La Couronne de Cuivre

Quête : le Festival de Cojum

Le demi-elfe ne réprima pas son sourire. Il s’en serait voulu de ne pas répondre à un appel de détresse de la jeune femme. Il avait par ailleurs ses propres raisons de détester l’engeance reptilienne sans évoquer les évènements récents. Il ressentait une certaine inquiétude vis-à-vis de Saïko et de son empressement à accepter la proposition. Il l’aurait à l’œil.

- Maître Saïko a raison : il est bien possible que nous en apprenions mutuellement sur les problèmes qui nous occupent. Nous avons tout intérêt à nous associer. D’autant que votre sens de l’orientation laisse un peu à désirer si c’est vers Cojum que vous souhaitez vous diriger.

Kasumi désigna une direction légèrement sur la droite de celle indiquée par la jeune femme.

- Si nous coupons par ici, nous ne mettrons que quatre jours à sortir de la forêt d’après mes propres observations.

La jeune femme fit la moue mais suivit la direction indiquée en lançant une dernière remarque :

- Vous avez bien l’air sûr de vous. Vous avez plutôt intérêt à avoir raison, conclut-elle d’une voix espiègle.

Le Festival de Cojum

Le rôdeur n'avait aucune idée de la route à prendre, mais il se fiait au sens de l'orientation de son confrère.

- On a pas d'autre choix que de lui faire confiance, de toutes façons ! Et puis l'avantage de le suivre aveuglément, c'est en cas d'erreur toute la faute sera sienne et on pourra se venger de manière légitime.

De toutes façons on ira vers là-bas, avec ou sans vous. Et vous auriez tort de refuser notre compagnie.

Il conclut sa phrase en se lissant les moustaches. Puis il entama une marche décidée dans la direction indiquée par Kasumi.

Quête : le festival de Cojum

Kasumi ignora les remarques perfides de ses deux compagnons. Il était quasiment assuré de la meilleure direction à prendre. Une enfance passée à voyager en milieu forestier avait aiguisé son sens de l’orientation et la journée passée dans les hauteurs avant de s’engager dans l’étendue boisée avait été mise à profit pour repérer les lieux en contrebas. L’idée de perdre les deux humains juste pour le plaisir l’effleura un instant mais il y avait trop en jeu pour se permettre ce genre de facéties infantiles.

Les trois silhouettes progressèrent rapidement dans l’entrelacs de végétation. La jeune femme devait avoir l’habitude de la marche car elle ne les ralentit pas. Son équipement était aussi léger que celui des rôdeurs. Par-dessus une tunique beige en lin, elle portait une cuirasse de cuir qui soulignait ses formes. Ses bottes lui arrivant à mi mollet et ses braies lui évitaient de subir les griffures des buissons bas et étouffaient le bruit de ses mouvements.

Au bout de trois heures de marche, un grognement se fit néanmoins entendre. L’estomac de la jeune fille protestait bien qu’elle chercha à dissimuler la chose, l’air gênée. Elle rougit furieusement quand, à la troisième protestation sonore du système digestif de la demoiselle, les deux rôdeurs la dévisagèrent, l’air amusé.

- Veuillez m’excuser, mes provisions se sont réduites à peu de chagrin et je n’ai rien mangé depuis hier soir. Quelle chance de vous avoir trouvés, vraiment ! Nous arrêterons-nous un moment ? Vous aussi devez avoir faim.

Elle envoya une œillade pleine d’espoir aux deux rôdeurs.

Le Festival de Cojum

Le rôdeur ouvrit sa besace pour en étudier le contenu. Vide, si ce n'est l'odeur rance des coeurs de gobelins qui s'y étaient trouvés plus tôt.

- Je suis d'accord pour nous arrêter, arriver à destination faibles ne nous servira à rien. Avez-vous quoi que ce soit à nous mettre sous la dent, ou bien devrai-je partir à la recherche d'une quelconque proie ? Cela m'amuserait...

