La Couronne de Cuivre

L’elfe éclata de rire et se mit à chantonner tout en continuant à fermer les volets et ce ne fut que lorsqu’ils franchirent le seuil de la porte, abordant un regard amusé et une mine vexée, elle posa la main sur l'épaule de l'enfant conservant son sérieux tant qu'elle le put.

A bien y réfléchir, c’est le droit de ramoner la cheminée contre un langage digne d’un habitant du numéro vingt de la rue du Solstice, rien de plus … finalement tu as fait une superbe affaire …comme tu l’as si bien dit, ceci est un accord … tu as signé, tu l’as dit, ce n'est peut-être qu'une signature orale, mais tu ne peux pas la remettre en cause … moi je n’ai rien signé …<o>

</o> Il était encore tôt malgré la nuit qui avait déjà englouti Lumenis ne laissant voir du jardin que les ombres élancées des arbres aux branches nues, le froid était vif, saisissant, bien que le vent se fut tu, il flottait dans l’air une atmosphère de neige qui ne tarderait pas à tomber pour venir rendre encore plus profond le silence qui entourait la maison et effacer les traces du passage des marins tout comme leurs propres pas.<o>

</o> Une fois la porte fermée, ils s’engagèrent dans l’allée où chacun de leur pas faisait crisser la neige gelée en s’y enfonçant. L’elfe respira profondément et sourit gaiement en se projetant au printemps qui serait là dans quelques mois.

Je ne sais ce que tu en penses, moi, je me réjouis que nous puissions emménager, nous aurons plus de place et surtout, nous serons chez nous. Tant de bonheur vaut bien quelques inconvénients.<o></o>

Le gamin fronça les sourcils.
-Des inconvénients ? J'en vois pas beaucoup, moi ! Sauf que si je me lève la nuit, je risque de me perdre et de t'appeler à l'aide pour que tu viennes me chercher. Sinon, pour éviter ça, je mettrai des petits cailloux dans mes poches pour les semer, histoire de me retrouver... Mais vraiment, à part ça, y a que des avantages, non ? C'est super loin de l'école, en plus, ça me fera faire un super long trajet à pied, et alors, personne pourra se dire que j'suis un béb...
Il grimaça, l'air furieux.
-J'ai avalé une syllabe ! Et merd.. !
Il rougit jusqu'au oreilles.
-Bain et grammaire, c'est ça ? souffla-t-il, penaud.

L’elfe était en train de refermer le portail, lorsque que fusa le gros mot , elle tenta de garder son sérieux, mais ne put résister longtemps, car si elle aurait pu passer sur la syllabe avalée, elle ne le pouvait sur le gros mot et il fallait qu’elle mette ses menaces à exécution, ce qui à son regard, ne pouvait pas être réellement une punition.<o>

</o> Tu sais Podrick, comme tu me l’as dit tout à l’heure tu râles beaucoup, mais c’est surtout pour la forme, si tu avais autant envie d’un bain et que je te donne un cours de grammaire, il était inutile de te forcer. Son bras passa par-dessus les épaules de l’enfant alors que le ton de sa voix sonnait comme un hymne de victoire. Alors, le bain d’abord et tu vas faire trempette un bon moment, cela je peux te le garantir.<o>

</o> Avant le repas, il leur restait suffisamment de temps pour se rendre aux thermes et hormis que l’enfant serait ainsi propre, l’exercice permettrait à son corps de dépenser toute cette énergie qu’il avait dû refréner pendant les heures de cours. Mais elle n’en dit rien, attendant en souriant la réponse de l’enfant.<o></o>

Celui ci poussa un soupir résigné, ses épaules s'affaissèrent, et il opina lentement du chef.
-Un accord, c'est un accord...souffla-t-il. Alors en route pour le bain... Plus vite ça sera commencé, plus vite ça sera fini, et on pourra passer à la grammaire. Après, on mangera un bout, et j'irai au lit. Parce que demain, c'est l'école... Rude, la vie d'un écolier. J'aurais pas cru... Comment ils font, tous, pour survivre ?
Et de prendre la direction de la rue d'un pas traînant mais décidé, non sans avoir adressé un petit sourire contrit à Arya, signe qu'il n'était pas ravi, loin s'en fallait... mais qu'il râlait aussi pour la forme.

