La Couronne de Cuivre

Eh bien vois tu Victor, malgré le fait que la commanderie soit grande, nous n'aurions pas assez de places pour les paladins si on voulait leur faire chacun une chambre. Et puis ils s'habituent à cet environnement pour se reposer.

Et ils ne sont pas restreints à passer toute leur vie ici, des permissions leurs sont parfois accordées pour revenir à la vie civile pendant plusieurs jours.

Ils sortirent vite des dortoirs, des paladins novices commençant à arriver pour dormir. Ils se dirigèrent ensuite vers l'armurerie. En entrant, Iluvatar laissa passer Victor devant et contempla tous les éléments constituant cette pièce.

Nous voilà dans l'armurerie.

-Ouah, super ! s'exclama le gosse en s'élançant dans la vaste pièce.
Les yeux brillants, il observa les épées, les lances, les masses et les boucliers soigneusement alignés le long des murs. Mais ce ne fut pas là les seuls objets de son attention, comme le prouva son exclamation suivante.
-Oh, les armures ! Elles sont chouettes ! Et ben, j'pourrai dire à ceux qui le croient pas que les paladins ils les enlèvent, des fois, leurs armures !
Il s'immobilisa bientôt devant un ensemble particulièrement impressionnant. Le petit garçon paraissait minuscule devant la haute silhouette de métal brillant.
-J'suis sûr que j'pourrais la mettre et me promener avec sans être fatigué ! lança-t-il, enthousiasme, en frôlant du bout des doigts le volumineux plastron. Alors j'peux l'essayer ? Vous êtes d'accord ? S'il vous plait !

Eh bien sans vouloir te vexer Victor, il me semble que ton corps de jeune garçon pourrait presque tenir dans une jambière... dit-il en gloussant.

Ces armures sont faîtes majoritairement pour des hommes aux carrures assez forte et malheureusement, je crains fort que tout l'ensemble soit bien trop grand pour toi.

Le paladin lut la déception de Victor à la fin de ses mots.

En revanche je peux toujours te laisser essayer d'enfiler un casque et quelques autres éléments comme des brassards... Je peux t'y aider? Mais pas de bêtise!

Le petit garçon fit contre mauvaise fortune bon cœur et retrouva tout son enthousiasme lorsque le paladin l'aida à enfiler un heaume impressionnant qui lui tombait jusqu'aux épaules et menaçait de les engloutir. Il essaya ensuite des brassards, puis même des gantelets, et l'expérience lui plut assurément.
Il était en train de reposer les diverses pièces d'armure lorsqu'une étrange expression passa dans son regard.
-Là ! fit-il. J'ai vu un fantôme, dans le couloir !
En se retournant, Iluvatar vit effectivement un mouvement furtif. S'approchant à grandes enjambées, il aperçu un apprenti qui s'éloignait à toutes jambes en direction du dortoir. Sans doute avait-il voulu découvrir ce que pouvait bien faire son supérieur dans l'armurerie à une heure si tardive. Et en si étrange compagnie...
Un grand vacarme métallique força cependant le Commandeur à abandonner ses réflexions et à revenir à l'endroit où il avait laissé Victor. Là, parmi un amas de pièces diverses éparpillées un peu partout sur le dallage, il découvrit une grande cuirasse, celle de l'armure qu'avait tant admirée le gamin. Et ladite cuirasse bougeait, tanguait, raisonnait de frottement et de grognements assourdis.
-Heu... fit une petite voix embarrassée. M'sieur ? Vous êtes là ? Je... heu... Je crois que je suis coincé dedans... J'ai pas voulu la mettre, hein ! Enfin, pas vraiment... Hum... Mais elle m'est tombée dessus et... j'peux plus ressortir...

Le paladin ouvrit de grands yeux puis soupira voyant Victor sous la masse des éléments de la cuirasse. Le moins brusquement possible il enleva les éléments un à un de la cuirasse dégageant le petit de sa prison de métal.

Pas de bêtises avec ça mon garçon! Tu aurais pu te faire mal. Ca va aller?

Iluvatar était un peu inquiet malgré tout : ce jeune garçon était très curieux voire trop au point de se mettre dans des situations embarrassantes facilement.

