La Couronne de Cuivre

Hubert émergea du sommeil.
Car contre toute attente, il s'était endormi.
Cela avait été long, très long.
Il avait plus que largement pu observer le sommeil agité de maints membres de la Communauté, en particulier, parmi ses plus proches voisins, Alban et le fort bavard Giovanni.
Il avait fini par sombrer, pourtant.
Et à présent, il émergeait.
Car l'aube était arrivée.

Albérich n'avait pas reparu, pourtant. Pendant une seconde, avant de se lever, Hubert se demanda ce que ce serait de se réveiller chaque matin, jour après jour, et de ne plus jamais l'avoir là, près de lui. L'abîme qui s'ouvrit alors dans son esprit agit comme un coup de fouet et il se redressa brusquement. Thibault avait parlé de l'aube. Il avait le droit de le chercher, à présent.
Ce ne fut pas nécessaire.
Le Luménien était dans le couloir, revenant vers eux, son aura pulsant autour de lui comme un halo qu'Hubert percevait sans le voir. Albérich eut un sourire doux en l'apercevant, le paladin devina qu'il devait avoir une mine terrible, pâle et échevelé dans ses vêtements froissés. Le clerc franchit les quelques mètres qui les séparaient pour venir l'étreindre, et Hubert sentit l'énergie qui l'habitait, forte et sereine.
" Que s'est-il passé ?" demanda-t-il à voix basse.
Albérich s'écarta de lui, tranquille.
" J'ai vu la lumière, dit-il simplement. Va prier. Je vais célébrer l'aube et la beauté du monde. Aux thermes, apparemment."
Il était souriant mais il ne plaisantait pas. Hubert faillit poser une autre question, se ravisa.
" Je vais prier près de vous, murmura-t-il.
— Bien volontiers, chevalier."

-Ouf, j'avais peur d'être en retard...
Gabriel venait de surgir dans le couloir. Il les rejoignit en quelques enjambées.
-Ah, mais en fait, je suis en retard sur au moins l'un d'entre vous, fit-il après avoir observé Albérich. Bon, mais on est censés organiser quelque chose ce matin et si des décisions ont été prises... Je ne suis pas au courant.

" Aucune décision n'a été prise, sinon que ça se fera aux thermes, dit Albérich. Pas de commentaires, Thibault et moi sommes d'accord. Mais il faudrait probablement l'arracher à ses draps."
Hubert croisa les doigts pour ne pas devoir s'en charger.
" Je peux animer cette première cérémonie, et puis nous verrons pour les suivantes. Je pense qu'il faut que ça vienne du coeur. Ce n'est pas nécessaire de nous perdre en préparatifs."

Gabriel écarquilla les yeux, ouvrit la bouche, la referma puis... sourit.
-Tu es le chef, Albérich : je m'en remets entièrement à toi.
Il jeta un regard par dessus son épaule, en direction de la salle.
-Veux-tu que j'aille réveiller Thibault ? Et que je passe éventuellement dans les rangs pour signaler que la cérémonie ne va pas tarder ?

" Oui, merci Gabriel. Dis à Thibault que je l'attends au bord de l'eau. Et que si je peux attendre, le soleil, lui, n'attendra pas."
Puis, sur un sourire, il se dirigea vers les thermes. Hubert dévisagea Gabriel avec une grimace interdite, puis emboîta le pas du Luménien. Une fois encore, il hésita à poser une question, mais s'abstint. Albérich avait l'air presque métamorphosé. C'était déstabilisant, pour dire le moins. Qu'est-ce qui avait donc bien pu se passer la veille... et la nuit ?
" Je suis désolé si tu t'es inquiété."
Hubert voulut le détromper, mais rien ne sortit.
" Mais je vais bien.
— Je vois ça..."
Le Luménien lui pressa l'épaule comme ils entraient dans la salle d'eau. Des vitraux fantastiques donnaient sur l'est et ne tarderaient pas à s'embraser... s'il faisait clair dehors. Albérich chercha un endroit plus ou moins central où se placer. Il n'avait manifestement pas l'intention d'entrer dans l'eau. Hubert l'observa un instant, puis alla se mettre dans un coin, posa un genou en terre et entama ses propres prières sans tarder. La cérémonie ne durerait sûrement pas l'heure requise à sa communion et il ne pouvait plus tergiverser...

