La Couronne de Cuivre

Hubert salua chaleureusement Ingrid, puis se glissa à table auprès d'eux et sourit aux enfants.
" Je vois que vous êtes toujours vivants. Les bancs de la classe ne vous ont donc pas dévorés, pas plus que vous n'êtes morts d'ennui ou d'avoir trop stimulés vos cervelles. J'en suis heureux. J'avais peur, après vos propos de ce matin — surtout des tiens, Ruth, je dois dire —que je ne doive intervenir pour sauver la vie de Rebecca avant que tu la coupes en rondelles..."

Ruth s'était instantanément mise à faire la tête.
-Sauf votre respect, m'sire, est-ce qu'on pourrait... ne pas parler de ça ? Je suis tranquille jusqu'à demain matin, alors... Je préférerais autant oublier l'école et, surtout, qu'il va me falloir y retourner...
Alban avait grimacé, lui aussi, mais beaucoup plus brièvement.
-Ne vous en faites pas pour ça, souffla-t-il à son maître. Ce sont des bêtises. Ça nous passera.

" Misère, lâcha le paladin. Misère de misère de misère."
Il soupira.
" Je n'aimais pas trop ça non plus, dans mon souvenir." remarqua-t-il, à moitié pour lui-même.
Il haussa les épaules.
" Bon, après votre garde, en fonction de votre état, on enchaînera tout de suite sur l'entraînement... Ou alors vous passerez par les Thermes, mais j'ai l'impression que c'est un peu du temps perdu, vu que j'ai bien l'intention de vous laisser suants et pantelants, aujourd'hui. Enfin... ça fera une bonne excuse pour aller vous tremper une deuxième fois. Mais il ne faudra pas traînasser : je perds mon aide de camp, aujourd'hui, ça veut dire que vous allez avoir le double de travail."
Il décocha un clin d'oeil à Ingrid, mais conserva une mine presque contrariée.

Ingrid lui sourit. Quant aux écuyers, l'effet fut spectaculaire : de maussades, ils devinrent instantanément radieux.
-Du travail ? On fera tout le travail que vous voudrez !
-Et on trouvera un moyen pour n'aller aux thermes qu'une fois. On pourrait s'entraîner dans une salle à côté, par exemple : il y fait assez chaud.
-Et de toute façon, si on se démène, on se réchauffera encore mieux que dans l'eau.
-Et ensuite, on nagera cinq minutes, puis on accomplira toutes les tâches que vous nous confierez.

Cette fois, Hubert rit de bon coeur. Ils étaient impayables. Absolument irrécupérables. Des monstres. Mais il les aimait bien.
" Je vais d'abord manger, si vous voulez bien... Nous en reparlerons ensuite."
Bon, il allait falloir qu'il se montre à la hauteur de ses déclarations, maintenant, et qu'il leur trouve des choses à faire.

***

De son côté, Albérich était allé se servir un plateau puis avait fondu sur les instituteurs. La matinée s'était déroulée à grande vitesse, bien qu'il n'ait en réalité pas fait grand chose, sinon filtré les entrées dans la nef, donné les consignes de sécurité, obligé à remonter les traînards, répondu à quelques questions (avec l'aide de Giovanni). Il devrait rempiler en début d'après-midi, pour laisser l'opportunité aux enfants de visiter à leur tour, puis il pourrait passer à la mise en ordre de son recensement. Cela l'amènerait à s'installer dans le chariot de Marthe. L'idée l'inquiétait un peu, il n'était pas pressé d'aller s'asseoir derrière ce bureau, comme si un fantôme l'y guettait, mais c'était indispensable, aussi affronterait-il ses démons quand il le faudrait. Mais il voulait d'abord s'entretenir un rien avec le trio de l'école. Il prit le temps de s'installer, les dévisagea ensuite, l'expression désolée.
" Je dois vous annoncer une horrible nouvelle. J'espère que vous parviendrez à la supporter."
Il soupira.
" C'était mon premier conseil, ce matin. Vous avez peut-être voté pour moi. Malheureux. Ils m'ont nommé conseiller en charge de l'éducation. Je suis sincèrement navré."

Leur réaction fut à l'aune de sa déclaration, et il dut affronter trois mines d'enterrement.
-On fait quoi, on se pend ?
-On s'ouvre les veines.
-D'accord, mais pour être plus sûrs de ne pas en réchapper, on se jette ensuite dans les thermes pour s'y noyer.
Larges sourires.
-C'est une très bonne nouvelle, en réalité. Même si tout se passait bien avec Agnès.
-On va te refiler les récréations. Et les exercices physiques.
-Et tu devras convaincre le Conseil de nous envoyer TOUS les écuyers, TOUS les apprentis : Ruth et Alban ont ouvert la voie, il ne faut pas s'arrêter en si bon chemin.

