La Couronne de Cuivre

[Quête : La naissance d’Alix]

« Ravi de t’entendre dire ça. Mon petit doigt me disait qu’on pourrait s’entendre. Viens, c’est par ici. »
Le jeune homme se détourna et s’éloigna dans la ruelle. Sa démarche était souple, légère, son attitude, assurée. Nul doute que les bas-fonds sordides de Melandis lui étaient familiers. Louve le suivit donc. Au début, il garda le silence, puis, désinvolte, il finit par déclarer, à mi-voix :
« Tu te souviens de la nuit où on s’est battu ? Je t’ai blessé. J’ai vu cette blessure ce refermer en un clin d’œil. C’est aussi pour ça que j’ai pensé à toi pour ce job. Mais, jouons cartes sur table. Tu n’es pas humaine, n’est-ce pas ? Ou alors, tu es une sorte d’ensorceleuse ? »
Il tourna la tête vers elle.
« Je n’en ai parlé à personne et si tu veux que ça reste secret, ça le restera. Foi de La taillade. »
Il semblait sincère.

Louve écouta La Taillade avec attention. Ainsi, il avait remarqué que sa plaie s'était refermée. Elle se sentit quelque peu inquiète. Devait-elle l'éliminer puisqu'il en savait trop ? Mais quelque part, il avait l'air sincère et plus important encore, il lui donnait une occasion de s'affranchir du vieux radin. Elle hocha la tête avec un demi-sourire aux lèvres.

"Je vois que tu es observateur. Par contre, si je te dis mon secret, je voudrais que tu me l'échanges contre un autre. ça me paraitrait plus équitable."

[Quête : La Naissance d’Alix la Louve]

Lataillade parût apprécier cette réponse.
« Tu n’as vraiment plus besoin de ce vieux crouton. Tu me sembles tout à fait prête à voler de tes propres ailes. Les secrets coûtent chers. Certains valent largement plus que des joyaux. Tu sais, mon plus gros contrat, je l’ai rempli en rapportant à mon commanditaire quelques simples mots, juste cela. »
Petit rire léger. Lataillade était jeune et beau. Une personne fougueuse qui, visiblement, savait profiter de la vie, même ici, dans la fange de la cité du chaos.
« Mais je m’égare. Je vais te donner un secret. »
Il s’immobilisa, regarda de gauche, de droite, s’assura que personne ne pouvait entendre, puis il dit à mi-mot :
« Je vais te donner le secret de ma survie. Il pourrait bien devenir celui de ta propre survie. C’est de n’avoir... qu’une seule parole. Ne jamais être un parjure, jamais ! C’est toute la différence entre une vulgaire crapule et un mercenaire digne de ce nom. J’ai pu faire affaire avec des gens puissants. Ils auraient pu m’écraser avec leurs petits doigts s’ils l’avaient voulus. Mais je suis fiable et ils ont besoin de gens fiables. C’est aussi pour cette raison que quand je menace des gens, ils prennent peur. Je ne suis pas impressionnant d’apparence, mais ils savent que je n’ai qu’une seule parole. Si je jure de tuer toutes leurs familles devant leurs yeux, ils savent que je vais le faire. »
Nouveau petit rire.
« Alors, ton secret ? »

Le secret lui plut de même que la personnalité de la Taillade. Un homme avec une seule parole. Quelque part, c'était amusant car elle avait l'impression qu'elle ne pourrait jamais faire de même. Elle n'éprouvait pas vraiment de loyauté pour qui que ce fut. Elle lui sourit et fit mine de minauder un peu, juste pour s'amuser. Puis elle regarda comme lui pour s'assurer que personne ne pourrait l'entendre. Puis elle dit doucement.

"Moi, je suis un garou."

Rien d'autre. Elle ne précisa pas ce que cela impliquait. Mais pour elle, c'était déjà une menace en soi. Elle précisa pour la forme.

"Tu n'as qu'une parole et tu me l'as donnée. Donc n'en parle pas."

