je cherche... Une issue... un mécanisme... quelque chose."
Elle continua son exploration.
" Regarde, par ici, les parois ne me semblent pas naturelles. Elles ont été creusées artificiellement. Alors, peut-être que ce mur dissimule une porte de pierre, qui pourrait être activée d'une façon ou d'une autre. Je cherche une pierre mobile qui pourrait jouer le rôle d'une poignée..."
Une bouillonnement dans l'eau l'interrompit. Un tentacule en jaillit, puis un autre, puis un troisième, chacun projetant un poisson dans leur direction. Lesquels poissons restèrent à frétiller sur le sol de pierre, tandis que le tentacule disparaissait.

« Le céphalopode prend soin de nous... Je vais t’aider à chercher l’artéfact. Il risque de revenir assez vite pour jouer avec nous ».
Sur ces paroles, Gabriel rejoignit Anita.

Ils passèrent les minutes, ou peut-être les heures suivantes à explorer les murs, sans rien y découvrir de probant. Les trois quart des parois semblaient tout à fait naturelles, et les stalactites au plafond suggéraient que la grotte était ancienne. Une seule paroi, trop lisse, trop régulière, attirait irrésistiblement leur attention, mais ils avaient beau l'observer en tout sens, le nez collé à la roche, les doigts jouant sur la moindre aspérité, ils ne parvinrent pas à mettre au jour le moindre mécanisme.
La caverne avait une forme presque circulaire : la paroi qu'ils jugeaient artificielle venait en raccourcir l'étendue, tout en s'intégrant harmonieusement à l'ensemble. Une petite étendue d'eau en occupait toute une moitié. Le bassin semblait naturel, très ancien, et surtout très profond, mais un rebord de pierre trop net, trop poli, le délimitait à proximité de la paroi artificielle.
Anita avait pris pitié des poissons frétillants et les avait assommés d'un coup sec, les abandonnant ensuite sur le sol pour poursuivre l'exploration des lieux. Elle finit par s'en rapprocher avec un soupir.
" Vous voulez... manger ? J'ai de quoi allumer une flamme, mais on manque de combustible... Je crains qu'on ne doive manger cru."

Gabriel sortit le petit couteau d’Anita et commença à couper un poisson de la tête vers la queue afin de lever des filets.
« Je vais préparer des tranches suffisamment fines pour pourvoir manger sans trop de dégoût. »
Tout en découpant, il regarda le mur qu’ils venaient de palper ainsi que le rebord trop lisse du bassin.
« Anita, et si ce que nous cherchions n’était pas sous nos yeux... Mais sous nos pieds ? »

Anita regarda, sans grand enthousiasme, le roc dur et lisse sur lequel ils se déplaçaient. Il était peut-être un peu trop lisse pour être naturel...
" Je ne sais pas... En marchant avec mes bottes, je n'ai rien senti qui sonne creux, donc il y a une certaine épaisseur de roche... Alors que le mur, là-bas, donne un son légèrement différent. Enfin, il me semble. Ou peut-être que mon désespoir me joue des tours..."
Elle s'assit à côté de lui et attrapa un autre poisson. Elle semblait totalement découragée.
" J'ai l'impression que la seule issue accessible pour nous est au fond de ce lac..."

Gabriel entendit l’abattement dans le son de la voix de la jeune rôdeuse. Il lui sourit et posa sa main sur la sienne.
« En frappant sur le mur j’ai aussi perçu la présence d’un vide. Nous allons reprendre méticuleusement notre recherche. Nous allons trouver, nous pouvons y arriver. ».

Ils mangèrent un peu de poisson cru, qu'ils durent se forcer à avaler, leurs papilles n'étant guère habituées à ce genre de saveur. Ils reprirent ensuite leurs recherches, l'espoir s'amenuisant au fil des minutes, des heures peut-être.
Un bruit de bouillonnement attira leur attention. Leur geolier était de retour.
Il resta quelques instants à les observer, puis demanda, à brûle-pourpoint, sa voix explosant dans le crâne de Gabriel.
" Je m'ennuie... Que sais-tu faire pour me distraire, homme vêtu de métal ?"

Gabriel se prêta au jeu du céphalopode. Il avait l’habitude des exercices physiques brutaux, ainsi son corps avait développé une forte résistance aux coups et à la douleur. Il savait que la créature trouverait un prétexte pour se servir de lui comme d’une marionnette.
Dans sa famille, la danse et la musique faisaient partie de l’éducation. Il répondit à haute voix.
« Je sais jouer de la flûte et je sais danser. ».

" Danser ?"
Le monstre se mit à tressauter silencieusement, provoquant des bouillonnements de l'eau autour de lui. Gabriel entendit Anita pouffer de rire, elle aussi.
" Avec ton corps de métal, tu sais danser ? Je suis curieux de voir ça ! Et je veux aussi te voir jouer avec ta... flûte. Quel que soit l'objet que ce mot désigne..."
Anita avait gardé le silence. Peut-être la créature ne s'était-elle pas adressée à elle. Mais son visage exprimait un mélange de stupéfaction et d'hilarité.