Thibault les rejoignit moins de deux minutes plus tard. La mine encore chiffonnée mais parfaitement réveillé : peut-être Gabriel n'avait-il pas eu à le réveiller, peut-être avait-il émergé de lui-même...
-Il va y avoir du monde, dit-il au LUménien. J'ai l'impression que nos compagnons avaient besoin d'un moment de communion.
Il regarda autour de lui.
-Du coup, il va falloir se serrer si on veut que personne ne se mouille. Et, à ce propos... Je peux savoir d'où t'es venue l'idée de célébrer ici ? C'est une chouette idée, évidemment, mais... Je ne t'imaginais pas l'avoir.

Bien sûr, Thibault n'en savait rien. Albérich faillit rire.
" On me l'a soufflée." répondit-il avec un sourire mutin.
Il se tourna vers les bassins.
" Mais il n'est pas interdit d'aller dans l'eau. Par exemple, si tu veux donner l'exemple, ceux qui se sentent d'humeur sunite t'imiteront."

Thibault suivit son regard.
-Normalement, quand j'ai de tels lieux à disposition, c'est effectivement en partie immergé que je suis censé prier. Mais pour qui n'est pas habitué, cela peut surprendre et là... Il va y avoir vraiment beaucoup de personnes non habituées. Pour être franc, j'ai l'impression qu'il y aura presque tout le monde. Bref, je ne veux pas que cette cérémonie... perde de sa solennité. D'autant que les Lathandrites sont majoritaires parmi nous.

" Thibault, ce qui compte, c'est toi et Sunie. Mais si cela te met mal à l'aise, je ne te force à rien. En même temps, j'ai l'impression de t'avoir fourré dans une situation compliquée en choisissant cet endroit que tu ne peux pas exploiter à ta convenance... Hum. Je peux te dire en tout cas que ça ne nuira pas à la cérémonie. Communier avec son dieu est une affaire personnelle. Et je ne crois pas que les Lathandrites soient si nombreux parmi nous... Simplement, quand la situation est critique, l'espoir est un peu l'élément indispensable, si on veut aller de l'avant..."

-Je voulais dire Lathandrites de culture. Et là, je t'assure, il y a du monde. Niveau Sunites, en revanche... Hum, à part les quelques Antéluciens...
Thibault semblait un peu perdu. Il se ressaisit pourtant.
-Mais ça n'est plus le moment de tergiverser. Alors... Prends les rennes et dis-moi comment on procède.
De fait, la luminosité commençait à croître. Et le couloir menant aux thermes à se faire moins silencieux.

Albérich sourit.
" Je propose que je parle, et puis tu parles, et puis je conclus, et puis ce sera bien, non ? Je ne connais pas d'hymnes sunites, cependant. Je vais commencer par un classique lathandrite, à mon avis la plupart des gens le connaîtront... Je ne sais pas si tu as un équivalent... Pour le reste, ce sera de l'improvisation !"
Il regarda vers la porte.
" De toute façon, on n'a pas le temps !"

En effet, les colons n'allaient pas tarder à entrer. C'était sans doute une question de secondes...
-Il faut quand même qu'on organise un peu l'assistance, qu'on oriente un peu les gens. Sinon, vu le manque d'espace, j'ai un peu peur qu'on ait pas mal de plongeons involontaires...
Les premiers à apparaître furent les écuyers d'Hubert, suivis de près par Giovanni et ses apprentis.
-au moins pourrais-je faire front avec mon seul coreligionnaire avoué... souffla le SUnite.

