La Couronne de Cuivre

Mais Tar’Ael ne proposa pas d’ouvrir la marche. Il y avait à cela deux raisons. D’abord, les fey’ris avaient toujours eu une gent féminine plutôt entreprenante, n’ayant en rien besoin de la protection des mâles de l’espèce. Tar’Ael n’avait donc jamais appris à se montrer particulièrement galant. Ensuite et surtout, la jeune femme venait de dire quelque chose d’éminemment suspect, qu’il avait ressassé tout au long de leur petit périple.
Le hasard fait bien les choses, avait-elle murmuré de sa voix suave.
Or, si l’entropiste avait appris quelque chose, au cours de sa courte vie, c’était que le hasard ne faisait jamais bien les choses. Ou presque jamais. Il devait donc partir du principe qu’il avait fait là une mauvaise rencontre, et que la belle, sous des dehors gracieux, mijotait quelque chose.
Il n’en dit cependant rien. Malheureusement, hormis sa baguette de sapeur, il ne lui restait qu’un misérable sort d’identification en mémoire, lequel ne fonctionnait pas sur les gens. Il le chérissait cependant dans un recoin de son esprit, espérant qu’en cas de déconvenue sévère, il se métamorphoserait en un tsunami ravageur qui engloutirait la cité.
Bon, Tar’Ael avait un peu la folie des grandeurs, j’en conviens.
Il s’engagea donc derrière la jeune fille, toujours souriant, broyant un noir sinistre au creux de ses neurones.

Vaguement consciente que l'espèce d'elfe reluquait plus ou moins son arrière-train sans vergogne, la jeune femme remonta cependant les échelons avec prudence ; rouillés, ils n'en étaient pas moins couverts de mousse, et fragilisé par la pourriture qui s'était accumulée à la surface. Fort heureusement, ni l'un ni l'autre n'était suffisamment lourd que pour les faire céder sous leur poids.

Arrivant en haut, la jeune fille énigmatique souleva la plaque d'égout, l'entrebâillant de quelques centimètres seulement. La nuit était presque terminée, et les passants n'allaient guère tarder à arriver. Déjà, quelques étalages étaient en train d'être remplis par des vendeurs ; c'était jour de marché, et l'activité allait bientôt battre son plein.

"Dépêchons-nous. Ils ne se poseront pas de question, je pense. Ils doivent avoir l'habitude, avec un peu de chance."

Elle repoussa la plaque sur les pavés, puis se hissa sur ses coudes, avant de s'asseoir sur les bords du conduit vertical. Puis elle tendit la main à Tar'Ael afin de l'aider à remonter.

"Les commerces. Vous avez un but à suivre ? J'ai encore quelques affaires à accomplir avant de me reposer..."

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Après être sorti de l'auberge, Dimble se dirigea vers les égouts. Les trouver n'était pas bien difficile, et il descendit là où le plan le lui disait.
Une vague odeur putride lui submergea les narines. Quelque chose lui disait que son expédition dans les égouts allaient se révéler fructifiant à de nombreux points de vues.
Et c'est sur ses pensées qu'il se mit en route dans le dédale sous Mélandis.

La progression était tout d'abord facile : un trottoir pavé était à disposition pour les nettoyeurs d'égouts, et Dimble n'eut guère d'autre difficulté que de simplement s'assurer qu'il marchait dans la bonne direction. Mais la situation ne dura guère ; le trottoir s'arrêtait brutalement, pour ne laisser place qu'au boyau contenant sur tout son diamètre la fange épaisse mais néanmoins liquide qui charriait les immondices des bas-quartiers de Melandis. Restes de repas, de bêtes crevées, de morceaux de bois... tout était trouvable, ici bas. Le pire, comme le... pire. Dimble fut donc obligé de s'y enfoncer jusqu'au nombril.

Arrivant à une intersection, le svirfneblin consulta un instant son plan et poursuivit sur sa droite. Théoriquement, il remontait vers le havre bourgeois, mais il aurait encore plusieurs croisements à rencontrer.

Alors qu'il s'arrêta un instant pour tenter de masquer son nez avec un bout de tissu - l'odeur était insoutenable - Dimble découvrit l'origine de l'atroce fragrance qui embaumait le tunnel en pierres. Un tas de plusieurs cadavres flottait peu ou prou, au milieu de l'"eau", bloquant à moitié le passage.