Quête : le Festival de Cojum

Le rôdeur défit son harnachement et se saisit de son sac. Tout en s’asseyant en tailleur sur un tronc moussu, il répondit à son confrère :

- Désolé de vous décevoir mais je crois qu’il serait préférable de ne pas nous attarder trop longtemps ici. Si mes calculs sont exacts, nous pourrons nous arrêter en fin d’après-midi à proximité d’une rivière poissonneuse. Vous aurez alors l’occasion d’attraper quelques prises ou même de nous chasser un lapin et surtout de prendre un bain, ajouta-t-il avec un haussement de sourcil moqueur devant la mine défaite de ses deux suivants.

Il tira de son sac de quoi prendre un repas frugal et en tendit une part égale à chacun, plus un supplément à destination des animaux. Chandara s’en saisit avec joie avant de s’asseoir un peu en retrait pour le déguster à pleines dents, ne portant qu’une attention distraite à Shadji, Norak et Lune.

Le Festival de Cojum

Shadji et Norak se saisirent de la nourriture qui leur était tendue et la reniflèrent avec interêt. Elles n'avaient pas faim, puisqu'elles étaient autonomes au niveau de leur alimentation, se satisfaisant des différents rongeurs qu'ils trouvaient dans la forêt, mais cette viande avait l'air différente.

Dévoilant leurs crocs et se pourlèchant les babines ils donnèrent sa chance à cette viande qui était de la viande de chèvre. Ils adorèrent, et mirent quelques minutes à se battre puisque chacun essayait de rafler la part de l'autre, mais aucun ne parvenait à battre le deuxième.

Le rôdeur mangea sa part calmement, prenant le soin de bien la macher histoire que cela ne lui pèse pas lourd sur le corps pendant la marche.

- Bien, je suis d'accord pour la rivière, mais je ne sais pas pêcher, je me cantonnerai donc à mes proies classiques.

Quête : le Festival de Cojum

Espérant que l’étrange humain aux atours d’animal avait un peu d’humour, Chandara lui répondit d’une voix amusée :

- Vos proies classiques ? Vraiment, je ne pense pas que vous tomberez à nouveau sur une jeune femme aussi jolie que moi avant plusieurs jours.

Achevant les dernières miettes de son repas, elle s’épousseta les cuisses avant de se masser les poignets. Le filet avait entamé ses chairs à nu lorsqu’elle s’était débattue pour se libérer du piège. Qui avait été assez fou pour braconner dans pareil endroit ? Elle espérait simplement ne jamais avoir à revivre une pareille expérience. Elle n'aurait peut être pas la chance de faire de bonnes rencontres la prochaine fois.

Le Festival de Cojum

Alors que Chandara vantait effrontément ses atours, c'est l'image d'une autre femme qui vint se matérialiser dans son esprit. Celle d'Anoushivaran, au charme aussi obscur que l'était sa chevelure. Il se surprit à rêvasser, puis répondit d'un ton sarcastique à l'intention de Chandara.

- Je ne crois pas que la beauté d'une femme puisse-t-elle jouer une grande différence une fois empalée et rôtie sur un feu de bois. J'ai d'habitude une préférence pour le gibier mais si vous êtes prête à coopérer je serais ravi de découvrir le goût de la chair humaine...

Quête : le Festival de Cojum

Chandara plissa les yeux et jeta un regard mauvais à l’homme panthère avant de se tourner vers Kasumi qui lui paraissait, malgré tout, à peine plus civilisé.

- Vous auriez du lui donner plus de viande à manger, il est apparemment en grand manque d’un bon steak.

Kasumi se remémora l’atroce scène de la veille à la mention de l’appétit carnivore du Manostien. Il préféra ne pas participer à une telle conversation et le signifia d’un haussement d’épaule. La jeune femme n’avait mené aucune conversation depuis des jours aussi tenta-t-elle une autre approche pour dérider les deux compagnons taciturnes.

- Maître Chat, vous ne seriez pas le premier à être tenté de me faire figurer à son menu. D’habitude, les cuisiniers désœuvrés ont néanmoins la peau plus verte que vous. Il faut croire que ma chair est plutôt coriace car ils s’y sont tous cassé les dents.