" Tout ça me semble négociable, dit Albérich avec le sourire. Mais je ne vais pas vous tomber dessus dans l'immédiat. Je dois terminer de faire visiter la salle inférieure, et puis je voudrais compiler un recensement de notre population. Ensuite, je reviendrai vers vous. Je suis pour la scolarisation de tous, et pour un niveau minimum d'instruction, même pour les adultes... Lire et écrire, au moins. Mais je voudrais aussi que nous ayons des apprentis dans tous les secteurs cruciaux de la société. Les clercs, à ma connaissance, n'ont pas de novices. Je ne vois pas non plus de futurs instituteurs, sauf si vous les avez cachés dans vos malles... Bref, je vais prendre quelques jours pour me faire une image de la situation... et puis seulement, je viendrai vous ennuyer."

-Du moment que ces nouveaux apprentis continuent à venir à l'école, je vote pour.
-Itou. Et n'oublies pas que nous n'avons pas non plus de futurs mages, de futurs ensorceleurs...
-Ni de futurs bardes ! Pense aux bardes ! Pense à la tristesse de Giovanni s'il n'a personne à former !
Ils rirent.
-Non, mais c'est un beau projet. Et peut-être pourra-t-on t'aider : à force de côtoyer les gamins, on voit un peu où se portent leurs centres d'intérêts...

" C'était bien ce que je comptais vous demander, je dois l'avouer, dit le Luménien, soulagé de trouver un écho à ses préoccupations chez ceux qui devraient devenir ses plus proches collaborateurs. Mais j'arrive, je m'installe, et je vous interromps... Comment s'est déroulée cette première matinée ? J'imagine qu'il y a dû y avoir à prendre et à laisser, entre l'appétit des uns, et les oublis des autres..."

-Bah, ça c'est passé comme toute les rentrées : il faut qu'ils reprennent l'habitude.
-Là, même parmi les habituels motivés, certains étaient à l'unisson des autres pour trouver qu'être en classe était bien moins amusant que se livrer à des batailles de boules de neige, nager dans les thermes ou s'entraîner avec les instructeurs.
-Mais ils reprendront vite leurs marques et ne tarderont pas à comprendre que plus ils seront actifs et concentrés, plus ces trois petites heures leur paraîtront courtes..
-En ce qui concerne le niveau, pas de grands changements. Il faut dire qu'une pause d'une veille, ça n'est pas énorme.

" Les choses rentreront dans l'ordre petit à petit, je suppose. Mais je pense que si des idées vous viennent, pour le futur et l'organisation de l'école une fois dans nos murs réels, il ne faut pas hésiter à déjà en parler et y réfléchir. Vous êtes juste trois, pour beaucoup d'enfants. Si nous décidons de rapatrier les apprentis, si nous y ajoutons les adultes... Je pense qu'il va falloir que vous songiez à vous adjoindre des professeurs supplémentaires, du moins dans certains secteurs. Et si nous voulons que les futurs citoyens de Clairétoile soient acteurs de leur ville, il leur faudra plus que les bases... Enfin... Il y a beaucoup de choses à réfléchir. Et j'anticipe. Et vous y avez sûrement déjà songé plus d'une fois. Je suis désolé. Une fois qu'on m'ouvre une porte, j'ai du mal à me retenir. Hum."

-Allons, il n'y a pas de souci. C'est bien que quelqu'un impulse une nouvelle dynamique.
-Sans compter que ça nous fait plaisir de te voir si motivé.
-L'enthousiasme, on n'en a jamais assez, surtout dans ces circonstances. Et penser à long terme fait du bien.
-Le plus urgent sera de nous trouver des adjoints. Car avec des groupes plus petits, on pourra opter pour une pédagogie moins magistrale, plus participative.
-Parmi les adolescents, certains ont de bonnes bases et seraient donc susceptibles de nous aider.
-Pareil pour les bardes, qui feraient un tabac comme enseignants.
-Mais on aura l'occasion d'en reparler. Là, mieux vaut que nous ne nous attardions pas trop... Que les enseignants soient en retard le jour de la rentrée, cela ferait mauvais genre.

