[Quête] Rapports diplomatiques: Une masure isolée

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Les rayons ocres du couchant se reflétaient à l’envi sur le jaillissement des cascades et le clapotis calme des remous, son grandiose incendie céleste repris, comme en écho, par les flammes crépitantes de leur foyer quelquefois ranimé par la chute des graisses animales.
Le crépuscule semblait comme fondre en une seule masse obscure et lointaine cette forêt immense où régnait la magie hostile des temps anciens, pour mieux leur faire sentir la chance qu’ils avaient de pouvoir camper dans ce vallon… Ici, au cœur même du Bosquet, ils avaient l’intuition qu’il ne leur restait rien à redouter. Peut-être grâce à la sorcière, ce refuge demeurait baigné d’une autre aura. ...

Que de parfums enfin libérés dans la tiédeur vespérale. Entêtants ou diffus, timides confidences… Sève montante, fleurs ouvertes. Assis dans l’herbe près de son compagnon, Lothringen sentait la tension nerveuse de la journée s’en aller peu à peu. La luminosité déclinante écourtait les distances, les laissant en tête à tête avec la nuit, le lac, ou bien eux-mêmes. Il vous prenait l’envie de parler à voix basse…

"Loin de tout... quelquefois, c'est grisant, de pouvoir agir comme bon nous semble, sans craintes..."

Et ce l’était plus encore de l’entendre parler de la sorte, et de savoir qu’on y était pour quelque chose…
Lothringen sourit à demi. Mornagest avait raison, cette nuit n'appartenait qu'à eux. C’était comme un moment volé à la logique implacable des obligations qui pesaient sur leurs vies, comme une parenthèse…

« …Il y a tant de contraintes qui nous attendent au détour du chemin, tant de passé dans nos bagages… Mais ici, qui se souvient de nous ? »

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Il ferma les yeux en écoutant Lothringen prononcer ces quelques mots ; simples en apparence, mais tellement emplis de sous-entendus, tantôt douloureux, tantôt agréables. Repenser à ces stigmates infernales qui restaient gravés dans son esprit torturé, mais également, profiter de l'instant présent, être seul avec un être aimé. Un moment secret qu'il aurait voulu faire durer le plus longtemps possible, même s'il avait conscience de l'impossible que cela représentait. Et cela provoqua une brusque mais heureusement courte montée de rage en lui. La perspective de retrouver cette fichue routine, cette maudite tâche à accomplir... Pourquoi ne pouvaient-ils pas aspirer à la liberté, la véritable sensation de pouvoir agir comme bon leur semblait, sans se soucier des autres, à commencer par ceux qui, en retour, se fichaient éperdûment d'eux ?

Il voulait songer à autre chose, et cela lui fut aisé. Rouvrant les paupières, il tourna la tête en direction du semi-drow, qui était à moitié allongé à côté de lui, à une longueur de bras. Sans mot dire, Mornagest posa la main sur son épaule, comme pour concrétiser cette présence, comme s'il avait peur que cette soirée ne fut qu'un rêve. Mais ils étaient bel et bien éveillés, et libres de leurs actes. Pourquoi se priver ?

Il sourit, timidement tout d'abord, puis plus franchement ensuite, à Lothringen. Qui se souvenait d'eux ? Eux-mêmes... et il voulait garder de ce coucher de soleil, aux côtés de son compagnon, un souvenir qui soit un remède contre tous ceux qui, au contraire, lui meurtrissaient le coeur et l'âme depuis si longtemps déjà.

"Est-ce ceci, la liberté, selon toi ? Je ne suis pas loin de le penser, pour ma part..."

Son air rêveur était plaisant à voir. Une métamorphose, un miracle, une renaissance. Le mot n'était pas trop fort pour décrire les bouleversements qui s'étaient opérés dans l'esprit du mélandien.

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Tout en lui rendant franchement son sourire, Lothringen admira quelques temps le visage que le couchant donnait au mélandien, en cet instant. Combien de ceux qui avaient déjà croisé la route du guerrier l’auraient trouvé étrange, transfiguré… méconnaissable, même. Si le semi-drow en était heureux, il n’en était pas surpris, comme s’il reconnaissait là ce qu’il cherchait en Mornagest depuis le début, ou plutôt ce qu’il avait dès longtemps deviné là où les autres ne verraient jamais qu’une brute sans âme. Avait-il un regard plus vrai, ou bien l’émotion lui troublait-elle la vue ? L’avenir le dirait, sans doute – l’avenir pourrait lui donner tort, ou bien confirmer ses espoirs. Ou encore, lui briser le coeur. Quoi qu’il en soit, que Lothringen n’aurait-il donné pour entretenir plus longtemps cette flamme, pour fragile qu’elle était… oui, quel que soit le coût… qu’il prévoyait, peut-être… Ce serait folie que de croire qu’il sortirait indemne de cette relation.

Il recouvrit de la sienne la main que son compagnon venait de poser sur son épaule, comme s’il redoutait qu’elle ne se retire. Sous la pression de cette main, il n’avait pas frémi… n’est-ce pas ? Ou sans doute était-ce si infime que Mornagest n’avait pas remarqué. Le semi-drow l’espérait du moins, car ce réflexe involontaire ne le renvoyait pas à des idées ni des personnes qu’il voulait voir interférer dans l’intimité de ce crépuscule. Quoi qu’il en ait, il ne lui était pas anodin de se laisser toucher à nouveau… mais son compagnon le savait ; son étreinte n’était ni pesante, ni possessive ; ce n’était pas celle du maître sur l’esclave, du propriétaire sur sa chose, pourquoi fallait-il qu’il y songe encore ? Pourquoi jusqu’en un tel moment ?

Il ferma juste un instant les yeux, le temps de laisser la chaleur du guerrier se mêler à la sienne. Paix. Peut-être y avait-il un moyen de sortir de ce trouble. Prendre l’initiative…

« La liberté…, répondit-il enfin, je dirais que c’est avoir le courage d’aller jusqu’au bout de sa volonté, en dépit des obstacles. Non pas encore en triompher – non, ce serait le bonheur, cela. Seulement leur faire face… Il murmura encore: N’aurons-nous pas les deux ?»

En disant ces mots, il s’était rapproché de Mornagest, jusqu’à poser ses lèvres sur les siennes - et ce faisant il le fixait dans les yeux, sans faillir. Il commençait d’avoir une idée très claire de ce qu’il voulait, justement…

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Il avait écouté, le coeur partagé entre légèreté et tristesse, les douces paroles de Lothringen. Au bout de sa volonté... Il n'aurait su que répondre à cela, mais le semi-drow lui enleva cette peine, en l'embrassant, doucement tout d'abord, puis plus fougueusement ensuite. Mornagest lui rendit cette étreinte, s'abandonnant entièrement à l'intensité du moment, faisant renaître en lui une vague de chaleur qu'il croyait depuis longtemps éteinte. Calme... sérénité... tout cela l'envahissait avec une ardeur nouvelle, qu'il ne chercha pas à retenir, bien au contraire.