Le Festival de Cojum

- Evidemment les gobelins sont incapables de bonne cuisine, et cela ne me surprend pas qu'ils n'aient pas réussi à se casser les dents sur vous. J'aimerais vous dire que vous me mettez au défi d'y réussir moi-même, mais cela ne ferait qu'attiser cette joute verbale qui, si vous le voulez bien, m'ennuie. Parlez nous de vous, plutôt. Exercez-vous une quelconque profession ?

Quête : le Festival de Cojum

La jeune femme eut un soupir théâtral. Elle rechignait à répondre à cette question par ailleurs bien légitime. Le rôdeur cherchait sans doute à évaluer ses capacités plus qu’il ne s’intéressait vraiment à ses occupations.

- Vous le demandez si gentiment que j’aurais peine à refuser de vous répondre, commença-t-elle ironiquement.

- Je vis dans un petit hameau où chacun doit savoir tout faire. Les femmes comme les hommes apportent leur aide lors des vendanges et des moissons. Mais je ne me destine pas à cette vie pastorale. Je sais manier le marteau contre tous ceux qui s’attaquent à mon village et je suis toujours à la recherche de la sagesse de nos dieux tutélaires, Helm, Dénéïr et Chauntéa.

Et vous maître chasseur, auriez-vous d’autres occupations que la chasse aux fantômes ?

Le Festival de Cojum

Le rôdeur marqua une longue pause le temps d'évaluer ce qu'il était et ce qu'il pouvait en dire. Pas grand chose vraiment à cacher, se dit-il, donc autant se décrire de manière exhaustive mais synthétique.

- Je suis un rôdeur belluaire. J'aime et je connais la nature, et j'entretiens des liens particuliers envers les animaux qu'elle héberge. Je suis plus ou moins basé à Manost, m'occupant notemment des faibles demandes en forgeronnerie, mais m'évadant de ses murs opressants dès qu'il m'en est donnée l'occasion, même quand il s'agit de poursuivre des fantômes... La chasse est mon passe temps favori. Peut-être même peut-on parler de vice, vous aurez l'occasion de le constater.

Quête : le Festival de Cojum

Les beaux yeux verts de la jeune femme s’illuminèrent à la mention de Manost. Kasumi, quant à lui, écoutait la conversation d’une oreille distraite et manifesta son intérêt limité en interpellant les deux humains :

- Si cela ne vous ennuie pas de poursuivre vos bavardages en marchant, nous pourrions avancer vers notre halte de ce soir ?

Alors que les trois compagnons reprenaient leur périple, Chandara s’approcha de Saïko et lu parla à voix basse.

- Votre ami ne semble pas très prolixe. Parlez-moi de Manost. J’ai toujours rêvé de m’y rendre et voir les remparts de la Cité Bénie, le Grand Temple de Helm et le port où s’encombrent les navires géants qui parcourent le vaste monde. Peut être accepteriez-vous de me montrer votre forge et certaines de vos plus belles pièces ?

Le Festival de Cojum

Le rôdeur ne fut pas faché de reprendre sa route en direction de Cojum. Cependant si celui-ci préférait marcher en silence, ce n'était visiblement pas le cas de Chandara qui vint faire bande à part avec Saïko pour entamer une conversation de messes-basses sur Kasumi.

- Prolixe ? Je ne sais pas ce que cela veut dire, mais j'en ai une petite idée. Ne lui posez pas de questions, il ne ferait qu'en soulever d'autres, au lieu d'y répondre. Je ne sais pas trop quel est son rôle dans cette histoire, si ce n'est de me présenter sa foi pour une certaine Dame.

Il réflechit également sur la façon de décrire Manost. Visiblement Chandara ésperait un beau discours lyrique et passioné sur la beauté indescriptible de la cité bénite. Le rôdeur choisit de lui donner son propre point de vue personnel.

- Manost est un amoncellement de pierres, de murs et de ruelles inextricables où les gens, nombreux, s'entrechoquent bruyamment à longueur de journée. Chaque personne semble s'affairer avec passion à des tâches plus ou moins futiles, dans la quête toujours ultime d'être plus riche ou plus puissant.