L’enfant tenait ses engagements bien que cela lui coûtait, qu’il n’en fut pas vraiment ravi et en exagérait la portée. Arya fut renforcée dans ses certitudes qui lui avaient fallu prendre des décisions tout en sachant que sa vie en serait bouleversée. Elle qui n’avait jamais pensé qu’à elle-même, occupant son temps libre à sa passion, savait que rien ne serait simple en décidant de prendre l’enfant sous son aile, mais elle était adulte et personne ne le lui avait rien imposé. L’enfant sortait d’une vie dure, mais le changement lui apportait aussi beaucoup de fatigue et d’incertitude, il avait lui aussi fait un choix et s’y tenait, pourtant il était si jeune que cela en était admirable.

Mais de leur destination finale, l'elfe n'en dit pourtant rien, laissant l'enfant râler, manière d'exprimer ses choix et de se forger le caractère, même si pour cette dernière raison, il avait déjà bien de l'avance pour son age.

Survivre, oh ils font bien mieux que survivre, ils sont ravis de ce régime. Attend seulement quelques semaines et tu raisonneras comme eux.

L’elfe passa son bras autour de ses épaules pour lui faire changer de direction au croisement où la rue menant à la Taverne et celle allant aux thermes n’étaient dès lors plus la même, elle ne dit rien, se contentant de chantonner en elfique, jusqu’au moment où il était évident qu’ils se rendaient aux thermes.<o>

</o> Pour le bain, ce sera vite commencé, mais pour être vite fini, là je ne suis pas certaine que tu auras envie de sortir rapidement de l’eau. Nous verrons bien si c’est cinq minutes ou une heure.

Le gamin, visiblement pas mécontent du tour que prenaient les choses, mais faisant en sorte de ne pas trop le montrer, arbora à nouveau sa mine de négociateur averti.
-Tout dépend de la durée de la leçon de grammaire ! Si elle durera pareil qu'on reste longtemps aux thermes ou pas, je crois que ça s'ra cinq minutes. Sinon, je serai trop fatigué pour que tu arrives à me faire entrer quoi que ce soit dans la tête. Si par contre elle devient de plus en plus courte plus on reste aux thermes, alors je crois qu'on y sera encore à minuit !
Il sourit.
-Bon, mais tu as encore réussi à tourner les choses comme tu voulais ! Parce que là, y aura bain, et douche en plus. Mais j'me plains pas. Je les connaîtrai bien, les thermes, comme ça. Et quand on y viendra avec la classe, après-demain, je serai pas inquiet du tout.

L’elfe sourit, après sa première journée de classe, il aurait été inutile de vouloir étudier, même le calcul. C’était le corps que devait libérer son esprit et une fois sorti des thermes, Podrick ne serait plus capable de quoi que ce soit en dehors de prendre son repas et de s’endormir aussitôt. Le temps viendrait bien assez vite où habitué à écouter et réfléchir, il aurait encore de la ressource pour travailler les matières qui le demanderaient, d’ici là, inutile de l’épuiser au point de le dégoûter d’apprendre.<o>

</o> Et bien cinq minutes dans le bain et une demi-heure sous la douche froide pour bien stimuler ton cerveau, il nous restera largement une heure pour la grammaire avant le repas ou peut-être une heure dans le bassin, cinq minutes sous la doucher froide, un bon repas et une nuit de sommeil pour récupérer de ta dure journée. Je te laisse choisir.<o>

</o> Lesthermes étaient maintenant à quelques pas et nombreux étaient ceux qui en sortaient ou qui s'y rendaient.<o></o>

