[Lieu] Dargyll

[Voyageuse]

Le cimetière? L'idée ne lui disait rien qui vaille... Elle se sentait beaucoup plus à l'aise pour intervenir dans les bois, à couvert. D'un autre côté, filer rapidement en direction du cimetière pouvait lui permettre de préparer le terrain. C'est donc ce qu'elle fit, coupant à travers les bois, essayant au passage de déterminer le chemin que suivrait probablement la petite bande de tortionnaires. Elle dut rallumer sa lanterne : le ciel était couvert et on n'y voyait goutte.

Le sentier qu'elle suivait déboucha face au cimetière. C'était sûrement ce trajet que suivraient les ravisseurs.
Le lieu était lugubre, nappé d'une légère brume. Un vent glacial faisait frémir les arbres alentours, hurlant dans les branches. Quelques oiseaux nocturnes y ajoutaient leur cri. Il ne manquait que quelques morts-vivants pour agrémenter la scène...
Elle décida de s'employer à rendre l'endroit encore plus impressionnant. Ça pouvait s'avérer utile.

Rapidement, elle assembla un peu de bois derrière certaines pierres tombales, choisissant celles ayant une forme passablement inquiétante, n'hésitant pas à ajouter une ou deux branches pour donner l'illusion de membres en mouvement. Elle alluma ainsi rapidement plusieurs petits feux, invisibles depuis les bois, mais dont la lumière dansante semblait mettre en mouvement toutes les ombres du cimetière. Elle retourna en hâte à l'endroit où débouchait le sentier. Parfait : on aurait dit que les morts eux-mêmes faisaient la fête en cette nuit.
Elle tendit l'oreille en direction des bois : aucun bruit n'était perceptible. Il lui restait encore un peu de temps. Fouillant dans sa poche, elle en sortit une pelote de fil solide et s'employa à fabriquer quelques petits pièges. Rien de bien méchant... Simplement, sur leur passage, juste avant la sortie du bois, ils verraient soudain se dresser un arbuste devant eux ; plus loin une grosse branche viendrait leur fouetter le visage ; puis ils entendraient quelques branches craquer sur le côté... Et là-dessus ils découvriraient le cimetière hanté.
Avec un peu de chance, ça les dissuaderait d'aller plus loin. Ou en tout cas ils iraient avec appréhension. Et alors... et bien elle aviserait.

Elle tendit ce qui lui restait de fil au ras du sol, caché sous les feuilles, juste à la sortie du bois. Une extrémité était attachée à un arbre, et elle se tiendrait prête à tirer d'un coup sec pour déséquilibrer, en cas de besoin, ses adversaires. Peut-être serait-ce inutile...
Elle se choisit un des rares gros arbres en bordure du bois pour y établir son poste d'observation. Juchée sur une branche, dans l'obscurité complète, elle profita des minutes qui lui restaient pour tenter d'attirer quelques oiseaux de nuits, hiboux au cri inquiétant, chauve-souris dont la brusque apparition pouvait peut-être déstabiliser davantage les villageois.

HRP : heu... si j'ai pas le temps de faire tout ça, tu me dis, j'édite. Mais je t'assure que je suis très très efficace...

[Galathée]