Continuons

Ils se rendirent dans son bureau. Quelques tas de papiers traînaient de ci de là sans trop encombrer pour autant. Les cartes de Dorrandin, Hélonna, et Luménis étaient encadrées et accrochées au mur. On pouvait remarquer aussi une petite bibliothèque composée de plusieurs étagères remplies de bouquins en tout genre.

Le gamin, penaud, demeura un long moment sans rien dire. Il s'était tiré de sa mésaventure avec quelques bleus, mais ceux-ci étaient bien moins douloureux que ceux, invisibles, dont avait écopé son amour propre.
Sa bonne nature finit cependant par reprendre le dessus et, cessant de contempler vaguement les cartes accrochées au mur, il sourit au paladin.
-Bon ben... Je crois que je vais y aller, p't'être que ma mère m'attend déjà... C'était gentil, en tout cas, de me faire faire la visite. C'était très intéressant. J'espère juste que ça vous sera pas trop long de ranger l'armure...

Le paladin se réveilla en sursaut. Il se souvint s'être endormi assis à son bureau après avoir ranger quelques affaires et notamment l'armure que Victor avait fait tombé. Le petit était parti en courant et Iluvatar était simplement rentré dans son bureau.

Il se frotta les yeux, la nuit toucherait bientôt à sa fin, il voyait quelques rayons de soleil dépassant de l'horizon. Une grosse journée l'attendrait encore c'était certain. Il s'était aussi intéressé au gamin pour sortir de cette routine mais il venait de retomber dans la monotonie de ses journées actuelles.

Quête : le procès d'Orik

Quelques jours plus tard, un messager se présenta à la commanderie et demanda à rencontrer Iluvatar. Lorsqu'un paladin l'eut introduit auprès de son supérieur, l'homme s'inclina profondément. Il portait l'uniforme des estafettes de la marine.
-Messire commandeur,fit-il. Le conseiller Théobald Longuehune vous fait demander à la capitainerie du Port. Il voudrait que vous veniez le voir sitôt que vous pourrez vous libérer de vos obligations. c'est assez urgent.

Quête : le procès d'Orik

Merci de me porter cette nouvelle, je me rends de ce pas à la capitainerie.

Il prépara rapidement son départ, s'assurant que les entraînements des recrues pourrait être assuré.

Il s'en alla donc à grand pas en direction de la http://www.baldursgateworld.fr/lacouronne/le-complexe-portuaire/16785-batiment-la-capitainerie-du-port-6.html#post189645 Capitainerie du port.

La lumière du mois de Mirtul inondait la petite chambre lorsqu’Arthur ouvrit un œil trouble. Il se retourna, rabattit son oreiller sur son visage, releva la couverture jusqu’à ses oreilles et poussa un profond soupir, couvert par le grincement de son sommier usé. Dehors, les oiseaux chantaient avec entrain, enchaînant trilles sur trilles, gazouillis et mélodies. Il rouvrit un œil, jeta un regard à la fenêtre, son rideau de lin translucide agité par la brise et derrière, l’ombre du tilleul qui occupait le centre de la cour secondaire de la commanderie. C’était un bel arbre, sous lequel les écuyers aimaient venir deviser ou sommeiller lorsqu’ils avaient un moment libre dans leur journée. L’été approchait et Arthur se prit à sourire, songeant aux probables chevauchées qui émailleraient la belle saison… avant de pousser un formidable juron.
Il se leva d’un bond, attrapa sa tunique qu’il passa à la hâte, se rafraîchit rapidement dans le broc d’eau glacée qui traînait sur la table basse, puis fila en courant dans les couloirs. Il s’immobilisa une dizaine de mètres plus loin, revint en arrière, chercha et enfila ses bottes, puis repartit.
Quelques secondes plus tard, il débouchait dans la cour principale, terre battue usée par mille pas, mille sabots, et rejoignait, encore hors d’haleine, un groupe disparate d’enfants à peine plus jeunes que lui, qui bâillaient sur pied, l’œil encore perdu dans le vague nocturne. Il n’avait aucune idée de l’étendue de son retard, mais il savait que c’était là un précédent malheureux qui, l’espérait-il, ne remonterait pas aux oreilles de sire Iluvatar.
Il avait à cœur de bien faire, même s’il ne parvenait toujours pas à croire qu’on lui ait refilé l’instruction basique de sept apprentis écuyers. Bien sûr, il avait été adoubé. Et bien sûr, il restait si peu de chevaliers de l’Aster que tous devaient effectuer un certain nombre de tâches, en ce compris entraîner les nécessaires nouvelles recrues. Mais il était lui-même paladin depuis tout juste un an, et ne l’était devenu qu’à cause de ce manque criant d’hommes de valeur à Luménis, suite aux purges morféennes. Il avait l’impression qu’on ne pouvait pas trouver pire professeur à la surface d’Hélonna. Mais il n’avait pas non plus l’intention de se défiler. Il tenta donc de sourire avec chaleur aux sept marmots qui lui faisaient face.
« Bien. Désolé pour le heu… le retard, donc… »
Il essuya ses mains, déjà moites, sur la toile de ses chausses de nuit, espérant qu’elles n’étaient pas trop fripées.
« Ce matin, nous étions… nous sommes censés nous familiariser avec l’entretien standard d’une armure… Je crois. C’est bien ça ? »