Le froid retenait près de l’âtre ceux qui n’avaient pas l’obligation de sortir et ce sont des rues désertes que la magicienne et son petit protéger, lourdement chargés, parcoururent d’un pas rapide, dès qu’ils eurent quitté la taverne, pour tenter d’oublier le froid glacial qui régnait et qui plongeait la cité dans une torpeur dont elle ne sortirait que bien plus tard dans la matinée. Les volets de la maison furent promptement ouverts pour laisser entrer la lumière et les quelques rayons de soleil qui déjà frappaient aux carreaux des fenêtres, des draps encore un peu raides d’être trop neufs et de n’avoir jamais été lavés avaient été posés sur le sol et quelques bûches venaient à leur interdire de bouger pour que le parquet fraîchement ciré que brillait dans la lumière matinale reste immaculé même après le ramonage. Ils avaient revêtus des vêtements certes propres, mais usagés qui verraient certainement en ce jour, leur dernière utilisation.<o>

</o> Il était maintenant temps de grimper sur le toit et Arya était bien décidée à laisser à Podrick le rôle de professeur et qu’il lui indique tant les précautions à prendre que la manière de procéder.<o>

Voilà professeur Podrick, je suis prête à prendre ma première leçon de ramonage.
</o>

-D'abord, faut préparer les outils ! fit le gamin en exhibant la brosse qu'il avait finalement retrouvée au fond de son maigre baluchon. Faut le faire dedans, parce que dehors, avec le froid, les doigts ils deviennent tout gourds... Donc, les outils. En fait, y a surtout la brosse, et faut lui mettre un manche... La, ça tombe bien, on a ceux des balais... Plus c'est long, mieux c'est, parce que ça permet d'aller frotter les parois de la cheminée sans descendre dedans. Bon, mais là, vu la hauteur d'la maison, et même si j'ai mes p'tits trucs à moi... faudra que j'y aille de toute façon, dedans. Enfin, on verra ça plus tard...
Il fixa la broche au manche à balai, consolida avec de la ficelle, éprouva la fiabilité de l'engin puis acquiesça d'un air approbateur.
-C'est bon pour la brosse... J'propose donc qu'on monte sur l'toit, maintenant. Par la lucarne du grenier. Faut bien faire gaffe parce que les ardoises, ça glisse beaucoup. Toujours vérifier où qu'on met l'pied. Et pas hésiter à aller à quatre pattes si on est pas sûr de soi. Vaut mieux manquer d'élégance qu'finir écrabouillé dans la neige vingt pieds plus bas.
Il sourit a Arya, comme pour la rassurer.
-Mais y a pas d'risques, si on fait attention ! Et si tu as le vertige, si tu préfères pas y aller, tu peux m'regarder depuis le grenier, c'est pas un problème... Promis, je me moquerai pas !

La magicienne avait regardé avec intérêt et admiration l’adresse de l’enfant à manipuler les différents accessoires et écouté avec amusement ses recommandations. Elle se retint de justesse de dire qu’elle n’était guère ravie d’entendre qu’il devrait probablement descendre dans la cheminée pour la nettoyer, cela lui semblant encore bien plus dangereux que de se balader sur les toits gelés.<o></o>

Par nature agile et sans phobie de la hauteur, Arya fit pourtant mine de n’être courageuse que pour suivre son cours de ramonage, elle craignait bien plus de se salir que de déambuler sur les tuiles glissantes même si les vêtements qu’elle portait n’avait plus rien de neuf et qu’elle eut couvert sa chevelure pour la protéger.<o></o>

Un cours de ramonage depuis le grenier, c’est comme un bain à trois mètres de la baignoire ou une dictée sans ardoise, ni craie. Alors je monte aussi, je te suivrai et ferai bien attention où je mettrai les pieds, je te le promets. Pour une fois que tu pourras mes donner des ordres, il faut que tu en profites, cela ne se représentera pas de si tôt.