Gabriel ne s’attendit pas au sous-entendu grivois et regarda stupéfait la créature et Anita complices et hilares. Il ne se laissa pas décontenancer et entreprit une danse le bras gauche tendu à l'horizontal son épée dressée, en tournant lentement. Il posa devant le céphalopode et dit de façon solennelle :
« La pavane se danse pour les rois et les dieux. L’épée est le symbole de leur puissance phallique et celle-ci s’appelle Flute. ». Il fit des marches glissées tout en faisant tourner l’épée autour de ses épaules en accélérant au fur et à mesure la cadence.

Anita secoua la tête, avec l'air de se demander si elle devait le prendre au sérieux. Elle semblait réprimer une certaine hilarité.
" Danser en armure, je dois dire que c'est... plutôt inattendu."
Le céphalopode, quant à lui, semblait rire, si toutefois c'était la signification du bouillonnement de l'eau autour de lui.

" Heu... Moi... Je ne sais pas faire rire, annonça soudain Anita à voix haute.
La créature lui avait visiblement posé la même question qu'à Gabriel.
" Je peux, heu... parler aux poissons et leur demander de vous faire des chatouilles ?"
Il s'ensuivit un moment de silence, où, peut-être, Anita exécutait ses plans : il était impossible d'en voir quoi que ce soit.
Puis, sans crier gare, le monstre se mit à projeter des jets d'eau dans leur direction, les trempant instantanément de la tête aux pieds. Il s'agissait, bizarrement, d'une eau salée.
" Ton armure va finir par rouiller, remarqua Anita, entre deux jets d'eau.
Ses vêtements à elle étaient trempés, lui collant à la peau, et la température ambiante ne les aiderait guère à se sécher. Mais le céphalopode ne semblait guère s'en préoccuper.

Gabriel préféra déduire que le fluide salé produit par le corps de la créature était un jet de larmes provoqué par le rire plutôt qu’une autre substance sexuée. Il trouva son comportement dépourvu de sens moral.
Ils devaient s’évader au plus vite, leur geôlier n’éprouvait aucune sympathie et encore moins de considération à leur égard. Ils étaient réduits à des jouets que le monstre pouvait casser sans état d'âme. Le jeune guerrier sentit de la colère monter en lui qu'il réprima, il devait continuer à jouer la comédie.

Anita en avait également assez de ces "jeux", et s'avança d'un pas.
" Maintenant qu'on t'a diverti, laisse-nous repartir !" fit-elle d'un ton ferme.
Gabriel ne put entendre la réponse, mais plusieurs jets d'eau vinrent asperger la jeune rôdeuse. Puis la créature replongea et disparut.
Anita se tourna vers lui.
" il dit que nos clowneries ont payé notre nourriture. mais que pour sortir, il faut payer davantage."

Gabriel laissa exprimer sa colère. « Quelle odieuse créature ! Je pensais que nous avions échappés aux esclavagistes et nous voila entre les tentacules d’un poulpe pernicieux !... »
Il regarda Anita trempée. Il était impuissant, il n’avait rien pour la sécher et la réchauffer.
Son gambison imbibé de fluide salé et sa brigandine partiellement étanche permettaient une mince pellicule de liquide entre le vêtement et sa peau, chauffée par la température de son corps. Mais son équipement était trop grand et trop lourd pour le proposer à la jeune femme.
« Anita, nous devons reprendre nos recherches pour trouver l’artéfact. Le céphalopode ne nous libèrera jamais et ses exigences farfelues iront crescendo. ».

" Je ne sais pas ce qu'il voudra nous demander. Peut-être qu'il a une idée précise... Ou peut-être qu'il n'en sait rien lui-même et se contente de jouer avec nos nerfs. mais tu as raison, continuons à chercher. De toute façon, on n'a rien d'autre à faire... Et puis ça me réchauffera "

Ils se remirent donc à sonder les murs. L'une des parois, c'était une certitude désormais, était artificielle. Ils tentèrent d'agir sur l'une ou l'autre aspérité à proximité, mais sans rien déclencher. Le sol sous leur pied, à proximité de la paroi artificielle, sonnait différemment, et même la petit muret bordant le lac semblait ici fait de main d'hommes -ou autres créatures. Mais ils avaient beau pousser sur la roche, tirer sur des morceaux de paroi -et parfois arracher une pierre-, ils n'aboutissaient à rien.
" Il y a d'autres pièces, c'est certain. Mais il doit falloir un utiliser un sortilège, une formule, une magie qu'on ne connait pas... On a tout essayé... Hum... On devrait peut-être essayer de creuser ? Avec... je ne sais pas... Votre épée, un morceau d'armure..."

La recherche calma Gabriel. Il se saisit de la proposition d’Anita avec enthousiasme et lui tendit son arme.
« C’est une excellente idée ! Prends mon épée, j’utiliserai une de mes spalières pour creuser. ».
Il défit la pièce d’arme attachée par un lacet de soie à son gambison.