Quelques minutes plus tard, le craquement des pas et le murmure des conversations lui parvinrent, ainsi que les premières lueurs aveuglantes des torches. Le petit groupe ne se souciait pas d’être discret. Les villageois se savaient loin de Dargyll, la nuit leur appartenait, et ils s’y baladaient en toute impunité. Ils s’engagèrent bientôt dans le dernier tronçon du chemin qu’Astrée avait piégé. Deux d’entre eux marchaient en tête, tirant Arthur par une corde qu’ils lui avaient passée autour du cou. Le paladin suivait tant bien que mal, trébuchant sur les racines, les mains liées dans le dos, mais il était encadré des deux autres hommes, qui le relevaient et le rudoyaient quand il avait tendance à ralentir. Les filles suivaient, en grande conversation, sans réellement se soucier du reste.
Le premier piège se déclencha, et l’arbuste se dressa brutalement devant l’équipage, lequel pila.
« Saleté d’vent d’bouse ! » s’exclama l’un d’entre eux, la voix un peu pâteuse.
Les autres rirent nerveusement.
« T’es sûr qu’c’est une bonne idée d’aller dans l’cimetière ce soir ? » demanda une des filles. « C’est pas la nuit rêvée… »
« Allez, fais pas ta trouillarde, tu veux. Y’a rien dans c’cimetière. On y va tous les jours. Y’a qu’les précieux d’la ville qu’y’ont peur des ombres. »
« Puis on a un paladin, peut rien nous arriver ! » renchérit un autre, en bousculant Arthur et déclanchant l’hilarité.
Ils reprirent leur route. Le piège suivant fut moins efficace : la branche se coinça dans d’autres branchages et ne frappa que le second marcheur, lequel invectiva son prédécesseur avec énergie. Celui-ci nia avoir repoussé une branche, mais ils étaient bien trop saouls pour se formaliser d’une petite opposition de ce type. Des branches craquèrent et un hibou hulula. Les villageois ne ralentirent pas pour autant.
« Bouse, y’a plein d’bestioles dans c’maudit bois. »
« C’t’un bois, tu t’souviens ? »
« Je sais bien, mais c’est quand même… j’sais pas… »
« Et on n’est même pas au cimetière… »
« Qu’est-ce qu’on va faire de notre ami, au cimetière ? On n’a pas décidé encore. »
« On va lui trouver une chouette tombe, tu verras. »
Ils finirent par déboucher en bordure du bois et s’immobilisèrent en découvrant la nécropole, quelques mètres avant le dernier fil tendu par Astrée. Les ombres étaient mouvantes, la brume éclairée par les petits feux dansants, les silhouettes des tombes devenaient démesurées et se reflétaient sur les nuages. Les villageois paraissaient décontenancés si pas impressionnés.
« Moi je rentre. » fit une des filles.
« Oh, allez, t’débine pas, c’est juste des feux follets. » répondit l’homme au couteau.
« Quand même, y’en a beaucoup. » dit un autre.
« C’est votre imani… imagni… enfin, vous délirez, les mecs. Z’avez trop bu. Moi j’y vais. Qui vient ? » dit-il, en tirant Arthur vers l’avant.
« Si on l’envoyait d’vant ? »
« Ouais, c’t’un paladin, il va ouvrir la marche. Comme ça, les zombies auront peur. »
Ils rirent.
« Moi j’rentre quand même. » répéta la fille.
« Pfff. »
Elle haussa les épaules et fit volte-face dans le bois. Les autres attrapèrent Arthur par les épaules et le poussèrent devant eux. Celui qui tenait la serpe lui en appuya la pointe dans le bas du dos.
« Allez, on avance maintenant. »
Et ils reprirent leur marche vers le cimetière, plus groupés et moins assurés qu’au départ, dans l’ombre du paladin épuisé.

[Voyageuse]

Tandis qu'ils hésitaient, Astrée était descendue discrètement de son arbre. Ils n'étaient plus que cinq... Mais il restait malheureusement toujours trois hommes armés. Et saouls... Il fallait agir.

Accroupis derrière un buisson, elle tenait fermement l'extrémité de la corde.
D'abord laisser passer Arthur. Et ensuite, tirer d'un coup sec. Juste devant les pieds de celui qui tenait la serpette. Avec un peu de chance ça en déséquilibrerait deux, voire trois. Et ensuite, si ça marchait, attaquer au bâton, sans leur laisser le temps de réaliser ce qui se passait.

Elle avait rabattu sa capuche sur son visage pour masquer ses traits, espérant ne pas être reconnue. Elle se concentra, observant les pieds des hommes, le front un peu moite.
Les pieds d'Arthur passèrent au-dessus du fil, l'un après l'autre, frôlant le sol. Deux autres pieds se posèrent, juste avant la corde. Probablement le porteur de serpe et l'homme qui était à sa gauche. Elle tira d'un coup sec.. La corde se tendit à une dizaine de centimètres du sol.

[Galathée]

Les deux hommes se prirent les pieds dans la corde, poussant un cri bref comme ils étaient déséquilibrés. Celui qui tenait la serpe chuta lourdement en avant, tête la première, et il resta à geindre sur le sol. L’autre, l’homme au couteau, tomba sur le côté, mais sans lâcher la corde d’Arthur. Celle-ci se tendit, le paladin tituba sous le choc, et rejoignit ses tortionnaires au sol. Deux des villageois déguerpirent en hurlant, avant même de réaliser ce qui se passait. Seul resta celui qui tenait un gourdin, bien campé sur ses jambes, lorgnant la nuit avec nervosité. Les torches étaient tombés sur le sol, où elles crépitaient, encore allumées.
Lorsqu’Astrée surgit, armée de son bâton, il eut un instant d’hésitation, puis la chargea.