Le gamin lui sourit franchement.
-Je sais ! Mais j'ai prévu le coup, et tu sais quoi ? La leçon, elle durera jusqu'à c'que l'école reprenne !
Sans attendre, il gagna le grenier, ouvrit la fenêtre et, agile, se hissa sur le toit. Une fois au dehors, il attendit cependant que Arya le rejoigne, et la guida sur les ardoises gelées, verglacées par endroit. Il avait le pied sûr, le regard attentif, se maintenant prudemment à l'écart des zones dangereuses, et, finalement, parvint sans le moindre mal à proximité de la cheminée.
-Bon, maintenant, faut... Frotter les parois avec la brosse ! fit-il en brandissant fièrement l'instrument. Va y avoir plein de nuages de suie, des bruits, des trucs qui dégringolent, mais c'est pas grave, c'est protégé par les draps, en bas. Et, tiens, j'ai prévu des mouchoirs pour qu'on s'mette sur le nez et la bouche, histoire de pas respirer tout ça. Parce que la suie, même si c'est bon pour la peau, ça fait mal à la gorge, je t'assure ! Pis ça fait tousser...

La magicienne aurait pu suivre l’enfant les yeux fermés tant il était assuré et évitait les endroits qui auraient pu se montrer trop dangereux, presque à croire qu’il avait déjà fait une reconnaissance des lieux lorsqu’il indiquait le chemin avant même d’y avoir posé les pieds. <o></o>

Aucune crainte pour suivre l’enfant et se tenir debout sur le toit, mais, il n’en fut plus de même dès lors que Podrick brandit ce qui allait servir de goupillon et qui n’aurait qu’un seul malin plaisir, celui d’envoyer sur eux des nuages de poudre noire collante et irritante qui s’infiltrerait dans le moindre orifice de la peau. Toute à cette pensée, en prenant le mouchoir que lui tendait le gamin, la magicienne soupira de désespoir de ne pas être restée en bas et surtout de ne pas vouloir se défiler pour effectuer cette tâche que l’enfant avait maintes fois faite pour survivre.<o></o>

Heureusement que tu as pensé aux mouchoirs, juste dommage qu’il ne soit pas assez grand pour me protéger toute entière. Mais bien vite son sourire revint et c’est presque sur un ton enjoué qu’elle continua. J’ai prévu du lait que nous pourrons boire après, si j’en ressors vivante évidemment, je vais être crasseuse comme un ramoneur, pouah ! quelle horreur, j’ai autant de difficultés à m’imaginer sale que toi propre, surtout que je suis certaine qu’il faudra moins de temps pour être maculée de suie que pour enlever l’épaisse couche noire qui nous recouvrira dans quelques minutes, alors je n'ose même pas m'imaginer ce que ce sera dans deux jours et deux nuits ... bon on va essayer de finir suffisamment tôt pour pouvoir prendre un bain avant de retourner à l'école.<o>

L</o>e soleil faisait miroiter des myriades d’étoiles sur la neige du toit comme pour accentuer le blanc immaculé qui ne tarderait pas à être largement saupoudré de suie.<o></o>

Podrick était radieux.
-Mais ce salir, ça fait partie du plaisir... et du boulot ! s'exclama-t-il. Personne embaucherait un ramoneur propre comme un sou neuf ! On le prendrait pour un fainéant ! Donc, si on ressort pas noir de la tête aux pieds après le ramonage, c'est qu'on a mal fait le travail !
Il la dévisagea, plus espiègle que jamais.
-Mais tu peux toujours retourner en bas, si tu as trop peur d'être toute sale... J'peux comprendre et essayer de pas me moquer... De toute façon, c'est pour ça que c'est pas rigolo, les filles : ça a toujours peur de se salir !

