[Lieu] Une route oubliée

[Galathée]

Albérich rit de bon coeur.
" Cette gosse a de l'imagination ! Je vote pour ! Mais Ruth... Ta bestiole va se tuer si tu la lances des remparts. A moins que ce ne soit un animal volant. Comme un dragon. Ce serait pas mal. Ruth invoque un Dragon, puis Alban le rend multicolore. Ça ferait son petit effet."
Hubert leva les yeux au ciel.
" Vous êtes faits pour vous entendre."
Il se pencha pour ouvrir un des coffres, et se mit à chercher quelque chose à l'intérieur. Albérich espéra que c'était le sceptre. Alban avait besoin d'être un peu bousculé, désormais.

[Taliesin]

Pour sûr. Car non seulement son embarras n'avait en rien décru mais, de surcroit, il dévisageait Albérich avec des yeux ronds comme des soucoupes, comme s'il n'en revenait pas de le voir plaisanter... ou comme s'il n'arrivait pas à savoir si sa tirade était une boutade ou une théorie sérieuse. Ruth, elle, rit de bon coeur.
-J'aime beaucoup vos plans, m'sire Albérich. Je crois que vous devriez participer aux réunions des officiers, ou alors écrire un nouveau bouquin sur comment arrêter un siège !

[Galathée]

" Hum. Je ne suis pas certain que mes théories seraient très appréciées des membres les plus sérieux de l'état major. Et puis ils m'ont déjà admis au conseil, il ne faut pas que je tente trop ma chance."
Hubert s'était relevé et c'était bien un sceptre qu'il tenait à la main. Il le tendit à Alban avec un sourire engageant.
" Un écuyer entropiste. C'est une première." dit-il en lui remettant.
Albérich sourit puis subtilisa une des listes à Hubert. Celui-ci lui jeta un regard en coin, puis en revint à Alban.

[Taliesin]

Le gamin accepta le sceptre, mais du bout des doigts, comme s'il allait le brûler. Il s'agissait d'un objet de métal assez long, aux formes étranges, tarabiscotées.
-Même si tu utilises pas ses pouvoirs, tu pourras t'en servir comme d'une masse à ta taille ! commenta Ruth - qui n'avait pas tort.
Alban, lui, s'empara d'un morceau de parchemin accroché à l'artefact. L'instant suivant, il lisait à voix haute :
-Activation : prononcer le mot de pouvoir écrit ci-dessous. Effets : touchant la plupart du temps les cibles ou les zones visées mais parfois le porteur, ils sont totalement imprévisibles ; les effets touchat autrui sont presque uniquement néfastes, ne pas s'en servir sur des alliés ; les effets touchant le porteur peuvent être positifs ou négatifs mais, dans le second cas, ils sont juste embarrassants et peuvent être annulés - gardes des sortilèges de dissipation sous la main.
Il releva les yeux sur Hubert.
-Vous... Vous pensez vraiment que c'est une bonne idée ?
Le petit garçon était extrêmement hésitant. Néanmoins, ce qu'il avait lu ne semblait pas lui déplaire...

[Hubert de Maleval]

Hubert était embarrassé. Il avait l'impression que c'était un choix bancal alors que des cannibales meurtriers les guettaient à l'extérieur, mais dans le même temps, il était sensible à l'enthousiasme de Ruth et aux arguments, à peine esquissés, d'Albérich. Alban avait besoin d'un peu de fantaisie dans sa vie. Mais s'il venait à compter sur ce sceptre pour sa survie et que l'objet se retournait contre lui...
Il soupira. Pourquoi fallait-il que la responsabilité de ce choix retombe sur lui ? Il aurait de loin préféré que tout le monde s'équipe pour survivre.
" Non." dit-il.
Les paladins ne mentent pas.
" Je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée. En même temps, il y a du potentiel..."
Il sourit.
" Je crois que tu dois te faire plaisir, Alban. Nous ne pouvons pas savoir de quoi sera fait demain."