[Voyageuse]

Astrée esquiva la charge sans effort, d'un bond sur la gauche, laissant traîner sa jambe sur le côté pour le faire trébucher.
L'homme tomba mais se releva immédiatement, avant qu'elle ait le temps de frapper. Il chargea à nouveau, levant son gourdin et l'abattant avec force sur la tête d'Astrée... qui ne se trouvait plus là. Il n'eut pas le temps de se retourner : un grand coup de bâton l'atteignit à la nuque.
Titubant, à moitié assommé, il voulut faire face à son adversaire, qui, agile, avait déjà disparu. Il entendit siffler le bâton sur sa gauche et para maladroitement le coup, levant son gourdin. Astrée ne put résister à l'envie d'en profiter pour envoyer son pied dans une partie sensible de son anatomie. Il s'écroula en hurlant, lâchant son gourdin qu'elle s'empressa de saisir et lancer au loin.

Elle se tourna ensuite vers le reste de l'équipe. L'homme à la serpe s'était sans doute fait mal en tombant, mais l'homme au couteau était peut-être en état de combattre...

[Galathée]

L’homme à la serpe était effectivement hors de combat. Il rampait péniblement vers l’orée du bois en haletant. Une des torches s’éteignit en chuintant. Le villageois au couteau, par contre, s’était redressé et il tenait Arthur devant lui, le bras replié autour de son torse, comme un bouclier humain entre sa personne et l’ombre. Il ne menaçait cependant pas le paladin : son arme était brandie vers les ténèbres, qu’il scrutait avec terreur, ne sachant pas d’où viendrait le coup. La torche à ses pieds l’éblouissait. Le prisonnier n’était cependant pas en bonne posture : dans sa chute, la corde qui le retenait par la gorge s’était brusquement resserrée, et il suffoquait, incapable de reprendre son souffle.

[Voyageuse]

Il fallait agir vite.

L'homme, aveuglé par la torche à ses pieds, ne vit pas Astrée le contourner et se positionner sur son flanc droit, du côté où il tenait son couteau. Il entendit le sifflement du bâton, mais n'eut pas le temps de réagir : déjà, l'extrémité de l'arme l'atteignait sous le poignet, lui arrachant un cri de douleur tandis que son couteau était projeté vers le ciel sous la violence du coup. Le bâton poursuivit son mouvement circulaire, et l'instant d'après, l'autre extrémité s'enfonçait dans son flanc droit. Astrée avait frappé de toutes ses forces, et l'homme tomba en arrière, le souffle coupé, lâchant son otage qui s'écroula à terre.

Astrée se précipita vers Arthur, et lâcha son arme pour saisir son couteau de chasse. En un instant elle trancha les liens qui étouffaient le jeune paladin. Puis, reprenant son bâton, elle se retourna, prête à continuer le combat si son adversaire faisait mine de vouloir se battre. Sa silhouette encapuchonnée se découpant à contre-jour devant la torche, bâton en main, devait sans doute paraître assez impressionnante...

[Galathée]

Mais lorsqu’elle refit face à l’agresseur, Astrée constata avec soulagement qu’il avait préféré déguerpir. La proximité du cimetière, le craquement des branchages, ses petits feux dissimulés et la brume sinistre qui flottait dans l’air avaient donné à son attaque imprévue une dimension horrifique que l’alcool avait certainement amplifiée.
La nuit était désormais déserte. Il ne restait que la jeune femme et le paladin recroquevillé sur le sol, tremblant de froid. Il fut bientôt pris de soubresauts irrépressibles et vomit dans l’herbe brune, avant d’éclater en sanglots.

[Voyageuse]

Astrée se pencha doucement vers son jeune compagnon. Il était frigorifié et en état de choc. Ses vêtements étaient déchirés.
Elle enleva sa cape, et la posa sur les épaules d'Arthur pour lui apporter un peu de chaleur. Le froid était piquant mais supportable, et il avait davantage besoin de chaleur qu'elle.