Albérich était un peu décontenancé par les inquiétudes de Thibault, mais il fallait reconnaître que l'espace n'était pas infini dans les thermes. Il les avait choisies en espérant satisfaire le Sunite, mais si celui-ci n'envisageait pas d'en profiter, l'idée devenait un peu ridicule. Tant pis. Il rectifierait le tir le lendemain. Et puisque les enfants se présentaient en tête, il les chargea de jouer les placeurs. Pendant que les gens s'installaient, lui-même fit le vide et chercha le rythme de la célébration en son sein. Il n'avait plus officié depuis les obsèques d'Eudes de Combeloup mais avait assisté à quelques cérémonies à Solarcis. En même temps, tout cela était tellement intuitif qu'il n'avait aucune inquiétude...

De son côté, Thibault avait hélé Giovanni et tous deux s'entretenaient désormais avec animation : peut-être les Sunites finiraient-ils par profiter au mieux des lieux, tout compte fait. Ce qui ne serait pas plus mal...
Car il semblait que tous leurs compagnons se soient décidés à venir : déjà, il y avait foule autour des bassins et pourtant, de nouveaux colons ne cessaient d'entrer.
Mais Albérich comprit vite que quoi qu'il advienne, avoir opté pour les thermes n'était pas un mauvais choix. Outre avoir été suggéré par son étrange interlocuteur lors de sa non moins étrange vision, il apparut rapidement qu'il leur procurait toute la lumière nécessaire à une cérémonie lathandrite : déjà, le marbre blanc commençait à se colorer des chaudes teintes de l'aube, alors que la clarté filtrant au travers des vitraux commençait à peine à croître. Par ailleurs, résonnant sous les voûtes, se mêlant aux conversation, on percevait le chant des oiseaux que quelque phénomène acoustique transportait jusqu'à eux avec une remarquable netteté.
Les Chauntéens y verraient un signe...

Albérich s'étonna et se réjouit de les voir si nombreux. Il n'en ressentit pas la moindre angoisse. Il attendit qu'ils furent tous là, qu'un certain silence se soit fait dans l'assemblée, pour se tourner vers l'est, et entonner Premiers Rayons. C'était sans doute l'hymne lathandrite le plus connu, presque une chanson populaire de réveil, que partout sur Hélonna on entonnait au petit matin pour arracher au sommeil ceux qui avaient du mal à s'en extirper. La plupart des gens ignoraient peut-être qu'il s'agissait d'une authentique prière à Lathandre ; le nom du dieu n'y figurait pas, seulement un salut au Seigneur du Matin. Le Luménien n'avait pas un timbre particulièrement beau, mais il chantait juste et sa voix portait, une compétence nécessaire quand on exerçait son métier.
Quand il en eut terminé, que l'écho des paroles reprises par les colons se fut éteint, il salua Lathandre, puis l'assemblée, en usant des mots rituels qu'il connaissait par coeur. Il enchaîna sur une prière qu'il déroula sans y réfléchir, focalisé sur le lien au-delà des mots, la pulsation de l'énergie divine à l'intérieur de lui-même, le contact intime, puissant, irrépressible, qu'il avait avec son dieu à cet instant, dans lequel il projeta tout son amour, sa reconnaissance et sa conviction.
Puis il fit face à la communauté.

Plus d'un membre de l'assistance avait repris le chant.
Tous, sans exception, avaient écouté la prière avec concentration.
A présent, le silence n'était troublé que par le doux clapotis de l'eau et le chant mélodieux des oiseaux.
Sur bien des visages, il voyait de la ferveur. Sur beaucoup d'autres, du respect.
L'assistance était peut-être davantage gagnée à sa cause qu'il ne l'aurait cru...