Le guerrier, mal assuré par son manque d'expérience, ou la simple timidité, tremblait légèrement au contact des lèvres entreprenantes de Lothringen. Il se sentait un peu stupide, mais extirpa rapidement ce moment de gêne avant de se consacrer tout entier à ce baiser, qui se prolongeait avec un plaisir maintenant débridé. Mornagest frôla la joue du semi-drow, caressant de ses rudes mains le visage de celui qui était parvenu à exorciser ses craintes les plus sournoises, puis il l'enserra de ses bras, en prenant garde de ne pas étouffer Lothringen contre lui. Sa fougue était parfois incontrôlée...

Leurs lèvres se quittèrent enfin, un instant. Mornagest sourit, un sourire les plus francs et serein qu'il avait pu arboré durant toute son existence. Le bonheur... peut-être l'avaient-ils, en ce fugace instant ? Pouvaient-ils prolonger ce dernier ? Il le voulait. Oh, oui, il le voulait.

Des joues de Lothringen, les mains du guerrier descendirent le long du cou, atteignant ses épaules, son torse animé de grandes mais calmes inspirations. Il ferma les yeux, concentrant toute son attention sur ses gestes qu'il voulait doux au possible.

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

…Puisse le temps se figer.

Entre les bras serrés de Mornagest, il s’était ressenti, pour la première fois depuis si longtemps qu’il lui faudrait peut-être aller rechercher le terme de comparaison jusque dans la petite enfance, chez lui, et en sécurité. C’était si bon. C’était chose si rare que de pouvoir baisser la garde, simplement, sans crainte et sans soupçons. Et pendant ce temps-là, la part la plus caustique de son esprit se moquait encore de lui-même, de ses élans de petit garçon seul et de la vulnérabilité à laquelle venait de consentir son cœur trop amoureux. Mais tant pis ! S’il fallait en passer par là, s’exposer, s’il fallait se laisser guetter par le ridicule, par le péril ou par la faute, alors, il allait faire les choses en grand. Oui ! Il avait envie d'éclater de rire. En si grand que de ce souvenir ils écraseraient tous les autres...

Mornagest, lentement, apprivoisait son corps. Le cœur au bord des lèvres, Lothringen demeurait immobile sous les caresses de son compagnon, baignant le guerrier de son regard tandis que celui-ci le visitait du bout des doigts, effleurait sa peau, s'éloignait, y revenait, et l’énervait et le poussait à bout. Au point où ils en étaient, le semi-drow consacrait une grande partie de son énergie à contrôler le rythme de sa respiration - quant à son pouls, il s’était emballé depuis déjà longtemps, tant le manostien était impatient de retrouver les bras et les lèvres qu’il quittait à peine… tant il est vrai qu’on y prend goût.

Lothringen sourit avec indulgence quand il sentit le temps d’hésitation que marquaient les mains de Mornagest en atteignant le creux de ses hanches, au moment où elles s’y ancrèrent de peur d’aller plus bas. Il savait bien ce qu’elles cherchaient, sans peut-être que le guerrier ne le devine encore… Cependant, peu désireux de brusquer Mornagest qui découvrait à peine, le semi-drow, pour l'aider, alla lui-même rechercher ses mains pour les guider le long des agrafes de ses vêtements, justaucorps et chemise. Bientôt, il pourrait sentir leur étreinte directement sur sa chair. Bientôt, leurs peaux pourraient se rencontrer.

Pour une fois, le semi-drow était heureux de ne jamais porter d’armure…

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Tremblant - d'excitation, ou de peur face à l'inconnu ? il ne savait le déterminer - Mornagest parvint, lentement mais sûrement, à ôter un à un les vêtements qui couvraient le corps de Lothringen, tant convoité depuis plusieurs minutes maintenant. Tout était allé si vite... de sa crainte de paraître maladroit, il n'en restait qu'un lointain souvenir, qui ne refit pas surface en cet instant d'intense félicité. Contrairement à la veille, il avait sans hésitation rendu le baiser que le semi-drow lui avait donné, y trouvant cette fois un plaisir exacerbé par les caresses, d'une infinie douceur, que lui prodiguait Lothringen.

De son côté, le drow venait de faire glisser la tunique du guerrier, et la fit choir au sol, découvrant le corps de Mornagest, couvert d'anciens stigmates de trop nombreux combats. Celui qu'il menait en cet instant ne lui laisserait, en terme de cicatrices, qu'un souvenir impérissable.

Mornagest n'eut, là aussi, plus de honte à exposer sa nudité aux yeux de son compagnon. Curieuse sensation, qu'il avait presque oublié, de se retrouver dans le plus simple appareil, en pleine nature. Cependant, il n'eut pas l'occasion d'y attacher plus d'importance : il ressentait les caresses de Lothringen, qui se faisaient de plus en plus intimes...

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Eh bien, ils y étaient. Agenouillés l’un face à l’autre, nus comme des vers, au beau milieu de nulle part. Et la gêne qu’avait pu ressentir Lothringen au moment où Mornagest avait fini de le déshabiller n’avait pas duré bien longtemps. Après tout, ils en étaient au même point maintenant…

Et les étreintes, les baisers, les caresses avaient repris. Sans l’avoir vraiment calculé, le semi-drow s’était mis à mener la danse. Ses gestes alliaient douceur et fermeté, faisant preuve d’une précision redoutable quand il s’agissait de trouver l’endroit, la pression ou le rythme qui mettraient à son comble le désir de son compagnon. Mais que personne ne lui demande d’où lui venait une telle expertise… Car en réalité, il se retenait, ne voulant pas que le guerrier ne partage aucun des souvenirs d’humiliation qui le poursuivaient encore, des années plus tard.

Tandis qu’ils s’embrassaient encore à perdre haleine, l’une de ses mains, après avoir longtemps caressé l’intérieur des cuisses, avait fini par rencontrer le sexe, tandis que l’autre, après avoir doucement erré sur les fesses et la chute des reins, s’aventurait à présent dans la fente…
Lothringen sentit Mornagest tressaillir ; appuyant ses gestes un peu plus, il apposa un suçon dans son cou.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Alternant moments de pur bonheur et craintes subites de ne savoir trop comment réagir face aux gestes experts de Lothringen, le guerrier parvenait doucement à se détendre complètement, et ainsi s'essayer au difficile exercice des caresses bien placées. Il n'avait certes aucune habitude, mais ses mains, d'abord maladroites et peu assurées, s'insinuaient davantage sur les parties sensibles du corps du semi-drow, en titillant le moindre recoin de chair douce et souple.