Elle resta un moment silencieuse, laissant le jeune paladin évacuer par les larmes toute la tension et toute la peur qu'il avait accumulées.
Puis elle posa doucement sa main sur son épaule.
"Ça va aller?"

[Galathée]

Il ne répondit pas tout de suite et s’assit dans l’herbe, la cape serrée autour de lui. Il posa cependant une main sur celle de la jeune femme et s’y accrocha, comme s’il avait peur qu’elle s’en aille. Elle le sentit peu à peu retrouver son calme, à coup de longues inspirations. Puis elle l’entendit murmurer et réalisa qu’il priait à voix basse. Cela ne dura pas très longtemps, mais elle comprit que cela l’aidait à reprendre pied.
« Merci. » chuchota-t-il finalement, d’une voix enrouée.
Il s’aida de sa main pour se remettre debout. Il était encore mal assuré sur ses jambes et n’osait pas la regarder, mais il ne la lâcha pas pour autant. Il n’ajouta rien, incapable de prendre la moindre initiative.

[Voyageuse]

Astrée passa son bras autour des épaules du pauvre Arthur, et, doucement, l'entraîna vers le village.
Sa démarche était vacillante, et sans le soutien de la rôdeuse il se serait sans douté écroulé. Cahin caha, ils avancèrent à travers bois.
Astrée devinait que le jeune paladin n'avait pas envie de parler, et ne fit aucune tentative pour le distraire de son mutisme. Elle le savait trop choqué pour lui répondre.

Le trajet lui parut interminable. Il faisait froid, ils avançaient très lentement, et Arthur pesait parfois lourdement sur son bras.
En arrivant à l'entrée du village, elle s'adressa doucement au jeune homme :
"On devrait essayer de dormir un peu. Tu as besoin de reprendre des forces. Mais si tu veux, je peux d'abord te préparer une tisane pour te réchauffer un peu. Qu'en penses-tu?"

[Galathée]

Il la suivit docilement jusqu’à l’entrée du village, mais elle sentit la tension reprendre pied dans son corps alors qu’ils atteignaient les premières maisons. A nouveau, il s’immobilisa, puis doucement, il la lâcha, murmura quelques mots en écartant les doigts devant lui, et une lueur blanche et bleue l’engloba quelques secondes avant de s’éteindre. Il lui reprit la main. Il était toujours glacé, mais la jeune femme pouvait percevoir l’énergie dont il s’était un instant imprégné, courant sur sa peau comme un picotement ténu.
« Je ne sais pas si je parviendrai à dormir… » murmura Arthur. « Je veux bien… je veux bien prendre quelque chose mais… »
Il se tut une seconde et poussa un profond soupir. Un tremblement anima ses épaules.
« J’aimerais que nous soyons partis avant l’aube. Je ne veux pas… Je ne voudrais pas… Je… »
Il reprit son souffle.
« Je ne veux plus les voir. » lâcha-t-il à voix basse.

[Voyageuse]

Astrée comprenait la détresse et la souffrance du jeune homme.
"D'accord", dit-elle. "Nous partirons avant l'aube. Mais d'abord, il nous faut un petit remontant. J'ai quelques herbes qui pourraient vous aider à dormir, de la valériane par exemple, ou bien de la camomille mais c'est moins fort. Elles se trouvent dans mon sac, au temple."

Prenant le bras d'Arthur, elle le conduisit doucement à sa suite, en direction du temple.
Maintenant qu'ils étaient de retour au village, elle aussi se sentait un peu tendue, craignant de tomber par malchance sur les tortionnaires du paladin. Elle gardait donc tous ses sens en alerte.
Cependant, le silence ne faisait qu'augmenter la tension du jeune homme. Elle le sentait de plus en plus crispé. Elle repris donc la discussion, espérant détourner son esprit de la peur qui le paralysait.
"On pourrait peut-être essayer de trouver la salle qui sert de cuisine, on y trouvera sans doute un feu. Et puis vous avez besoin de vous réchauffer. A moins que vous ne préfériez vraiment bivouaquer dehors?"