Les gamins le dévisagèrent, certains franchement amusés, d'autres à moitié endormis, une poignée, enfin, apparemment mécontents d'avoir dû patienter Arthur ne savait combien de temps au lieu de rester tranquillement au lit.
-Non, m'sieur. En fait, ce matin, c'était grasse mat' pour tout le monde, fit Bors, le bout-en-train du groupe, dont la mine angélique dissimulait à merveille ses multiples idées de tours pendables. D'ailleurs, là, on allait y retourn...
Son voisin lui décocha un coup de coude dans les côtes, l'interrompant aussitôt.
-C'est bien l'entretien d'une armure, monsieur. D'ailleurs, je me suis permis d'en sortir une, monsieur, pour vous faire gagner du temps. J'espère que vous ne m'en voudrez pas pour mon initiative...
Si le jeune paladin se souvenait bien, celui-ci s'appelait Hubert. Pince-sans-rire, prenant très à cœur son apprentissage, il essayait de réfréner les plus dissipés de ses camarades. Sans toujours y parvenir. Et s'attirant fréquemment des inimitiés ou des railleries.

Quand Arthur contemplait son groupe de débutants, il se revoyait à leur âge, gauche et empressé, et réalisait qu’il tenait bien plus du gosse volontaire mais maladroit que du crâneur populaire. Aussi sourit-il à Hubert.
« Tu as bien fait. »
Il tourna la tête vers l’armure qu’avait dégotée le jeune garçon et faillit tomber à la renverse. Hubert avait traîné les plates d’apparat de sire Armand, le second du commandant Iluvatar, depuis l’armurerie jusqu’au milieu de la cour. La charge étant trop lourde, le gamin avait dû les tirer dans la poussière, les maculant de mille taches, sans compter les innombrables griffures et autres coups qu’Arthur était certain d’y retrouver.
« Oh Lathandre… » souffla le paladin.
Sa confusion le garda silencieux quelques secondes, tandis qu’il scrutait rapidement les alentours, à l’affût d’un aîné au hasard, puis se rasséréna.
« Heu… Ce n’était pas exactement… Je reviens dans une seconde. »
Il attrapa l’armure sous les aisselles, pria pour que les lanières qui la maintenaient en un seul morceau ne soient pas desserrées, et fila en clopinant jusqu’à la porte de l’armurerie. Il la trouva heureusement déserte, se glissa jusqu’au mannequin qui portait généralement les plates et les lui repassa rapidement. Il leur rendrait leur aspect plus tard. Il prit ensuite sa propre armure et retourna dans la cour.
Heureusement qu’il fait bon, songea-t-il, lorgnant le ciel.
Les enfants n’avaient pas bougé lorsqu’il déposa son fardeau devant eux.
« On va commencer par celle-ci, si ça ne vous dérange pas. »
Il avait conscience de l’état général plutôt piteux de son équipement, mais au moins, l’effet de l’entretien serait visible.
« Est-ce que quelqu’un a une idée de ce qu’on utilise pour nettoyer une armure ? »