Il était conscient du regard noir qu'il avait sur la cité, et s'en voulut. Manost avait forcément des bons côtés, sinon il ne s'y serait pas établi. Il n'en voyait pas des masses.

- Vous aurez donc compris que je préfère la pureté et la fraîcheur des grands espaces qu'offre notre nature à la prison minérale que représente Manost. Cependant je ne crois pas que l'être humain soit fait pour la solitude et cette ville regorge aussi de personnages insolites qu'il peut être amusant de découvrir et qui sont la source de nombreuses aventures. Les Manostiens ont de plus l'avantage d'être discrets et de ne pas vouloir s'immiscer trop prestement dans la vie des autres. Si le corps est prisonnier, l'esprit demeure asses libre.

Les pensées de Saïko se portèrent ensuite sur sa forge. Chandara ici aussi rêvait de merveilles et d'objets rares. Il rit intérieurement à l'idée de lui faire visiter sa forge, qui ressemblait plus à un jardin botanique puisqu'il l'avait aménagée pour son confort.

- Je ne suis point un artisan de talent, la forgeronnerie est une activité incongrue pour un rôdeur qui aurait plutôt tendance à réveiller en moi de douloureux souvenirs. J'ai accepté de rendre ce service à Manost comme dans une sorte de remerciement pour l'accueil qu'elle m'a offerte. Ne vous attendez donc pas à être émerveillé par le fruit de mon travail qui est bien plus porté sur la fonctionnalité que sur l'esthétisme.

Quête : le Festival de Cojum

Un peu déçue par la description de Manost qu'en avait fait Saïko, la jeune femme se tut un moment et les rôdeurs ne faisaient pas mine de vouloir échanger d’autres paroles. Le groupe marchait en silence depuis une bonne heure quand Chandara accéléra une nouvelle fois le pas pour se porter à la hauteur de Saïko.

- Vous ne semblez manifestement pas vous plaire en ville. Je suppose que j’aurais des difficultés à m’y accoutumer moi-même. J’ai passé la majeure partie de ma courte vie à considérer que dix maisons représentaient une agglomération de bonne taille. Mais vous avez fait allusion à de mauvais souvenirs. Serait-ce impertinent de ma part de vous prier de m’en dire plus à ce sujet ?

Le Festival de Cojum

(HRP = Vil ! Tu me forces à réécrire ma biographie plus tôt que je ne le pensais !)

Saïko se remémora ces mêmes souvenirs et décida qu'il n'y avait aucune raison de les cacher à Chandara.

- Il y a de ça quelques années, j'ai été arraché de la forêt où j'évoluais par une troupe de nains esclavagistes qui m'ont vendu à l'une des forges de Mélandis où j'y appris le métier. Voilà.

Quête : le Festival de Cojum

Chandara ne s’était pas attendue à la réponse de son nouveau compagnon. Elle se sentit gênée d’avoir toucher un point peut être sensible. Le rôdeur avait été concis et prompt à décrire sa mésaventure. Peut être un signe de sa répugnance à en parler longuement.

- Je suis désolée, commença-t-elle d’une voix hésitante.

- Je vous remercie de me faire assez confiance pour m’en avoir parlé. Voici une raison supplémentaire de détester les Mélandiens qui s’adonnent au commerce de la liberté, le plus beau cadeau que les dieux nous ont accordé à mon sens. Vous devez être quelqu’un de fort pour avoir surmonté cette période et réussi à en tirer un enseignement.

La jeune femme lui adressa un sourire chaleureux tout en poursuivant sa route.

Le Festival de Cojum

Le rôdeur apprécia la discrétion de Chandara.

- Ce qui ne nous tue pas nour rend plus forts. Cette phrase est peut-être un cliché mais peu de personnes savent vraiment la comprendre. On ne devient pas plus fort par la passivité en essayant juste de panser les blessures, on devient plus fort en retournant combattre les maux qui nous ont atteint.

Ainsi je n'ai pas accepté le poste de forgeron par plaisir, mais pour me prouver que j'étais plus fort que ce passé d'esclave. En fin de compte nous sommes en des temps de paix et personne n'a besoin de mes services, je peux donc vaquer à mes occupations et retrouver la nature.