[Galathée]

« Non, au temple, ça ira. » répondit-il.
Insensiblement, il avait accéléré le pas et ils franchirent les grandes portes du sanctuaire quelques minutes plus tard. Le paladin se détendit complètement, mais il ne se laissa pas aller à nouveau. Astrée trouva la salle à manger du temple sans trop de difficultés : la table pour le petit déjeuner était déjà dressée et un petit foyer éteint n’attendait que ses bons soins. Le jeune homme se laissa tomber sur un banc, la tête dans les mains et resta immobile tandis qu’elle lui préparait quelque chose. Quand elle fit mine de retourner dans la grande salle pour aller chercher ses affaires, il se raidit, mais il ne dit rien et maîtrisa son angoisse. Il était au cœur de la maison de son dieu, auquel il avait voué sa vie, s’il était un endroit qui devait l’apaiser c’était celui-ci.
Demain est un autre jour, disait Lathandre. C’était une maigre consolation mais une consolation tout de même.

[Voyageuse]

Astrée se hâta de ramener sa petite réserve d'herbes.
Elle trouva le jeune homme sur son banc, exactement dans la position où elle l'avait laissé en partant.
Le feu avait bien repris, et l'eau commençait à bouillir.
Elle y jeta un mélange de racines de valériane et de feuilles de passiflore séchées, deux plantes dont elle connaissait les vertus relaxantes et sédatives. Normalement, il aurait fallu faire infuser plus longtemps la valériane, mais ça leur était impossible. Elle ajouta un peu de serpolet pour en adoucir le goût.

Elle servit un bon bol d'infusion à Arthur, avec un peu de miel. Puis se prépara une petite tisane au serpolet.
Ils dégustèrent en silence leur breuvage. Ils n'avaient guère envie de parler après les évènements de la nuit. Elle savait qu'il faudrait du temps au jeune paladin pour se remettre du traumatisme qu'il venait de vivre. Elle ne lui posa pas de question, ne chercha pas à engager la conversation. Elle était là, simplement, disponible s'il lui prenait l'envie de parler. Mais il avait sans doute besoin avant tout de dormir.

[Galathée]

Le paladin montra assez vite des signes de fatigue évidents. Il était à bout de forces, tant physiques que mentales, et les plantes de la rôdeuse sapaient ses dernières résistances. Il finit par lui décocher un regard embarrassé et par se lever, un peu vacillant. Ils se glissèrent jusqu’à leur couche où ils s’allongèrent. Arthur se retourna plusieurs fois, puis il chercha la main d’Astrée, qu’il serra doucement dans la sienne. Elle sentit qu’il se réchauffait petit à petit, et quelques secondes plus tard, dans un soupir, il s’endormit.

La jeune femme fut réveillée un peu avant l’aube, par les bruits de personnes s’activant dans la pénombre grise du début du jour. Il y avait désormais de la lumière qui s’échappait de la petite salle à manger, les clercs s’étaient sans doute attelés à la préparation du petit déjeuner. A ses côtés, Arthur dormait toujours, recroquevillé sous sa couverture.

[Voyageuse]

Astrée s'étira, s'habilla, et se tourna vers Arthur qui dormait toujours. Elle se dit qu'elle avait peut-être un peu forcé sur la dose de valériane... Elle était tentée de le laisser dormir encore un peu, et elle aussi aurait bien profité de quelques instants de repos supplémentaires. Mais elle avait promis de le réveiller avant l'aube...

Elle le secoua doucement, puis un peu plus durement, avant qu'il émerge de son profond sommeil.
"C'est l'heure d'y aller", lui souffla-t-elle.
Il la fixait d'un air hagard, se demandant sans doute où il était et ce qu'il faisait là. Puis il parut se souvenir. Son expression se ferma. Elle le vit marmonner quelque chose, peut-être une prière. Il saisit à son tour ses vêtements et s'habilla sans un mot, tandis qu'Astrée rassemblait ses bagages et fermait son sac.

Elle attendit qu'il soit prêt. Il semblait avoir hâte de quitter les lieux, à en juger par la précipitation avec laquelle il rangeait ses affaires.
Ils se dirigèrent tous deux vers la cuisine, laissant leurs affaires entassées contre le mur. Astrée se sentait soudain affamée. Elle jeta un regard discret à son compagnon. Il était blanc comme un linge. Un bon petit déjeuner lui ferait sûrement le plus grand bien... s'il arrivait à l'avaler.