L’elfe jeta à Podrick un regard aussi noir qu’était l’intérieur de la cheminée avant de répondre d’une voix enjouée. <o></o>

Pas rigolo ... je n’ai peur de rien moi, je suis une elfe, sa mine se renfrogna, mais c’est tellement horrible cette suie qui sent mauvais, qui colle et qui s’enfile partout. Toi-même tu m’avais dit que les aliments avaient un mauvais goût après, un sourire encore éclatant de blancheur se fit sur le visage de la magicienne. Allez, au travail, c’est que je n’ai pas que cela à faire moi et tu vas voir que je ne suis pas une fainéante. Son sourire se fit aussi espiègle que celui du gamin. Et on verra bien qui la patronne embauchera ….

Arya n'avait qu'une hâte maintenant, que le ramonage soit terminé et qu'elle ait pris un bain pour retrouver la couleur laiteuse de sa peau et la blondeur de ses cheveux jusque dans la moindre parcelle ... mais ce n'était pas encore commencé et malgré son sourire, elle redoutait les minutes à venir.

Le gamin, lui, semblait aux anges. Sans plus perdre un instant, il se pencha au dessus du rebord de la cheminée, plongea sa brosse dans le conduit... Et se mit à l'œuvre. Ce qu'avait craint Arya ne tarda pas à se produire : il y eut des bruits de chute, comme la suie se détachait par paquets entiers des parois, et un nuage sombre ne tarda guère à les environner, noircissant peau, vêtements et neige autrefois immaculée.
Podrick s'en souciait comme d'une guigne et s'activait avec énergie, le bras désormais enfoncé jusqu'à l'épaule dans la cheminée. De longues minutes plus tard, il se redressa et sourit à la magicienne, ses dents offrant une rare note de blancheur - relative - sur son visage crasseux.
-Bon, tu veux essayer pour la suite ? C'est trop bas pour moi, mais toi, t'as un bras plus long ! Mais si tu préfères, j'accroche la brosse à la ficelle et je continue tout seul. faudra faire ça, de toute façon, au bout d'un moment. C'est moins précis mais ça enlève le plus gros... Et après, comme je monterai d'dans, je fignolerai avec la raclette...

En réponse au bonheur total de Podrick vint rapidement s’afficher le visage dépité de l’elfe qui n’était d’ailleurs guère visible dans le nuage de suie qui l’enveloppa. La jeune femme ressemblait désormais plus à une drow qu’à une haut-elfe et elle se maudissait de ne pas avoir cherché un ramoneur qui aurait fait le travail quitte à ce que l'enfant se sente brimé.<o>

</o> Pourtant, courageusement elle prit la brosse et se mit à l’œuvre, s’était un travail relativement physique et dans ce sens demandait en plus quelques précisions, chose qu’elle mit un certain temps à comprendre et lorsque que le bruit sourd de quelques autres morceaux de suie qui dégringolaient du conduit se firent entendre, elle soupira de soulagement. Elle n’avait surtout pas envie que l’enfant se glisse dans la cheminée, bien qu’elle reste consciente que malgré les efforts qu'elle faisait, elle était à mille lieux de nettoyer correctement les parois.<o>

</o> Les volutes noirâtres et suffocantes vinrent lui chatouiller les poumons malgré le mouchoir qu’elle avait humidifié avec de la neige et qu’elle tentait de maintenir sur son nez et sa bouche tout en plongeant jusqu’à l’épaule le bras au bout duquel la brosse se balançait. Lorsque enfin plus aucun bruit ne vint informer que la suie se détachait, elle se releva et toussotant tenta de reprendre complètement son souffle. Pourtant, elle affichait un sourire aux dents éclatantes de blancheur qui étincelait sous le soleil.<o>

</o> Ce n’est pas humain comme travail et pas elfe non plus. La prochaine fois, ce sera ni toi, ni moi qui le ferons …<o></o>