Il avait sentit, également, lorsque ses mains avaient effleuré son dos, les cicatrices qui labouraient la peau de Lothringen, témoin muet des sévices qui lui furent infligés, durant toutes ces longues années. Mornagest ne s'y attarda pas, préférant explorer le bas-ventre musclé du drow, ainsi que son intimité, qui indiquait clairement que Lothringen appréciait grandement le contact de ses mains.

Le guerrier essayait d'agir le plus lentement, le plus doucement qu'il soit. Il aurait voulu que le temps cesse de s'écouler, qu'ils restent pour l'éternité ainsi enlacés, dans ce décor féerique et apaisant...

Il frémit alors, tandis que les doigts de son compagnon exploraient maintenant ses fesses, et plus loin encore... Bien qu'il savait depuis le début que cela se produirait inévitablement, il ne put s'empêcher de frissonner à ce contact indiscret, étranger. Il respirait profondément, faisant le vide dans son esprit... première expérience, si excitante et terrifiante à la fois. Mais l'envie de poursuivre plus avant ces échanges corporels fut la plus forte, et il se détendit à nouveau, laissant glisser ses lèvres le long du torse de Lothringen, goûtant chaque centimètre de sa peau frémissante.

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Il avait refermé les yeux, pour mieux pouvoir accompagner le parcours des lèvres brûlantes de Mornagest sur son corps, pour vibrer avec lui. Etait-ce parce que l’humain apprenait vite ou bien parce que sa propre sensualité, exacerbée par les caresses profondes, réagissait hors de toute mesure? Toujours est-il que Lothringen sentait venir le moment où toute sa patience ne servirait de rien, où il n’en pourrait plus de se retenir : où il en faudrait davantage.

Il regarda une dernière fois Mornagest dans les yeux. Un regard énigmatique, un peu perdu… Le guerrier aurait presque pu discerner les ombres mouvantes que le désir dessinait dans ses prunelles noires. Alors Lothringen se détacha lentement de lui, et, lui faisant signe de pas bouger, se décala, tout en caressant de la paume la courbe de sa joue. Il n’alla pas bien loin : Mornagest le vit se rasseoir derrière lui, en chevron. Il pouvait désormais sentir le bas ventre du drow exercer une pression chaude et douce, mais constante, sur le bas de son dos.

Il avait senti Mornagest trembler. Bien qu’il n’y ait volontairement pas prêté attention jusque là, Lothringen imaginait très bien ce que ce dernier pouvait ressentir d’inquiétude et de peur : il était passé par là, lui aussi... . C’est pourquoi il étreignit simplement son compagnon à la taille, l’invitant à s’adosser à son propre torse pour marquer la pause, tant qu’il voudrait. Il attendrait que Mornagest retrouve un peu son souffle, son calme, et se détende. Même s’il s’efforçait d’y contribuer par la douceur de ses caresses ou par son propre calme, l’elfe noir devinait que ce ne serait pas facile. Que pouvait-il faire de plus pour l’apaiser? Il écarta délicatement sur la nuque de son compagnon les quelques cheveux qui le gênaient, pour aller murmurer au creux de son oreille :

« Fais-moi confiance... Je t’aime : je t’attends. »

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Des mots qui le touchaient plus encore que les caresses qu'il venait de ressentir. Une vague de mélancolie envahit le guerrier, tandis qu'il écoutait la douce voix de son compagnon lui parler, l'apaiser... mais il sentit une boule se former dans son estomac. Il avait peur, malgré les gestes tendres que lui prodiguait Lothringen. Il s'avançait en terrain totalement inconnu, il découvrait... et il ne savait comment agir.

Il essaya de se détendre, en inspirant profondément, en relâchant ses muscles. Les yeux fermés, il sentait le contact des muscles de Lothringen contre son dos, frôlant sa peau avec une sensualité recherchée et plus qu'agréable. Se concentrant sur cette sensation stimulante, il parvint à se décontracter. Il saisit les mains du semi-drow, toujours posées sur sa taille, puis, sans mot dire, se frotta plus franchement contre lui, d'une façon univoque. Il se sentait prêt. Du moins, l'espérait-il...

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Il avait donc pris ses dispositions. Puis il avait pris son temps. Pour finir, il avait pris Mornagest. Sans bouder son plaisir, longtemps. Au moment d'éjaculer, il n'avait pu s'empêcher de lâcher un puissant cri de triomphe et de jouissance adressé à la nuit, au Bosquet, ou à Toril entière qu'il prenait à témoin. Parce qu'il était sur le point de surmonter un traumatisme dont il n'aurait jamais cru pouvoir se départir. Parce qu'il avait convoité Mornagest depuis le premier jour, probablement depuis qu'il l'avait lavé des sécrétions corrosives du freyeur... et qu'il en obtenait satisfaction, bien au-delà de toutes ses attentes.

A présent ils étaient allongés dans l'herbe, enlacés, au repos. A demi titubant d'ivresse, Lothringen était allé chercher sa couverture, pour mieux les garantir de la fraîcheur nocturne. Entre eux les gestes tendres s'étaient faits plus rares, et la fatigue se lisait sur leurs traits. Le semi-drow espérait que Mornagest aurait apprécié autant que lui, mais il en doutait... En dépit de ses précautions, la pénétration n'avait sans doute pas manqué d'être douloureuse; c'était ainsi la première fois. Pour lui, quinze ans plus tôt, ç'avait été bien pire; il s'était tellement contracté que sa chair en avait été déchirée, et qu'il avait saigné...

N'osant poser la question, le semi-drow guettait les réactions de son amant, tout en se lovant contre lui, dans sa chaleur.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Mornagest gardait les yeux clos. Son visage n'exprimait aucun sentiment, comme s'il dormait, à présent. Il était d'ailleurs proche de s'en aller au pays des rêves, exténué par la journée riche en émotions de tous genres qu'ils venaient de vivre. Mais il songeait à ce qui venait d'arriver. De lui arriver. Aurait-il pu imaginer qu'il allait partager la couche de son homologue manostien, lors de leur première rencontre, au festival de Lumenis ? Bien du chemin avait été parcouru depuis, et il ne savait maintenant s'il devait s'en réjouir, ou se maudire d'être là, en cet instant ?

Il essayait de ne plus penser au pincement désagréable qu'il avait ressenti tout au long du rapport, et qui l'avait fait regretté plusieurs fois d'avoir accepté cela... mais c'était terminé, à présent, et son avis était désormais mitigé. L'habitude lui rendrait-il les choses plus faciles ? Il aurait voulu poser la question à Lothringen, mais elle était vraiment trop... intime, trop ridicule.