Vraiment, cette odeur était vraiment insupportable, un vague mélange de cadavre en putréfaction et des défécations du bas quartier, vraiment charmant se dit-il.
Des cadavres devaient certainement être communs dans les égouts, peut-être que les examiner ne lui apporterait rien, peut-être qu'ils n'avaient aucun rapport avec la guilde, peut-être que ... non c'était trop de peut-être.
Il se décida de les examiner quand même, à la recherche d'éventuels indices quant au tueur.

Le svirfneblin s'approcha du tas de restes humains - et autres races - en décomposition. Il s'autorisa le temps d'examiner le tout, pour constater qu'en fait, les corps étaient de fraîcheurs différentes. Les plus anciens paraissaient être là depuis plusieurs semaines, mais les deux qui ornaient le dessus du tas étaient encore en état presque normal. Ils semblaient encore presque en vie... tellement, que Dimble perçut un mouvement chez l'un d'eux. Un bras qui se soulevait... la main qui s'agrippait sur un reste de mollet, tirait. Le mort était presque vivant. N'eut été la couleur de pourriture qui ornait ses orbites à moitié vidées par des insectes nécrophages, la femme qui se tenait maintenant à moitié debout devant Dimble aurait presque pu paraître encore en vie. Mais lorsqu'elle ouvrit la bouche, le son qu'elle émit finit d'enterrer les derniers doutes qu'il aurait pu avoir.

"Rrrrwwweeeeeeuhhhh !"

Un liquide sombre et malsain gouttait depuis ses lèvres entrouvertes.

C'était la première fois qu'il voyait ... un phénomène de ce genre. Il s'agissait peut-être d'un de ces fameux morts qui revenaient à la vie comme on le lui racontait pour lui faire peur autrefois.
"Euuuuuh, bonsoir ?" hasarda t il tout en mettant la main sur la poignet de sa dague. On n'était jamais sûr dans cette ville, mais c'est ce qui lui plaisait.
Fallait il l'attaquer ? bien qu'un coup de dague dans le cœur ne devait pas être bien efficace contre ce genre de bête, il allait peut-être falloir l'incapaciter, en lui coupant ses jambes, voir même ses bras. Il pouvait tout aussi bien la contourner, et fuir à toutes jambes, sa survie était après tout sa priorité, et il était confiant en sa vitesse.
Bon finalement, il allait fuir, c'était plus sûr, et il se mit à la contourner prudemment avant de prendre ses jambes à son coup.

Malheureusement pour lui, Dimble ne put courir très longtemps. Plus rapide que ce qu'il n'escomptait, la créature lui agrippa l'épaule au passage, en la serrant avec une force inattendue. Elle posa sa seconde main sur la gorge du svirfneblin et commença à tenter de l'étrangler. Ses intentions étaient maintenant clairement définies, au moins...

Sa dague, il fallait qu'il atteigne les mains de la créature, si il arrivait à les lui couper, elle serait incapable de agripper à nouveau au moins.
Dimble n'aimait pas combattre sans plan ou informations préalables, la préméditation était ce qui lui avait permis de survivre jusque là. Tant pis, il fallait se mettre en action, et le plus vite possible, il commençait à manquer d'air.
Il se saisit de sa dague, et commença donc à attaquer les mains de la créature, ses bras étant trop petits pour atteindre autre chose. Après, il verra bien, peut-être les jambes.

Dimble donnait de frénétiques coups de dagues au niveau des poignets du monstre, qui ne lâcha cependant pas prise. Il parvint à lui taillader suffisamment l'avant-bras gauche pour qu'il dût retirer sa main gluante du cou du svirfneblin, mais l'autre était toujours enserrée autour de la gorge, avec certes moins d'efficacité.

L'assassin se débattit avec la force du désespoir, et il réussit cette fois à repousser le cadavre, qui resta debout devant lui, les bras ballants, du liquide verdâtre dégoulinant des plaies entaillées dans sa chair en putréfaction.

"Raaarrgh !", grogna ce qui fut autrefois une femme.