Albérich ne les retint pas davantage, se contentant de les écouter raconter quelques anecdotes tout en terminant leur repas. Songer à l'organisation de l'enseignement à Clairétoile lui rappelait immanquablement Solarcis, où il avait cru un moment qu'il reprendrait la direction de l'école publique qu'ils avaient imaginée dans les anciens locaux de la caserne du Rayon. Il avait eu plusieurs réunions avec les acteurs du secteur, des mécènes désintéressés, pour la plupart, qui finançaient de petites écoles de quartier ça et là dans la ville. Ici, ils avaient la possibilité de poser les bases d'une éducation pour tous, d'un corpus commun de connaissances, qui permettraient aux boulangers comme aux juges de se comprendre. C'était fatalement enthousiasmant.
Mais le Luménien sentait en même temps, malgré toute son envie, et les idées qui bourgeonnaient déjà, qu'il n'arrivait pas, au fond, à y croire. Quelque chose allait se gripper. Ils allaient tous se faire tuer. Des dissensions briseraient la communauté. Clairétoile serait une ruine viciée, habitée par une entité maléfique indéracinable. La mort de l'espoir. Il aurait tant voulu qu'il en soit autrement. Mais il fallait que quelque chose, un jour, réussisse. Et pour l'heure, ce n'était jamais le cas. Il n'y avait plus rien pour rallumer la flamme, sinon le futur. Ce n'était pas suffisant.

Il lui fallut cependant s'arracher à ses sombres ruminations : il était temps de s'occuper de la marmaille qui avait hâte d'explorer la nef. De la première vague, du moins : il y en aurait sans doute une autre plus tard dans la journée.
Les choses se passèrent au mieux : des parents se proposèrent pour aider à l'encadrement, et la majorité des enfants s'avérèrent relativement disciplinés, même s'il y eut, évidemment, quelque curieux et quelques turbulents à recadrer.
Une heure plus tard, Albérich émergeait dans la cour, puis gagnait le chariot où Marthe avait travaillé. Un simple regard à l'intérieur lui suffit à constater qu'elle n'avait laissé aucune trace de son passage. Seuls demeuraient la table à tréteaux, le siège, et un coffre qui renfermait sans doute quelques ouvrages utiles à l'élaboration de la constitution.

Albérich y pénétra religieusement et constata rapidement que tout était vide et rangé. Cela ne le rasséréna qu'à moitié. Il s'était attendu à trouver des traces de la juge, et voir qu'elle s'était complètement effacée était presque inquiétant. Mais sans doute cet endroit était-il le reflet de ce qu'il devait faire en lui-même. L'oubli était salvateur. Autrefois, il avait espéré demeurer à distance des autres pour les protéger. Aujourd'hui, c'était lui-même qu'il entendait préserver. C'était égoïste mais c'était vital.
Il s'assit et étala les listes d'Ignace. Il avait l'intention de compiler toutes ces informations, depuis les tours de garde jusqu'à l'âge de chacun, en passant par les liens familiaux, les professions, la pièce où ils dormaient. Il ferait une liste des enfants, à part, pour en discuter avec les instituteurs. Vu l'heure qu'il était, ça lui prendrait bien l'après-midi.

Au moment où il pénétrait dans le fameux chariot, Hubert, lui, dirigeait ses pas vers la nef. Pour éviter les interférences, il avait été décidé que l'expédition partirait une fois terminée la visite supervisée par Albérich. Sitôt les lieux évacués par les enfants, on y avait fait descendre les chevaux préalablement arnachés. Quand le paladin entra à son tour dans la vaste salle, il y trouva également l'équipe au grand complet, et découvrit que c'était, parmi les les bardes, Roxane qui avait choisi de se joindre à l'aventure.

Gabriel et Roxane, la fine équipe, songea Hubert.
Ils étaient assortis, mais ce n'était pas le duo le plus circonspect au monde. Il se dirigea d'ailleurs vers Ezéchiel tandis que les cavaliers réglaient leurs étriers et se hissaient en selle. Ignace avait pourvu à leurs besoins, bien évidemment, les fontes étaient chargées, et ils emportaient deux animaux de bât, au cas où ils auraient des merveilles à rapporter. Le paladin prit le rôdeur à part.
" Nous n'avons pas défini qui aurait le commandement de cette escouade. Est-ce que votre collègue fera l'affaire ?"

Il acquiesça.
-Cela me paraît le chef le plus naturel pour une mission d'exploration. Et comme Frida, Varamyr et moi, il a dirigé l'une de nos quatre équipes d'éclaireurs durant tout le trajet. Bref, j'ai pleine confiance en mon confrère, d'autant qu'il saura contenir les ardeurs des plus tumultueux si cela s'avère nécessaire.