Les enfants s'entreregardèrent un instant sans rien dire puis, presque naturellement, se tournèrent vers Hubert. Mais celui-ci demeura silencieux, les yeux rivés sur la pointe de ses bottes, encore cramoisi. Le jeune instructeur ne lui avait rien reproché, mais le fait qu'il ait rapporté la première armure pour en sortir une autre était un signe manifeste qu'il avait commis une erreur. Fait une bêtises, peut-être. Ce dont il paraissait profondément peiné... Et ce qui avait dû lui valoir certaines railleries, alors qu'Arthur s'était éloigné.
Privés du secours de celui qui, d'ordinaire, répondait aux questions embarrassantes, les autres apprentis grimacèrent.
-Avec de la cendre, comme pour la lessive ? tenta timidement l'un d'eux.
-Ouais, ou avec du savon... souffla Bors, ce qui fit glousser ses voisins.

« Pas exactement, non. » fit-il avec un léger sourire.
Le trouble du petit Hubert l’embarrassait, mais il n’imaginait pas l’apostropher devant ses camarades. Ce serait pire que mieux.
« Le problème principal de l’armure de plates, c’est la rouille. Pour la prévenir, il est important d’huiler ou de graisser le métal, régulièrement. »
Il se retourna. Il n’avait évidemment emporté aucun matériel, dans son empressement à gagner la cour. Il refit face aux enfants.
« Il faut aussi graisser les cuirs, cela ne peut que leur faire du bien. » ajouta-t-il, de plus en plus mal à l’aise.
Il finit par les dévisager avec une grimace.
« Bon, pendant que je vais chercher tout ça, je vous suggère de détacher les différents morceaux de l’armure et d’en prendre chacun un. Nous allons attaquer les travaux pratiques. »
Avec un soupir, il fit un pas vers l’armurerie, son regard se posa sur les enfants, à nouveau, il eut un instant d’hésitation.
« Hubert, viens avec moi. »
Puis il les abandonna, une fois de plus, au milieu de la cour.

Sa dernière phrase suscita une vague de murmures, de moqueries et de rires étouffés, brouhaha feutré au sein duquel Arthur put parfaitement distinguer les mots "punition", "retenue" ou "corvée de latrines". Puis ce fut le bruit trainant des pas d'Hubert, à sa suite, se détachant sur les chamailleries naissantes des enfants qui, déjà, se disputaient les pièces de l'armure. Le gosse resta derrière lui tout au long du court trajet, parfaitement silencieux. Et terriblement tendu : le jeune paladin pouvait presque sentir sa nervosité dans l'air...

Une fois dans les ténèbres de l’armurerie, Arthur entraîna l’enfant vers le cagibi où étaient entreposés les produits d’entretien, graisses de porc et de poulet pour les jours ordinaires, d’aigle, de loup ou de wyverne pour les batailles, peintures chamarrées pour impressionner et retarder l’usure, sables et chiffons. Il lui tendit quelques bocaux puis se retourna et sourit au petit garçon.
« Tu ne dois pas t’inquiéter. L’initiative était louable, tout le monde aurait pu se tromper. Si tu veux, tu peux me donner un coup de main quand la leçon est terminée, pour la nettoyer. Je suis certain que Sire Armand n’en saura jamais rien. »

Si les premiers mots du paladin rassérénèrent quelque peu Hubert, il en alla tout autrement de sa dernière remarque, laquelle le plongea dans une affliction telle qu'il manqua lâcher les bocaux.
-C'é... C'é... C'était l'armure de sire Armand ? balbutia-t-il, les yeux déjà humides. Oh, L-Lathandre me pardonne... S'il le sait, je... Je serai renvoyé chez mes parents... Je serai la honte de la famille... Je...
Il déglutit péniblement, fit un immense effort de volonté pour se ressaisir, se donner un semblant de contenance.
-Je... Je vous aiderai pour la nettoyer, messire... fit-il d'une toute petite voix. Mais ne vous sentez pas obligé de taire cet incident. Je... Je suis prêt à assumer les conséquences de mon manquement, comme il se doit...