Quête : le Festival de Cojum

La jeune femme se perdit un instant dans ses pensées avant de répondre.

- Je suppose que c’est la meilleure chose à faire… Oui… Surmonter les mauvais souvenirs et s’en servir pour se forger un meilleur avenir ou pour éviter que d’autres subissent les mêmes tourments…

Changeant brutalement de sujet, Chandara détourna le regard, se découvrant une passion subite pour ses pieds.

- Vous avez probablement mis beaucoup d’énergie à surmonter votre période d’exil. Erm…

La jeune femme semblait visiblement embarrassée à l’idée de poser une autre question.

- Je me demandais… Ces déplacements forcés ne vous ont certainement pas permis de vous lier d’amitié, n’est-ce pas ?

Les derniers mots avaient étaient prononcés si bas que Saïko avait du tendre l’oreille pour les saisir.

Le Festival de Cojum

Une fois encore se forma dans la tête de Saïko l'image d'Anoushivaran.
- Et bien tout dépend de ce que vous appelez amitié... Moi-même je n'en ai qu'une très vague idée, ce qui répond peut-être à votre question. Je me contente de ranger les gens dans trois catégories, ceux que j'ai envie de revoir, ceux qui me laissent indifférent et ceux que je préfèrerais éviter.

Oui, il y pensait maintenant. Se trouver dans la compagnie d'Anoushivaran maintenant ne serait pas désagréable...

- Quand à votre discrétion, je ne sais pas si elle est due à la présence de Kasumi, mais permettez moi de vous rassurer : je ne le connais pas depuis assez longtemps pour le ranger dans aucune catégorie.

Il réflechit intensément pour trouver une question à poser à Chandara. Jusqu'à maintenant elle ne lui avait donné que l'impression d'être une paysanne sans histoire qui rêvait d'aventure.

- Et vous, euh, vous ne vous ennuyez pas dans votre petit village ?

Il réalisa que la question avait été horriblement posée, mais à quoi bon tenter de récupérer, le mal était fait.

Quête : le Festival de Cojum

La jeune femme partit d’un rire cristallin à la dernière remarque du rôdeur.

- Je ne vous cacherai pas que je n’ai pas la chance d’être capturée tous les jours en pleine forêt puis de faire la connaissance d'un duo aussi bout en train que vous formez avec votre ami "je-ne-parle-pas-faut-qu'on-avance". Dans mon village, il peut très bien se passer une semaine entière sans que nous n’ayons d’autre sujet de conversation que l’averse prévue pour le lendemain.

Cependant, j’ai la chance de ne pas passer tout mon temps au village. Au grand dam de mes parents, j’ai pris un certain goût pour les études et la science des armes. Je passe parfois des semaines entières à la ville pour y suivre l’enseignement de mes instructeurs.

L'humaine prit alors le ton de la confidence :

- J’espère que vous le garderez pour vous mais parfois les écouter est plus ennuyeux que de passer son temps aux champs. D’ailleurs je préfère de loin les escapades à travers la campagne surtout parce qu’elles ne sont pas toujours de tout repos.

Le Festival de Cojum

Le rôdeur ne s'était pas trompé. D'après lui Chandara n'était qu'une villageoise rêvant de petites aventures dans la campagne, pas grand chose d'impressionant. Il ne se rendait pas compte à quel point son regard sur elle était réducteur, heureusement ce regard était constemment dissimulé derrière le masque de panthère.

- Sûrement que lors de vos escapades dans la campagne vous avez pu accumuler quelques connaissances sur la nature qui nous entoure, non ? Ou bien vous êtes vous contentez de chercher de quoi mettre en pratique vos talents de combat ?

Quête : le Festival de Cojum

Chandara prit le temps de choisir avec soin ses mots. Le rôdeur cherchait-il à évaluer ses capacités ou simplement à ramener la conversation sur son terrain ? Toujours était-il qu’elle appréciait cet échange léger. Il était facile de s’ouvrir à cet inconnu. Etait-ce un charisme animal ou le simple fait de se retrouver face à une personne aux manières simples, la jeune femme parlait sans penser à sa timidité coutumière.

