La Couronne de Cuivre

Augustin avait pris avec lui son sac, ainsi que son instrument de musique dans un étui, et peut-être avait-il une arme discrète, une dague ou autre. Il ne possédait en tout cas ni épée visible, ni armure.
Il suivit Gabriel jusqu'au poste de garde, où le capitaine les attendait avec une petite escouade de quatre hommes.
" Nos patrouilleurs rentrés hier n'ont rien noté de particulier dans le secteur où ils se trouvaient, leur annonça-t-il en les guidant plus loin dans la ruelle qui longeait les murailles. Mais ils étaient dans les terres, et votre campement était plus près de la mer, semble-t-il. Et les landes sont vastes..."
La rue débouchait sur une artère un peu plus importante, au milieu d'odeurs de porcherie et d'étables, tout près de l'endroit où Gabriel avait enquêté la veille. Sur leur gauche se trouvait la partie de la cité qui évoquait un hameau champêtre, mais ils ne s'y dirigèrent pas. Le capitaine s'arrêta devant un large porche barré par un portail de bois clouté, où se trouvait un garde. Il le salua brièvement, et les portes s'ouvrirent sur la campagne.
" C'est le passage des troupeaux. C'est le seul accès par voie de terre, avec le bord de rivière."

Gabriel pensa qu’Anita n’avait pas pu passer l’immense porte. Elle était quelque part au Comptoir si elle n’avait pas était enlevée.
Il ne vit pas de chevaux. Il s’adressa au capitaine.
« Capitaine, allons-nous rejoindre le campement en navigant sur ce bras de mer ? »

" Nous avons des écuries juste à côté. Mais les chevaux ne sont guère adaptés au terrain...
- Le chemin qui mène au campement que nous occupions est praticable, assura le barde. Il nous faut longer la mer, vers le nord, et la marée sera bientôt assez basse pour que nous puissions cheminer sur le sable de la plage. On aura le temps de faire l'aller-retour avant que la mer soit trop haute. Quoique... avec un peu de chance, nous trouverons une piste et nous nous attarderons...
- On va préparer des montures, si vous dites que la route est praticable. Nous gagnerons du temps, trancha le capitaine en les entraînant vers le bâtiment le plus proche du portail, une sorte de grand hangar de bois qui abritait une quinzaine de montures. Vous savez vous occuper du vôtre, je présume... Je vous laisse aider Monsieur Hérault ?"

« Oui bien sûr capitaine… »
Gabriel repéra parmi les quinze montures, deux petits chevaux autochtones de Féérune appréciés par les cavaliers Shous pour leur vigueur et leur tempérament docile. Il s’approchât d’eux et remarqua une jument. Il tendit sa main pour lui caresser son encolure courte et massive, geste qu’elle apprécia en lui répondant par un petit coup de museau contre son épaule. Tout en lui parlant il l’amena vers le barde.
« Augustin, cette sympathique wushen vous portera sans crainte et avec confort au campement. Ces chevaux ont la réputation d’être des compagnons loyaux. Venez, approchez-vous d’elle en vous mettant contre son côté gauche, je vais aider. Tenez les rênes dans votre main gauche, puis positionnez votre pied gauche dans l’étrier. En pliant votre genou élevez-vous doucement pour l’enfourcher. Voilà… vous y êtes, vous n’avez plus rien à faire, elle vous portera avec attention et prudence. Je resterai à vos côtés . »
Gabriel monta tout le caressant, le deuxième petit cheval qui montrait déjà un caractère affectueux et curieux.

Augustin ne semblait pas vraiment à son aise sur sa monture. Il était trop raide, et manquait d'assurance sur selle. Les soldats, quant à eux, avaient fini d'équiper leurs montures et se hissaient en selle, les uns après les autres.
" Jules et Yvan vont prendre la tête, fit le capitaine en désignant du menton deux de ses hommes. Monsieur Hérault, vous vous positionnez juste derrière et vous leur indiquez où passer. Ne vous en faites pas pour votre monture, elle va suivre le mouvement toute seule. Gabriel, vous suivez, et nous, nous formerons l'arrière-garde."
Les premiers cavaliers se mirent aussitôt en branle, et Gabriel dut encourager le barde à suivre le mouvement : sa monture, sentant ses hésitations, n'obéissait pas instantanément.
Au-dehors, quelqu'un avait ouvert le grand portail. Une charrette était en train de le traverser, tirée par un solide cheval de trait. Les trois personnes qui s'y trouvaient, un homme et deux femmes, se rangèrent sur le côté pour laisser passer la petite escouade.
Ils partirent vers la droite, longeant la muraille pour rejoindre le bord de mer, puis obliquèrent à gauche pour longer la plage. Le capitaine, rassuré sur l'état du terrain, donna le signal du trot.