« On dit souvent que même en plein orage, le soleil brille au dessus des nuages. Ce n’est pas toujours facile à croire, quand le tonnerre gronde et que la peur étreint notre cœur. Et ce n’est pas toujours facile à croire dans nos vies, non plus. Pourtant, c’est la réalité. Quand la pluie s’arrête, le soleil revient. Il permet toute vie sur Toril, la croissance des plantes et des animaux, et nos propres existences. Quand l’ombre frappe, comme elle nous a durement frappés hier, croire en ce retour du soleil est difficile. Le tunnel semble sans fin, obscur, on craint d’atteindre un cul de sac infranchissable et de ne pas avoir l’énergie de faire marche arrière. Mais c’est un leurre. Le soleil brille toujours, fort et généreux. Il est en nous. Il est dans la main qui se tend, dans le sourire qui se donne, il est dans l’amour que nous avons les uns pour les autres, dans la foi que nous avons en nous-mêmes. Notre communauté rayonne. Notre espoir est invaincu. Nous sommes la lumière qui brise les ténèbres. En cela, vous devez avoir confiance. »
Il les observa, s’attardant sur certains visages, croisant certains regards, frôlant des émotions vives.
« Nous allons reprendre notre forteresse, notre ville, nous allons délivrer nos amis, nos parents, et chasser l’envahisseur qui s’est glissé jusqu’à nous dans l’ombre. La lumière prévaudra. L’amour prévaudra. Toutes les beautés que vous avez imaginées seront nôtres. Lathandre rêve avec nous. Sunie rêve avec nous. Chauntéa et Tymora rêvent avec nous. Avec pareils alliés, nous ne pouvons que réussir. »

Il vit de la surprise chez ceux qui le connaissaient bien, chez ceux qui, par conséquent, ne s'étaient pas attendus à pareil discours.
Ailleurs, il vit des acquiescements. Certains graves, d'autres enthousiastes.
Il vit surtout de l'espoir. Beaucoup d'espoir.
Et sur tous les visages tournés vers lui, il vit se refléter les flamboiements fantastiques d'une aube magnifique qui, désormais, tombaient à plein par les antiques vitraux, transformant les thermes en quelque irréel puits de lumière.

Albérich sourit de cette aube magnifique, qu'il pouvait contempler chez chacun des membres de la communauté, se sentant soutenu par la lumière. Il n'avait pas tout à fait terminé.
" Mais nous devons nous défier de la haine et de la précipitation. L'envie de vengeance est légitime, il ne faut pas en avoir honte, mais elle est mauvaise conseillère. Nous avons voulu une autre société et la voici confrontée à un premier écueil de taille. Nous ruer à l'assaut de l'ennemi ne provoquera que plus de sang. La petite soeur de l'espoir se nomme la patience. Comme lui, elle doit être nourrie, et préservée. Elle est peut-être plus fragile, et se défile lorsque les temps sont durs. Mais elle sera récompensée."
Il chercha Thibault des yeux. Ce serait son tour, bientôt, de prendre le relais.
" Espérons ensemble, mes amis, et la flamme de notre espoir, de notre foi, de notre détermination, sera la source de notre victoire. Nous sommes le ferment du changement, du progrès, et nous ne nous laisserons pas réduire au silence. Ayez foi en vous-même, en chacun de vos voisins, debout ici, ce matin, ayez foi en ceux qui sont prisonniers et qui savent que nous viendrons. Ayez foi en notre formidable communauté, arrivée jusqu'ici pour s'établir dans la lumière. Ayez foi en nos dieux, qui nous soutiennent et nous sourient. Le soleil brille en nous, et bientôt il chassera la tempête et éclairera à nouveau les couloirs de la forteresse. Notre forteresse."