- Je ne suis pas assez naïve pour avoir la prétention de mesurer mes connaissances de la faune et de la flore avec un rôdeur expérimenté tel que vous. Cependant je sais distinguer un certain nombre de plantes et de champignons médicinaux ou comestibles. Cela ne sert de rien de savoir tuer une tribu de gobelins par la force des armes si vous ne pouvez pas survivre en milieu naturel pour rentrer ensuite chez vous.

Le Festival de Cojum

Ainsi la jeune Chandara était une rôdeuse elle aussi. Le hasard n'était plus possible, une quelconque divinité, la dâme peut-être, avait voulu que ces trois personnages se rencontrent sur le chemin de Cojum, peut-être pour accomplir une destinée commune.

- Nul besoin d'essayer de me convaincre de l'utilité d'être autonome et indépendant dans la nature, c'est mon mode de vie depuis toujours. Ravi donc de vous avoir à nos côtés, peut-être pourrons nous nous enseigner mutuellement quelques savoirs dont nous gardions l'exclusivité jusqu'ici.

C'était fait pour Saïko. La glace initiale était brisé, les rancoeurs oubliées. Il marchait maintenant sereinement et continuerait à discuter sans méfiance aucune.

- Quand aux gobelins, un petit massacre ne se refuse jamais, haha ! Non ne vous inquiétez, je n'ai pas de penchant cruel ni sadique, mais j'ai un problème particulier et personnel contre cette espèce.

Il réflechit à ce qu'il venait de dire et à l'ironie de ce que cela contenait.

Quête : le Festival de Cojum

La rôdeuse improvisée rougit jusqu’aux oreilles. Jamais personne ne l’avait considérée en égale. Le fait qu’elle soit une femme, et plutôt jolie de surcroît, était un handicap quasi insurmontable pour faire reconnaître sa valeur dans le maniement des armes ou dans les échanges d’idées. Même victorieuse, on se débrouillait toujours pour en accorder le bénéfice à quelqu’un d’autre.

Cet homme débarqué comme par hasard la percevait comme personne ne l’avait fait dans son entourage. Peut être était-il temps de suivre l’élan de son cœur et de se soustraire du carcan dans lequel elle se complaisait jusqu’ici.

- Vous m’honorez en me jugeant digne de vous enseigner quelque chose. Je crains que vous ne placiez trop de confiance en ma personne. En tant que forgeron, il est probable que vous sachiez mieux manier le marteau que moi-même. Quand à la survie en milieu forestier, j’ai du vous donner un piètre aperçu de mes capacités aujourd’hui. A moins que vous ne souhaitiez vous lancer dans le commerce des vins fins ou même de la lavande, je ne vous serais pas d’un grand secours.

La jeune femme fit une tentative pour détourner la conversation, saisissant l’ouverture sur un domaine qu’elle maîtrisait un peu mieux :

- Pourquoi cette haine spécifique à l’encontre des gobelins. Ils sont vicieux et mauvais mais pas plus dangereux que d’autres monstres. Ils sont plus que fréquents aussi avons-nous appris à faire avec. Eux au moins font partie de l’ordre naturel pas comme…

Elle n’acheva pas sa phrase, elle s’était laissé emportée par la confiance, révélant presque quelque chose qu’elle souhaitait taire.

- Mais je ne veux pas vous ennuyer. Vous êtes bien bon de m’avoir écouté pendant des heures, ajouta-t-elle précipitamment.

Le Festival de Cojum

- Cela ne me dérange pas de discuter avec des gens qui partagent les mêmes interêts que moi, et je pense que c'est votre cas.

Pour répondre à votre question sur les gobelins... Il fut un temps où je menais avec eux de courtoises relations d'entraide. Ceux-ci m'ont trahi pour sauver leur peau, et c'est comme ça que je me suis retrouvé à Mélandis.

Depuis, c'est instinctif, je hais les gobelins.