[Galathée]

Le paladin essaya de faire honneur au petit déjeuner, mais il avait manifestement envie de déguerpir au plus vite. Les clercs qui les accueillaient sourire avec indulgence à Astrée : ils avaient sans doute l’impression qu’une bonne gueule de bois expliquait le comportement du jeune homme. Arthur avala un bol de gruau et une tranche de pain de campagne, avant de se lever.
« Je vais seller les chevaux. » murmura-t-il.
Il s’excusa brièvement auprès de leurs hôtes puis s’esquiva rapidement. Alors qu’il sortait, deux convives à peine réveillés firent leur entrée, bâillant, la mine ravie et vinrent prendre place à table.

[Voyageuse]

Astrée salua d'un signe de tête les nouveaux arrivants.
Elle non plus ne tenait guère à s'attarder ici, mais elle prit le temps de déjeuner copieusement. Leur petite escapade de la nuit lui avait donné faim.
Soucieuse, elle pensait à Arthur. Il lui faudrait du temps pour se remettre de ce drame. Pauvre garçon. Heureusement, avant ce soir ils seraient à Luménis. Il y retrouverait ses amis, ses frères d'armes, ou peut-être sa famille. Ils l'aideraient à franchir ce cap.

Elle se leva à son tour et sortit, récupérant au passage ses bagages. Arthur avait déjà pris les siens. Elle rejoignit le jeune homme qui achevait de harnacher son cheval. Elle lui sourit amicalement, et l'aida à charger les bagages sur leurs montures. Tenant leurs chevaux par la bride, ils sortirent de l'enclos.

Le ciel était couvert, menaçant. Le centre du village commençait doucement à s'animer, un peu désert pour l'heure : tous se remettaient sans doute de la fête de la veille.
Ils se mirent en selle et se dirigèrent vers la sortie nord du village.

[Galathée]

Arthur mit rapidement son cheval au petit galop et Moïse lui emboîta le pas avec une excitation plutôt juvénile. La route était boueuse et les deux cavaliers furent très vite constellés de fines mouchetures brunes. Mais le paladin ne semblait pas prêt à ralentir pour autant. Il ne repassa au pas que près d’une lieue plus loin, et flatta longuement l’encolure de son destrier. Astrée le vit se détendre et frissonner tout à la fois, parfois de manière spectaculaire, comme si sa tension s’évacuait en soubresauts. Peu après, il se mit à pleuvoir, une averse drue et impitoyable, qui les trempa en quelques minutes. Le jeune paladin éternua plusieurs fois et finit par les entraîner vers un affleurement rocheux qui offrait une maigre protection. Ils y restèrent blottis, silencieux.
« Vous n’avez rien… contre la fièvre ? » finit-il par demander. « Je ne me sens pas très bien. »

[Voyageuse]

Le jeune paladin grelotait.
Astrée fouilla de nouveau dans sa réserve d'herbes. Elle avait bien fait de profiter de l'été pour renouveler son stock. Mais certaines lui manquaient cruellement. La griffe-du-chat aurait été parfaite pour soulager Arthur, mais elle ne poussait pas dans la région. Il lui restait toutefois quelques fleurs séchées d'échinacée, qui pourraient sans doute l'aider un peu.
"Attendez-moi ici, je vais nous chercher un peu de petit bois pour faire du feu."

Elle eut quelques difficultés à mener à bien cette tâche. Tout était trempé. Elle rassembla cependant quelques menus branchages, quelques brindilles sèches trouvés au pied de la paroi rocheuse, relativement épargnés par la pluie.
Bientôt, le feu crépitait, à l'abri contre la paroi, avec sans doute davantage de fumée que de flammes, mais suffisamment pour faire chauffer une gamelle d'eau. Elle y plongea les herbes médicinales, aromatisa le breuvage avec quelques autres pour qu'il ne soit pas trop amer, et le laissa infuser.

La pluie tombait toujours. Arthur but lentement la tisane qu'elle lui tendit. Ses yeux étaient brillants de fièvre et son corps parcouru de frisson.
"Attendons ici un moment que l'infusion fasse un peu d'effet", proposa-t-elle au jeune homme." Je vais essayer de rajouter un peu de bois dans le feu, ça nous réchauffera."