D'un autre côté, il avait également senti son compagnon monter petit à petit vers l'extase, alors qu'il lui serrait la taille avec une ardeur renouvellée, trahissant son manque de contrôle caractéristique de ce genre d'instants ô combien intenses...

Il ouvrit soudain les yeux, et fixa Lothringen de son regard sombre, comme s'il était triste, voire sombre. Mais ses paroles démentirent cela :

"Mes craintes étaient sans doute injustifiées", en souriant enfin à son compagnon. "Même si... c'est déroutant."

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

« Je vois ce que tu veux dire. Avec le temps, ça passe… »

Dans tous les sens du terme, grinça un recoin de son esprit. Ah ! C’était bien le moment de faire ce genre d’humour, alors qu’en vérité il se sentait si misérable d’être parti tout seul, d’avoir laissé Mornagest sur le bord de la route, de s’être comme servi de lui… Avec le temps, ils feraient mieux ? Sans doute, mais le temps allait surtout les séparer bientôt.

Avec le temps, Lothringen aurait peut-être aussi pu proposer d’inverser les rôles, mais il était beaucoup trop tôt ; pour l’heure la panique le prenait rien que d’en envisager l’idée. Trop de souvenirs. Trop de honte… Il lui resterait beaucoup de chemin à faire avant de pouvoir envisager un rapport avec un mâle sans l’interpréter en termes de relations de pouvoir. Et de cette étroitesse d’esprit, aussi, il avait honte : car il savait bien que rien dans le comportement de Mornagest ne la justifiait.

Il laissait sa tête reposer sur le sol, les paupières alourdies. Il s’était passé tant de choses dans la journée qu’il aurait voulu commenter, et il restait tant de questions d’avenir à aborder d’ici leur séparation ; mais la fatigue évidente de l’un et de l’autre remettrait ces discussions-là à plus tard. A jamais, peut-être.

Tout en dévisageant son compagnon qui s’endormait, il ressentait désormais cette tristesse diffuse qui suit les moments de fusion ou de joie trop intense. L’éloignement. La perte…

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Alors qu'il s'endormait doucement, Mornagest rouvrit les yeux, quand Lothringen lui répondit. Une touche d'humour qui le fit presque sourire. Non qu'il ne croyait en sa réponse, mais ce double sens... Il changea de sujet lorsqu'il vit la mine sombre de son compagnon, grimaçant alors même qu'il fermait les yeux. L'idéal pour faire de bons cauchemars...

"Regrettes-tu ?" lui demanda-t-il, se méprenant à moitié sur son expression. Lui-même, regrettait-il ce qui venait de se passer ? Il n'aurait su le dire. Peut-être pourrait-il répondre, dans quelque temps, quand le moment inévitable de la séparation viendrait les arracher l'un à l'autre, pour retrouver leurs misérables fonctions, comme les pantins qu'ils étaient probablement ? Pourraient-ils se revoir par la suite, malgré les tensions encore vives entre Manost et Melandis ?

Il fit grise mine également, en songeant qu'ils devraient peut-être combattre l'un contre l'autre, un jour, si les choses se passaient mal... Il ne le pourrait. Il préférerait s'enfuir plutôt que cela.

Comme pour affirmer ses pensées, il effleura doucement la joue de Lothringen, du bout des doigts.

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Lothringen demeura immobile sous la caresse, marquant un temps avant de lui répondre.

« Si c’était le cas, Mornagest, je ne pourrais plus me regarder en face. Car je t’ai voulu – plus fortement que tu ne crois, peut-être – et avec toi tout ce que tu peux impliquer de plaisir ou de peine. Quoi qu’il advienne, j’assumerai au moins cela…"

Il resserra son étreinte sur la taille de son compagnon, murmurant encore.

« Ce que j’ai voulu, je le veux encore. Non, je ne regrette rien.

…Mais tu partiras. Déjà Melandis te rappelle... A ce jour tu appartiens corps et âme à ce monde : je ne pourrais t’y arracher sans te briser, je ne lutterai pas. Tu dois vivre ta vie…

Cependant je ne me fais pas d’illusions sur cette cité. Que va-t-elle faire de toi, de nous ? Viendra-t-il un jour où nous nous trouverons l’un face à l’autre, pire que des étrangers, à maudire le jour de notre rencontre ? Un jour où il n’y aura pas besoin de me lancer des sortilèges pour que je veuille lever les armes contre toi ? Ou bien l’inverse."

Il ajouta encore.

« Je me suis attaché à toi, mélandien. Ne me déçois pas. »

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

La mine assombrie, Mornagest ne répondit pas tout de suite. Il savait pertinemment que Lothringen avait raison, et il le soupçonnait presque de lire dans ses propres pensées. Qu'adviendrait-il d'eux ? La politique ferait-elle de leur relation, un lointain souvenir qu'il leur faudrait oublier en se rencontrant à nouveau, pour lutter l'un contre l'autre ?

Ne pas le décevoir ? Que pourrait-il faire, pour cela ? Il n'était pas libre de ses mouvements, mais il savait très bien pourquoi : il s'était lui-même enfermé dans ce système totalitaire. Le semi-drow le lui avait démontré avec dureté, mais avec raison. Pourrait-il se défaire de cette emprise ? Il en doutait énormément. Mais, il existait peut-être un salut. Un espoir. Une lueur, faible, mais présente, tentant d'écarter les ténèbres qui composaient le tumultueux et incertain avenir du guerrier.

"Sommes-nous obligés de nous revoir... en tant qu'opposants ? Ces moments sont-ils perdus à jamais ?"

Il avait voulu garder son calme, mais sa voix trahissait son émotion, bon gré, mal gré. Lui aussi, il s'était attaché. Il ne voulait pas le regretter...

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

A peine son compagnon avait-il repris la parole que Lothringen comprit qu’il aurait mieux fait de garder pour lui ses appréhensions ; il avait alarmé inutilement Mornagest, et ils ne s’étaient pas compris. A vrai dire, il se moquait bien de la rivalité de leurs cités respectives. En quoi donc les concernait-elle ? Nation contre nation, homme contre homme ? Il leur faudrait vraiment jouer de malchance pour ne pas trouver un champ de bataille assez vaste pour s’éviter.

Son inquiétude était ailleurs. Il n’y avait qu’une personne au monde qui soit susceptible de faire de Mornagest son ennemi, et ce n’était ni le grand Emissaire, ni quiconque au conseil de Melandis, ni même sa déesse qui ne s’en mêlerait pas: car c’était Mornagest lui-même. Lothringen commençait de bien connaître les qualités et défauts de son compagnon. Il savait le guerrier tourmenté. Fragile. Influençable… Melandis le flatterait dans ses penchants les plus sombres. Il serait si tentant pour lui, une fois rentré, de vouloir renier ce voyage, cette relation, comme un simple moment de faiblesse. De penser que le semi-drow avait tenté de le manipuler. De se jeter à nouveau dans la violence aveugle, dans le meurtre et dans la folie. Le manostien aurait-il envie de le reconnaître, ce jour-là…

Mais, pour l’heure, Lothringen savait Mornagest sincère, et il entendait sa voix s’altérer dans l’angoisse. Peut-être avait-il tort de soupçonner déjà.