Ils se mirent tous les deux à l’œuvre, l'un à la base du mur qui portait leurs espérances, l'autre un peu plus haus. Le crissement du métal sur la pierre n'avait rien de discret, et ce fut sans doute ce qui alerta leur geôlier : au bout de quelques minutes, un jet d'eau vint les asperger. Concentrés sur leur tâche un peu trop bruyante, ils n'avaient pas entendu le bouillonnement d'eau caractéristique qui annonçait habituellement son arrivée.
" C'est ce qu'il y a derrière le mur qui vous intéresse ? Il suffisait de me le demander ! Je peux vous ouvrir, si vous voulez aller voir ce qui s'y trouve..."
Le ton était amusé, presque moqueur, ou peut-être y avait-il là un défi ou un avertissement.

Gabriel exaspéré s’arrêta de creuser et lui répondit au tac au tac. « Qu’est-ce qu’il pourrait nous intéresser derrière ce mur ? Vous nous séquestrez dans cette grotte humide et froide sans aucun autre choix que de vouloir fuir. Vous nous imposez des règles qui nous tueront si vous ne nous accordez pas un peu de considération...».

" Pourquoi parles-tu de règles qui peuvent te tuer ? Ne t'ai-je pas nourri ? Si je voulais votre mort, je vous aurais laissé mourir de faim !"
La voix dans son crâne paraissait refléter une incompréhension sincère.
" Mais si vous le prenez ainsi, soit. Continuez à vous escrimer pour rien. J'étais prêt à vous ouvrir, pourtant..."
Sur ces paroles, la créature replongea. Le bassin était si profond qu'ils n'en voyaient pas le fond, il leur était donc impossible de avoir s'il était toujours là. Mais à bien y regarder, quelques bulles montaient à la surface, et l'eau n'était pas parfaitement au repos.
" Qu'est-ce qu'il t'a répondu ?" intervint Anita.

« Je ne sais pas si le céphalopode est un manipulateur ou un naïf. Il ne comprend pas ma colère... Il dit qu’il ne veut pas nous tuer et qu’il était prêt à ouvrir la porte... Il me fait penser à un enfant capricieux. »
Pensif, Gabriel interrogea Anita.
« Que penses-tu du comportement de la créature ? D’ailleurs elle ne s’est pas nommée et ne s’est pas intéressée à notre histoire... »

" Effectivement... Je pense que c'est un gros égoïste."
Anita avait baissé le ton, par précaution : le céphalopode pouvait les entendre, du fond de son trou d'eau.
" Mais s'il vit seul ici depuis la nuit des temps ou presque, s'il s'agit d'une créature ancienne comme celles dont parlent les légendes, j'imagine que nos histoire d'êtres éphémères ne l’intéressent qu'à demi. On n'a pas la même échelle de temps... Enfin, surtout toi par rapport à lui. Mais je vais voir ce que je peux en tirer", décida-t-elle soudain.

Elle s'approcha du bord de l'eau.
" Est-ce que tu peux nous ouvrir la porte cachée dans le mur ?"
L'eau bouillonna, et la créature reparut, pas tout à fait au bord, restant hors d'atteinte.
" Il dit qu'il y a un prix à payer..."

Gabriel pensa à la très longue vie apparemment solitaire de la créature et ressentit de la peine. Mais la remarque de la jeune demi-elfe sur la relativité de la vie l'aida à ne pas tomber dans la compassion et le rendit impatient.
« Que veut-elle ? Nous n’avons pas tout son temps devant nous ! ».

HRP : oups, désolée pour l'oubli... journée trop chargée hier, j'y ai pensé après 23h...

Anita haussa les épaules, affichant son ignorance.
" Il y a un objet qui m'appartient quelque part dans les tréfonds de cette grotte, répondit la créature, sa voix résonnant dans sa tête. Une sorte de bâton, ou de sceptre plutôt, qui appartient à mon peuple, et qui fut fabriqué dans la nuit des temps par des créatures qui n'existent plus. Rien qui ait une quelconque valeur ou importance pour ceux de ta race... mais autrefois, un humain me l'a volé, et je sens sa présence, toute proche. Si je t'ouvre le passage, tu dois me le ramener."

Gabriel répondit à la créature antique en pensant très fort. « Je vais partager votre requête avec mon amie et je vous donnerai notre réponse tout de suite après ».

Il s’adressa à Anita. « Notre geôlier nous demande de récupérer un sceptre volé… Il y a très longtemps par un humain qui se trouve derrière cette porte. A mon avis cet être humain doit être un magicien qui se maintient en vie grâce à un sortilège extrêmement puissant… Mais je pense que nous n’avons pas d’autre alternative que d’accepter son marché… Quel est ton avis ? ».

HRP : aucun souci Voya

! Je suis plutôt admirative de ton endurance

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Quelque part au nord des Landes