[Quête : La Naissance d'Alix la Louve]

Lataillade ne parût pas douter une seconde de cette affirmation. Cela ne parût pas non plus lui déplaire. Il se mit juste à observer Alix avec une vive curiosité :
« Une garou... Intéressant. Une rate-garou ? Non, je ne crois pas. Tu n’as pas ce côté... sournois. Toi, tu es féroce. Une louve sans doute. »
Sachant que les rats-garous et les loups-garous représentaient la très grande majorité des lycanthropes, le jeune homme n’avait pas besoin d’être un devin pour faire ce genre de déduction.
« Très bien. Mais dans ce cas, il me faut savoir un truc de plus. C’est de naissance ou tu as été infectée ? Je tiens, tu le devines, à me tenir prêt si par hasard tu perdais le contrôle. Mis à part ça, j’ai déjà travaillé avec un ou deux garous. Il y a quelques rats en ville. »

Alix le laissa l'observer. Elle se redressa même pour le laisser la regarder avec un petit sourire ironique sur le visage. A bien réfléchir, Lataillade était bien plus drôle que le vieux militaire sur le déclin. L'autre était l'avenir.
Non, elle n'était en rien un rat comme Zig ou Boniface. Elle, elle avait de l'allure. Elle eut une pensée fugitive pour le dernier. Quelle tête ferait-il quand il apprendrait qu'elle avait déserté le nid ? Le vieux grigou risquait de s'en prendre à lui. Tant pis ... Il l'avait vendue en quelque sorte comme une prostituée dont elle entendait parfois chanter les mérites dans des chansons obscènes alors qu'elle se promenait dans les Bas-quartiers de la ville. Au bout d'un moment, elle laissa tomber non sans fierté.

"Je suis une louve garou. Pas une infectée, une pure, une vraie. Les transformations, je les maîtrise."

[Quête : La Naissance d’Alix la Louve]

« Tu es bien la première de ton espèce que je croise en ville, enfin que je croise tout court. Je m’étais laissé dire que les tiens préféraient les bois. En tout cas, pour moi, c’est parfait. Je garderai ton secret. Par contre, je te préviens, mes collègues sont curieux, alors sois discrète si tu ne veux pas que ça se sache. »
Sur ce, Lataillade reprit la marche et n’aborda plus le sujet. Ses pas le menèrent à une baraque délabrée, au fond d’une ruelle particulièrement tortueuse. Il frappa à la porte selon un certain rythme, puis entra.
« C’est moi, annonça-t-il.
- Et ? fit une voix bourrue.
- Elle est là. »
Lorsque Louve entra à son tour, elle découvrit une pièce rendue obscure par le peu de lumière que laissaient filtrer les fenêtres crasseuses. Quelques chandelles de suif remédiaient en partie à ce problème. Étaient assis à une table deux personnes, une sorte d’elfe miniature et un grand gaillard à la face tordue, probablement à cause d’une vieille blessure. Ils étaient en train de jouer aux cartes. Des pièces de cuivre constituaient la mise.
« Je vous présente, Alix, Alix la Louve, dit Lataillade. Alix, voici Doigt d’or, c’est l’halfelin, aucune porte ne lui résiste. Et l’autre, le grand, c’est Face de Marteau. Il a l’œil à tout, la meilleure des sentinelles. »

Quête : la naissance d'Alix la Louve.

Louve avait suivi Lataillade dans la maison. Elle n'était aucunement inquiète. Pas plus qu'avec le vieux dans tous les cas. Elle jeta un bref regard à l'elfe miniature et à l'homme à la face démolie. Une drôle d'équipe, peut-être même le début d'une plaisanterie de mauvais goût. En attendant, ils étaient ses compagnons de combine. Elle eut un petit sourire.

"Merci de m'avoir invitée à votre petite fête. Vous avez un plan ?"