Gabriel donna quelques conseils au barde qui avait peu de pratique équestre.
« Augustin, le trot c’est comme la musique, un rythme simple…levez-vous un temps sur deux. Tenez-vous droit, le buste penché en avant et gardez le regard loin devant-vous…oui c’est ça, vous avez trouvé sa cadence… »

Augustin demeurait raide et tendu, mais il suivit les conseils de Gabriel et parvint peu à peu à trouver son rythme -suffisamment pour que ses muscles fessiers ne se ressentent pas trop de l'expédition.
Ils longèrent la mer à distance. Les deux hommes de l'avant-garde étaient des habitués des lieux, à en juger par leur aisance à trouver une voie praticable lorsque le terrain devenait marécageux. Plusieurs fois, ils durent ralentir et mettre leurs montures au pas. Au bout d'une petite heure, ils purent cheminer sur la plage désormais dégagée et partir au petit galop, au grand désespoir d'Augustin qui n'était clairement pas rassuré.
Le paysage était désertique, sans la moindre trace de village ou de hameaux. Ils aperçurent juste deux petites cabanes de pêcheurs, construites sur pilotis, sans en voir les occupants. Ils firent une pause à proximité, pour se dégourdir les jambes et laisser boire les bêtes dans l'eau croupie d'un marécage.
Il leur fallut presque trois heures avant que Augustin leur indique de quitter la plage. Un sentier à peine visible menait vers la gauche, vers l'intérieur des terres. Le terrain était plat comme le dos de la main, mais on devinait quelques pierres levées mêlées de ruines, droit devant eux.
" Nous allons en reconnaissance, c'est plus sûr", annonça le capitaine.
Et il les planta là, emmenant avec lui l'avant garde ainsi que la seule femme de l'équipe, et les laissant en compagnie du dernier soldat, le plus jeune de l'équipe.

Les sens en éveil, Gabriel regarda autour de lui, méfiant il porta son regard sur les ruines. L’endroit paraissait calme. Il se rapprocha du jeune soldat et s’adressa à lui.
« Êtes-vous déjà venu patrouiller dans ce coin…que craint votre capitaine ? »

" Oh, heu... Non, moi je ne suis jamais venu par ici. Mais tout le secteur des landes est dangereux, on y trouve des morts-vivants, et un cercle de pierres levées est toujours un endroit dont il faut se méfier...
- Celui-ci n'a plus la moindre once de magie résiduelle, je le garantis, répondit le barde. On y a dormi une nuit sans le moindre problème..."
Il gardait les yeux fixés sur la petite escouade qui avançait prudemment en direction du cercle de pierres.
" Je pense qu'ils veulent surtout vérifier que les créatures ou les personnes qui s'en sont prises à ma troupe ne sont pas là.
- Oui, évidemment. Les morts-vivants ont tendance à rester sur le même secteur... et c'est pas parce que vous n'en avez pas rencontrés qu'ils n'étaient pas tout proches, attendant leur heure. J'veux pas vous alarmer, hein.... mais accuser les ithilliens, c'est un peu facile, c'est un peu l'envie de garder espoir. Dans une région hantée comme celle-ci, malheureusement, ceux qui s'en prennent aux voyageurs sont rarement des vivants. Mais on peut espérer qu'ils ont pu fuir et se mettre à l'abri, bien sûr ! On trouvera leurs traces, vous en faites pas. On a de bons pisteurs. S'ils sont en vie, s'ils se sont réfugiés quelque part, on les trouvera."
Au bout du sentier, l'escouade était arrivée à destination et ne semblait pas rencontrer le moindre problème. Les soldats observaient attentivement les lieux.