Il fallait lui attirer l'attention ... avec quelque chose. Il agrippa la première chose qu'il trouva par terre et la lança en direction de la créature et se remit à courir vers le havre. Décidément, Dimble préférait s'occuper des vivants, eux au moins étaient plus faciles à vivre, et à tuer.

Cette fois, il parvint à se débarrasser de la créature, et au bout de quelques instants de course dans les ténèbres, il s'arrêta et tendit l'oreille. Plus aucun son. Mais il y avait désormais un autre problème : où était-il ?

Son infravision lui permettait de deviner l'endroit qui l'entourait. Il était dans un long boyau, et sur sa droite, plus loin, une intersection démarrait. Omniprésente, la fange coulait dans le caniveau au milieu du tunnel. Pour l'instant, au moins, il n'avait pas à plonger là-dedans.

En provenance de

L'endroit puait le rance et la moisissure. L'eau usée circulait au centre du tunnel dans lequel ils venaient de pénétrer, et le trottoir s'étendait sur un petit mètre de large, tout au long du canal aux reflets verdâtres, grisâtres ou carrément noirs selon les endroits. La profondeur de l'eau ne paraissait pas très élevée, mais c'était difficile à affirmer, tant l'opacité du liquide était importante. De nombreux objets encombraient la tranchée, mais, pour autant que Rowan pût en juger, il n'y avait pas de cadavres. Pas en entier, en tout cas.

Levant la torche, l'homme regarda un instant dans le boyau, tout en tendant l'oreille, à l'affût du moindre signe de danger.

"Est-ce que tu en sais un peu sur ces égouts ? Comme ceux de la plupart des cités du continent, ils abritent des malfrats, et des créatures autochtones jamais en reste d'une bonne proie. Sois prudente, et essaie de te guider. Si on se perd, mieux vaut remonter à la surface par une échelle... les égouts sont labyrinthiques."

Il se mit en marche, d'un pas rapide mais alerte ; une sorte de couche visqueuse d'algues minuscules s'était développée sur le pavement du trottoir, tirant sa nourriture des déchets organiques flottant dans l'eau des égouts, et elle rendant la progression quelque peu dangereuse. L'humidité suintait des murs en briques noires, et l'air était frisquet. Un léger courant d'air circulait en permanence dans les tunnels, et apportait des effluves variés en fonction de l'origine du flux : poissons depuis le port, excréments depuis les résidences, tannins en provenance des quartiers populaires où les boutiques rejetaient leurs eaux usées dans le réseau d'égout.

Leur marche dura un petit moment. Le voleur s'arrêtait régulièrement pour s'assurer que personne ne les suivait, mais également pour réfléchir au chemin à suivre. Rowan perdit rapidement tout sens de l'orientation, tant les croisements étaient nombreux, et les tunnels tarabiscotés : ils se poursuivaient rarement en droite ligne pendant plus de dix mètres, et présentaient des virages tantôt progressifs, tantôt très soudains.

L'homme s'arrêta à nouveau, près d'un carrefour entre quatre tunnels, et chuchota :

"Tu entends ? Quelque chose se promène sous l'eau."

Effectivement, on entendait, de façon intermittente, quelques remous à la surface de l'eau fangeuse. Le compagnon de mission de Rowan dégaina son épée courte et enfonça le manche de sa torche dans un joint effrité entre deux briques.

La jeune femme dégaina également sa dague et se tint prête à affronter la créature en question si elle se révélait dangereuse. Jusqu'ici Rowan s'était sentie parfaitement dans son élément dans les égouts, même si elle avait un peu perdu l'habitude des fumets particuliers de ce genre d'endroit ce qui troublait pour le moment son odorat développé et l'empêchait de faire le tri efficacement.Tout comme son acolyte elle ne pouvait pas apercevoir ce qui causait ces remous aquatiques, néanmoins par son pouvoir d'empathie avec les rats elle savait que ceux-ci avaient déserté les lieux sans savoir si cela avait un rapport avec la chose dans l'eau.

Lors qu'ils scrutaient avec attention les remous qui refaisaient leur apparition, le voleur grogna :

"On dirait une arrivée de canalisation, ça m'a l'air trop régulier pour..." Il fut interrompu par un bruit de succion répugnant, provenant de derrière eux. Le temps de se retourner, et ils faisaient tous deux face à une créature d'apparence monstrueuse, genre de croisement entre un cerveau géant et un poulpe, dont les tentacules étaient garnis de barbillons à l'aspect dangereux.