[Quête : La Naissance d’Alix la Louve]

« Oh que oui, on en a un, répondit Lataillade. Mais avant ça, faut que je te présente les autres.
- T’es sûr qu’elle est fiable ? demanda, suspicieux, Doigt d’Or.
- Elle est parfaite, vous verrez ! »
Le groupe comptait au final presque une dizaine de membres, le halfelin et Face de Marteau étant probablement les plus marquants d’entre eux, avec Lataillade bien sûr. Ce dernier, les présentations faites, exposa le plan à Louve, le faisant par la même occasion réviser aux autres. Alix comprit très vite que la chose n’était pas de l’amateurisme. Tout semblait prévu et n’avait pu être mis sur pieds qu’avec beaucoup d’observations, d’informations. Le groupe avait apparemment un contact dans la demeure de la cible qui s’était révélé très précieux pour obtenir certains détails sur les rondes ou l’agencement des pièces. Heureusement, le rôle de la mercenaire était plutôt facile à retenir.
« Et donc, toi, Alix, tu suivras Doigt d’Or, ainsi que moi-même, dans le manoir. Grâces à la surveillances des autres, on devrait pouvoir progresser aussi silencieusement que rapidement. Si notre cible suit comme prévu son emploi du temps, on la trouvera dans sa petite chapelle privée. Il aura deux gardes du corps, mais c’est bien lui la plus grande menace. Je m’occupe des gardes, tu lui fais sa faite, Doigt d’Or surveille nos arrières. Une fois que c’est fait, on doit récupérer pour notre employeur une mèche de cheveux, puis on dégage. Tout sera prêt pour qu’on disparaissent avant que le reste du personnel se rende compte de quelque chose. »
Cette histoire était incomparablement plus risquée que d’aller combattre dans des arènes miteuses. Mais le plan se tenait du début à la fin.

Louve écouta avec attention. Certes, c'était risqué mais elle sentit poindre une certaine forme d’excitation meurtrière poindre à mesure qu'il énonçait le plan. Oui, ce serait risqué et dangereux mais cela faisait partie du jeu. C'était un tout autre défi que de se battre dans une arène miteuse pour quelques miettes. Elle était quelque peu lassée de se montrer en spectacle. Par contre, plutôt que de se jeter bille en tête vers l'inconnu, elle voulut en savoir plus.

"Et cette cible, c'est qui ? Vous êtes sur que hormis ses gardes il sera tout seul ? Est-ce qu'il sait se battre ? Et en cas de pépin on a une porte de sortie ?"

[Quête : La Naissance d’Alix la Louve]

Lataillade répondit sans se faire prier à ses interrogations :
« Ce type, c’est un ancien officier de l’armée Melandienne. Il sait bien, très bien se battre et c’est pour ça qu’on fait appel à toi. Je pense que je pourrais m’en charger, mais pas assez vite et pas sans prendre des risques démesurées. Faut être sûr de notre coup. Le reste ne nous intéresse pas. Quelqu’un veut qu’il meurt et nous paye pour ça, alors il doit mourir. Nos informations sont fiables, mais on n’est jamais à l’abri d’un imprévu. Si jamais ça se présente mal dès le début et qu’on n’est pas encore entré dans le manoir, on se retirera discrètement et on retentera demain, à la même heure. Si par contre c’est à l’intérieur que ça se passe mal, alors faudra improviser. On se déploie afin de nous ménager plusieurs portes de sortie, mais bien sûr, il y a un risque de se faire prendre. Si ça arrive, je vais pas te faire un dessin, ça va pas être drôle. Mais c’est pas la première fois qu’on fait des trucs comme ça. Et comme tu peux le deviner, on s’en sort plutôt bien, sinon on ne serait plus là pour en parler. De temps en temps, on perd quelqu’un, c’est le métier qui veut ça. »
Il était franc, Alix en avait la conviction.

Louve hocha la tête. Le défi était à la hauteur de ses espérances. Restait à savoir s'ils étaient assez bons pour le relever haut la main ou non. Elle n'avait pas spécialement peur de voir ses compagnons mourir vu qu'ils n'avaient pas vraiment de lien. A part Lataillade qui était un pourvoyeur potentiel de missions et dont elle appréciait l'état d'esprit. Les autres ... Si elle devait les sacrifier pour s'enfuir ... Elle demanda tout de même.

"Et qu'est-ce qu'on fait ? On se déguise au cas où quelqu'un nous voie ?"