[Taliesin]

Alban resta un moment sourcils froncés, puis il soupira.
-Il m'avait fait sourire, quand je l'avais repéré sur la liste. Et puis... Ce qui est vraiment utile, ou au moins utile à coup sûr, ça sera distribué entre les adultes ou ça restera bien classé ici pour qu'ils puissent s'en servir en cas de besoin. Le sceptre, personne n'en voudra, vu qu'il est imprévisible. Alors je ne priverai personne et... peut-être qu'il servira quand même. Au pire, ça a pas l'air bien méchant, ce qu'il pourrait me faire : on survit toujours aux trucs embarrassants.
-Maintenant, je suis curieuse de voir ces effets-là aussi... fit Ruth, souriant de toute ses dents.

[Hubert de Maleval]

Hubert se tourna vers Albérich.
" Est-ce qu'il n'y a pas un nombre de charges maximal ? Je veux dire... On peut s'en servir tout le temps ?
— Je n'y connais rien, Hubert. Il faudra demander à Giovanni. Je suis certain qu'il pourra t'en dire davantage."
Le Luménien sourit alors et pointa quelque chose dans la liste.
" Le sac de couchage magique. J'ai trouvé ce qu'il me faut ! Nuit de bonne qualité garantie.
— Le sac de couchage magique ?! Ça existe ?
— Absolument, regarde !"
Hubert dénicha effectivement l'objet sur le parchemin.
" Je mets mon veto. Ruth, tu es décidée, toi ?"

[Taliesin]

L'intéressée acquiesça.
-Je vais prendre le sac à malice. La ceinture... Bah, c'était tentant, mais de la force, j'en aurai en grandissant et là, maintenant, tout de suite, ça me servirait à rien. Et puis comme Alban il a un truc qui fait des effets imprévisibles... J'en veux un qui fasse pareille. C'est trop marrant.
Hubert trouva sans peine l'objet. De couleur ocre, il s'accompagnait également d'une étiquette explicative. L'ayant lue et ayant découvert les animaux qu'il était susceptible de faire apparaître, Ruth éclata à nouveau de rire.
-Je VEUX un rhinocéros ! A côté de ça, les ours, c'est de la gnognotte !

[Hubert de Maleval]

Le paladin se demandait de plus en plus s'il ne venait pas de faire une terrible erreur, mais il était trop tard : les enfants avaient choisi, étaient ravis, il ne pouvait plus qu'espérer qu'il ne s'en mordrait pas les doigts dans deux jours.
" Tu sais, Ruth, je pense qu'il faut éviter de tester cet objet n'importe où et n'importe quand, dit Albérich. D'abord, tu perdrais l'effet de surprise, si les cannibales nous espionnent depuis les yeux de leurs oiseaux...
— Je crois même que nous allons mettre quelques règles quant à l'usage de vos nouvelles acquisitions, ajouta Hubert. Et cela vaudra pour le sceptre comme pour le sac. Nous ne voulons pas d'incidents, ni de jalousies... Comme vous l'aviez justement remarqué hier, il ne faudrait pas que les événements qui ont mené à la découverte du trésor apparaissent soudain à certains comme quelque chose à reproduire..."

[Taliesin]

Le rappel de sa faute mena le rouge aux joues de Ruth. Mais elle ne perdit pas tout entrain et, lorsqu'elle répondit, son ton n'avait rien de désespéré.
-On peut vous confier les objets, si vous voulez. Comme ça, vous nous les donnerez que quand vous penserez qu'ils qu'ils ont des chances de nous être utiles.
-Mais si ça vous rassure qu'on les garde, on peut promettre de ne pas faire les malins avec devant les autres, de ne s'en servir que quand vous nous en donnez l'autorisation, enchaîna Alban.
-Ou alors que dans des situations d'urgence.
-

[Hubert de Maleval]

Hubert leur sourit.
" Je préfère que vous les gardiez. Ils sont à vous, ce n'est pas moi qui en suis le gardien. Je compte sur votre bon sens pour les utiliser en cas de besoin. Nous ne pouvons pas savoir où nous nous trouverons s'il survenait une urgence... Et puis je vous fais confiance, de toute façon.
— Je pense que vous pourriez songer à interroger Giovanni sur les spécificités de ces objets, ajouta Albérich. S'ils sont illimités, pourquoi ne pas demander à les tester dans un endroit protégé, comme la salle inférieure ? Vous seriez à l'abri des regards et je pense que tout le monde pourrait comprendre votre envie de les essayer..."