À peine furent-ils remis de leur surprise que la chose attaquait Rowan. Le coup fusa instantanément, et la voleuse fut projetée au tapis sans même avoir le temps de bouger le petit doigt. Heureusement pour elle, elle ne subit aucune blessure ; la chose pouvait transmettre des maladies, ou inoculer un poison mortel...

Son compagnon d'armes chargea le monstre, mais ce dernier esquiva l'assaut avec une aisance surprenante au vu de son aspect pataud. Cette saleté n'allait pas être facile à vaincre...

Un charognard rampant, loin d'être la plus dangereuse des créatures que l'on peut trouver dans les égouts des grosses cités mais mortelle néanmoins pour qui la sousestimait.
Comme tout bon membres d'une guilde de voleurs, Rowan et son compagnon se placèrent d'instinct pour prendre la bestiole en tenaille. Leur seul effet serait de diviser les attaques de ses tentacules.
Pour le moment Rowan ne voulait pas utiliser son pouvoir de métamorphose pour prendre sa forme hybride, plus indiquée pour combattre cette créature. Il était important pour elle que personne ne soit au courant, du moins pour le moment.

La chose était-elle réellement un charognard ? Les longs tentacules étaient garnis de pointes à l'aspect terrifiant, et Rowan se rendit compte de leur dangerosité alors que son compagnon d'armes fut touché par l'un d'eux, tandis qu'elle-même devait en éviter un autre de justesse : cette bestiole pouvait mener plusieurs attaques de front ! Le voleur se figea immédiatement lorsque le tentacule le frappa, et la créature cessa aussitôt de s'intéresser à sa future proie : il restait cette jeune femme à neutraliser avant d'entamer son repas.

hrp : te voilà seule pour vous tirer d'affaire...

La jeune femme n'en menait pas large, son collègue n'avait pas l'étoffe nécessaire pour la soutenir quand la situation se compliquait. Si elle avait su elle aurait décliné cette mission, elle allait devoir utiliser toutes ses facultés pour éliminer cette sale bête.
Son principal problème était de se mettre en bonne position pour frapper la créature tout en étant hors de portée de ses tentacules.
Sautant en arrière pour éviter une attaque de la bête, elle prit sa dague en bouche et commença à grimper sur le mur derrière elle. Heureusement les égouts de Mélandis étaient mal entretenu et les jointures entre les pierres lui fournissaient beaucoup de possibilités. Le charognard fit mine de la suivre ses tentacules fouettant l'air devant lui. Cela fournit l'ouverture recherchée à Rowan qui effectua un saut périlleux arrière pour atterir derrière la créature, avant que celle-ci ne puisse réagir Rowan était sur son dos et commençait à la larder de coup de dague.

Rowan se blessa à la cheville lorsqu'elle donna l'impulsion nécessaire pour réaliser son saut, et elle grimaça alors qu'elle sentit son articulation protester avec un claquement sec. Mue par la peur, elle put cependant s'extraire de la douleur ressentie, et se concentra pleinement sur la créature qui les menaçaient tous deux de mort.

Plantant sa dague à plusieurs reprises dans le haut du "crâne" de la bête, la voleuse reçut des giclées de sang épais et collant sur les avants-bras et le torse, mais elle ne lâcha pas prise, avant que son adversaire ne se débattît sérieusement et l'éjectât de sa position instable, la projetant à nouveau à terre.

Fort heureusement, la rage fut plus forte que la douleur, une fois encore, et Rowan parvint à se relever avant que la créature ne l'assaillît à nouveau.

Pendant ce temps, le compagnon voleur recouvrait ses facultés physiques, et, l'épée courte levée, s'arrangea cette fois pour attaquer le carnivore en évitant soigneusement les tentacules qu'il lui lançait. La lame mordit la chair spongieuse, le sang poisseux coula, et la chose commença à montrer des signes de faiblesse. Elle parvint cependant à frapper Rowan du bout d'un tentacule, et cette fois, ce fut à son tour d'être victime d'une paralysie aussi foudroyante que potentiellement mortelle, si son ami ne parvenait pas à tuer la chose avant qu'elle ne se fît dévorer vivante...