Quête : le Festival de Cojum

Les deux humains devisèrent ainsi un moment encore. Ils étaient ponctuellement interrompus par les indications du demi-elfe et progressaient à un bon rythme. Alors que les ombres s’allongeaient encore sous la couverture boisée, ils entendirent le chant de l’eau. Pressant le pas, ils débouchèrent bientôt sur un espace dégagé et relativement escarpé laissant la place à un torrent de montagne. L’eau bondissait de bassins en bassins, suivant le dénivèlement du terrain. Elle était si claire qu’on distinguait clairement le fond rocheux malgré la lumière déclinante.

Kasumi déposa son sac et entreprit de réunir des pierres en cercle.

- Maître Saïko ! Si vous aimez chasser, c’est le bon moment ! Je m’occupe du feu et peut être d’agrémenter le dîner de quelques prises, fit-il en désignant les poissons s’agitant dans l’eau vive.

Les yeux de la jeune femme brillèrent à la vue de l’eau pure. Elle n’avait pas pris de bain depuis son départ et cela commençait à se ressentir sérieusement. Elle se tourna vers les deux hommes, sévère :

- Pendant que vous vaquez à vos occupations de rôdeurs, je vais profiter de l’eau en amont. Si je vous surprend à me guetter, il vous en coûtera !

Le Festival de Cojum

Guetter quoi ? Pourquoi faire ? Le rôdeur naïf ne comprit pas de quoi parlait Chandara. Il s'enfonça dans la forêt avec un haussement d'épaule, et entreprit de réveiller Shadji et Norak en les sortant de sa besace. Saïko avait développé une technique de chasse mettant en scène les trois protagonistes et aussi un peu de challenge. Saïko était après tout un superprédateur, et cela impliquait pas mal de sport où les deux créatures représentaient une aide non négligeable.

Quête : le Festival de Cojum

Alors que Saïko s’éloignait promptement dans les bois, avec toute la hâte du chasseur qu’il était, Kasumi réagit à l’avertissement de la jeune fille d’un petit sourire.

- N’ayez crainte pour votre intimité. Cependant ne vous éloignez tout de même pas trop et faîtes attention : l’eau est glacée.

Chandara s’éloigna, encore un peu méfiante. Elle remonta le long du cours d’eau jusqu'à un bassin peu profond. Après des regards nerveux à la ronde, elle se défit de ses vêtements et se précipita vers son bain. Malgré le froid glacial du torrent, elle ne poussa qu’un petit cri de surprise lorsque son pied s’immergea. Elle entra progressivement dans l’onde glacée en se frictionnant afin de supporter le froid mordant…

De son côté, Kasumi avait fini son cercle de pierre et un petit feu crépitait déjà en son centre. S’approchant du cours d’eau avec son arc, il se concentra sur les poissons qui s’ébattaient lentement. Il tendit la corde de son arc et visa une truite de belle taille qui venait respirer à la surface. D’un geste fluide, il relâcha la corde et se précipita vers un goulot d’étranglement en aval pour récupérer, sans trop se mouiller, sa proie flottant à la surface. Il ne rencontra pas le même succès lors de sa seconde tentative, sa proie réussissant à plonger au dernier moment dans le courant. Au bout d’une dizaine de minutes, il avait néanmoins réussi à réunir quatre poissons qu’il entreprit de vider de leurs viscères.

Saïko s’enfonçait dans le sous-bois, les sens à l’affût. Au bout de deux cent mètres, ses sens aiguisés repérèrent un bruissement et un nasillement droit devant lui. Les fourrés s’ouvrirent subitement devant la charge effrénée d’un sanglier visiblement furieux.

Le Festival de Cojum

(HRP = c'est drôle, j'ai déjà vécu cette situation dans un autre univers d'une autre dimension d'un autre temps, sauf qu'à la place de Saïko se trouvait Saykko et qu'au lieu d'un sanglier c'était un engin de type swoop :P)

Le réflèxe de Saïko fut de bondir sur place et d'essayer de se saisir d'une branche basse au dessus de lui pour s'y suspendre en faisant basculer son bassin.

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