Arthur grimaça en voyant l’enfant se décomposer et se maudit d’avoir prononcé le nom de l’adjoint du commandant. D’autant que si l’incident remontait à Armand, ce dernier ne manquerait pas d’être informé de sa cause distale : l’instructeur avait oublié de se lever, forçant un enfant plein de bonne volonté et d’enthousiasme à se méprendre tragiquement.
« Hubert. Tu n’as rien fait de mal. Si j’avais été à l’heure, tu n’aurais commis aucune erreur. Et même si Sire Armand apprenait la chose, il ne te renverrait pas chez tes parents, voyons ! » s’exclama le jeune paladin. « Celui qui risque le plus, dans cette histoire, c’est moi. Je suis responsable de votre groupe dès le lever et j’ai failli. Donc… si tu m’aides à nettoyer l’armure, c’est moi qui tu aides, tu vois ? »
C’était peut-être encore pire, ce qu’il était en train de raconter. Mais Arthur n’avait jamais été très doué en la matière. Il était paladin, pas barde.
« En fait, ça me rendrait service. Et personne n’en saura rien. Personne n’aura de problèmes. Et tu n’avais pas tort, entre nous, cette armure était crasseuse et sire Armand devrait nous remercier de l’entretenir pour lui. Si nous faisons ça bien, peut-être même te prendra-t-il ensuite comme écuyer, je pourrais lui en toucher un mot... »

Le gamin le dévisagea, perplexe, indécis. Et sa dernière remarque le fit franchement grimacer.
-Vous êtes trop bienveillant à mon égard, messire, sauf votre respect... murmura-t-il. Et sire Armand ne commettrait jamais une telle erreur... Il faut bien plus de savoir et d'expérience que je n'en ai pour être écuyer. Et être plus âgé, aussi. Et puis, j'aurais dû savoir que c'était à lui : vous nous avez fait visiter l'armurerie, il y a une semaine. Je crois même que vous nous avez dit à qui appartenaient les plus belles armures. j'aurais dû m'en souvenir.
Il soupira.
-Mais je vous aiderai, bien sûr. C'est mon devoir, et si je peux vous être utile, ce sera avec plaisir. d'autant que personne ne songerait à vous reprocher d'avoir tardé quelques minutes à peine : il y a des tâches plus enthousiasmantes pour un paladin que celles de s'occuper d'incapables dans mon genre.
Il secoua la tête.
-Mais je demanderai pardon pour cette erreur. J'irai à la chapelle à l'heure de la pause. Pour prier. Je ne pourrai pas avoir l'esprit tranquille tant que je ne l'aurai pas fait. Si on laisse passer une petite bêtises, on en laissera passer de plus grosses... Et ce n'est pas digne de quelqu'un qui veut avoir l'honneur, un jour, de porter la sainte armure des paladins.

Le jeune paladin grimaça. Hubert était plus que zélé et un poil trop pieux de surcroît.
« Hubert. » dit simplement Arthur. « Pour faire un bon chevalier de l’Aster, il faut aussi apprendre à distinguer le crucial de l’accessoire, et le petit manquement du péché mortel. Un paladin doit pouvoir pardonner les écarts minimes, surtout quand ils sont le résultat de la bonne foi, et conserver ses forces, et son sens de la justice, pour le mal qui règne en ce bas monde. »
Le gosse avait l’air perplexe.
« Ce que je veux dire, c’est qu’il y a plus démoniaque que de se tromper d’armure. Mais j’irai prier avec toi. »

Hubert lui adressa un pâle sourire.
-C'est gentil... Mais vous n'êtes pas obligé, hein... Je ne voudrais pas vous faire perdre encore plus de temps...
Il soupira.
-Mais... Ne faut-il pas être bienveillants avec les autres et dur avec soi même ? Justement parce qu'avec soi-même, on a tendance, naturellement, à être plus indulgent ? A se pardonner de petits écarts... puis des gros ? Ne faut-il pas être strict et vigilant, pour ne laisser aucune chance à la corruption de prendre racine en notre âme ? Mon précepteur disait ça...