[Galathée]

Arthur but longuement, les yeux fiévreux, puis esquissa un sourire.
« Je tiendrai en selle… » murmura-t-il. « Nous autres paladins… Nous savons repousser la maladie de quelques mots. Je suis simplement trop épuisé… Quand je me serai reposé, je pourrai extirper le mal de mon corps… »
Il fit tourner doucement le liquide dans son bol, sans lever les yeux, hypnotisé par le ballet des plantes en suspension dans l’eau colorée.
« Astrée. Vous m’avez sauvé la vie. » dit-il alors, d’un ton grave. « Ce que je vais dire va vous sembler ridicule parce que… jusqu’ici, j’ai été une piètre escorte. Deux fois, vous êtes venue à mon secours, deux fois vous avez risqué… Alors que nous ne nous connaissons pas… En cela, vous avez le cœur pur que l’on exige des plus valeureux. Cela ne devrait pas me surprendre. » Il sourit pour lui-même. « Savez-vous que l’ordre des paladins au service de Lathandre s’appelle l’Aster ? Et vous êtes Astrée. En cela, vous étiez prédestinée… Et je suis honoré d’avoir été votre compagnon de route, même si j’ai été incapable de remplir ma mission… »
Il secoua la tête.
« Je m’égare. Ce que je voulais vous dire, c’est que si jamais, pour une raison ou un autre, un jour, demain ou dans dix ans, vous avez besoin d’aide, je serai là pour vous. Je serai là d’une autre manière, plus efficace, moins lamentable, mais je vous suis redevable, je ne l’oublierai jamais. Je vous prie d’accepter le serment que je vous fais. »

[Voyageuse]

Astrée se sentit rougir sous les compliments du jeune paladin.
"Vous savez, je crois que n'importe qui à ma place aurait fait la même chose."

L'idée que le jeune homme lui fut redevable la gênait. Mais elle sentait que le serment qu'il venait de lui faire était important pour lui. Et qu'il aurait été vexé si elle refusait cette offre qui venait du fond de son cœur.
"Merci en tout cas pour votre offre. Je m'en souviendrai : si un jour j'ai besoin d'aide je viendrai vous trouver."
Elle lui sourit avec douceur, tandis qu'il buvait à petites gorgées sa tisane.
Elle n'était pas certaine d'avoir un jour besoin de ses services. Mais on ne sait jamais ce que la vie peut nous réserver, après tout...

[Galathée]

Arthur lui sourit en retour. Qu’elle ait accepté son offre semblait lui faire le plus grand bien. Il termina son bol tranquillement, veillant cependant à ce que l’infusion bienfaisante ne refroidisse pas trop. Il lorgna ensuite le ciel par-dessus leur abri.
« Je pense que c’est parti pour la journée. » murmura-t-il, avant de rougir. « Enfin, vous devez sûrement mieux lire le ciel que moi… »
Il sortit cependant une couverture de son sac et s’emmitoufla de son mieux. Il avait perdu son manteau la veille au soir, quelque part dans la campagne, et n’avait manifesté aucun désir de partir à sa recherche. Ensuite, il retourna vers son cheval et l’enfourcha.
« Nous ne sècherons pas avant Luménis, je le crains. » fit-il.

[Voyageuse]

"Je crains que vous n'ayez raison", répondit Astrée avec une grimace.
Elle s'emmitoufla dans sa cape, qu'elle savait chaude et étanche. Elle regrettait de n'avoir aucun vêtement à proposer au jeune paladin. Sa couverture n'allait pas le protéger bien longtemps de la pluie qui tombait drue.

"Je propose que nous ne trainions pas trop en route. Plus vite nous y serons, plus vite nous sècherons. Sauf bien sûr si vous vous sentez fatigué et avez besoin de vous reposer à nouveau."
Elle sourit à son jeune compagnon.
"J'espère qu'on trouvera un abri au sec pour bivouaquer à midi. Je ne voudrais pas que votre fièvre s'aggrave."

Elle se mit en selle à son tour, et, côte à côte, ils reprirent la route.

[Galathée]