Avec l'énergie du désespoir, le voleur plongea, en furie, sur la créature, lui plantant la lame jusqu'à la garde dans le "dos", assénant là un coup mortel. La chose se recroquevilla sur elle-même, déversant un nouveau flot de liquide collant, et une masse indistincte d'où émergeait l'arme de l'assassin ornait maintenant le pavement glissant du trottoir des égouts.

Rapidement, Rowan put recouvrer sa liberté de mouvement, et elle grogna lorsqu'elle se rappela de l'état de sa cheville foulée. Le reste de la mission semblait compromis...

"Je peux te confectionner un bandage. Ça devrait te permettre de marcher normalement. Mais il faudra te faire soigner au retour à la guilde. Tu es blessée ailleurs ?"

Les coups portés par les tentacules étaient à peine douloureux, plutôt une gêne qu'autre chose. Leur danger résidait dans la substance paralysante qu'ils renfermaient.

Rowan se contenta d'un "non" laconique, avec un +6 en vigueur rater un jet de sauvegarde sur une substance dont le dégré de difficulté est de 13 était un coup dur pour son ego.
Boitillant légèrement elle alla récupérer sa dague près du corps sans vie du charognard, la frotta sur sa tunique pour enlever le sang poisseux qui restait dessus et la remit au fourreau.
Elle rassura son compagnon

"Ca va aller on peut continuer, j'en ai vu d'autres"

Elle avait dit ces derniers mots d'un ton amer qui intéressa l'homme, manifestement elle avait un passé lourd de secrets.

Plus lentement encore qu'auparavant, le duo reprit sa marche dans les profondeurs puantes des égouts de la cité. Ils étaient encore davantage sur leurs aguets, redoutant une nouvelle embuscade de ce type.

"J'ai déjà vu ces saletés auparavant. Des grells. Dangereux, dans la mesure où ils voient bien mieux que nous dans l'obscurité : ils sont aveugles..."

Alors qu'ils arrivaient à un carrefour, auquel, soit dit en passant, ils durent traverser l'eau fangeuse pour atteindre le trottoir qu'ils devaient suivre, le voleur finit par annoncer :

"Nous arrivons. Ne dis rien, dans la mesure du possible. Notre contact n'aime pas les nouvelles têtes... il se peut qu'il y ait du grabuge, d'ailleurs. Il s'attend à ce que nous l'aidions, mais cela dépendra surtout de ce qu'il aura à nous révéler..."

Quelques minutes plus tard, ils distinguaient la lueur d'une torche se reflétant le long des murs humides des boyaux empestant l'odeur rance du complexe. Ils arrivèrent peu après en vue d'un individu assez grand, tout de noir vêtu, qui les attendait, torche dans une main, lame dans l'autre. Il engagea la conversation sitôt les deux assassins devant lui.

"Ah, vous voilà..." Il remarqua la jeune femme, et lui adressa un regard méfiant vaguement teinté de lubricité malsaine, puis revint à son contact habituel au sein de la guilde. "J'ai besoin de votre aide. J'ai pu récupérer certaines informations très utiles sur quelques têtes pensantes du pouvoir, mais... ma vie est en danger. Je ne pense pas qu'on m'ait suivi jusqu'ici, mais je sens qu'on ne me fichera pas la paix une fois sorti des égouts. Et je me vois mal y passer le restant de mes jours.
- Abrège. Que veux-tu ?
- Hum, oui. Vous passer les papiers, et me tirer d'ici. Dans une autre ville."

À nouveau, il détailla Rowan, en s'attardant presque imperceptiblement sur ses attraits féminins. Comme s'il projetait mentalement l'idée de s'en aller en l'emmenant dans ses bagages...

"T'es nouvelle ?" lui demanda-t-il abruptement.

Rowan lança un regard en coin à son compagnon, celui-ci lui avait conseillé la discrétion en se taisant, mais puisque leur contact venait de la questionner, garder le silence n'était point sage. Elle répondit d'un ton neutre:

"Cela se pourrait, en quoi cette information vous intéresse?"

Le second voleur grimaça, il aurait escompté que Rowan se contente de répondre.

Il renifla, toisant Rowan un peu dédaigneusement.

"Bah, rien. C'est juste que je connais pas mal de tes copains à la guilde. Alors, ça m'étonnait de voir une nouvelle tête. Mais je suis sûr que tu viens d'arriver ici. En général, les nouveaux de votre guilde, c'est des visiteurs de récente date.
- On s'en fout, mon vieux. Tu nous emmènes, ou on te laisse crever dans cette pourriture ?
- Ouais, ouais. Vous me suivez ? Y en a pour un moment. J'compte sortir dans les bas-quartiers, y a moins de monde pour nous faire la chasse."

Il se mit alors en route, s'assurant à peine que les deux voleurs le suivaient bien. Il progressait dans le dédale de boyaux fangeux de façon très rapide, semblait connaître par cœur ce réseau inextricable au premier abord, qui l'était d'ailleurs probablement.

Le trajet fut long. Rowan estima leur promenade à une petite heure environ. Les tunnels n'étaient pratiquement jamais en ligne droite, et il lui semblait devoir parfois tourner trois fois pour pouvoir progresser dans une seule direction générale. Elle perdit complètement son sens de l'orientation, et finit par trouver ce petit jeu lassant. Heureusement, l'homme s'arrêta enfin devant une échelle en bois, en mauvais état, qui menait vers la surface.

"Voilà. C'est par là qu'on va sortir. Méfiance, les gardes rôdent quand même, des fois. Qui monte en premier ?"

Il regarda les deux compères tour à tour.

Personne n'eut le temps de répondre que Rowan empoignait déjà les premiers barreaux et montait à l'échelle quatre à quatre. Elle arriva enfin au sommet de celle-ci et put voir que la sortie était bloquée par une plaque en fer déjà bien oxydée par le passage des ans.

Elle jeta un coup d'oeil en bas vers les deux hommes qui le visage en l'air attendaient comme deux poireaux, c'est du moins l'image qui s'imposa à son esprit. Elle colla son oreille à la plaque pour tenter de discerner une possible présence, manifestement soit il n'y avait personne soit la plaque était trop épaisse pour laisser filtrer le moindre bruit.

Inspirant profondément, elle entreprit de soulever la plaquer pour obtenir une fente par où observer les alentours.

Elle ne voyait qu'une ruelle déserte et obscure. La nuit était d'encre, elle put le constater rapidement. Pas un bruit proche. Au loin, quelques sons indiquant qu'un cheval trottait tranquillement sur les pavés d'une autre rue. Et un faible grincement de volet qui battait de temps en temps contre un mur ; une brise légère soufflait.

Les deux hommes montèrent à la suite de Rowan, tandis que celle-ci se glissait du mieux qu'elle pouvait sans blesser davantage sa cheville, et compte tenu du poids de la grille de fer.

Bientôt, ils étaient tous trois dehors.

"Longeons les murs. À cette heure, pas grand-monde est censé être dehors, ça attirerait l'attention si on se baladait ouvertement."

Se glissant dans les ombres, nombreuses en cette nuit couverte, le trio put facilement progresser dans les ruelles de Melandis. Une seule fois, ils durent rester tapis dans l'ombre d'un porche, tandis qu'une patrouille inspectait sans grande conviction les environs. Mais l'incident ne survint pas.

Finalement, ils arrivèrent devant une masure à l'aspect aussi miteux que les autres du quartier. L'homme sortit une clef de sa poche et entreprit d'ouvrir la porte d'entrée.

"Voilà. Rentrez. Les gardes rôdent, et je pense qu'ils surveillent régulièrement ma maison."

En terme de maison, c'était une pièce unique en guise de séjour, cuisine et salle à manger, tandis qu'au bout, un escalier en colimaçon menait probablement à la chambre de l'homme. Une odeur marquée de renfermé flottait dans l'air de la masure.

"Vous me donnez combien pour ces papiers ?", finit-il par demander aux voleurs, en regardant plus directement Rowan. Plus précisément, sa poitrine, en réalité.