Podrick se campa face à la magicienne, les mains sur les hanches, les sourcils froncés, une lueur de défi dans le regard.
Laquelle ne tarda pas à se transformer, à devenir plus vive. A devenir pure espièglerie.
-Ah, les filles, j'vous jure ! s'exclama-t-il, goguenard. C'est vraiment pas rigolo ! Heureusement que j'en suis pas une, sinon la vie ça serait vachement rasoir... C'est bien tellement mieux d'être un mâle !
Sans rien ajouter, il tira de sa poche une pelote de ficelle épaisse et solide - presque de la corde, à vrai dire - qu'il noua au manche de la brosse. Il enfonça à nouveau celle-ci dans la cheminée et commença à frotter les parois inférieures, provoquant la chute de nouveaux paquets de suie. Enfin, quand il fut satisfait, il se redressa, se frotta les mains. Il exultait, et la magicienne ne put que se demander ce qui provoquait en lui une telle joie...
-Bon, normalement, là, je devrais descendre dans la salle à manger et grimper à partir du bas, histoire de finir... Mais comme c'est la dernière fois que je ramone, puisque tu as trop peur des efforts physiques et de te salir... Je vais faire ce dont j'ai toujours rêvé. Descendre... par le haut Yihaaa ! Rapide comme l'éclair, il s'empara de la raclette et, prenant appui sur le rebord... sauta dans la cheminée.
S'ensuivit le bruit de la suie qui tombe, l'apparition d'un nuage noir monumental. Ainsi qu'un éclat de rire enjoué qui s'acheva en quinte de toux. Visiblement, Podrick était ravi du tour qu'il venait de jouer à Arya. Et, déjà, il descendait le conduit, sifflotant entre deux éternuements.

L’elfe n’eut guère le temps de lui dire qu’elle était aussi fière d’être une fille qu’elle l’était d’être une elfe, surtout que maintenant qu’elle était déjà sale cela ne changerait plus rien et qu’elle était prête à tous les ouvrages que déjà son cœur s’accélérait alors que l’enfant disparaissait dans le conduit de la cheminée. A défaut de pouvoir le rattraper, l’elfe eut la mauvaise idée de se pencher au-dessus du trou béant et d’enlever cette protection qui n’était peut-être pas très efficace, mais qui lui aurait évité d’avaler une tonne de suie alors que la bouche grande ouverte, elle s’apprêtait à rappeler l’enfant au moment même où le nuage épais arrivait à sa hauteur. <o>

</o> Suffoquant, elle dut s’asseoir sur le faîte du toit pour reprendre son souffle, toussant sans pouvoir s’arrêter, crachant une salive noire et épaisse, elle maudissait l’enfant pour le mauvais tour qu’il venait de lui jouer tout en craignant que dans sa fanfaronnade, il ne prenne pas suffisamment de précautions et chute lourdement au milieu des déchets qui devaient joncher l’âtre.<o>

</o> Dès lors, respirant avec peine, toussant tant et plus, elle ne prit pas le temps de se remettre, à défaut de ne pouvoir le rattraper par le haut, elle décida de le rejoindre par le bas. Avec précaution, mais agissant avec rapidité, Arya eut vite rejoint la lucarne et après s’être débarrassée de son manteau, bonnet et bottine pour ne pas déposer des tonnes de suie dans la maison, elle se glissa à l’intérieur et descendit l’escalier ne gardant que le mouchoir déjà bien recouvert de suie qu’elle avait rapidement passé dans la neige pour le mouiller à nouveau en espérant qu’il retrouverait une once d’efficacité et qu'elle attachait grossièrement autour de sa tête.<o>

</o> Dans la pièce, la poussière fine et légère de la suie flottait dans l’air et heureusement, pour la plus grande majorité restait dans la partie protégée, mais ce n’est pas ce qui tenait l’esprit de l’elfe en alerte, lorsqu’elle s’approcha de l’âtre, elle n’avait qu’une seule idée, remonter dans le conduit au moyen d’un sort pour s’assurer au maximum et se placer juste au-dessous de Podrick pour lui éviter toute éventuelle chute.<o>

</o> Arya ---- > patte d’araignée ---- > Arya<o>

</o> Sous les gravas de suie qui tombaient régulièrement, le mouchoir humide protégeant sans grande efficacité ses voies respiratoires, dans les bruits de quintes de toux, de sifflotements, de rires et de grattoir, l’elfe maudissant cette journée commença son ascension en direction de l’enfant en criant d’une voix déjà éraillée et entre deux quintes de toux tout en espérant que son héroïsme serait inutile, mais d'avance ne regrettant en rien son geste quoiqu'il lui en coûte.<o>

</o> Podrick, j’arrive par le bas !