Arthur avait espéré que ressortir les paroles que sire Erwan de Sallis lui avait adressées autrefois, lorsqu’il avait par mégarde renversé le poivre dans le brouet du soir (et qu’il s’était répétées de nombreuses fois, depuis), ferait taire les scrupules de l’enfant, mais il n’en était rien : Hubert avait du répondant. Le jeune paladin comprit pourquoi on avait confié l’éducation spirituelle des novices à Wolfram et non à lui : les armures, c’était dans ses cordes. Au delà de ça…
« Mais… On n’est pas des servants de Helm, si ? Il y a sûrement une petite différence ? Lathandre est moins… enfin… je pense… Non ? Tu ne crois pas ? »
Voyant que l’enfant risquait de continuer sur sa lancée, il embraya.
« Mais dépêchons-nous, les autres doivent attendre. Nous irons prier ce midi, tu as raison, c’est le mieux. Pour le reste… Prends encore ça. »
Il ajouta un bocal sur la pile que portait Hubert, puis prit lui-même plusieurs chiffons, des carrés de cuir et un grand pot de sable. Il contourna ensuite le petit garçon et reprit la direction de la cour et de sa leçon matinale, d’un pas qu’il espérait assuré. Son estomac vide gargouilla, histoire de lui rappeler qu’il avait fait l’impasse sur le petit déjeuner.

Il régnait dans la cour un joyeux chaut qui se tempéra quelque peu lorsque le paladin fit son apparition. Les enfants avaient achevé de démantibuler son armure et s'était partagé les pièces les plus importantes, certains ayant manifestement essayé de les enfiler, sans grand succès, et s'empressèrent de les retirer lorsqu'Arthur arriva à leur auteur. Hubert, pour sa part, déposa son chargement au sol et alla piocher dans les morceaux de métal restant. Il ne restait rien de très intéressant, mais il ne sembla pas s'en formaliser et attendit patiemment que leur enseignant donne ses instructions et dispense ses conseils.

Les gamins semblaient ravis de se déguiser, et moins motivés par la corvée nettoyage. Lorsqu'ils se turent tous pour le dévisager, il lui fallut quelques secondes pour se souvenir de ce qu’il voulait leur dire.
« Ahum. Entretien, donc… » lâcha-t-il, intimidé par les sept paires d’yeux tournés vers lui.
« Hubert va vous distribuer des chiffons et des morceaux de cuir. La première étape est de bien nettoyer l’armure de la boue et de la poussière qui la maculent, en la frottant à sec… »
Vu l’activité à laquelle ils s’étaient adonnée en son absence, l’opération allait prendre un certain temps.
« Ensuite, avec du sable, de la graisse et un chiffon, il faut en retirer la rouille… J’espère qu’il n’y en aura pas trop. »
Il eut une légère grimace.
« Commencez par ça. Quand vous avez terminé ces premières étapes, que les morceaux d’armure sont propres, on attaquera la suite. »
Il posa un pot de graisse sur le sol, conserva les autres, et attendit qu’ils se mettent au travail.

Les enfants accueillirent le programme avec un silence maussade, résigné. A l'exception notable de Hubert qui, désireux de bien faire - et de se rattraper - entreprit de distribuer chiffons et morceaux de cuir, avec application et, aussi curieux cela puisse paraître, gravité. Les autres ne s'offusquèrent pas, sauf Bors qui lui souffla un "sale chouchou !" tout à fait audible. A ses yeux, le statut de son condisciple avait changé du tout au tout, passant en quelques instants du cancre fautif à celui de petit préféré...
Hubert ne releva pas, et l'exercice commença dans le calme. Les apprentis paladins frottèrent les pièces d'armure avec une relative application, les débarrassant de la poussière et de la boue qui les maculaient. Les choses commencèrent à se gâter lorsqu'il fut question de les passer au sable et à la graisse : un attroupement empressé se forma autour du pot qu'Arthur avait déposé au sol, et un début de dispute éclata pour déterminer qui serait le premier à se servir...

Arthur s’élança dans la mêlée sans trop réfléchir, se fit marcher sur le pied et esquiva un coup de poing rageur qu’un gamin avait lancé au hasard, avant de se saisir, doigts dedans, du pot de graisse.
« On se calme ! Chacun son tour ! Il ne faut en prendre qu’un tout petit peu ! » glapit-il.
Comme les gosses s’écartaient en maugréant, il contempla sa main sale avec une grimace.
« Heu… Bien… Faites une file. Il y en aura pour tout le monde. »
Il jeta un coup d’œil dans le pot.
« Je crois. »