[Taliesin]

Le regard empli de reconnaissance que Ruth jeta à l'ancien clerc lui fit comprendre qu'elle débordait d'envie de tester le sac à malice. Quant à Alban, s'il se contenta d'un hochement de tête plus retenu, il semblait néanmoins que le même désir le démangeait...
-D'accord, on demandera à Giovanni si on le voit en surface, dit la gamine.
-S'il s'avère que la magie de nos objets est illimitée, voudrez-vous superviser les essais ? demanda le garçon, se tournant vers Hubert. Ou préférerez-vous que quelqu'un d'autre s'en charge ?

[Hubert de Maleval]

" Superviser est un bien grand mot, dit le paladin avec une grimace. Mais je veux bien y assister, oui. Et il faudra que nous en demandions l'autorisation. C'est vrai que cette grande salle n'a pour l'instant pas d'usage particulier, mais nous ne pouvons pas prendre le risque qu'un rhinocéros endommage les piliers ou ne déboule dans un des couloirs.
— Je pense que Ruth aura le contrôle sur la bestiole qui sort de son sac, remarqua Albérich.
— Certes. Mais oui, je pense que c'est mieux que je sois là."

[Taliesin]

Cette fois, l'enfant s'autorisa un franc sourire.
-Merci, messire. Nous en parlerons donc à Maître Giovanni et nous organiserons les essais lorsque vous aurez obtenu l'autorisation et lorsque vous aurez un peu de temps libre.
-Ça va pas être facile d'attendre, souffla Ruth. Mais... Je suis sûre que je peux y arriver.
-Et vous, messire Albérich ? Vous allez vraiment prendre un bateau ou un sac de couchage ?

[Hubert de Maleval]

Le Luménien se tourna vers Hubert.
" Qu'est-ce que tu veux que je prenne, alors ?"
Le paladin se sentit virer au rouge pivoine. La pénombre du chariot ne suffisait sans doute pas à le masquer complètement. Albérich était cruel de lui demander d'abattre ses cartes devant les enfants, mais il ne pouvait pas se défiler.
" Quelque chose de protecteur."
Albérich croisa les bras.
" Mais encore ?
— Il doit bien y avoir là-dedans une armure...
— Hubert, je ne vais pas subitement me mettre à me balader en armure. ça n'aurait aucun sens.
— Il y a peut-être quelque chose de plus léger. Une chemise, une tunique, une cape, je n'en sais rien.
— Et tu vas me protéger contre quoi ? Le froid ? La magie ? Les coups de hache ? Les flèches ? Les maladies du marais ? La peur ?"
Il secoua la tête.
" Tu ne peux pas me rendre invincible en allant piocher un objet dans une liste. Les risques, ça fait partie de la vie.
— Quel est le mal à essayer de les minimiser ?" demanda le paladin, agacé.
Albérich se radoucit.
" Aucun, d'accord."
Hubert se replongea dans les listes en essayant de tempérer son énervement. Il n'avait pas envie de faire un esclandre devant les écuyers.
" Dis-toi que le rhinocéros de Ruth me protégera, de toute façon."

[Taliesin]

Les gamins, qui jusqu'ici s'étaient contentés de se jeter des regards en coin tout en demeurant silencieux, profitèrent de l'occasion pour se manifester.
-On va voir si on trouve Giovanni. A mon avis, il doit être en train de manger...
-Mais nous restons dans les parages, afin que vous puissiez nous trouver si vous avez besoin de nous.
L'instant suivant, ils décampaient, tandis qu'Hubert procédait à des recherches similaires à celles menées par Albérich le jour précédent. Si les membres des missions diplomatiques avaient comme suggéré pioché dans le trésor, maints objets demeuraient disponibles : les anneaux de protection - dont le plus puissant -, de bouclier de force et d'invisibilité, la broche de défense et la cape de résistance.