« Obligés ? Non. Pour ma part, je n’ai aucune difficulté à faire la part de la politique et de ma vie privée. Je dirais même que ma charge me fournit une bonne raison de voyager, et que ma magie fait le reste: c'est pourquoi je ne doute pas que nous nous reverrons. Et je veux croire… je veux croire que le pire n’est pas inévitable… »

Il regarda son compagnon, longuement, sans rien dire. Il se sentait parfois tellement impuissant face à ces prisons imaginaires dans lesquelles le mélandien s’enfermait. Quelle épée employer contre pareilles ombres?
Que pouvait-il promettre… sinon d’essayer ?

Il esquissa un sourire un peu triste, où il aurait voulu mettre toute la force de son amour - dont il aurait voulu cacher le léger tremblement.

« Pour le reste, tu devrais commencer à me connaître : je ne renonce pas facilement. »

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Il resta silencieux un moment encore, ressassant les paroles de Lothringen. Il lui faisait confiance. Ou du moins, le voulait-il. Ses sentiments étaient vrais, sincères. A moins... qu'il ne se soit laissé avoir, qu'il soit victime de sa crédulité ? Mais il n'y croyait plus guère, désormais. Car le semi-drow n'avait aucun intérêt à le tromper, si c'était ce qu'il recherchait ; au contraire, il perdrait autant que Mornagest, lorsqu'ils se sépareraient, bientôt... à jamais ?

Il ne voulait y penser, repoussant loin devant lui cette idée de déchirure. Mais il n'y parvint plus. Comment pourraient-ils se voir à nouveau ? Les évènements à venir n'allaient-ils pas les changer, tous les deux, au risque de ne plus se retrouver tels qu'ils l'étaient maintenant ?

Tant d'interrogations ; nulle réponse...

Il se contenta de sourire faiblement à son compagnon, ne sachant que lui répliquer. Ses idées, bien que moins sombres et torturées qu'avant, n'en demeuraient pas anarchiques, fatiguantes de déroutement et de problèmes jamais résolus.

Il ferma les yeux à nouveau, malgré lui. Il voulait tant profiter de ces moments de sérénité - malgré le trouble toujours présent sur la suite de leur relation - avant de devoir rejoindre la "civilisation", les autres...

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Mornagest semblait prêt à s’en aller dans le sommeil et Lothringen ne le retint pas, bien que son dernier silence lui ait plutôt fait mal. Avait-il prononcé une phrase de trop ? Afin de laisser un peu plus d'espace entre eux, le semi-drow se retourna, passant un coude sous sa nuque.
Pour sa part, il ne dormirait probablement pas de la nuit, ou juste assez pour mémoriser ses sortilèges. En dépit de la fatigue, il préférait rester là, immobile, enveloppé dans la présence de son compagnon, à veiller en silence, à écouter son souffle. Pour être avec lui plus longtemps…

Ne s’étaient-ils trouvés que pour se perdre ? Dire qu’au début, il s’en moquait, se disant seulement que cela devait valoir la peine d’être vécu. Et c’était vrai : cette rencontre avait débloqué certaines choses en lui… Mais la mort affective dans laquelle il s’était muré auparavant, puisse-t-il ne jamais devoir la regretter. Il se morigéna. A quoi bon ressasser l’avenir. Il n’avait pas menti : il voulait qu’il y ait une suite, et il ferait au mieux… avec beaucoup de « si ». A commencer par ce silence de Mornagest, qui n’était pas très rassurant. Non, en effet, qui était tout sauf rassurant.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Il avait tout doucement sombré dans l'enivrante semi-inconscience précédant le sommeil, s'était laissé emporter avec délectation dans le monde des songes, des rêves. Comme à son habitude, les siens étaient emplis de passages sombres, effrayants. Le guerrier s'agita en dormant, grommelant de temps à autre des paroles incompréhensibles. Cauchemar ? Rêve ? Ou... réalité ? Il se voyait marcher, cette fois, le long d'un chemin dont les bords, flous, délimitaient un fossé blanc, semblable à du brouillard, infini. A ses côtés, Lothringen marchait en silence, le visage fermé, impassible, comme lors de leur première rencontre. Mornagest voulut lui tendre la main, mais le drow la repoussa en maugréant.

"Crois-tu que tu représentes quelque chose pour moi ?", laissa-t-il tomber. Ses paroles, tranchantes comme un couperet, blessèrent Mornagest. Il bredouilla une réponse, que Lothringen interrompit aussitôt :

"Tu ne mérites que la mort. Tu veux m'avoir pour toi, et ensuite, tu t'enfuis comme un lâche ?". Il leva les mains devant lui, puis murmura une incantation sinistre. Le guerrier-mage pointa ensuite ses doigts tendus en direction du visage de Mornagest, qui ressentit une vive brûlure, d'abord sur la tête, puis sur tout le corps, se propageant à une vitesse alarmante. Il sentait sa chair se consumer, craqueler sous la chaleur infernale qui l'enveloppait maintenant. Mais il ne mourait pas. Il souffrait, il ressentait tout, mais le trépas ne vint pas.

"Apprends à souffrir. Ensuite, peut-être, serais-je clément et te laisserai mourir, mélandien."

Etait-ce l'effet de la douleur ? Etait-ce la rage qui envahissait Mornagest ? Il ne reconnut pas la voix de son compagnon... celle-ci semblait provenir d'un autre monde, d'un autre plan.

Le guerrier parvint à ouvrir les paupières, et eut un soulèvement au coeur. Ce n'était plus son Lothringen, celui qu'il aimait, mais un immonde démon, entouré de flammes, puant le soufre et la mort, qui se tenait devant lui. Ses crocs répugnants dépassaient de ses lèvres entrouvertes, tandis que ses griffes immenses menaçaient Mornagest de le déchiqueter dès que l'envie lui en prendrait.

La souffrance était là. Non pas physique, même si cette dernière était insoutenable, mais morale. Son compagnon était un démon, une créature des abysses. Il l'avait trompé depuis le début. Il s'était laissé charmer par un monstre innommable.

"Souffre. Souffre, et meurs", gronda la voix gutturale du démon, dans un gargouillis écoeurant. Il leva l'une de ses immenses pattes, et faucha Mornagest comme un simple fétu de paille.