Les enfants obéirent, bon gré mal gré, constituèrent une file et vinrent piocher de la graisse. Le pot fut vide avant que les deux derniers n'aient pu en avoir - ils avaient tous tendance à se servir plus largement que nécessaire - mais, heureusement, le paladin avait prévu un pot supplémentaire et, au final, chacun eut sa part.
Après avoir récupéré du sable, les sept apprentis se mirent en devoir d'exécuter les consignes de leur aîné. Étrangement, et peut-être à cause du caractère salissant de la tâche - qui devenait de plus en plus flagrant à chaque instant - ils parurent y trouver plaisir. Du moins, un moment.
Bors, toujours lui, finit par se pencher vers l'un de ses camarades et lui glissa quelques mots à l'oreille. L'intéressé, perplexe, se tourna vers Arthur.
-Dites, messire... C'est vrai que les paladins, des fois, y s'fond des peintures de guerre ?

L’idée était saugrenue mais la transition élégante, et Arthur sourit. Il se pencha pour ramasser deux pots de peinture qu’il avait emportés avec lui. Ce n’était pas exactement à cette étape qu’il avait pensé passer, mais après tout, pourquoi pas…
« En fait, pas vraiment. Mais presque… »
Il attendit que les autres enfants lui accordent leur attention pour continuer.
« Pour garder une armure en bon état, il y a deux techniques… Une fois le nettoyage terminé, il faut… soit l’enduire de graisse, et répéter l’opération régulièrement, pour entretenir les cuirs et préserver le métal… »
Il baissa les yeux sur les pots de graisse spéciaux qu’il avait emportés, mais repoussa leur description à plus tard.
« Soit peindre l’armure. La peinture constitue une excellente protection contre l’usure et la rouille. »
Il brandit un des pots.
« C’est ainsi qu’on entend parler de chevaliers verts ou de chevaliers noirs, que sais-je… Ici, dans l’ordre de l’Aster, on effectue cette opération une fois par an, au moment du solstice estival, à la fin de Flammerige. C’est une cérémonie importante de l’ordre, Lathandre bénit nos armes et nos armures, et nous les peignons en orangé, bleu ciel ou rose, selon les envies… »
Il baissa les yeux sur les pièces détachées de sa propre cuirasse, suintant entre les mains des enfants.
« Bon, la mienne, heu… J’ai pas pu le faire l’année passée… »

Hubert, les sourcils froncés, avait paru sur le point de faire une remarque. Mais il s'abstint. Déjà, ses camarades donnaient libre cours à leur enthousiasme.
-On va la peindre, alors ? Vraiment ? s'exclama l'un d'eux.
-Alors qu'y a encore de la graisse et du sable dessus ?
-En noir ! Faut la peindre en noir ! Comme ça, vous ferez vachement peur sur le champ de bataille !
-Non, en bleu, c'est plus les couleurs de Luménis.
-Et pourquoi pas en rose ?
Les mômes éclatèrent de rire et toisèrent, goguenards, le dernier intervenant.
-Rose, c'est pour les filles, idiot !
-Mais pas que, des fois il y a des clercs qui...
-Arrête tes bêtises. Noir, c'est mieux !
-Non, bleu !
-Et pourquoi pas bleu avec des rayures noires ? Comme ça tout le monde serait content...
-Non, l'inverse !
-Ou alors des pois ?
-Des carreaux ! Oui, des carreaux ! Pour sûr, ça sera une armure originale !

Arthur pâlit et leva les mains.
« Non, non ! Vous n’avez pas compris ! »
Il grimaça.
« Je ne pourrai pas peindre la mienne avant le prochain solstice. C’était juste pour vous expliquer… dans l’absolu. Mais on ne peint pas une armure de paladin à la légère… Et je devrai le faire tout seul. »
A cette pensée, il eut un frisson. C’était une chance qu’un concours de circonstances l’ait entraîné hors de la commanderie lors de la dernière cérémonie : il avait toujours eu du mal à distinguer certaines couleurs et aurait sans doute pondu un chef d’œuvre criard qu’il aurait ensuite dû arborer toute une année…
« Nous allons nous contenter de la graisser, aujourd’hui. Vous pourrez faire les artistes sur vos propres armures, quand vous serez adoubés. »

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[Bâtiment] La Commanderie des Paladins de Lathandre

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