[Quête : Naissance d’Alix la Louve]

« Plusieurs d’antres nous auront des uniformes de garde, expliqua Lataillade. Mais pas moi, toi ou Doigt d’Or. Nous n’en avons pas assez et ce sont les autres qui vont nous libérer la voie, eux donc qui seront vu. Nous, si quelqu’un nous voit, on l’élimine. »
Sur ce, le halfelin se leva :
« C’est pas tout ça, mais va falloir y aller si on veut procéder avec méthode. »
Les autres hochèrent la tête. LaTaillade sourit à Alix :
« Ne t’en fais pas. ça se passera bien. En cas d’imprévu, suis simplement mes instructions, j’ai l’habitude pour ce genre de choses. Et ce soir, tu auras entre les mains plus d’or que le vieux ne voulait te filer. »
Encore une fois, il était franc. Le jeune homme était sûr de son fait.

[Quête : La Naissance d’Alix la Louve]

L’opération fut donc lancée. Au début, Alix trouva cela fort ennuyeux. Elle attendait à l’écart avec certains des truands du groupe, pendant que les autres faisaient leurs discrets repérages. Puis vint le signal. Alors tout ne fut plus que sensation. La rousse dût franchir un haut mur puis se retrouva avec Lataillade et Doigts d’Or. L’halfelin démontra tout son talent en ouvrant des portes verrouillées en un rien de temps. Louve elle-même aurait été bien plus longue à aboutir au même résultat si elle avait voulu les défoncer, sans compter le bruit occasionné. Le trio savait être discret. Fort des indications de leurs alliés qu’il entrevoyait au détours d’un couloir ou derrière une fenêtre, il sut éviter les gardes et les domestiques. Pas tous, il fallut en éliminer deux qui, pour leur malheur, se trouvaient au mauvais moment au mauvais endroit. Là encore, Doigts d’Or fit des merveilles, tuant à la manière de Boniface. Lataillade n’était pas en reste, vif et mortel. Enfin, ils le virent... leur cible...

Elle ne se trouvait pas où elle aurait dû. Elle marchait dans un corridor, encadré par deux solides gaillards en armes. Elle-même semblait tout à fait apte à se défendre. Grand, massif, la démarche martiale, c’était un homme de terrain qui portait l’épée au côté. Par chance, il arborait de beaux atours, pas une armure. Il y avait enfin une quatrième personne, un valet qui parlait d’invitation, d’organisation et s’excusait pour le bousculement. Lataillade, Alix et Doigt d’Or pouvaient voir et entendre tout ceci, dissimulés derrière des statues décoratives. Le jeune homme et l’halfelin échangèrent un regard.
« Vas-y, murmura ensuite Lataillade à Louve. On fait comme prévu. À toi la cible. Inutile d’être discret, fait ça vite. »
Tout était calme dans le manoir. D’ici un instant, ce serait tout le contraire...

[Quête : La Naissance d'Alix la Louve]

Quelques minutes ? Grand dieu ! Il fallait qu’il soit mort dans quelques secondes parce que dans quelques minutes il y avait fort à parier que tous les gardes de la résidence seraient dans ce corridor. Les choses se passèrent heureusement très vite. La cible fut la seule à être assez réactive pour ne pas mourir sur le coup. Elle para la lame d’Alix. Mais déjà ses deux gardes du corps étaient au sol et son domestique se mit à s’enfuir en poussant des cris. Lataillade le tua d’une estoque dans le dos tendit que Doigt d’Or prenait en tenaille la cible. Louve put tirer profit de la situation. Son épée trouva cette fois la gorge de l’homme. Il tomba, condamné. Doigt d’Or lui coupa une mèche de cheveux, puis lui planta sa dague dans l’œil afin d’être certain du trépas.
« Par ici ! » dit Lataillade en se dirigeant vers une fenêtre.
Voilà le trio d’assassins dans le jardin. Ce fut là que Louve se sentit vraiment utile car une patrouille de garde, attirée par les bruits, se mit à les attaquer ; Alix prit trois âmes en quatre coups, assez pour faire fuir les deux survivants terrifiés face à une telle efficacité. Encore un peu et voilà le trio hors du domaine, marchant tranquillement dans une ruelle.
« Et bien, une affaire rondement menée, déclara Lataillade en nettoyant le sang sur son cimeterre.
- En effet. Une fois de plus, tu nous a trouvé un membre d’exception, dit le halfelin. Alix, tu es efficace. J’aime les gens efficaces. »