Au moment où le mélandien allait finir en un tas informe de chair humaine carbonisée, il se réveilla en hurlant dans la nuit, se frottant le corps comme s'il brûlait réellement. Il était en sueur, son coeur palpitait dans sa poitrine tremblante sous sa respiration saccadée et accélérée. Puis, les yeux grands ouverts, il réalisa enfin qu'il ne faisait que sortir d'un épouvantable cauchemar, et, posant son visage au creux de ses paumes, commença à pleurer en silence.

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Ecouter sa respiration. Ralentir le rythme cardiaque. Fermer les yeux. Je suis le vent. Je suis la terre. Je suis la vie...

A force de concentration, Lothringen était progressivement parvenu à atteindre cet état de transe vigilante qui tient lieu de sommeil à la race elfique. Dorson avait consacré de nombreuses heures d'étude à lui enseigner comment sombrer dans la semi-conscience de la Rêverie, affirmant que cette dernière recélait bien des avantages en bien des occasions. Ayant cependant perdu par sa bâtardise cette aptitude naturelle aux sangs-purs, Lothringen avait toujours éprouvé beaucoup de peine à y parvenir, sinon de manière bien aléatoire.

Cette nuit-là, pourtant, c'était venu naturellement, sans effort, après à peine quelques minutes de concentration. Il était là et il était ailleurs, disponible, au repos, tous les sens en alerte...

Aussi Lothringen avait-il été très tôt conscient des troubles affectant le sommeil de son compagnon. Ceux-ci n'ayant fait que s'intensifier, le semi-drow avait rapidement tenté de secouer Mornagest pour le réveiller, mais peine perdue; le guerrier demeurait prisonnier de son cauchemar, le visage déformé par un rictus de douleur et de terreur mêlées. Le cri qu'il finit par pousser aurait glacé le sang d'un worg ajeun...

Il pleurait, à présent. Lothringen l'attira doucement sur son épaule et le tint serré entre ses bras, sans mot dire, en attendant que la crise se passe. Tandis que Mornagest était agité de soubresauts à chaque sanglot, le semi-drow se mordait les lèvres, se retenant de pleurer à son tour, déchiré par le spectacle de sa propre impuissance. Cela dura. Cela dura, mais même les pleurs finissent par tarir...

Tout en essuyant du bout des doigts quelques larmes qui s'attardaient encore sur le visage ravagé de son compagnon, le semi-drow murmura d'une voix étouffée par le noeud qui s'était formé dans sa gorge:

"Raconte-moi..."

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

La présence rassurante de son compagnon aidant, le guerrier mélandien reprenait doucement son calme, cessant de sangloter, et parvenant à respirer plus régulièrement. Il ouvrit enfin les yeux, considérant Lothringen d'un regard empli de mélancolie. Raconter ? L'idée de repenser à ce cauchemar, s'en remémorer les détails, lui noua l'estomac. Il déglutit avec peine, puis soupira silencieusement. A quoi bon garder pour lui cet abominable songe ? Après tout, il ne s'agissait que d'imagination débridée, non point la réalité. Lothringen ne s'en offusquerait pas, il le sentait.

Il lui conta le cauchemar, essayant de se rappeler le moindre détail. Etrange, comme on oubliait vite la plupart d'entre eux, comme si le rêve, ou le cauchemar, était loin, si loin dans le passé... Mais il parvint à donner le sens général de ce qu'il avait imaginé, endormi.

Après avoir achevé son récit, il regarda à nouveau Lothringen, tristement, mais timidement aussi. Il se sentait trahir sa confiance, en l'accusant, par cauchemar interposé, de l'abandonner, et pire encore...

"Pourquoi ai-je rêvé de cela ? Pourquoi suis-je torturé ainsi ? Par ma faute..."

Il posait la question pour lui-même, autant qu'à son compagnon. Attendait-elle une réponse ? Sans doute pas. Mais il existait des palliatifs...

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Lothringen sourit à demi, le regard vague.

« Effectivement. Quand on a une imagination comme la tienne, Mornagest, on n’a plus besoin d’ennemis… »

Il songeait au rêve que ce dernier venait de lui conter. Le sens en était si évident qu’il n’y avait même pas besoin d’y revenir… Mais si aberrant, tout de même. N’était-ce pas plutôt lui qui était allé chercher Mornagest ? Et n’était-ce pas ce dernier qui avait insisté pour retourner à Melandis, alors même que le semi-drow s’échinait à lui montrer que rien ne l’y forçait ? Ne venait-il pas de lui promettre de chercher à le revoir, quand le mélandien s’était tu ? Et lequel d’entre eux deux avait le plus d’affinités avec la Guerre Sanglante, à y bien regarder…
A la rigueur, ce songe aurait été beaucoup plus à sa place dans ses propres pensées, avec Mornagest dans son rôle ; et pourtant, il ne lui serait pas seulement venu à l’idée de faire ce genre de reproches au guerrier. Ce dernier se torturait tout seul, une fois de plus. Pour rien…

« Regarde-moi… »

Il sourit plus franchement, tout en dévisageant son compagnon.

« J’essaie de t’imaginer en démon. J'y suis. Tiens, je crois qu’il vient de te pousser des cornes. Ta peau se recouvre de braises ardentes, ton haleine sent le soufre et toutes les flammes des abysses en ont après toi. Ton regard, pour autant, je ne peux pas le changer… Il est toujours aussi triste, et il me donne quand même envie de t’embrasser. »

Mais au moment où Mornagest tendait les lèvres pour les joindre aux siennes, Lothringen se déroba en riant.

« Oups. C’est brûlant… »

Mornagest essaya encore, et Lothringen se déroba encore. Il recula le visage et le tronc, mais en même temps il entraînait les épaules de Mornagest, comme par jeu. De sorte qu’ils se retrouvèrent bientôt dans la position exacte qui avait été la leur la veille, quand Lothringen avait repris conscience, après l’enchantement du Gardien : Lothringen allongé dans l’herbe et Mornagest penché sur lui, qui le couvrait. A la différence près qu’ils se trouvaient cette fois tout à fait nus.

Le semi-drow riait de l’impatience agacée qu’il lui semblait lire dans les yeux de Mornagest. Mais il reprit, soudain sérieux, tout en lui caressant la joue :

« Si j’étais toi, je profiterais de la situation tant qu’il en est encore temps. Qui sait si je ne vais pas me transformer en dragon d’ombre, cette fois… »

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Mi-amusé, mi-agacé, Mornagest sourit, d'abord tristement, puis plus franchement. Il se savait ridicule. Il savait qu'il se flagellait lui-même. Pour quoi ? Là, en revanche, pas de réponse... Il chassa ces pensées en éclatant de rire. L'humour absurde et moqueur de Lothringen lui procurait beaucoup de bien, car il avait raison : profiter de l'instant présent, au lieu de s'imaginer tout, et surtout, n'importe quoi.