[Hubert de Maleval]

Une fois les enfants sortis, les deux hommes demeurèrent silencieux un moment.
" Je suis désolé, lâcha finalement Hubert. Je me rends compte que j'essaie de te forcer dans une direction qui te hérisse.
— Ça part d'un bon sentiment." répondit le Luménien, sans toutefois le détromper.
Hubert leva les yeux et le dévisagea, lèvres pincées, puis acquiesça.
" Je me sens coupable de la situation catastrophique dans laquelle nous nous trouvons. Je sais que ce n'est pas une cape ou un anneau qui va tout effacer, mais... comment pourrais-je ne pas vouloir..."
Il secoua la tête, puis lui tendit les listes.
" Choisis toi-même."
Albérich sourit et se pencha sur le document.
" Ecoute, je ne vais pas prendre un objet protecteur parce que... ça irait, effectivement, dans une direction que je ne veux pas emprunter... Mais... Je ne veux pas non plus que tu penses que je vais m'exposer pour le plaisir de t'angoisser. J'ai une cotte de mailles, une masse, un bouclier, je m'entraînerai régulièrement, je serai prudent, je ne présumerai pas de mes forces."
Il prit une des feuilles et la rendit à Hubert. C'était celle des objets de protection.
" Tu as dit aux enfants que tu leur faisais confiance. Tu n'as imposé à aucun d'entre eux de prendre un anneau de protection ou une cape de résistance. Peux-tu me faire confiance, à moi aussi ?"
Hubert acquiesça, embarrassé, et Albérich sourit. Puis il se replongea dans ses parchemins, l'expression plus détendue, et le paladin frissonna sans pouvoir s'en empêcher.

[Taliesin]

Compulsant à nouveau ces listes qui commençaient à lui être familières et qui témoignaient de l'aubaine qu'avait constitué, en fin de compte, l'expédition au tumulus, Albérich finit par repérer un artefact qui lui avait échappé la veille, peut-être à cause du trouble qui l'habitait alors. Il s'agissait d'un Phylactère de métamorphose, objet puissant qui, il le savait, permettait de changer de forme à volonté, bien qu'il y ait évidemment quelques restrictions sur l'aspect que l'on pouvait revêtir - pour devenir un dragon multicolore, par exemple, il faudrait repasser. Néanmoins, l'objet offrait bien des possibilités...

[Galathée]

Albérich sourit en découvrant l'objet, un sourire qui se fit malicieux, et il leva les yeux sur Hubert. Le paladin avait l'air d'avoir envie de se cacher quelque part, sans pour autant oser bouger. Il avait le teint cramoisi et une grimace traversa son visage avenant quand il croisa le regard du Luménien.
" J'ai l'impression que je devrais m'inquiéter, dit-il.
— Si tu veux, je ne te dis rien, comme ça tu peux imaginer ce que tu veux.
— Je n'ai pas beaucoup d'imagination, mais dans ce contexte précis, je pense que j'aime autant savoir."
Le Luménien se releva et lui tendit la liste, avant d'aller fouiner dans le coffre adéquat.
" Un gant de rangement ?
— Plus bas.
— Une urne fumigène ?
— Plus haut."
Albérich déplaça une cape, repoussa une étrange statuette, et finit par mettre la main sur le phylactère en question. C'était une petite figurine en terre cuite, qui semblait changer perpétuellement de forme, sans pour autant qu'on puisse discerner le moment où elle s'était modifiée. Il était tentant de le tester dans l'instant, mais Hubert aurait peut-être une réaction imprévisible, aussi se garda-t-il d'en user. Quand il se redressa, l'expression d'Hubert s'était altérée.
" Tu veux vraiment te métamorphoser ?
— Pourquoi pas ?
— Hum. Pourquoi pas, en effet."
Le Luménien sourit.
" En rhinocéros.
— Il ne manquerait plus que ça."
Le paladin secoua la tête, mais il était amusé.
" J'imagine que ce n'est pas si mal.
— Je testerai dans la salle, avec Ruth et Alban.
— Je suis la seule personne sérieuse, au final.
— Il en faut une." dit le Luménien en posant une main sur son épaule.
Pour une fois que ce n'était pas lui, il y avait de quoi célébrer. Il glissa le phylactère dans sa poche puis sortit du chariot, Hubert sur les talons. Il allait sans doute bientôt être l'heure de manger.