Louve jubilait, elle avait eu son comptant d'adrénaline et de sang. Mieux encore, elle avait la confirmation qu'elle pouvait avoir confiance dans ses nouvelles capacités. Elle pouvait combattre même sous forme humaine. Le vieux soldat lui avait au moins servi à cela. Pour ne rien gâcher, elle avait de nouveau la sensation d’appartenir à une meute. Bien sur, son statut était précaire car elle risquait de se dissoudre en cas de conflit ou si elle était décimée par un adversaire plus fort mais chasser à plusieurs lui avait fait du bien.

Elle sourit à la remarque de doigt d'or avant de proposer.

"On va arroser ça à la taverne ? Je paye la première tournée."

[Quête : La Naissance d’Alix la Louve]

« Non, objecta Doigt d’Or, mais sans brusquerie. On a une coutume. On ne boit que quand on a été payé.
- On a rendez-vous avec notre commanditaire d’ici deux heures, expliqua Lataillade. Le temps de le rencontrer et de partager, je crois qu’on pourra après aller dans une taverne. Tu payeras la première, c’est noté ! »
Le groupe se rassembla un peu plus loin. Rien de notable ne se déroula durant les deux prochaines heures. Louve trouvait la compagnie du gang de mercenaires agréables. L’ambiance était virile, mais il y avait aussi de la bonne camaraderie. Ce fut à la nuit noire qu’eut lieu la rencontre. Elle se déroula rapidement, et presque sans un mot. Les mercenaires attendaient au lieu convenu. Une personne encapuchonnée s’approcha. Lataillade lui présenta la mèche de cheveux, l’autre sembla satisfait, lui remit une bourse rondelette, puis s’en fut. Après le partage, un vrai partage équitable, Alix reçut plus d’or qu’elle n’en avait obtenu avec le vieux, même en cumulant tous ses combats dans l’arène. Maintenant qu’elle avait la notion de l’argent, elle savait pouvoir se rendre dans des magasins, par exemple pour renouveler sa garde-robe ou se faire forger une nouvelle épée, ou bien pour loger durant plusieurs veilles dans une auberge respectable. Présentement, cependant, le groupe était en route pour vider une chope ou deux.
« Dis, Alix, fit Lataillade. Tu vas dormir où cette nuit ? Tu vas retourner chez le vieux ? Sinon, on a une chambre libre à la tanière. »

La naissance d'Alix la Louve.

Elle répondit presque aussitôt.

"Le Vieux, je n'ai plus envie de le voir."

Il pouvait même disparaître de la surface de Toril, elle ne lèverait pas un sourcil. Ou du moins ... Le vieux connaissait son secret. Et même si elle lui devait beaucoup, il l'avait exploitée.

"Je ne suis pas à lui, même s'il sait ce que je suis ... ça me gène un peu d'ailleurs. Bien sûr, ce n'est pas dit que je retombe sur lui mais on ne sait jamais ..."

[Quête : La Naissance d’Alix la Louve]

« Connaissant le bougre, il va chercher à te retrouver. Il est assez cupide pour enrager rien qu’à l’idée que quelqu’un d’autre puisse, selon lui, utiliser sa petite rousse personnelle. Dès lors, tu peux attendre qu’il te tombe dessus ou lui tomber dessus. Il nous connaît, moi et mes gars, il ne sera pas long à se pointer. Cette nuit, demain au plus tard... »
Voilà l’auberge. Tout le monde entra. Alix se fondait fort bien au milieu de cette clientèle de gros bras, de filous et de sournois. L’endroit était néanmoins plutôt bien tenu, rien à voir avec les infâmes tripots que la garou avait pu visiter jusque là. Dans un coin, un ménestrel jouait un joyeux air Mélandien.

Quête : la naissance d'Alix la Rouge

Louve n'avait pas peur du vieux mais il constituait une épine dans le pied sérieuse. Elle feignit quelques minutes de s'intéresser au barde et à sa musique - elle commençait à apprécier cet art dont elle avait été privée une bonne partie de sa vie - avant de lancer mine de rien.

"Toi et les autres, vous m'aideriez à m'en débarrasser si je vous paye ?"

Bien sûr, c'était de l'ingratitude pure et simple et même un appel au meurtre mais cela ne l'embêtait pas le moins du monde.

[Quête : La Naissance d’Alix la Louve]

Ses nouveaux compagnons la regardèrent. Les réactions furent diverses.
« As-tu seulement besoin de nous ? demanda Lataillade. C’est un vétéran de guerre, ok, mais il doit pas être plus difficile à tomber que le type de tout à l’heure.
- Hé ! Si elle veut notre aide, c’est pas un problème, fit Doigt d’Or. Alix, pour de l’or, je tue n’importe qui, sauf les bébés. Ouais, y’a que ça que je fais pas. Faut toujours se donner une limite. »
Plusieurs membres du groupe rirent.
« En parlant du loup... » murmura Face de Marteau.
Les autres suivirent son regard vers la porte d’entrée qui venait de s’ouvrir. Voilà le vieux qui entrait, l’air furibond, lame au côté, poings serrés.
« Fripouilles ! cracha-t-il à l’intention de la bande. Toujours à vous mêler de ce qui vous regarde pas ! »
Lataillade, effronté, se mit à jouer avec une dague.
« Je vois pas de quoi tu parles le vioc, rétorqua-t-il.
- Et si on poursuivait la discussion qu’on avait ? fit malicieusement le halfelin.
- Et toi, catin, ingrate ! Tu oses me tourner le dos comme ça ! beugla le vétéran en s’avançant droit vers Alix. Tu vas rentrer ! Il y a deux trois petits trucs que t’as pas encore pigé ! »
Le barde s’était arrêté de jouer. Le tavernier semblait tout d’un coup obsédé par la propreté de ses chopes et les clients paraissaient attendre une baston.

La naissance d'Alix la Louve.

Alix se leva lentement. Chacune des insultes et des menaces l'avaient atteinte mais elle ne le montra pas. Elle avança sur lui en restant sur ses gardes. Elle ne voulait pas se prendre un coup mal placé comme le jour de leur toute première rencontre. Quand elle fut assez près, elle croisa les bras avant de lui demander.

"Tu ne voudrais pas qu'on aille parler de tout ça dehors ? Je n'aime pas laver mon linge sale devant témoins, pas toi ?"

[Quête : La Naissance d’Alix la Louve]

Louve sentit son halène avinée. Le vieux avait bu, mais pas assez pour altérer ses réflexes, elle le savait. Elle sentait aussi sa hargne, son hostilité. La cupidité avait toujours été ce qui le faisait avancer et il venait de perdre un sacré paquet d’argent. Il n’avait eu personne à faire combattre, personne sur qui parier, personne à rentabiliser, alors même qu’il voyait bien que la bourse d’Alix était plus pleine qu’avant.
« Pourquoi dehors, trainée ? Aurais-tu quelque chose à cacher ? » rétorqua-t-il, glacial.
Il n’avait pas peur d’elle. Son regard était celui du prédateur. Non. Celui du meurtrier, ce qui était légèrement différent. Alix ayant appris à le craindre et à le respecter, ayant appris sa valeur, elle ne put s’empêcher d’avoir un mauvais pressentiment.
« De quoi étiez-vous en train de parler ? J’ai cru entendre tuer pour de l’or », poursuivit-il, la main sur la garde de son épée.
Lataillade se leva, Doigt d’Or aussi. Quelques clients se reculèrent, deux partirent. Le temps semblait s’être suspendu.

Louve douta, en effet. Le vieux était solide et était un très bon guerrier même aviné. Mais pouvait-elle faire marche arrière à présent ? Il connaissait ses intentions. Mais elle secoua la tête avant de soupirer.

"Est-ce que c'est comme ça que nous voulons que ça se termine ? D'accord, je t'ai doublé et je suis une saloperie d'ingrate. Mais tu as vu comment tu me traites, toi aussi ? Moi, je pense que l'on peut s'arranger. Je sais que j'ai une dette envers toi et je peux continuer de te la rembourser. Mais plus de combats, plus d'argent au lance-pierre. Comme tu es mon mentor et que je te dois tout, je te propose un pourcentage pour chacune de mes missions. Tu ne penses pas que c'est un peu plus raisonnable ?"

Mais même en parlant, elle se tenait sur ses gardes. On ne savait jamais.

[Quête : La Naissance d’Alix]

« Tu oses négocier plutôt que de t’aplatir ? explosa le vieux. Tu oses te comporter crânement au lieu d’implorer mon pardon ? »
Il eut un rire mauvais. Peut-être n’avait-il pas assez bu pour que cela altère ses réflexes de guerrier, mais les chopes qu’il avait dans le sang le rendaient plus irascible qu’il ne l’était d’ordinaire. Lataillade s’avança, un sourire conciliant sur les lèvres, mais une main posée sur la garde de son cimeterre.
« Allons, grand-père, Alix t’offre... »
Il y eut un échange de regard entre les deux hommes et Louve sut à quel point ils se détestaient. La seconde d’après, le vétéran, hors de lui, dégainait son épée, une épée en argent, et fondit droit sur Lataillade qui eut tout juste le temps de se défendre. Cette nuit, du sang allait couler. Mais celui de qui ?

Quête : la naissance d'Alix la Louve

Louve dégaina à son tour plus calmement qu'elle ne l'aurait pensé. Dans sa tête, elle fit le vide, mobilisant tous ses muscles. Elle ne s'approcha pas directement du vieux. Son but était de le faire bouger et d'esquiver chacune de ses attaques. Ensuite, elle donnerait quelques coups d'estoc mais n'entrerait jamais en réelle confrontation. Puis au moment où il serait fatigué ...

Elle se méfiait du vieux grigou et de son entrainement martial. Il avait beau être âgé mais il avait encore de la ressource. Pour l’exciter un peu, elle lui sourit.

[Quête : La Naissance d’Alix la Louve]

Rien ne se passa vraiment comme prévu. Elguert, fort d’une expérience acquise durant une vie de soldat et de fripouille, eut raison de la jeunesse et de la fougue de Lataillade. Ce dernier sembla surpris de voir la lame d’argent du vieux lui perforer le torse. Déjà la lame d’argent ressortait, rouge de sang, déjà Lataillade tombait, provoquant la stupeur chez ses compagnons, enfin chez la plupart. Le vétéran, un rictus mauvais aux lèvres, se jeta directement sur Alix.
« Crève, charogne ! » lui cracha-t-il au visage.
Leurs épées se heurtèrent, le champ d’un féroce combat emplit l’auberge. Voilà Louve contrainte de reculer. Mise en difficulté, elle pouvait craindre d’être blessée à tout moment. Ne lui fallait-il pas revêtir une forme plus adaptée au combat ? C’était ce que son instinct lui criait. Du coin de l’œil, elle vit Doigt d’Or, dague au poing, discrètement contourner le vieux. Le halfelin était petit, on ne faisait pas attention à lui. Face de marteau, quant à lui, s’apprêtait à se joindre à Louve, il brandissait déjà sa lourde masse d’armes.

"Va te faire voir, vieil imbécile !"

Louve avait crié de colère. Plus pour déstabiliser le vieux que pour marquer son chagrin. En même temps, la mort de Lataillade ne l'arrangeait pas. Il aurait fait un bel allié, une personne de confiance. La première personne sur laquelle elle aurait pu s'appuyer. Dans son dos, elle perçut l'avancée des deux autres. Ils ne seraient pas de trop.

Quand le vieux leva sa masse, elle bondit sur lui et porta un coup d'estoc juste avant de se retirer hors de portée. Elle avait des réflexes et espérait qu'ils suffiraient à gagner le combat. Car cette fois, elle se battait pour sa vie. Ensuite, elle essaierait d'immobiliser le vieux en tailladant ses jarrets si elle en avait l'occasion. Encore fallait-il qu'elle la trouve.