-Je te hais, lui souffla Thibault à l'oreille en le rejoignant. Intervenir après toi, c'est du suicide.
Le clerc jeta alors un regard circulaire à l'assemblée qui, rangée autour des bassins, les entourait de toutes parts.
Il parut hésiter, prit une profonde inspiration.
-Albérich nous a parlé de foi, de confiance. Il nous a parlé d'espoir et de prudence. Il a évoqué aussi l'amour. De tous ces sentiments qui ont toujours marqué la Communauté et qui doivent plus que jamais guider nos pas, c'est sur le dernier que je voudrais un instant revenir.
Il y eut des sourires entendus.
-Lorsqu'au début du voyage, l'un des nôtres a été enlevé par une horrible créature mort-vivante, la colonne n'a pas poursuivi sa route : d'autres sont allés à son secours et l'ont ramené. Lorsque, aux abords de la cité, un clan de Paludiers l'a attaquée, la Communauté s'est défendue : mais elle a recueilli les orphelins de ce combat qu'elle n'avait pas voulu, lesquels sont en ce moment-même à nos côtés. Ces deux actes n'étaient pas anodins : il s'agissait d'actes d'une grande noblesse. Il s'agissait... d'actes d'amour. Ils témoignent de ce que nous sommes : des êtres bienveillants, aimants leur prochain, souhaitant être porteurs de lumière en ce monde parfois si sombre.
Il reprit son souffle.
-Aujourd'hui, la Communauté affronte ce qui est sans doute sa plus grande épreuve. Mais je suis sûr qu'elle saura la surmonté comme elle a surmonté les précédentes. Ce qu'elle fera, elle le fera non par haine ou esprit de vengeance mais par amour. Amour pour ceux qui sont captifs et que nous libérerons, amour pour ceux qui grandissent parmi nous et devront un jour reprendre notre flambeau, amour pour ceux qui demain nous rejoindrons pour nous aider à bâtir ce projet merveilleux qui nous a tous réunis, ce projet merveilleux que nous aurons su maintenir dans toute sa pureté et que nous saurons mener à bien.
Il se tut, recula de quelques pas.
Giovanni s'approcha alors, un luth à la main, et entonna une ballade qui, quoique d'origine antélucienne, était connue par tout Helonna. Une ballade qui, quoique son interprête ne soit sans doute pas le meilleur chanteur possible, résonna mélodieusement dans les thermes illuminée.
Une ballade qui parlait de printemps, d'amour, de douceur et de beauté.

Serein, Albérich se laissa porter par la musique du barde, par l'évocation sublime de la douceur de vivre, et par la promesse que constituait ce chant. Car ils auraient droit à ce printemps, à cette douceur, à cet amour. Il faudrait y travailler, avec ardeur et détermination, mais le Luménien les savait capables de triompher. Il ne fallait pas se relâcher, cependant, et compter sur un miracle. Dès que la cérémonie serait terminée, ils iraient remplir leurs ventres, et puis il faudrait se mettre en mouvement.
Mais Thibault voudrait peut-être ajouter quelque chose, et Albérich demeura en retrait tandis que Giovanni égrenait les dernières notes de son morceau.

Thibault voulait ajouter quelque chose, oui.
Lorsque la dernière note se fut éteinte, lorsque des murmures commencèrent à se faire entendre, il se racla la gorge.
-Je tiens juste à vous signaler que quiconque se baignerait à présent serait considéré comme rendant hommage à Sunie. Car c'est dans des bassins que ses prêtres prient lorsqu'ils en ont la possibilité.
S'ensuivit un bruit d'éclaboussure : quelqu'un avait soit plongé, soit été poussé.
-Désolé, mais puisque personne ne s'en charge, je dois veiller à l'hygiène du groupe : or, un nombre conséquent de ses membres n'ont pas encore pris de bain, souffla-t-il en rejoignant Albérich. Et puis, comme ça, j'aurais l'air moins ridicule. Parce qu'à présent, si je veux avoir ne serait-ce qu'une once de magie en moi, il va falloir que je prie.

" Prie bien. On se retrouve ensuite : nous avons du pain sur la planche."
Il n'était pas nécessaire de clôturer la cérémonie : Thibault s'en était chargé. Albérich demeura cependant sur place un moment, attendant que le groupe se disperse, rejoigne la salle voisine et les cuisines, attendant aussi qu'Hubert émerge de ses propres prières où il était toujours plongé. Il réalisait que le paladin avait dû s'inquiéter pour lui, et il en était désolé. Néanmoins, la nuit avait été nécessaire. Il espérait juste qu'Hubert ne serait pas trop déstabilisé par le changement qui s'était opéré en lui.