[Taliesin]

Effectivement, il y avait foule à la cantine : c'était l'heure d'affluence. Les deux amis repérèrent donc nombre de têtes connues : les instituteurs, toujorus groupés ; les écuyers d'Hubert, en pleine conversation avec un Giovanni hilare ; Étienne, en compagnie d'Agnès et de Barthélemy ; Ézéchiel, avec certains de ses éclaireurs... Les places libres étaient rares, voire inexistantes ; néanmoins, où qu'ils se présentent, on ne manquerait assurément pas de se pousser sur les bancs pour leur ménager un peu d'espace.

[Galathée]

Hubert arrêta Albérich d'un geste avant qu'ils ne pénètrent dans l'arène.
" Est-ce que tu penses que... tu pourras prendre des nouvelles d'Etienne, à un moment ou un autre ? demanda le paladin à mi-voix.
— D'Etienne ?
— Je le trouve... fragilisé.
— Je le connais à peine.
— Mais c'est ton créneau, ce genre de choses, non ?
— C'était, oui... Mais d'accord. Je vais essayer que ça n'ait pas l'air trop... artificiel."
Albérich lui sourit.
" Merci de m'avoir laissé choisir."
Hubert grimaça.
" Je vais le regretter.
— Mais non. Je suis sûr que je ferai un troll très acceptable.
— Ah misère."
Sur un clin d'oeil, le Luménien fila vers la table qu'occupaient les deux clercs et le chevalier. Il vit qu'Hubert, après une hésitation, se dirigeait vers les instituteurs... Sans doute avait-il besoin de se changer les idées.

[Taliesin]

L'ancien aubemestre fut accueilli par des sourires. Même Étienne, malgré son air fatigué, ne faisait pas grise mine.
-Ah, Albérich, Agnès et Barthélemy viennent de me dire qu'ils ont pris contact avec nos trois expéditions : pour l'heure, tout se déroule bien pour chacune d'entre elles, ce qui est plutôt encourageant.
-Tu veux t'assoir avec nous ? s'enquit l'Ilmate, se décalant déjà.

[Galathée]

" Si vous avez de la place." dit le Luménien avec un sourire, tout en se glissant à côté de l'Ilmate.
Diable, il n'avait pas songé au fait qu'il se retrouvait avec deux conseillers, deux clercs et des nouvelles de Marthe. Voilà ce qu'il en coûtait de vouloir rendre service à Hubert. Il refit face à Etienne.
" C'est effectivement une bonne nouvelle. Sans doute nos diplomates sont-ils au moins hors de portée des Ecorcheurs. Il faut espérer que l'hiver sera clément et leur permettra d'avancer vite en dépit du terrain."

[Taliesin]

-Ils ont de bons guides, de bonnes montures, un équipement adapté... Ils s'en sortiront même si la neige tombe autant qu'ici. Mais c'est sûr qu'un climat moins hivernal leur permettrait de progresser plus vite.
-Nous en saurons plus à ce sujet demain, fit Agnès, tranquille. Puis, se tournant vers Albérich : Alors, as-tu avancé sur tes projets éducatifs ? Nos instituteurs ont-ils débouché quelque bonne bouteille conservée par miracle pour saluer leur changement de conseiller référent ?

[Galathée]

" Non, ils n'ont rien débouché. Ils ne me sont pas hostiles, mais ils t'aimaient bien aussi, tu le sais bien, dit-il. Je dois dire que sinon, je n'ai pas avancé du tout. J'ai passé l'après-midi à compiler les listes d'Ignace pour avoir un recensement plus complet de la population. Demain j'espère avoir le temps de l'étudier pour identifier les manques plus précisément, et aussi les endroits où il faut d'urgence caser des jeunes en apprentissage... Genre auprès des clercs, par exemple..."
Il avait ajouté cette dernière phrase sur un ton léger, le sourire aux lèvres.

[Taliesin]

-Pour éviter d'éventuelles tensions au sein de la Communauté, nous nous sommes engagés à ne point trop faire de prosélytisme. Néanmoins, s'il y a des enfants ou des adolescents que la prêtrise tente, et si leurs parents sont d'accord...
-Tu n'auras aucun mal à en trouver : il y a des fidèles de Chauntéa, parmi nous. Ce sera également facile pour Gabriel, surtout qu'il ne manque pas de jeunes admirateurs... Moi, en revanche, cela risque d'être plus compliqué : Ilmater est apprécié pour son aide, mais rares sont ceux qui souhaitent le servir... Alban me semblait un bon candidat, car c'est un garçon très compatissant. Néanmoins, il est engagé sur une autre voie, et je crois qu'elle lui conviendra aussi.
Elle sourit à Albérich.
-Et toi, tu formeras donc nos futurs dirigeants ?

[Galathée]

Pris au dépourvu, le Luménien eut une grimace amusée.
" Il faudrait d'abord que je vois comment je m'en tire sur une période de plus de six mois. Jusqu'ici, je n'en ai jamais eu l'opportunité. Si ça se trouve, je suis très énergique au début, et puis je succombe à l'ennui, l'incompétence ou la corruption très rapidement."
Il songea à la manière dont il s'était consacré à son travail à Luménis pour s'en détacher en quelques jours lorsqu'Euryale avait décidé de l'initier à d'autres plaisirs. Ce n'était pas un souvenir très réconfortant, elle était symbole d'une certaine tendance à l'enthousiasme, pas toujours bien très raisonnable, un comble pour l'homme qu'il avait été, à la position qu'il avait occupée.
Mais j'ai appris.
" De surcroît, je n'ai aucune idée de ce que je pourrais bien enseigner à un jeune dans ce registre... Ce n'est pas comme si on m'avait formé à gouverner."

[Taliesin]

-Je suis sûr que tu t'en sortiras très bien, intervint Étienne. De surcroit, comme l'égalité est le maître-mot au sein de notre Communauté, comme tout le monde sera encouragé à prendre un apprenti, il te faudra en avoir. Sans compter que si tu inities le mouvement, cela constituera un exemple que tous auront à cœur de suivre...
-Et toi, Étienne ? s'enquit Barthélemy, sourire aux lèvres.
-Comment ça, moi ? J'ai déjà un écuyer...
-Sa formation est bien avancée, il me semble...
-Et tu parlais d'exemple, à l'instant... Hubert ne l'a-t-il pas donné en acceptant deux écuyers ?
-Je... Heu...

[Galathée]

Albérich vint à la rescousse du chevalier en détournant la conversation.
" Je pense qu'il faudra faire la distinction entre les professions qui nécessitent un apprentissage précoce et celles pour lesquelles un tronc commun d'enseignement se justifie jusque plus tardivement. Et il faudra aussi identifier les fonctions critiques, pour lesquelles nous avons absolument besoin, et vite, d'une relève ou de renforts."
Il sourit aux clercs.
" Le forgeron a deux apprentis. Je ne sais pas ce qu'il en est du boulanger, du tailleur, de l'herboriste, si nous en avons un... Je comprends cette question de prosélytisme, mais je pense qu'il est illusoire d'imaginer que Clairétoile n'aura pas besoin de spiritualité. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir une cité abandonnée des dieux, quelle que soit la place qu'on aimerait les voir prendre dans nos vies par ailleurs. Et les clercs sont nos médecins. Trois pour cinq cents, c'est terriblement peu. Même si elle est nécessaire, une médecine profane ne compensera jamais ce que vous pouvez nous apporter. Il vous faut des novices."
Il se pencha vers son assiette.
" Mais c'était ma pause repas et vous me faites parler travail ! Vous êtes cruels !"

[Taliesin]

-Cela te dérange vraiment à ce point ? s'enquit Agnès.
-En fait, c'était une stratégie pour essayer d'écourter, sinon d'annuler le Conseil de ce soir, glissa Étienne.
-Oh, je n'y ai même pas pensé !
-Je sais bien. Mais il faut dire que nous n'aurons pas grand chose à discuter...
-Ce sera l'occasion de boire du vin chaud.
-Et donc, si l'on n'est ni Conseiller, ni sentinelle, on n'a pas droit à cette boisson ? s'étonna Barthélemy, faussement indigné.
-Effectivement.
-Privilège !
-Et l'égalité, dans tout cela ?