Sans que rien ne laisse deviner sa réaction, Rowan balança un crochet foudroyant qui toucha le menton de l'indélicat l'étourdissant un instant. Instant que la jeune femme mit à profit car quand il retrouva ses esprits, ce fut pour gémir de douleur. Rowan lui avait empoigné les valseuses de la main droite et leur infortuné client avait l'impression d'avoir son service trois pièces pris dans un étau, tandis que la dague de la lycanthrope matérialisée dans sa main gauche lui mordait la chair du cou au niveau de la jugulaire pour l'inciter à l'immobilité.

Handicapée par sa petite taille Rowan dut se hisser sur la pointe des pieds pour siffler dans l'oreille de l'homme en son pouvoir:

"Ne me regarde plus jamais comme ça, PLUS JAMAIS"

Elle appuya ces deux derniers mots en accentuant la pression sur la virilité du pauvre homme qui émit un nouveau gémissement de douleur pathétique.Rowan se souciait que l'on reluque ses formes comme de sa première chemise, mais l'homme avait eu le même regard que ceux qui l'avaient violenté il y a huit ans quand ils avaient pris une pause pour l'examiner après l'avoir déshabillé et avant de passer à l'action.
L'homme était terrifié, Rowan avait les yeux dans le vague comme détachée, pourtant elle la main ferme et ne relachait pas ses prises tant sur son arme que sur le fond du pantalon
Un tiers aurait trouvé la situation un peu ridicule, il n'y avait pas grand chose à reluquer au niveau du torse de Rowan, l'homme devait vraiment être en manque ou alors une libido exacerbée.

Alors qu'il gémissait lamentablement, l'homme parvint cependant à glapir :

"Débarrassez-moi d'eux !"

Trois hommes surgirent alors de l'escalier, probablement tapis dans l'ombre, attendant le signal de leur chef. Leur intelligence était inversement proportionnel à leur stature : ils auraient pu agir en voyant leur meneur se faire agresser... mais ils donnaient tous trois l'impression de pouvoir fracasser une porte d'un coup d'épaule.

Épées tirées au clair, ils s'élancèrent sur les deux voleurs : deux sur l'homme, un sur Rowan, dont la prise sur le "contact" se relâcha alors qu'elle se préparait à frapper.

Rowan eut l'intention première de trancher la gorge de leur contact, mais au lieu de cela choisit de relever subitement son genou qui cogna l'entrejambe de l'homme avec une telle violence qu'il eut l'impression que ses précieuses se retrouvèrent dans sa gorge. La jeune femme l'aurait bien éliminé mais elle ne dirigeait pas la mission et jusqu'à preuve du contraire c'était encore le client et il n'avait pas fourni les papiers en sa possession. Aussi avait-elle choisi cette option, pendant qu'il se roulait à terre en hurlant de douleur il ne représentait pas un danger dans l'immédiat.

Son assaillant chargeant comme un rhinocéros en furie fut facile à éviter d'un plongeon de côté au dernier moment, elle en profita pour lui trancher les ligaments de l'arrière du genou d'un revers bien placé.

L'homme grogna, et chancela. Mais il tint bon, et se retourna rapidement pour faire face à la jeune femme. Chargeant à nouveau, il ne parvint cependant pas à l'atteindre, et même pire, donna à Rowan une excellente occasion de l'achever, en se découvrant bien trop sur le flanc droit.

De son côté, l'assassin parvint à se débarrasser d'un coup d'un de ses deux adversaires, trop lourdaud pour rivaliser avec son habileté. Mais le second truand lui infligea un coup bien placé qui fit couler le sang... beaucoup de sang. Grimaçant, jurant, l'assassin recula pour se laisser de la place pour manœuvrer, et le temps à Rowan de venir lui donner un coup de main.

Alors que l'adversaire de Rowan agonisait à terre, les vaisseaux sanguins principaux du foie sectionnés, la jeune femme s'élança pour aider son compagnon.Leurs adveraires devaient vraiment être de basse gamme, l'homme restant ne se rendit compte de ce qui lui arrivait que trop tard. Rowan lui agrippa les cheveux et les tira tirer violemment en arrière pour découvrir son cou tout en lui tranchant proprement la gorge. Par acquis de conscience elle maintint sa prise sur l'homme pendant que son sang jaillissait de sa carotide à chaque battement de coeur.

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