Thibault alla prier.
D'autres suivirent le même chemin mais seulement pour se baigner.
D'autres encore quittèrent peu à peu les thermes.
Les écuyers furent du nombre : après avoir jeté un regard à leur maître, ils s'en furent, sans doute désireux d'aider comme chaque matin à la distribution du petit déjeuner.

Hubert émergea peu après et parut désorienté pendant quelques secondes, comme il prenait conscience de la présence des colons autour de lui. Il sourit, incertain, à l'un ou l'autre, puis aperçut Albérich et vint à sa rencontre.
" J'ai tout raté, remarqua-t-il.
— Mais non. Ce qui compte, c'est ta communion. Tu as presque meilleure mine."
Le paladin grimaça, manifestement à peine amusé.
" Nous ferions mieux d'aller manger. Je dois discuter avec toi de ce que j'ai prévu pour aujourd'hui.
— Bien sûr."

Les colons rejoignaient la grand salle sans se presser : comme presque tout le monde - voire absolument tout le monde - avait assisté à la cérémonie, il faudrait encore du temps avant que le petit-déjeuner ne soit prêt.
Même une fois parvenus sur place, l'on resta debout, à discuter. Le moral semblait meilleur que les jours précédents, signe que le discours d'Albérich n'avait sans doute pas été sans effet...

Hubert l'observait en coin, toujours incertain, puis finit par l'attirer dans une pièce annexe, sans attendre que le thé soit servi. Albérich vit qu'il y avait étalé toutes les cartes dont ils disposaient. Il les observa un moment, sans rien dire.
" Vas-tu me dire ce qu'il s'est passé ?" finit par demander le paladin.
Le Luménien sourit.
" Pas maintenant. Mais je te dirai, oui. Fais-moi confiance. Et dis-moi ce que tu as prévu."
Hubert parut sur le point de protester, puis se ravisa.
" Bon... Je pensais... envoyer Giovanni jeter un oeil à la forteresse. Il veut y aller seul. Je comptais lui donner le passe-murailles et que tu lui prêtes ton phylactère.
— Bien sûr. C'est une bonne idée.
— C'est tout ?
— C'est nécessaire. Mais il faudra lui dire... de ne prendre absolument aucun risque. Et de ne se révéler à personne. Pas même à des amis."
Le paladin paraissait stupéfait.
" Tu ne protestes même pas ?
— Non.
— Misère."
Il soupira.
" Bon, je vais le chercher... et je vais aussi me trouver un représentant des éclaireurs... Et je ramène du thé. Et Thibault. Ce genre de choses."
Manifestement toujours troublé, le paladin regagna le couloir, laissant le Luménien avec les cartes.

Le plus facile à trouver fut... le thé.
Les Sunites devant pour leur part se trouver encore aux thermes, il en prit la direction. Heureusement, il croisa Giovanni dans le couloir : il avait dû se douter qu'on le chercherait.
-Bon : je promets de ne prendre aucun risque et de n'être vu de personne, déclara-t-il sitôt entré dans la salle des cartes et avant qu'Albérich ait pu dire quoi que ce soit. Ceci étant clair... Quand est-ce que je me mets en route ?

" Dès que possible, je suppose, dit le Luménien en lui souriant. Mais est-ce que tu as besoin d'un guide pour aller jusque là ? Enfin... J'imagine que pour un barde avec ta spécialité, mémoriser l'itinéraire doit être un jeu d'enfant."
Hubert déposa le thé sur la table et les servit. Albérich extirpa le phylactère de sa poche et le tendit au barde.
" Voici. Il n'est utilisable qu'une fois par jour. Et tes vêtements y resteront."

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue