La Couronne de Cuivre

Si le rôdeur perçut le double sens potentiel de la remarque, il n’en montra rien et se mit à réfléchir au conseil dispensé par Astrée. Il était touché de la confiance que la rôdeuse lui témoignait quant à sa capacité à apprivoiser l’animal mais elle avait raison : il ne restait plus que deux jours d’ici à Luménis. Il se sentit pourtant galvanisé par son premier succès et par les encouragements de sa compagne. Peut être parviendrait-il à recontacter la louve si elle décidait de le suivre ne ville. Il tenterait de la convaincre de l’accompagner au Bosquet des docks où il pourrait assurer sa sécurité jusqu’à ce que les habitants se soient habitués à sa présence. Si elle n’entrait pas en ville, il pourrait lui rendre visite à loisir pour renforcer leur lien naissant. Il tourna un regard reconnaissant vers Astrée :

- Merci. Je pense pouvoir trouver une solution. Luménis n’est pas la fin du voyage et je peux parvenir à l’amadouer à force de temps. Mais nous ferions mieux de prendre quelques heures de sommeil.

Astrée acquiesça et se roula en boule sous ses couvertures, tandis que Kasumi s'allongeait à ses côtés. Elle mit quelques temps à s'endormir, ses yeux fixant sans vraiment la voir la silhouette de son compagnon. Les évènements de ces derniers jours défilaient dans sa tête, succession d'images et de sensations qu'elle ne chercha pas à décrypter. Elle finit par sombrer dans le sommeil, un léger sourire aux lèvres.

Elle se réveilla en même temps que Kasumi, ou peut-être un léger mouvement de l'un avait-il réveillé l'autre. Elle avait dormi sur le côté, tournée vers son compagnon, et en ressentait quelques courbatures. Ouvrant des yeux encore ensommeillés, elle le vit en faire autant, à quelques centimètres d'elle. Ils échangèrent un sourire et se redressèrent lentement, le regard attiré par les premiers rayons du soleil qui pointaient à l'horizon. Le ciel était magnifique, nimbé d'une douce lueur orangée. Ils s'imprégnèrent un moment de la magie de l'instant, avant que le froid piquant qui régnait ne les fasse frissonner. Ils se hâtèrent de s'habiller.

Laissant à son compagnon le soin de ranimer le feu, Astrée se dirigea vers le ruisseau tout proche pour y puiser un peu d'eau pour le déjeuner. Elle en profita pour faire un brin de toilette et remplir les gourdes pour l'étape du jour. Les chevaux étaient déjà réveillés, et Moïse vint la saluer à sa façon, la poussant dans le dos. Elle le caressa quelques instants avant de revenir auprès du feu qui crépitait joyeusement.

La nuit fut plus clémente pour Kasumi qui se réveilla en pleine forme malgré le sol gelé. Se réveiller tout à côté d’astrée lui fit une étrange impression mais elle ne parut pas s’en offusquer et lui adressa même un sourire. Il songea à l’interruption de la nuit qui lui avait permis d’en apprendre plus sur la louve qui les suivait. Tout ceci contribua à ce qu’il se lève de bonne humeur et il était prêt à passer un jour de plus en selle. Après avoir rallumé le feu, il se dirigea à son tour vers le ruisseau où il prit le temps de quelques ablutions.

A son retour, il constata que la rôdeuse s’affairait à préparer le thé et à sortir de leurs fontes de quoi prendre un solide petit déjeuner composé de miel, de pain et de fruits secs. Kasumi s’étonna que leur équipe soit si bien rôdée après seulement quelques jours de voyage. Ils n’avaient même plus besoin d’échanger verbalement pour se coordonner. Il éprouvait néanmoins beaucoup de plaisir à leurs logues discussions et à leurs brefs échanges de taquineries. Il s’installa à ses côtés et lui prit sans vergogne une tartine des mains alors qu’elle venait d’achever de la préparer pour elle-même. Il lui adressa un sourire désarmant avant de mordre dedans à pleines dents.

Astrée ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes, et, les premiers instants de stupeur passés, tenta de reprendre l’objet du délit. Mais déjà Kasumi l’engloutissait avec un appétit vorace. Outrée par l’audace de son compagnon, elle ouvrit la bouche, cherchant en vain une réplique cinglante qu’elle ne trouva pas. Intérieurement, elle luttait contre l’envie de rire, mais elle n’allait tout de même pas se laisser faire sans réagir !

Alors, tranquillement, elle saisit le thé, infusé à point, et en remplit à ras-bord le plus grand des bols, en renversant un peu à côté par mégarde.
- Oh, désolée, je crois qu’il n’en reste plus, fit-elle d’un ton faussement contrit en versant dans le bol de Kasumi les quelques gouttes qu’il restait.
Et avant qu’il n’ait le temps de réagir, elle porta à ses lèvres son propre bol.
- Dommage, ça fait tellement de bien une boisson chaude par un froid pareil…

Avec un sourire malicieux, elle se mit à boire le délicieux breuvage, laissant une expression d’extase apparaître sur son visage, et s’efforçant de cacher de son mieux qu’elle venait, dans sa précipitation, de se brûler la langue…

Le rôdeur regarda le fond de son propre bol puis celui d’Astrée avec une envie non dissimulée. Il ne s’était pas attendu à ce que la rôdeuse réagisse aussi vivement à sa plaisanterie. Il devait cependant avouer qu’il ne l’avait pas volé et réussit à afficher une expression contrite convaincante.

- Hey ! Je m’efforçais simplement de comprendre la façon de penser de la louve. Elle doit être plus douée que moi pour se faire pardonner ses chapardages.

Il se saisit d’un morceau de pain et s’appliqua à étaler une généreuse couche de miel dessus avant de la tendre à Astrée.

- On fait la paix ?

Astrée lui adressa un large sourire, amusée. Absolument pas convaincue par l'air contrit qu'il affichait, mais sensible à sa tentative d'apaisement.

Sans un mot, elle prit la tartine et mordit dedans à pleine dents, prenant un plaisir ostensible à la déguster.
- Tu les prépares beaucoup mieux que moi, la prochaine fois je te laisserai faire ! Oh, j'oubliais...
Avec un clin d'oeil, elle mit de l'eau à bouillir, et fouilla dans ses affaires pour en retirer de nouvelles feuilles de thé séchées. Même si elle avait gagné l'affrontement, ce n'était pas une raison pour le laisser geler sur place.
- Je t'en fais une double ration pour compenser, fit-elle avec un sourire. Quant à la façon de penser de ta louve... C'est bien tenté, comme explication, mais je ne pense pas qu'elle aurait rapporté du gibier pour remplacer la viande volée.

Kasumi se prépara une autre tartine et patienta sagement que l’eau arrive à ébullition. L’idée d’arracher la victoire par une nouvelle action d’éclat l’effleura mais il jugea plus prudent et plus avisé de s’en abstenir. Le petit déjeuner se déroula donc sans aucune autre anicroche et les rôdeurs se remirent en route après s’être convenablement sustentés.

La matinée se révéla aussi ensoleillée que la précédente et ils purent sentir les premières brises d’iode portées par le large en début d’après-midi annonçant qu’ils s’approchaient de plus en plus de la côte et de la fin de leur voyage. Le rôdeur chercha à plusieurs reprise à contacter l’esprit de la louve mais, s’il pouvait maintenant ressentir dans quelle direction elle se trouvait, elle se déroba à ses appels pour battre la campagne environnante. Le demi-elfe demanda des conseils à sa compagne et à force de conseils, il parvint à des résultats plus probants et parvint à toucher l’esprit à plusieurs reprises.

La louve daigna enfin répondre à son appel et lui renvoya des images interrogatives par lesquelles le rôdeur parvint à comprendre qu’elle s’intéressait de près à Astrée et à ses rapports avec lui. Le rôdeur essaya de porter ses propres questions sur un terrain moins personnel. A force de persévérance, il parvint à expliquer à la louve pourquoi le suivre à Luménis pouvait s’avérer dangereux pour elle. Il ne sut pas s’il était parvenu à la convaincre cependant. Alors que leurs esprits se disjoignaient, la louve partagea son nom de meute avec lui en une promesse qu’ils se retrouveraient bientôt.

Le demi-elfe arbora un sourire aux lèvres et répondit à l’interrogation muette de la rôdeuse :

- Elle m’a répondu et révélé son nom. En commun, cela s'approcherait de Première Neige je crois.

Le rôdeur n’aborda cependant pas les autres aspects de son échange avec l’animal, ne souhaitant pas trop lui révéler la nature des questions qu’elle lui avait posé et sur les réponses qui n’avaient pas réussi à tout à fait la convaincre.

Le jour déclinait petit à petit, et ils se mirent en quête d'un endroit accueillant pour la nuit. Ils avaient dépassé un village peu auparavant, mais il ne s'en étaient guère soucié : ils appréciaient tous les deux les bivouacs autour d'un bon feu, et, ce soir encore, le temps ne semblait pas trop menaçant, malgré la petite averse glaciale qu'ils avaient essuyée en début d'après-midi.
Astrée s'occupa un bon moment de sa monture, tandis que Kasumi allumait le feu. Le pauvre Moïse souffrait de plus en plus du genou, et il avait grand besoin d'un peu de repos. Heureusement, Luménis approchait, et ils pourraient s'y arrêter quelques jours avant de reprendre la route. Elle irait sans doute rendre visite àTaliesin, comme elle le lui avait promis, et profiterait un peu plus longtemps de la compagnie de Kasumi... s'il trouvait un peu de temps pour elle, bien sûr... Elle ne voulait pas lui imposer sa présence.

Lorsqu'elle eut fini de soigner sa monture, le feu crépitait déjà et son compagnon était occupé à faire provision de bois pour la nuit. Elle le rejoignit, et bientôt une quantité impressionnante de bois s'accumulait près du feu.
Elle s'assit tout près, sur une vieille souche semblant placée là exprès pour son confort, et laissa la douce chaleur l'envahir. Elle avait posé sa cape près d'elle, et Kasumi en fit autant. Un éclat argenté attira son regard, et elle remarqua alors le fermoir qui l'ornait. Un loup, encore... Elle ne put s'empêcher de sourire, d'autant plus qu'à l'air rêveur du rôdeur, elle devinait qu'il était encore en train de tenter de contacter sa louve.

Elle hésita à l'interrompre, préférant attendre que son regard perde un peu de sa fixité. Puis, désignant du menton le bijou, elle lança, d'un ton léger :
- Dis-moi, c'est une véritable passion, chez toi, les loups ? Tu en as même un en fermoir de cape !

Le rôdeur parut un instant gêné et se saisit du manteau qu’il fit mine d’étendre sur ses genoux pour se protéger du froid. Ce premier réflexe défensif passé, il releva le menton, honteux de sa réaction. Il ne voulait pas vexer Astrée. Ce fermoir lui évoquait trop un passé douloureux qu’il n’avait pas mis entièrement derrière lui. Il l’avait gardé comme ultime souvenir de son ancienne vie ne pouvant se résoudre à l’abandonner sans plus vraiment y penser jusqu’à ce qu’Astrée le rappelle à son souvenir. Et pourtant les évènements des derniers jours jetaient un nouvel éclairage sur le médaillon magique. Son regard se perdit dans le lointain mais non pas à cause d’une nouvelle tentative pour contacter Première Neige mais pour évoquer un passé nébuleux :

- Je n’ai pas choisi sa forme. A dire vrai, il représentait un tout autre animal lorsqu’il appartenait à ma mère. Peut être a-t-il des propriétés similaires à ton bijou ? En tous cas, je n’ai jamais percé son mystère malgré l’aide de plusieurs mages. Mais peut être que cela a un lien avec la louve même si je ne vois pas comment cela pourrait être. Mon premier familier était une hermine. Il s’est transformé quand ma mère est morte. En même temps que ce bijou, mes yeux avaient changé à cette époque et un tatouage étarnge est apparu dans la paume de ma main. Je crois qu’il s’agissait d’une malédiction familiale. Ces signes m'ont quitté lorsque j'ai frôlé la mort il y a moins d'un an. Le bijou ets resté intact.

Il avait trouvé le courage d’en parler sans détour même si le récit était décousu. Il attendait maintenant avec une certaine angoisse la réaction d’Astrée à cette révélation.

Astrée fut surprise de la réaction instinctive de son compagnon. Elle ne l'avait jamais vu ainsi sur la défensive, et ne s'attendait pas à toucher un point sensible en parlant de ce bijou.

Elle resta un moment silencieuse, tentant d'assimiler le récit du rôdeur. Elle n'était pas certaine d'avoir tout compris, cette histoire lui paraissait bien floue. Et maintenant qu'elle savait avoir abordé involontairement un sujet personnel, elle hésitait à prolonger la discussion, ne voulant pas paraitre trop indiscrète.

Mais sa curiosité était éveillée, et elle ne put s'empêcher d'interroger davantage Kasumi :
- Je n'ai jamais entendu d'histoire semblable... Un tatouage qui aurait disparu lorsque tu as frôlé la mort ? Pourquoi ça ? Et que représentait-il ? Et tes yeux ? Qu'avaient-ils de particulier ?

Elle rougit, un peu gênée.
- Excuse-moi si mes questions sont indiscrètes... Je suis sans doute trop curieuse. Mais j'aimerais bien comprendre un peu cette histoire de malédiction familiale...

Kasumi eut un sourire indulgent pour la curiosité de la rôdeuse. Curieusement, il ne ressentait pas ses questions comme gênantes. Venant d’elle, cet intérêt était même proche de le flatter et il chercha comment lui répondre dès qu’il eut remis un peu d’ordre dans ses idées :

- Le peu que j’en ai appris, c’est mon père qui me l’a raconté après la mort de ma mère. Cela vient apparemment de son côté et marque une personne par génération. Comme je n’ai pas eu de frère ou de sœur, cela devait forcément tomber sur moi. La malédiction se manifestait par les signes dont je t’ai parlé : un tatouage représentant un démon reptilien percé d’un couteau et des yeux qui ressemblaient à ceux d’un loup aux dires de mes compagnons rôdeurs de l’époque. C’est aussi ce qui m’a valu d’être mal accueilli où que j’aille une fois que j’eus quitté leur campement. Quant à la disparition de ces signes et à ce qu’ils signifiaient, je n’ai pas vraiment d’explication. Je ne garde qu’un souvenir très flou de mon coma et parfois certains rêves étranges. Certains ont dit que je suis mort pour de bon mais mon corps ne s’est pas dégradé comme il l’aurait du si cela avait été le cas. Je suis resté près de six mois dans cet état, allongé dans le bosquet des docks de Luménis. A mon réveil, le tatouage s’était effacé sauf dans mon souvenir et mes yeux avaient repris leur couleur originelle. J'ose espérer que la malédiction m'aura définitivement quitté. Je n'ai plus envie de fuir.

Une pointe d'inquiétude transparaissait dans les dernières phrases du rôdeur et il chercha instinctivement un soutien moral dans le regard d'Astrée.

Astrée, songeuse, avait écouté sans l'interrompre le récit de son compagnon. Curieuse histoire...
Elle ressentit l'inquiétude du rôdeur, et, instinctivement, pris sa main dans la sienne et la serra un instant pour le réconforter. Elle le regarda droit dans les yeux, et fit simplement :
- Je suis sûre que la malédiction t'a quitté. Et que tu n'as plus besoin de fuir. Sinon, tu serais encore sur les routes à protéger des caravanes, errant d'une mission à l'autre.

Elle tenta, à travers le contact de leurs mains et leurs regard, de transmettre à Kasumi la confiance qu'elle éprouvait. S'il y avait en lui une malédiction, elle l'aurait ressentie, elle en était certaine.
Elle lui sourit affectueusement, puis murmura d'un ton rêveur :
- J'ai du mal à t'imaginer avec des yeux de loup... Mais je parie que ça aurait plu à ta louve !, ajouta-t-elle avec un clin d'oeil taquin.
Sa remarque était stupide, et elle regretta immédiatement d'avoir parlé sans réfléchir. Elle avait juste voulu dédramatiser un peu la discussion.

Et puis... Ce n'était peut-être pas si stupide après tout.
- Peut-être qu'il y a un lien avec elle, alors. Ce n'est pas impossible...

Kasumi sentit une étrange félicité le gagner sous l’effet du contact et des paroles apaisantes d’Astrée. La rôdeuse lui portait une confiance qui lui réchauffait le cœur. Cette marque d’attention était plus qu’il n’avait reçu depuis bien des années. Jamais depuis qu’il parcourait les routes, il n’avait ressenti un sentiment de bien être comparable. Il se laissa aller à cette nouvelle sensation en contemplant les flammes avant de rompre le silence :

- J’ignore s’il y a un rapport entre mon ancien état et la rencontre avec la louve. Je ne pense pas que cela revêt une grande importance en fait. Il me faut simplement apprendre à prendre les choses comme elles viennent. Aujourd’hui, je n’ai plus envie de fuir et tant que je pourrai garder l’amitié de personnes qui me sont chères, je n’aurai aucune raison de le faire.

Le rôdeur n’avait pas lâché la main de sa compagne et ne fit pas mine de le faire lorsqu’il s’en rendit compte. Quelque chose dans le tableau était trop précieux pour laisser la gêne l’éloigner d’Astrée. Un certain nombre de choses prirent une nouvelle signification alors qu'il réalisait consciemment qu'il tenait à cette présence à ses côtés.

Inexplicablement, Astrée sentit les battements de son cœur s'accélérer. Son compagnon n'avait pas lâché sa main, et quelque part elle n'avait pas vraiment envie qu'il le fasse. Elle se sentait bien, assise près de lui devant les flammes qui les réchauffaient. Elle était consciente de sa présence, de la chaleur de son corps près du sien, de la chaleur de sa main. Comme lui, elle gardait le regard fixé sur les flammes. Elle se sentait juste... bien.
Ce n'est pas raisonnable, souffla une petite voix intérieure.
Pourquoi ? Quel mal après tout y avait-il à profiter d'un moment de bien-être ?
Oui, mais...

Une éternité s'écoula ainsi, ou peut-être seulement quelques instants. Puis elle se secoua mentalement : ils ne pouvaient quand même pas passer la nuit ainsi !
Elle regarda la main de Kasumi dans la sienne, sourit, et, sans crier gare, la porta à ses lèvres, y déposant un léger baiser. Elle avait fait ce geste instinctivement, sans réfléchir, comme si ses mains avaient agi d'elles-mêmes, et voulut immédiatement en atténuer la portée. Il ne fallait surtout pas que son compagnon y mette un sens qui n'existait pas, qui ne pouvait certainement pas exister...
Elle prit donc un air soudain très sérieux et lui ouvrit la paume pour en examiner l'intérieur, puis inspecta de même l'autre main, avec un froncement de sourcil des plus convaincants. Elle lança alors avec entrain.
- Je confirme, ton tatouage a disparu ! Tu n'as donc plus aucune raison de fuir quoi que ce soit... Et certainement pas la corvée d'épluchage de pommes de terre, ajouta-t-elle avec un clin d'oeil taquin.
Puis elle se leva et se dirigea vers leurs fontes pour en sortir lesdites pommes de terre, espérant que ses paroles effaceraient son geste inconsidéré. Mais elle préféra éviter de croiser le regard de Kasumi...

Le rôdeur n’en cru pas ses yeux et se demanda s’il n’avait pas rêvé le geste d’Astrée. Il tenta ensuite de se raisonner en se disant que le léger baiser sur sa main ne revêtait pas d’autre signification qu’une manifestation de tendresse consécutive à ce qu’il lui avait révélé. Le premier moment d’incrédulité passée, il eut néanmoins du mal à faire retrouver un rythme normal à son cœur.

La diversion offerte par Astrée se révéla profitable pour masquer son trouble. Il tenta de plaisanter à son tour mais le ton sonna faux à ses propres oreilles :

- Tu m’as fait raconter toute cette histoire pour me faire passer la pilule d’une corvée d’épluchage ! C’est proprement incroyable. Que ce soit dit, sans dragon ni mort vivant à occire, le héros doit se rabattre sur quelques légumes et préparer un glorieux festin.

Il se leva pour s’emparer des tubercules et s’attela à la tâche avec application. Bientôt, il les avait découpés en croissant et les faisait revenir dans une poêle. Une bonne odeur de friture fit monter l’eau à la bouche aux rôdeurs. Le festin s’accompagnait de lard fumé qu’il avait également mis à griller. Le rôdeur regretta de ne pas avoir d’œufs pour accompagner le tout mais une miche de pain laissée à tiédir prêt des flammes constituerait un accompagnement de remplacement appréciable.

Le plat préparé par Kasumi exhalait une odeur délicieusement appétissante, et ils s’en servirent tous deux une bonne part. Astrée complimenta vivement le rôdeur pour ses talents de cuisinier.
- Je crois que j'aurais dû te laisser cuisiner à tous les repas, tu es vraiment doué ! Tes talents vont me manquer quand je vais devoir recommencer à cuisiner seule, ça va me paraître fade... Il va falloir que je pour progresse pour tenter de t'égaler !

La veillée ne se prolongea pas outre mesure, et les deux rôdeurs s’installèrent près du feu pour la nuit. Ils furent réveillés peu avant l’aube par les premières gouttes d’un petit crachin glacial : durant leur sommeil, les nuages s’étaient amoncelés et le beau temps qui les avait accompagnés ces derniers jours avait laissé place à la pluie. Ils se hâtèrent de ranger leurs affaires au sec dans leurs sacs, et ranimèrent le feu avant que l’humidité ne rende la chose trop difficile.
Ils déjeunèrent, comme d’habitude, de thé, de tartines et de fruits, avant de préparer leurs montures. Ils se remirent en route plus rapidement que les jours précédents, aiguillés par la pluie qui décourageait toute flânerie. Astrée tendit son esprit vers Moïse pour l’inciter à adopter une allure un peu plus soutenue malgré sa douleur : Luménis n’était plus très loin, à moins de dix lieues. Ils y seraient sans doute le lendemain matin.

Le temps ne se montra guère clément ce jour-là. La pluie ne fit que s’accentuer. Un vent doux soufflait de la côte, tempérant le froid hivernal mais apportant avec lui des nuages lourds, chargés d’humidité. Astrée et Kasumi avaient tous deux revêtus leurs capes imperméables et rabattu leurs capuches, ce qui freinait toute discussion. Ils déjeunèrent à midi d’un repas froid sous l’abri relatif d’un chêne vert, la pluie battante les décourageant de faire un feu.
Au fur et à mesure de leur progression sur la route pavée, les hameaux et villages se faisaient plus nombreux, plus peuplés. Ce n’étaient plus seulement quelques pauvres fermes regroupées autour d’un puits, on devinait une réelle prospérité alimentée sans doute par le commerce avec les voyageurs. Dans chaque hameau, ils apercevaient des étalages de fruits ou de viandes séchés, de confitures, de miels, de tubercules, parfois des œufs, abrités sous des bâches tendues, qui visiblement attendaient d’éventuels acquéreurs. Astrée se dit qu’elle s’y approvisionnerait sur le chemin du retour, avant de se souvenir qu’elle aurait sans doute à peine assez d’argent pour se payer deux nuits d’auberge. Elle préféra garder ce souci pour elle. Elle trouverait un moyen de se débrouiller, peut-être pourrait-elle proposer à l’aubergiste de lui ramener du gibier en échange de quelques pièces…
Tandis qu’elle y réfléchissait, elle s’aperçut que le jour déclinait rapidement, impression sans doute renforcée par la grisaille régnant. La pluie semblait s’atténuer enfin, mais l’humidité ambiante allait rendre difficile l’allumage du feu. Elle chercha du regard un bosquet, où ils avaient peut-être une chance de trouver un peu de bois sec, relativement abrité de la pluie. Ils durent chevaucher encore un moment avant de dénicher un endroit convenable.

Ils s’enfoncèrent à l’intérieur du bois, à la recherche d’un peu de combustible moins humide. Le feu fut plus difficile à allumer que d’habitude, et elle sentait les chevaux fatigués par cette longue marche sous la pluie. Elle-même avait hâte de s’asseoir et d’avaler quelque chose de chaud, mais elle prit le temps de s’occuper de Moïse avant de songer à son propre bien-être. Elle laissa Kasumi d’occuper de sa propre monture, ayant depuis longtemps que c’était ce qu’Ombrage préférait. Puis, enfin, ils s’occupèrent de monter leur tente. Ou plutôt la tente d’Astrée. Pourquoi soudainement considérait-elle cette tente comme leur propriété commune ? Elle sourit à cette pensée : elle s'était si bien accoutumée à la compagnie de Kasumi...

Kasumi prépara le repas en silence. Le temps maussade s’accordait bien à son humeur du moment alors qu’il réalisait qu’il s’agissait là de la dernière nuit du voyage. La route du retour lui paraissait maintenant avoir été bien trop courte tant elle avait été paisible et agréable. Demain, il devrait ranger cet épisode parmi ses heureux souvenirs. Bien sûr Astrée avait annoncé vouloir rester quelques jours à Luménis pour permettre à sa monture de se reposer mais une fois en ville, ils seraient chacun happés par leurs affaires propres et elle repartirait aussi vite qu’une étoile filante.

Il fit néanmoins son possible pour ne pas gâter l’humeur de sa compagne et ne pas gâcher cette dernière soirée en sa compagnie mais il faisait pâle figure. Mais comme si cette seule chose le préoccupait, il ne put s’empêcher d’aborder la question des projets de la rôdeuse :

- J’imagine que tu ne souhaites pas t’attarder en ville et que tu as hâte de rentrer chez toi. Mais peut être auras-tu un peu de temps pour visiter Luménis avec moi. Je veux dire pendant que Moïse se remet de la route.

Son regard chercha instinctivement celui d’Astrée sans qu’il ne puisse contrôler un certain empressement dans sa voix.

Astrée n'était guère d'humeur enjouée, elle non plus. La fin du voyage approchait, et l'arrivée en ville ne la réjouissait guère. Elle n'avait jamais beaucoup aimé les villes, c'est vrai, mais la raison réelle de sa mélancolie n'était pas vraiment là. C'était leur dernière soirée ensemble. Kasumi allait retourner à ses occupations, elle à sa solitude, et cet agréable voyage n'aurait été qu'une parenthèse heureuse dans sa vie. Elle devinait que la solitude dont elle s'était entourée depuis le décès de ses proches ne serait plus le refuge dont elle avait tant eu besoin.

La suggestion de Kasumi la tira de ses sombres pensées, et un sourire s'afficha immédiatement sur son visage. Il avait raison, elle allait rester quelques jours à Luménis, et ils pouvaient en profiter pour passer encore un peu de temps ensemble. Elle réalisa alors seulement combien elle avait souhaité qu'il lui fasse cette proposition sans oser l'espérer.
Elle lui adressa un sourire lumineux et répondit :
- Je ne vais rester que quelques jours, c'est vrai. Mais j'apprécierais beaucoup de visiter Luménis avec toi pendant ce temps. J'avoue que l'idée de me retrouver seule et désoeuvrée ne m'enthousiasmait guère, et que je serais ravie de pouvoir profiter un peu plus longtemps de ta compagnie. Si tes propres occupations t'en laissent le temps, bien sûr : je ne veux pas t'accaparer.

Kasumi se réjouit que son idée soit si bien acceptée et put enfin sortir de sa morosité, prenant plaisir à finir son repas. Les deux rôdeurs s’étaient abrités sous la tente et mangeait assis côte à côte. Le demi-elfe s’était d’ailleurs installé sans vraiment sans rendre compte plus près d’Astrée que l’espace ne l’y contraignait. Les deux voyageurs échafaudèrent leurs plans en se réjouissant d’avance de certaines courses qu’ils se promettaient de réaliser ensemble.

Il faudrait aussi passer au fort et rendre compte à Darren de leur retour même s’il avait déjà du recevoir un rapport complet des groupes précédents. Le rôder se demanda si le retour à la vie citadine lui conviendrait après ces semaines passées dans le milieu qu’il affectionnait davantage. La présence d’Astrée adoucirait ses premiers jours mais il faudrait ensuite passer tout l’hiver seul en ville. Comme si le simple fait d’évoquer cette solitude l’avait attirée, le lien avec la louve se renforça et Kasumi put percevoir sa présence non loin du campement. Première Neige gardait prudemment ses distances et fit comprendre qu’elle ne s’approcherait pas davantage de la cité, ne lui en déplaise. Elle fit mystère de comment elle avait perçu la présence de la métropole.

Le sommeil finit par prendre le dessus de la bonne humeur retrouvée et les deux jeunes gens s’emmitouflèrent dans leurs couvertures en se serrant sous la tente. Le crachin tomba toute la nuit mais il cessa peu avant l’aube révélant un ciel limpide. Le lever de soleil fut exceptionnel et la proximité avec la cité de l’Aube renforçait l’impression un peu bête que Lathandre veillait sur leur réveil ce matin là.

Ils se remirent en route sans hâte et purent bientôt voir se profiler les murs étincelants de la capitale à l’horizon. La route jusqu’ici déserte s’encombra peu à peu de chariots encombrés de victuailles destinées aux marchés de la cité, de simples marcheurs se rendant vers leurs activités quotidiennes et de quelques rares cavaliers. Avant d’arriver en bout de la file d’attente patientant devant les portes, une patrouille de soldats Luméniens doubla les deux rôdeurs sans leur prêter grande attention.

RP : Retour à Luménis

Comme lors de leur venue l'hiver précédent, Astrée fut frappée par la transition brutale entre la campagne rustique qu'ils venaient de traverser, et l'opulence qui se dégageait des hameaux proches du Pont des Trois Sires. Elle tut le petit pincement au coeur qu'elle éprouva en se sentant regagner la civilisation. ell n'aimait décidément pas vraiment ce monde-là...
Quand le Pont lui-même apparut, ils firent une halte, contemplant à distance le majestueux édifice. Si gracieux, si solide pourtant. Il lui semblait que leur voyage précédent remontait à une éternité, pourtant cela ne devait guère faire plus de six mois... mais il s'était passé tant de choses depuis : un long hiver solitaire, des mésaventures éprouvantes, un amour naissant...

Elle acquiesça avec un sourire à la proposition de son compagnon : oui, ils allaient pouvoir faire quelques emplettes.
En approchant, ils reconnurent la silhouette imposante de l'Auberge des Trois Sires, à la vue imprenable sur le fleuve et sur le pont. Ils se souvenaient y avoir particulièrement bien mangé...
- On devrait peut-être réserver une chambre et installer nos montures à l'écurie avant d'aller flâner un peu, qu'en dis-tu ? A moins que tu ne veuilles changer d'auberge : il y en a une autre encore plus grande de l'autre côté du fleuve, on dirait.
Pour sa part, elle préférait la plus petite des deux, mais elle n'en dit rien, ne voulant surtout pas frustrer son compagnon : une auberge plus grande proposerait sans doute davantage d'animation.. Quand à elle... même celle-ci était trop grande pour elle. Elle se sentait réellement mal à l'aise en présence d'une foule... surtout si la foule en question était masculine ! Ses mésaventures trop récentes avaient laissé des traces douloureuses en elle.
Elle inspira profondément, se forçant au calme : après tout, rien ne l'obligerait à rester longtemps dans la salle commune. Un coup d'oeil par l'une des fenêtre la révéla presque vide, apaisant immédiatement sa tension. Elle jeta un coup d'oeil interrogateur à son compagnon. Ppréférait-il l'autre ?

RP : Retour à Luménis

Le demi-elfe pour sa part, se sentait bien plus à son aise de ce retour à la civilisation et à ses facilités. Cependant, il avait perçu la tension qui habitait sa compagne :

- Bien sûr ma chérie, cette auberge suffira amplement ! Et puis j'engarde un très bon souvenir. Pour une fois, tu n'auras pas à subir ma cuisine.

Les formalités consistant à louer une chambre et une stalle pour les chevaux furent vite réglées et Kasumi fut même surpris que l'aubergiste le reconnaisse. Jamais en ville, ce genre de choses ne serait possible avec les milliers de gens de passage. Libérés de leurs bagages, les rôdeurs suivirent ensuite leur première idée d'aller flâner un peu.

HRP : si tu veux, je peux improviser une petite anecdote à moins que tu aies déjà une idée précise en tête.

HRP : Oui, j'avais une idée en tête, qui concernait au départ l'aubergiste... mais je vais la modifier un peu, du coup, ça pose aucun problème, ce sera quelqu'un d'autre... et ça attendra le retour à l'auberge ! Donc en attendant tu peux improviser une anecdote dans les rues (faut juste me prévenir si elle dure jusqu'après le retour à l'auberge, mais dans ce cas je peux placer la mienne le lendemain matin sans souci, idem si ton anecdote se passe à l'auberge, on les fera successivement)

Moïse se montra ravi de retrouver une écurie digne de ce nom, à croire qu'il n'appréciait guère de dormir dans une grotte aménagée. Prince des Frelons, l'air insouciant, se contenta de se remplir la panse... et de disparaître dès que les rôdeurs eurent le dos tourné, sans doute pour partir de son côté découvrir la bourgade sous une autre de ses formes.
Astrée, au fond d'elle-même, n'avait guère envie de se retrouver dehors avec la foule - même si celle-ci se limitait à quelques passants. Mais ils avaient grand besoin d'acheter quelques provisions, les produits frais notamment commençaient à leur faire défaut. Et puis, pendant ce temps-là, leurs vêtements et couvertures humides sècheraient dans la chambre... En fermant les yeux, elle ressentait l'appel de la tiédeur de la fin d'après-midi qui appelait la flânerie. Le village n'était pas si grand, elle reconnaissait les chants d'oiseaux saluant la fin de journée, la légère brise du soir... exactement comme si elle s'était trouvée en pleine nature. Elle pouvait faire abstraction des gens... Et marcher sans bagages était agréable après ces longues journées de randonnée. Oui, finalement, elle parviendrait à apprécier cette promenade dans les rues du village.
C'est donc avec le sourire qu'elle emboita le pas à Kasumi - sans qu'il sache que ce sourire était davantage dû au chant du merle qu'elle venait d'entendre au-dessus de leur tête, qu'à la perspective de faire les boutiques.

HRP : non, je vais te laisser placer ton anecdote puis prendre la suite avant le départ du village.

L'entrain de Kasumi était moins emprunté que celui de sa compagne et il manifestait avec enthousiasme la perspective de se réapprovisionner convenablement voire acheter un petit cadeau pour Astrée. Les rôdeurs, raisonnables, commencèrent par les emplettes les plus utilitaires : une nouvelle paire de solides bottes pour le demi-elfe, des légumes et d'autres vivres ainsi que quelques ustensiles qui leur manquaient comme de nouvelles aiguilles pour le raccommodage. Ils trouvèrent aussi un herboriste auprès duquel ils firent commerce de quelques simples difficilement récoltables en montagne.

RP:retour à Luménis

La priorité d'Astrée, outre les herbes médicinales, était les vivres nécessaires aux deux jours de marche qui les attendaient. Du pain frais, du jambon, des fruits de saison, vinrent donc rejoindre leurs premières emplettes. Heureusement qu'ils avaient Moïse pour porter leur chargement. S'ils avaient été à pieds, jamais elle n'aurait osé acheter de telles quantités.

Le soir tombait lorsqu'ils regagnèrent l'auberge, chargés de leurs paquets. Une bonne odeur de soupe embaumait l'atmosphère, éveillant leur appétit. Même Astrée dut s'avouer que finalement, ce retour à la civilisation avait du bon.
Entretemps, la salle principale s'était remplie. L'aubergiste était invisible, mais ils l'entendaient donner des ordres en cuisine. Derrière le comptoir se trouvait à sa place un homme rondouillet, un peu plus âgé que lui mais qui lui ressemblait fortement, occupé à discuter avec quelques habitués. Ils le saluèrent discrètement en se dirigeant vers l'escalier pour poser leurs courses dans leur chambre. Il leur répondit distraitement, se tournant brièvement vers eux... et se figea soudain, les yeux fixés sur Kasumi.
- Vous !.... Comment osez-vous....? Comment osez-vous remettre les pieds ici ?!
Il avait parlé d'une voix tonitruante, s'étranglant à demi de colère, et tous les regards se tournèrent vers eux. Astrée aurait voulu rentrer sous terre. Le demi-elfe, quand à lui, ne se souvenait pas le moins du monde avoir jamais rencontré l'homme...

RP : Retour à l'abri

Le teint du demi-elfe vira au cramoisi sans qu'il puisse lui-même en démêler la colère de la honte de se faire ainsi stigmatiser devant l'ensemble des clients présents. Instinctivement, il se plaça entre sa compagne et "l'agresseur". Les dents serrées, il répliqua d'un ton sans chaleur mais qui se voulait interrogatif sinon conciliant :

- Pardon mais vous me confondez certainement avec quelqu'un d'autre. Je n'ai pas souvenir de vous avoir jamais causé du tort à vous ou à ce village...

RP : Retour à Luménis

- Vous me prenez pour un imbécile ou quoi ? Je sais reconnaître un client, surtout tel que vous ! Tu t'en souviens, toi aussi, Gaspard ?
Il s'adressait à l'un des habitués, accoudé au bar.
- Ah... Oui, bien sûr... je ne l'avais pas reconnu, dans cette tenue...
- Ah, ça, bien sûr, les bardes ça sait se déguiser !

- Qu'est-ce qui se passe Alan ?, intervint l'aubergiste, tiré hors de sa cuisine par le vacarme.
- Y s'passe qu'il est revenu ! C'est lui !
- Lui ? Ca alors, je n'aurais jamais cru... Il était déjà passé dans la région il y a quelques mois...
Son collègue -son frère peut-être- ne l'écouta pas davantage et se tourna vers Kasumi, apparemment hors de lui. Ce dernier remarqua que quelques-uns des clients avaient fait cercle autour d'eux, l'air vindicatif. Apparemment, plusieurs savaient ce à quoi faisait allusion l'homme.
- Toi mon gars, tu vas me dire immédiatement ce que tu as fait de Ombeline !
Son air menaçant ne présageait rien de bon au cas où le rôdeur n'aie pas de réponse satisfaisante...

RP : Retour à l'abri

La patience du rôdeur commençait à atteindre ses limites : ces villageois semblaient le confondre avec un autre sans chercher à mettre un instant en doute leur jugement erroné. Ce barde qu'ils accusaient devaient beaucoup lui ressembler ce qui était en soi dérangeant. Il répondit aux menaces d'un ton se voulant conciliant :

- Vous me confondez avec un autre, je suis rôdeur et non barde et je ne connais aucune Ombeline. Si vous m'expliquez de quoi il retourne, j'accepterai éventuellement de vous aider.

RP : Retour à Luménis

L'homme, loin de se calmer, paraissait s'échauffer.
- Arrêtez votre comédie ! Je connais vos talents d'acteur, on vous a tous vu à l'oeuvre, mais je vous ai reconnu ! Alors vous allez me dire tout de suite ce que vous avez fait de ma fille ! Sinon, c'est même pas aux gardes que vous aurez affaire, c'est à moi !
Il se tourna vers Astrée.
- Parce que je ne sais pas si vous êtes au courant, jeune demoiselle, mais l'homme qui vous accompagne est un homme dangereux ! Il s'est arrangé pour gagner la confiance de ma fille, et ensuite il l'a kidnappée ! Soit vous êtes sa complice, soit vous êtes vous aussi une victime !
- Et il ose revenir en se déguisant ! Comme on avait pu l'oublier, en un mois à peine...
- Mais je vous assure, vous faites erreur ! intervint Astrée. Vous dites que c'était il y a un mois... Ca fait plus d'un mois que nous voyageons ensemble à travers les montagnes, nous n'étions pas du tout dans la région !
- Donc vous êtes sa complice !
- Ou alors elle ment pour le défendre... ça revient au même...
- Mais tu es sûr que c'est vraiment lui ? Il paraissait plus... plus frêle.
- C'est le déguisement ! C'est pas possible qu'il y ait deux elfes aussi semblables dans la région !

RP : Retour à Luménis

Le rôdeur redressa les épaules et répondit d'un ton un peu plus confiant en ses chances de prouver son innocence :

- Je ne porte aucun déguisement. Pour prouver ma bonne volonté, je peux vous laisser vérifier, je vous assure. Quant à ma présence le mois dernier, nous avons traversé de nombreux villages où des gens pourront attester de ma présence. Vous avez parlez d'un elfe ? Je suis un sang mêlé, je peux en attester si ça fait une différence.

RP : Retour à Luménis

- Un demi-elfe ? Et comment pourrais-je le savoir? Pour moi c'est du pareil au même ! L'autre jour vous vous prétendiez elfe, si ça se trouve vous n'étiez que demi-elfe... Vous avez juste endossé le costume d'un homme des bois pour changer votre apparence, mais je suis bien certain que c'est vous !
- Oui, tu n'as pas tort... c'est exactement le même visage, les mêmes oreilles, les mêmes yeux, les mêmes cheveux... la même couleur de peau... non, c'est bien lui, y'a aucun doute !
- Vous êtes sûrs ? Moi je le trouve, je ne sais pas... un petit peu trop costaud, les épaules un peu trop larges; l'autre jour il faisait plus gringalet. Il était un peu plus petit... Et même les oreilles...
- Ben quoi, elles sont pointues !
- Oui... mais quand même... Il ressemble vraiment à un rôdeur, il semble en avoir la musculature, et l'autre jour l'elfe n'avait rien dans les biceps, ça se voyait !
- C'est sa tenue qui donne cette impression ! Je vous dis que c'est lui ! Et je vais lui faire regretter d'être venu !

L'aubergiste intervint.
- Attends, Alan... et si tu te trompais ?
- Qu'est-ce que tu peux en savoir ? Tu étais monté à Rohan, c'est moi qui tenait l'auberge à ta place !
-Oui, mais écoute... Ils disent qu'ils étaient dans le massif, ils peuvent nous donner des détails peut-être ?

Il s'ensuivit un interrogatoire serré où les deux rôdeurs durent détailler les villes par lesquelles ils étaient passés, donner des noms de personnes qu'ils avaient rencontrées. L'un de leurs interlocuteurs connaissait le hameau de Grange-Blanche, un autre connaissait Haute-Roche, et ils purent confirmer leur description et les noms donnés.
- Ca ne prouve rien ! Il est barde, un barde ça voyage, il a dû y passer l'année passée !
Le dénommé Alan était toujours aussi vindicatif. mais plusieurs des autres ne semblaient plus trop savoir que croire, et prenaient prudemment leurs distances.
- Puisque vous ne voulez pas m'aider à tirer ça au clair, je vais chercher la garde ! finit par lancer l'homme, excédé, à court d'arguments. Cet homme a kidnappé ma fille !

La Couronne de Cuivre

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