En position de force, le guerrier attaqua donc de face, maintenant les épaules de Lothringen au sol, et l'embrassant de plein fouet avec une vigueur renouvelée. Toute trace de tristesse avait disparu de son visage, et la fougue qui l'animait désormais se ressentait dans le baiser qu'il offrit à son compagnon, tout en relâchant ses épaules, pour les lui caresser le plus doucement qu'il en était capable.

Le contact avec la peau de Lothringen, douce par endroits, scarifiée par les marques de son triste passé à d'autres, raviva la flamme qui l'avait envahi, quelques heures auparavant. Nullement gêné de la situation, le mélandien poursuivit au contraire son exploration, tantôt du bout des doigts, tantôt de toute la paume de ses larges mains, puis enfin, avec ses lèvres tressaillantes sous l'excitation grandissante. Il parcourait à présent le ventre du semi-drow, qui se soulevait et s'abaissait par à-coups, à cause de sa respiration saccadée. Il appréciait ce traitement des plus particuliers, semblait-il. Souriant à ce constat, Mornagest descendit plus bas encore, écoutant avec délice son compagnon soupirer sous la douceur de ses gestes. Avec le temps, il acquérait une certaine aisance, désormais exempte de honte, en tous les cas...

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

C’était allé si vite que, s’il avait évidemment voulu en arriver là, le semi-drow avait été rapidement dépassé par l'ampleur de son succès. Volontaire et sûre, l’ardeur de son compagnon ne lui avait pas laissé le temps de réagir. A présent, il était bien tard…

Les yeux mi-clos, Lothringen ne parvenait plus à détourner son attention des gestes de Mornagest ; de ces caresses tantôt douces et tantôt plus fermes, ordres ou prières, impérieuses comme l’urgence du désir. Le guerrier explorait son corps, n’oubliant rien. Pas une parcelle de peau qu’il n’ait effleurée, couverte, parcourue de ses lèvres, de ses paumes, de ses doigts. Ces gestes-là lui volaient tout : sa respiration, ses désirs, ses sens. Il était la pâte qui lève ou qui repose au gré des mains qui la pétrissent. Le guerrier faisait de son corps ce qu’il voulait, et quant à sa pensée, elle ne pouvait que l’accompagner dans son exploration ardente mais lente, depuis les lèvres jusqu’au dernier membre, qui se tendait avec docilité. Prisonnier du plaisir qu’il sentait, Lothringen ne respirait plus que sur son ordre, n’esquissait plus le moindre geste qu’en réponse à ses stimulations. Il évoluait dans une sorte de transe où peinait à surnager cette certitude : s’il ne faisait rien, Mornagest n’allait pas tarder à vouloir prendre possession de lui de façon plus marquée… Et cela, pouvait-il le lui donner ? la pensée de son Maître lui courbant le dos, un instant, l’effleura. Pas encore, pas si tôt ! La panique l’atteignit jusque dans son ivresse. Non... Il se mit à gémir sourdement. Il suffoquait.

Alors que Mornagest était descendu sur ses reins, Lothringen se mit soudain à se débattre, puis se recula et s’assit, le regard vide, hors d’haleine. Il aurait fallu rendre au guerrier la monnaie de sa pièce, et tout de suite, il le savait bien ; mais il n’était pas en état de le faire. Le semi-drow chercha du regard un refuge, n’en trouva pas, et alla par défaut se blottir entre les bras de Mornagest, où il enfouit aussi son visage, peut-être par crainte de lire surprise ou frustration sur celui de son amant.

Ses grandes respirations, peu à peu, se calmèrent. Il commença alors de caresser les épaules de Mornagest, timidement, comme ayant conscience de tricher…

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Tout d'abord décontenancé par la réaction de Lothringen, l'esprit du guerrier fut ensuite parcouru de mille émotions simultanées... tristesse, frustration, colère, incompréhension, empathie également. Car il voulait comprendre, il voulait aider le semi-drow à se calmer, à oublier cet incident.

C'est ainsi qu'au lieu de le repousser, Mornagest le tint fermement mais doucement dans ses bras, sans mot dire. Il posa le menton sur la tête de son compagnon, fermant les yeux et serrant les mâchoires. Au fond de lui, il savait pertinemment ce qu'il venait d'arriver. Lothringen avait souffert d'un maître qui avait eu la mainmise sur lui, au point de l'empêcher de le tuer quand il en avait eu l'occasion. Une telle emprise laissait ses marques jusque dans les moments les plus intimes.

Il était furieux contre cet homme. S'il l'avait eu en face de lui, en ce moment, aucune parole ne l'aurait épargné. Mais il n'aurait jamais l'occasion de le croiser, hélas... Il semblait de toute façon que Lothringen ne souhaitait pas sa mort, même maintenant. A croire qu'il n'était pas si différent de lui-même, avec Melandis...

Enfin, le mélandien reprit son calme, et murmura doucement à son compagnon :

"Je suis désolé. J'ai commis une erreur."

Paroles stupides et inutiles, mais sincères. Il était conscient du mal qu'il venait de faire, mais ne parvenait cependant pas à en mesurer l'intensité, et cela le mettait mal à l'aise.

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Ils demeurèrent immobiles, un long moment. Puis Lothringen se mit à parler à voix basse, avec un débit inhabituel, comme s’il craignait, en reprenant son souffle, de ne savoir poursuivre.

« Ne t’excuse pas, Mornagest. C’est ma faute. Je t’ai provoqué… je voulais te changer les idées, que tu jouisses à ton tour. Je n’ai pas vu venir… Comment s’imaginer qu’à six ans de distance, d’au-delà de la surface et de la vaste mer, probablement sans même y songer, il pourrait tirer ainsi sur la laisse ? Je me suis cru libre, libre de refaire ma vie, d’oublier, d’aimer, de me donner à qui je voulais. Quelle erreur…

Quel est mon âge, déjà ? Trente-six années de semi-elfe. A peine adulte. Un survivant… La peur qui m’accompagne est le meilleur collier.