Gabriel répondît au jeune homme.
« Si les morts-vivants les ont attaqués, des marques évidentes de meurtres devraient être présentes dans le campement… ils n’enlèvent pas, ils tuent…et puis, nos chevaux auraient senti leur passage ou leur présence ».
Il se tourna vers Augustin.
« Le soldat a raison,… les bons pisteurs savent interpréter toutes les traces laissées au sol par un être vivant. Nous allons vite le savoir… »

Le jeune soldat acquiesça, mais eut une moue dubitative.
" Ils ne laissent pas forcément de traces... si on avait un clerc, il pourrait sûrement nous en dire davantage, il saurait détecter ce genre de chose."
Le barde secoua la tête.
" J'aurais sûrement deviné quelque chose. J'ai déjà eu affaire à ce genre d'engeance... Enfin, je ne peux être certain de rien évidemment."
Un mouvement au milieu des pierres attira leur attention : on leur faisait signe d'approcher.
" Apparemment, tout danger est écarté..."

«Augustin, je pense comme vous, …cela peut-être une malveillance humaine. Mais émettre l’hypothèse d’un enlèvement conclurait à une probable manœuvre ithillienne… Mais allons-y, rejoignons le capitaine, nous en saurons plus ».
Gabriel talonna doucement sa monture et suivit le barde.

Ils rejoignirent à leur tour le cercle de pierres levées. Les pierres en question étaient anciennes, moussues, l'alignement initial était rompu depuis longtemps, et il ne semblait pas en émaner de pouvoir particulier. L'ensemble évoquait un antique temple à ciel ouvert, en ruines, abandonné depuis longtemps. Un petit abri de pierre avait été construit à l'intérieur du cercle, s'appuyant contre les deux plus grosses pierres, mais il était lui aussi à demi effondré.
" On s'était installé à l'abri, le temps n'était pas très engageant", expliqua Augustin en désignant la petite construction.
A l'intérieur, Gabriel put découvrir un tas de cendres, relief d'un feu datant probablement de deux ou trois jours, et quelques couvertures éparses, ainsi que quelques ustensiles de cuisine usagés. Il n'y avait ni arme, ni nourriture abandonnée, ni sac de vêtements ou d'effets personnels.

L’absence des sacs interrogea Gabriel. Il s’avança vers le capitaine et lui fit part de son hypothèse.
« Mon capitaine, vos hommes…ont-ils trouver des traces de fuites ? S’il y en a pas, cela ressemblerait plutôt à un enlèvement ?... Les vivres, les vêtements ont été emportés comme si les ravisseurs prévoyaient un long déplacement de quelques jours… Les instruments de musique…aussi. Quelles sont pistes ? »

" Il n'y a aucune trace... Bien évidemment, cela ne prouve rien.
- Il y a des bêtes sauvages et des morts-vivants dans le secteur, ce qui était mangeable a pu être mangé..., intervint l'un des soldats de l'avant-garde. Mais effectivement, un enlèvement est fort possible. Probable, même.
- Pas forcément par des humains. Une liche, un nécromant, ou d'autres puissances maléfiques peuvent avoir besoin d'esclaves. On avait même, à une période, des esclavagistes mélandiens...
- L'esclavage n'existe plus à Mélandis, non ?
- Oui, c'est vrai, c'est ce qu'on dit...
- On ne peut exclure totalement une fuite. Le sol est marécageux, bourbeux, et les traces disparaissent vite... et l'absence de végétation n'aide pas...
- Il est quasiment certain qu'ils n'ont pas été dévorés sur place, en tout cas."

Gabriel aperçut l’expression bouleversée du barde et répondit aussitôt.
« Si l’hypothèse de la fuite ne peut pas être écartée, nous devrions la choisir.
Mon capitaine, est-ce que vos hommes peuvent suivre… malgré tout, cette piste ? »

" Pour cela, il faudrait la trouver, cette piste...
- Il faut organiser une battue... en cherchant plutôt vers l'intérieur des terres, on n' a rien remarqué côté terre.
- On ne peut pas emmener les montures. Les chevaux nous ralentiraient sur ce terrain...
- Tom, tu vas rester veiller sur les bêtes... et surveiller discrètement s'il se passe quoi que ce soit d'anormal. Je suppose que vous voulez participer, l'un et l'autre?" questionnna-t-il en se tournant vers Gabriel et Augustin

Gabriel dut rapidement faire un choix ; retourner avant l’après-midi au Comptoir de la Sombre rejoindre le capitaine du Solitude ou continuer la recherche qu’il venait de soumettre par compassion pour Augustin. Sa spontanéité décida à la place de la raison.
« Je participe ! Ils sont peut-être…à quelques milles de l’abri… »

" Peut-être... ou peut-être pas."
Le capitaine se tourna vers les trois agents les plus aguerris de sa troupe -dont l'unique femme.
" Jules, tu pars dans cette direction, fit-il en désignant une direction qui se situait légèrement sur la droite par rapport au sentier qu'ils venaient de parcourir. Tu prends le jeune Gabriel avec toi. Yvan, tu pars avec Jeanne par ici, et je prends Augustin Hérault avec moi... par là-bas."
Le capitaine avait choisi l'itinéraire central pour lui-même, et Gabriel se retrouverait dans le binôme qui partirait le plus au nord. Mais a priori, aucune direction n'était à privilégier : le capitaine et Augustin fileraient droit en direction d'Ithillion, Gabriel et Jules s'éloigneraient le plus du Comptoir, et Yvan et Jeanne se rapprocheraient du fleuve. Toutes ces directions pouvaient avoir été choisies lors d'un enlèvement, pour des raisons différentes. Si toutefois il s'agissait bien d'un enlèvement...
" On avance pendant une heure, puis on revient au point de départ. Le premier qui trouve un indice, n'importe lequel, un signe de passage, appelle les autres."
Le dénommé Jules sourit à Gabriel et exhiba fièrement une corne de brume pour appuyer la dernière phrase du capitaine..

Gabriel regarda son binôme et lui sourit
«Soldat…Jules, vous êtes pisteur, je reste derrière vous et j’obéis à vos recommandations. Je sais que les Landes des Sirènes réserve des surprises en termes de créatures maléfiques. Enfin,…je suis prêt à vous suivre. »

Le dénommé Jules était de toute évidence un pisteur expérimenté. Petit, fluet, il était capable de se glisser partout et marchait quasiment sans laisser de trace. Il demanda à Gabriel de rester plusieurs pas en arrière et de marcher aussi silencieusement que possible, chose quasiment impossible avec une armure.
Ils suivirent approximativement la direction indiquée, pendant une dizaine de minutes. Puis ils se trouvèrent face à un étang que Jules choisit de contourner par la gauche. Gabriel avait beau observer de tous ses yeux, il ne voyait pas de trace de passage, et, de toute évidence, son coéquipier n'en voyait pas davantage. Il n'y avait pas non plus de danger apparent, pas de construction étrange à l'horizon, pas de tumulus, pas de trace de prédateur -le terrain plat et dénudé les mettait à l'abri d'une attaque par surprise.
Jules finit par s'arrêter.
" Sur ce terrain-là, fit-il en désignant le sol meuble sous leurs pieds, il est impossible de marcher sans laisser de trace. Même s'il avec la pluie d'hier, on devrait deviner des empreintes. Ils ne sont pas passés là, fit-il, catégorique.

« A votre avis…que s’est-il passé. ?…nous marchons depuis une heure et aucun binôme a signalé une piste… Mais, justement, retournons à notre point de départ, nous pourrons en parler ensemble. »

Le soldat secoua la tête.
" Ça ne fait pas encore une heure. J'ai juste arrêté parce que ça ne sert à rien de poursuivre par ici, on aurait déjà trouvé des traces s'il y en avait. On peut sans doute tenter de contourner l'étang par l'autre côté, par la droite. Ou alors dévier un peu sur la gauche. Il suffit qu'ils aient cheminé quelques dizaines de mètres plus à gauche ou plus à droite pour qu'on ne trouve rien... Il faut essayer de dévier. En essayant de rester sur des chemins praticables, évidemment : ce n'est pas simple, cet étang semble communiquer avec tout un réseau d'étendues d'eau... "
Un rayon de soleil perça le plafond nuageux, rendant le paysage moins sinistre.
" Vous voulez contourner l'étang par l'autre côté ? Ou dévier plus à gauche ? On peut aussi se séparer..."

Gabriel regarda en frissonnant le paysage humide et secret des Landes. Il pensa à Anita, qui lui avait évité plusieurs fois la mort.
« Séparons nous, avec ce sol meublé et humide, je verrai facilement les traces de pas, s’il y en a…. Je contourne à gauche. »

" D'accord. Je prends à droite. Mais... ne vous perdez pas. Et prenez la corne de brume, au cas où. Il doit nous rester une vingtaine de minutes avant de faire demi-tour."
Il tendit l'instrument à Gabriel, puis ajouta, en désignant la végétation qui poussait sur les berges de l'étang.
"Faites attention, quand vous voyez des touffes d'herbes comme celle-ci, à la texture bizarre, un peu granuleuse, avec des brins épais et gorgés d'eau, et de couleur vert-gris... c'est qu'il s'agit d'une zone très humide, potentiellement des sables mouvants. Ça se voit parfois au sol, qui forme une boue un peu grisâtre. Mais parfois, il semble sec... sauf qu'en y regardant bien, il est craquelé en surface, un peu comme un gâteau qui sort du four : sec et craquelé en surface, moelleux dessous. Et il peut céder d'un coup sous votre poids. Donc soyez vigilant : un sol qui parait trop sec, c'est anormal. Si c'est une boue grise, pas mieux. Et faites aussi attention aux champignons. Il y a une variété de couleur orange vif, qui s'émiette sous les pieds, qui a des vertus hallucinogène si on en respire. N'hésitez pas à sonner de la corne en cas de problème. Je serai là rapidement. Vous sonnez aussi si vous voyez une trace de passage, bien sûr..."
Sur un sourire rassurant, il s'en fut vers la droite. Le temps était suffisamment clair et le terrain suffisamment plat pour qu'il reste en vue de Gabriel pour encore un petit moment. Du côté gauche, le terrain semblait un peu moins marécageux, s'asséchant progressivement : aucune herbe inquiétante n'était en vue, ni aucun champignon.

Gabriel regarda le jeune pisteur suivre le chemin de droite. Sa prévenance lui rappela l’attention maternelle de Geneste. Il prit le chemin de gauche avec prudence comme l’avait recommandé Jules, malgré l’apparence solide et stérile du terrain.

Le chemin de gauche s'avéra plus compliqué à suivre seul qu'avec un guide. Prudent, vigilant, à la recherche du moindre signe de passage, il lui semblait avancer beaucoup moins vite. Il se retrouva bientôt face à une autre étendue d'eau -aucun doute à avoir, c'était de l'eau, pas des sables mouvants- et obliqua vers la droite pour retrouver une voie parallèle à la direction qu'il avait suivie initialement. Le chemin était devenu trop boueux pour garder longtemps des traces de pas. Puis il s'estompa, effacé par la végétation, aux abords d'une étendue plane couverte d'une herbe d'un vert vif, presque trop vif d'ailleurs : il n'avait jamais rencontré ce genre de végétation. Elle n'avait rien en commun avec l'herbe grisâtre contre laquelle on l'avait mis en garde, heureusement, et le sol au-dessous paraissait humide, meuble, mais sans excès. On ne voyait aucune trace de passage, mais quand en se retournant sur ses propres pas, il vit que ses traces s'effaçaient en quelques instants.
Une brise légère parcourut la prairie, pliant les brins d'herbe en dessinant d'étranges arabesques, et il lui sembla entendre un son musical, un peu comme une flûte de Pan, émanant de celle-ci.

Gabriel hésita à retourner sur ses pas, mais ceux-ci avaient disparu. La végétation ne semblait pas hostile mais plutôt attirante, voire hypnotisante. Il ne put pas résister à la mélodie et aux enchaînements d’entrelacements des végétaux. Subjugué, il s’enfonça dans la verdure.

HRP : désolée, trop de soucis au boulot, je ne touche plus terre...

Il s'enfonça au milieu des herbes et la musique se fit un peu plus nette, douce, envoûtante. Il lui semblait sentir des parfums de fleur alors qu'il ne voyait aucune fleur, il sentait une légère brise sur son visage, et il faisait brusquement très doux, comme en fin de printemps. Et les brins d'herbes qui s'entrechoquaient tintinnabulaient doucement, musicalement.
Il perdit la notion du temps, mais il lui sembla que moins d'une minute s'était écoulée lorsqu'il entendit, nettement, le son d'un cor dans le lointain. Loin, très loin de lui. Il était au milieu d'une étendue d'herbe immense, et ses pieds lui semblaient étonnamment lourd, comme si la boue cherchait à le retenir. Il n'était même pas certain d'avoir entendu un cor.
Le cor sonna à nouveau, plus net, moins lointain. l'étendue d'herbe lui parut moins vaste et ses pieds un peu moins lourds. Le bruit venait de sa droite

HRP : Il n’y aucun souci

.

Le deuxième son du cor tira Gabriel de sa torpeur. Il eut l’impression de sortir son corps d’une gangue cotonneuse et confortable. Il regarda autour de lui et une peur moite le saisit quand il réalisa le danger. Le jeune homme respira profondément pour se concentrer et se dirigea vers le repère sonore, à sa droite.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Le Comptoir sur la Sombre