Hubert sourit. Ezéchiel n'était décidément pas né de la dernière pluie.
" Dans ce cas, parfait. Il ne nous reste plus qu'à les briefer une ultime fois sur leur mission, puis ils pourront partir. Je ne sais pas si vous songiez à certaines choses précises à leur dire... Je veux bien me charger du discours, mais vous avez l'habitude des missions d'exploration, vous devez savoir ce à quoi ils doivent être attentifs plus que moi."

Il fit une légère grimace.
-Les grands discours, ça n'est pas mon fort, je dois bien l'avouer. Mais de toute façon, j'ai déjà beaucoup discuté avec mon confrère et avec les éclaireurs... Alors, à mon avis, il suffit que vous leur parliez, vous. Ensuite, nous n'aurons qu'à leur souhaiter bonne chance. Agnès ne va pas tarder à arriver, pour prononcer le mot de passe qui désactivera temporairement le glyphe.

" Misère, je n'ai pas l'intention de faire un grand discours." dit le paladin avec une grimace.
Il s'approcha de l'escouade. Tous les cavaliers étaient prêts, les chevaux semblaient aussi impatients que leurs cavaliers.
" Et bien... Je vous souhaite bonne route. Souvenez-vous d'être prudents et attentifs, de nous ramener toutes les informations possibles et imaginables, de rester discrets, aussi, nous ne voulons pas d'une invasion de zombies sur vos traces."
Il sourit pour désamorcer ses paroles.
" Si jamais vous tombiez sur quelque chose d'important en cours de route, comme des salles souterraines susceptibles de nous accueillir, ou je ne sais quoi d'autre, n'hésitez pas à nous renvoyer quelqu'un. N'oubliez pas non plus que votre mission n'est pas d'explorer toute la cité... Mais je vous fais confiance. Que Lathandre vous ouvre la route et veille sur chacun d'entre vous."

Ils acquiescèrent, le remercièrent ; Gabriel lui sourit et lui adressa un signe de la main. Puis, comme Agnès faisait son apparition, tous les cavaliers rassemblèrent leurs rênes et, un à un, s'engagèrent à sa suite dans le couloir sud. Le son des sabots de leurs montures résonna en écho sous les voûtes de pierre, puis alla s'amenuisant, s'atténuant... Bientôt, alors qu'il était devenu à peine audible, l'Ilmate pénétra à nouveau dans la nef.
-Voilà, ils sont partis.
-J'ai déjà hâte d'avoir de leurs nouvelles.

" Et nous voilà, éternels guetteurs." ajouta le paladin, mains sur les hanches.
Il aurait bien aimé faire partie de cette escouade là aussi. Et si Robert ne l'avait pas nommé second, il aurait été tout indiqué pour être en première ligne. Il protégerait la communauté de son mieux, il l'avait juré, il ne trahirait jamais sa parole. Mais s'ils survivaient... il démissionnerait. Ce n'était pas la vie qu'il voulait, rester en arrière et observer tandis que les choses se jouaient ailleurs.
Il ne resta pas à se languir devant le tunnel obscur, cependant. Il remonta vers les hauteurs, puis dans la cour, et monta sur le rempart sud. La neige dissimulait probablement le campement cannibale, et très certainement les vestiges de la ville, mais peu importait. Il retournerait ensuite dans la salle d'état-major. Il faudrait organiser une réunion, par principe, histoire de savoir où chacun en était. Mais il n'avait pas la tête à ça. Les palabres, ce n'était pas sa spécialité.

Il se pencha à nouveau sur les listes de sorts. Comme annoncé, les praticiens des arcanes disposaient surtout de quoi attaquer l'ennemi et se protéger eux-mêmes ; néanmoins, les deux mages plus âgés s'étaient intéressés pour l'un à l'altération, pour l'autre à l'illusion. Concernant les bardes, il y avait davantage d'éclectisme, même si c'était surtout sur le moral qu'ils jouaient, celui de leurs alliés comme celui de leurs adversaires. Enfin, de-ci, de-là, on trouvait quelques sortilèges inattendues mais possiblement utiles.
N'ayant pas récupéré les papiers d’Étienne, il lui fallut bien faire avec ce qu'il avait sous la main : les livres sur les sièges. Le temps lui parut long, très long. Cependant, il finit par entendre du mouvement dans la cour : l'heure de la relève devait approcher. Sitôt descendus des remparts, ses écuyers allaient l'attendre de pied ferme, surtout avec tout ce qu'il leur avait promis. Et s'il voulait mêler Albérich à l'entraînement, il faudrait d'abord qu'il le localise. Toutefois, sans doute quelqu'un pourrait-il le renseigner.

Hubert descendit rapidement dans la cour et se mit en quête du Luménien. Heureusement, on l'avait vu entrer dans le chariot de Marthe et c'est là qu'il le débusqua. Albérich manqua tomber de son siège lorsque le paladin ouvrit brusquement le pan de toile.
" Tu veux me tuer ?!
— Non, je voulais te donner une décharge d'énergie. C'est fait. Ramène tes fesses, grand seigneur, tu vas en avoir besoin."
Mais Albérich ne bougea pas.
" Puis-je savoir de quoi il retourne ?
— C'est l'heure de l'entraînement !"
Son visage se décomposa.
" De l'entraînement ?
— Oui ! Ruth et Alban nous attendent ! Allons, viens.
— Tu vas m'entraîner avec tes écuyers ?
— Ils sont meilleurs que toi.
— Je m'en doute, d'où mon manque d'enthousiasme."
Hubert sourit.
" C'est non négociable, Albérich."
Le Luménien relâcha sa respiration puis, docilement, rangea ses parchemins et se dirigea vers la sortie, où Hubert l'attendait.
" Avoue que ça t'a manqué.
— C'est juste pour mériter le bain chaud que j'ai l'intention de prendre ensuite. Rien de plus."
Le paladin le dévisagea, interdit, puis rit joyeusement.
" Mais d'abord, le flanc droit ! Va chercher ton bouclier !"
Il l'abandonna ensuite un moment, à la recherche de Ruth et Alban.

Il les trouva aux cuisines, en aussi piteux état que la veille. Mais de bien, bien meilleure humeur.
-P-petits glaçons au r-rapport, fit Alban, levant le nez de sa tasse fumante.
-M-moi, j-je suis une p-petite fille.
Le gamin leva les yeux au ciel.
-Hé, il était r-rigolo, mon j-jeu de m-mot, non ?
-C'est v-vrai, admit-il.
-B-bon, m'sire, c'est où q-qu'on s'entraîne ?
-J'aurais ja-jamais cru d-dire ça un j-jour, mais... Je r-rêve de t-transpirer.

Hubert avait pitié, pour le coup.
" Si vous avez repéré une salle adaptée en bas, nous pouvons aller croiser le fer dans les sous-sols. Mais si vous êtes vraiment frigorifiés, vous pouvez prendre le temps de vous réchauffer aux thermes puis de vous changer. Nous n'en sommes pas à une demi-heure près... Misère, vous êtes dans un bel état."
Il posa une main sur chacun de leurs deux fronts, à la recherche de signes de fièvre.

Il n'en décela aucun.
-On p-préfère s'entraîne maintenant, si vous voulez b-bien...
-B-bouger, je v-veux bouger. Et m-me défouler.
-On se b-baignera ensuite. Un p-peu plus de c-cinq minutes, p-peut-être.
-M-mais p-pas beaucoup plus, p-parce qu'on v-veut accomplir les m-missions dont v-vous nous avez p-parlé.
-Il y a une s-salle j-juste à côté des t-thermes. Il y f-fait bon.

" En route, dans ce cas. Et nous avons un invité, aujourd'hui. Je compte sur vous pour me faire honneur."
Ils gagnèrent l'extérieur ensemble et y retrouvèrent Albérich qui, l'air maussade, les attendait. Il tenait sa masse et son bouclier comme s'il avait oublié la manière dont on s'en servait, mais Hubert n'était pas dupe : il les avait retrouvés en un temps record, signe qu'il savait exactement où ils se trouvaient. Il était conscient de leur nécessité, c'était un soulagement.
" Bon. Allez chercher votre matériel et prenez mon écu. Au pas de course ! On se retrouve en bas."

Les écuyers firent de leur mieux pour s'élancer, ce qui ne fut guère probant - au moins au début - et se solda par une spectaculaire glissade d'Alban. Il se releva cependant très vite et, son entrain en rien diminué, se rua aux trousses de son amie.
Ils retrouvèrent Albérich et Hubert près des thermes où étaient en train de pénétrer les sentinelles fraîchement relevées. Les gamins, chargés du matériel d'entraînement et de l'écu du paladin, les guidèrent jusqu'à une vaste pièce voisine et complètement déserte. Il y faisait bon, effectivement.
-L-les instructeurs l'ont ut-tilisée hier...
-B-bon, on c-commence ?

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une route oubliée