Tu n’avais rien à voir avec cela et tu t’y trouves mêlé quand même. Je t’ai trompé, je t’ai déçu. Pardon… Un jour je pourrai te donner ce que je te refuse. Tu ne le sais pas encore, mais cette nuit, tu as gagné la manche. Je redoutais que tu ne sois comme lui, mais tu as écouté ma peur… Tout en disant le contraire, lui ne l’aurait pas fait. Je soupçonne même qu’elle aurait décuplé son plaisir… Je suis bien ici, contre toi. Tu as su gagner ma confiance. Ce n’est pas la dernière fois, et nous aurons des jours meilleurs…

Quelle mine tu fais. Et comme j’ai aimé tes caresses, tout à l’heure… »

Lothringen s’était décidé à relever les yeux et il dévisageait à présent les traits assombris de son compagnon, tout en laissant ses mains glisser avec lenteur sur les épaules, les hanches. Il ne savait plus trop s’il voulait le consoler ou bien exactement la même chose que la première fois… Paradoxalement, en dépit de ce qu'il venait de se passer - ou bien justement pour cela, il n'avait sans doute jamais ressenti aussi fortement le besoin de se mêler à Mornagest, de le rejoindre.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Il resta un moment silencieux, presque interdit. A mots cachés, Lothringen lui avait révélé une qualité, du moins, ce qui pouvait passer pour telle : la tendresse. Il ne se serait jamais cru capable d'en donner, avec toute la haine qu'il avait accumulé depuis de si longues années, pour oublier, pour enfouir. Et maintenant, tout ce qu'il avait enterré ressurgissait, transpirait par les pores de sa peau, sans qu'il puisse rien garder. Etait-ce vraiment lui ? Aimait-il cette façon d'être, si différente de ce à quoi il avait été habitué, depuis plus de dix ans ? Il ne voulut pas répondre à cette question, inquiet de la réponse. A moins qu'il n'en fut même pas capable ?

Son coeur balançait, entre son retour à Melandis, sa ville, en quelque sorte, le seul endroit où il se sentait bien, où il se sentait libre pour plus d'une soirée. Car, libre, il l'était, ce soir, avec Lothringen. Mais cette précarité le gênait. Il voulait plus. Il avait assez souffert de donner, et que la vie lui prenne, sans rien recevoir en échange. Il avait donné ses parents, sans qu'il en soit conscient, à l'époque. Il avait donné sa compagne. Son âme. Ses origines, aussi. Il était loin, le jeune guerrier venu du Nord, incapable de se prendre en main, perdu comme un jeune enfant. A présent, il était plus âgé... mais toujours aussi désorienté. Cruelle ironie...

Cruel, son dilemme l'était encore plus. Il devait... choisir. Si l'on pouvait appeler cela un choix. Il ne croyait guère en la possibilité de rentrer à Melandis, et de continuer à revoir Lothringen de la même façon, avec autant de légèreté au coeur. Et cela le rendait amer. Il ne pourrait non plus rester à Manost. Son séjour, bien que bref, l'avait profondément dégoûté de la Cité Bénie. Il vomissait le pouvoir mis en place, la piété mal placée de ces prêtres fanatiques d'un dieu aussi rigide que dépourvu de jugeotte. Aucune tolérance, cela frisait la caricature. Non, il ne pourrait rester ici...

"Pas la dernière fois, non..." Il parlait d'un ton distant, à nouveau perdu dans ses pensées. "Je..." Il s'interrompit. Comment expliquer à son compagnon qu'il était convaincu qu'ils venaient peut-être de vivre les premiers, et les derniers instants de tendresse entre eux ?

"Je crains l'avenir... mais tu as peut-être raison", ajouta-t-il en lui souriant faiblement. En ce moment, il n'avait qu'une seule envie, pleurer, relâcher la tension qui s'accumulait dans son esprit, puis dormir, sans plus penser à rien. Le pourrait-il un jour ?

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Lothringen fronça les sourcils, furieux contre lui-même. Qu'est-ce qui lui avait pris de se confier de la sorte, de s'exposer? La réaction de Mornagest venait de lui retourner le couteau dans la plaie, une fois de plus, et ce n'était probablement qu'un début. Pas besoin de lui demander des précisions, le semi-drow avait compris: Mornagest ne croyait pas à l'avenir de leur relation. Il baissait les bras par avance et ce genre de fatalisme ne pouvait qu'obtenir pour finir ce qu'il ne prétendait encore qu'appréhender.

Lothringen avait peut-être les mêmes craintes, à vrai dire, mais il estimait qu'un peu de volontarisme ne nuirait pas à leurs chances de succès. Mornagest était déjà loin, tandis qu'il lui parlait... A Melandis? Auprès de ses chimères? Le manostien pourrait sans doute aller le chercher, encore et encore, mais pourrait-il y croire pour deux? Etait-il assez fort pour cela, à ce jour? Sûrement pas. Sûrement pas...

Une vague de tristesse sourde le submergea. Hé bien, il se serait voulu au bout du monde, à présent. Mornagest aurait pu aussi bien le renvoyer en Ombreterre, chez Dorson. Quel idiot il faisait de s'être laissé prendre au piège de l'espérance...

"Essaie de dormir, tu as des cernes à faire peur, répliqua-t-il d'une voix un peu sèche, tout en se roulant à nouveau dans la couverture, de manière à tourner le dos à son compagnon. Et si tu t'avises encore de cauchemarder, c'est toi que je jetterai dans les filets du vieux mage."

Se rendant compte d'y avoir été un peu fort, il fit mine de se retourner et parut vouloir prendre la main de Mornagest, pour le rassurer. Mais il se ravisa...
La réaction de son compagnon l'avait vraiment blessé, autant que ce dernier le comprenne; ne serait-ce pas se contredire un peu trop tôt que de chercher déjà à faire oublier ses paroles. Du reste, le mélandien n'allait-il pas vouloir le repousser...

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

A nouveau, le guerrier choisit le mutisme pour seule réponse. Qu'aurait-il pu lui rétorquer, d'ailleurs ? Lothringen avait raison, il se perdait lui-même. Et maintenant, il entraînait son compagnon avec lui. Que de joyeusetés en perspective... Il ferma les yeux, contemplant une dernière fois avant de s'endormir, le dos du semi-drow, labouré de marques indélébiles. Ne restait-il pas, lui aussi, prisonnier de quelqu'un, sans pouvoir lui échapper ? Après tout, que lui reprochait-il, alors qu'il agissait exactement de la même façon ? Comment osait-il juger le mélandien ?

Il se souvint alors qu'il avait presque ri au nez de Lothringen, quand il lui avait annoncé ne pas souhaiter la mort de Dorson. Un jugement, à sa façon...

Il rétablit un semblant de calme dans ses pensées, respirant profondément. Rien ne servait de se disputer une fois encore. La nuit porterait-elle conseil ? Il en doutait. Mais ils pourraient essayer de discuter plus sereinement, à un moment plus propice à cela, et non pas après une petite partie de nuit mouvementée par un cauchemar et un malaise latent chez Lothringen.

Tournant encore follement dans sa tête, les pensées de Mornagest retournèrent vers ces quelques moments qu'ils avaient passés. Essayer de s'endormir sur un souvenir agréable, cela ne lui ferait pas de tort...

Quelques instants plus tard, il sombrait dans un sommeil profond et sans rêve, cette fois. Ou du moins, ne s'en souviendrait-il pas, le lendemain.