Ils n’en eurent cependant pas besoin. La pluie gênait également leurs chevaux, qui avaient, insensiblement, allongé leur foulée. Quand la luminosité leur indiqua qu’il devait être près de la mi-journée, ils aperçurent les remparts de Luménis, se dessinant, presque lumineux dans la journée grise, sur la plaine. Le destrier d’Arthur avait manifestement envie de prendre le mors aux dents, mais Moïse était plus fatigué, et le paladin maîtrisa sa monture. Sur leur gauche, ils apercevaient désormais la mer, de temps en temps, entre deux collines, grande étendue inerte et sombre en cette saison. La plaine autour d’eux était jaune, parfois brune, les flots du ciel ne parvenaient plus à en ranimer la vie. Il devait déjà neiger dans les montagnes.
Au fur et à mesure qu’ils progressaient, la route se chargeait de voyageurs. Certains cheminaient à pied, d’autres dans des chariots pleins de marchandises, les derniers à cheval, comme eux. On allait et venait dans les deux sens, et bientôt, Arthur et Astrée durent calquer leur rythme sur celui des gens qui les entouraient. La densité de circulation était impressionnante : les contrées solitaires de la rôdeuse étaient bien loin.
« Vous êtes déjà venue à Luménis ? » demanda candidement son compagnon, alors qu’ils suivaient d’un pas tranquille, la silhouette cossue d’une charrette bâchée remplie de foin.
Il avait toujours la mine fiévreuse, mais son humeur s'était sensiblement améliorée.

[Voyageuse]

Astrée contemplait les remparts de la ville sans grand enthousiasme. Elle était soulagée de savoir que leur périple touchait à sa fin, mais l'idée de devoir s'enfermer derrière ces murailles ne l'enchantait guère. Heureusement que le séjour serait court : le temps d'alerter les autorités compétentes, et elle reprendrait la route du retour.
Elle respira cependant avec plaisir les quelques relents d'air salin qui leur parvenaient. Il y avait de longs mois qu'elle avait quitté son petit village de pêcheurs, et elle réalisa soudain que l'air marin lui avait manqué.

"Non, jamais", répondit Astrée à la question de son compagnon. "D'Hélonna je ne connais que la forêt et les montagnes. Je n'aime guère les villes, de toute façon. Sur Dorrandin, j'ai dû visiter Manost une ou deux fois. Et quand j'étais petite je vivais pas très loin de Mélandis, mais je ne m'en souviens guère."
Elle sourit au jeune paladin.
"Les villes ne m'attirent pas", expliqua-t-elle. "Il y a trop de monde, trop de bruit, trop d'agitation. J'ai l'impression d'y étouffer. Je me sens tellement mieux au milieu des bois ou en pleine montagne, loin de tout. J'ai besoin du calme et de la quiétude de la nature pour être bien."

[Galathée]

« Dans ce cas, portez vos pas vers le Sud de la ville. Le Parc Verdoyant est un havre de paix au creux de la cité. En cette saison, il est magnifique, de surcroît. Et on y trouve une faune variée, des tas d’arbres dont certains sont immenses… »
Il sourit.
« Mais vous devrez sans doute passer la nuit à la Taverne de la Bienveillance. Nous serons certainement reçus au Temple dès notre arrivée, cela dit. Peut-être vous accueilleront-ils chez eux… »
Ils étaient à présent proches du but, mais la file d’attente pour passer par les portes marchait au pas.
« Notez, suite aux troubles qu’a connus la cité… La densité de population n’est plus ce qu’elle était. Ce n’est pas une ville morte, mais elle est nettement plus tranquille. »

[Voyageuse]

"Je ne voudrais pas abuser de l'hospitalité des clercs", répondit Astrée. "J'ai de quoi me payer une ou deux nuit à l'auberge, et j'irai donc découvrir cette "Taverne de la Bienveillance", qui porte un bien joli nom... Je ne compte pas y rester très longtemps, d'ailleurs. Juste le temps d'avertir les clercs de ce qui se trame près des montagnes, et de faire quelques emplettes. J'essaierai de trouver un maréchal-ferrant pour mon cheval. Et j'irai aussi voir le parc que vous m'avez indiqué. Je suis curieuse de voir à quoi peut ressembler un coin de nature emprisonné dans les murs d'une ville..."

La file d'attente était imposante. Au rythme où ils avançaient, elle se demandait à quelle heure ils arriveraient.
"Dites-moi, voulez-vous déjeuner bientôt, tout en avançant lentement dans la file d'attente? Ou préférez-vous attendre un peu et profiter d'un bon repas à la Taverne de la Bienveillance avant de nous rendre au temple?"

[Galathée]

« Je pense que nous faisons mieux de manger en selle. A mon avis, la Taverne de la Bienveillance est encore pleine des fêtards d’hier soir, je ne suis pas certain que nous pourrions y trouver une table. De plus… »
Il désigna la longue file qui les précédait.
« Nous n’y sommes pas encore, malheureusement. »
Mais les portes de Luménis se rapprochaient irrémédiablement.