Expédition dont la magicienne se serait bien passée et expérience qui lui faisait encore plus regretter de ne pas avoir sorti plus tôt l'enfant de la misère.

Le gamin, cependant, ne semblait pas sur le point de tomber. Au contraire, il était parfaitement à son aise dans l'étroit conduit, environ à mi-auteur de celui-ci : la pointe de ses bottes enfoncée dans les interstices de la pierre, les genoux calés contre la paroi, il était en train de s'affairer et ne s'interrompit pas lorsque retentit la voix de la magicienne.
-C'est pas très malin de grimper en dessous d'un ramoneur...fit-il, sentencieux. D'autant que là, un gros tas de suie va pas tarder à t'dégringoler dessus... Donc, sauf si tu veux être assommée ou étouffée, vaut mieux que tu ressortes... De toute façon, c'est bientôt terminé : la cheminée est moins sale que j'aurais cru, y en a plus que pour que'ques minutes.
Il soupira, théâtral.
-Ouais, plus que pour que'ques minutes. J'aurais aimé un truc plus dur, pour mon dernier ramonage. Cpas drôle...

Ne pouvant réellement bénéficier de son infra vision faute de pouvoir lever les yeux vers l’enfant, Arya ne put voir la manière dont il s’assurait, pourtant elle quitta le conduit, après quelques hésitations et surtout la réflexion que certes il y avait du danger, mais pas plus que sur le toit où elle n’avait pas craint que Podrick chute simplement parce qu’elle-même était à l’aise, tout comme si au lieu de ramoner la cheminée, ils avaient enfourché des montures, elle serait restée sereine tout en sachant qu’un cheval aussi docile qu’il soit peu parfaitement désarçonner son cavalier. Il ne restait que quelques minutes, l'attente serait longue malgré tout.
C’est bon …<o>

</o> Les pieds dans l’âtre, elle se reprit avant de lui lancer de ne pas dégringoler à la place de la suie, puis recula d’un pas sur les draps qui recouvraient le sol et, pour tromper l’attente de voir réapparaître le gamin, elle attrapa un torchon qu’elle trempa dans le seau d’eau froide qu’elle avait préparé pour tenter de se débarbouiller un peu avant de se mieux laver une fois qu’ils auraient débarrassé l’âtre des déchets de suie qui l’encombraient.<o></o>

L'avalanche promise survint, projetant dans le foyer une masse informe de suie agglomérée et, dans la pièce, un nuage de poussière sombre. Podrick suivit peu après, posant le pied dans l'âtre puis sur les draps maculés qui recouvraient le plancher. Au désespoir d'Arya mais, semble-t-il, à la plus grande satisfaction du petit garçon, celui-ci était méconnaissable, noir des cheveux à la pointe de ses bottes, crasseux comme jamais la magicienne ne l'avait vu l'être. Il lui adressa un sourire ravi, puis jeta un coup d'œil à ce qui encombrait désormais la cheminée.
-Bon, on pourrait se servir du seau pour fiche tout ça dehors ! lança-t-il. Si tu m'ouvres une fenêtre, je veux bien m'en charger. Ce s'ra pas joli joli, sur la neige, mais ça partira à la prochaine averse... Ou au pire on pourra aller y mettre à l'arrière du jardin, en partant...

Le regard horrifié de l’elfe entoura le gamin se demandant par quel bout elle le prendrait pour lui rendre un aspect présentable ce qui dans son esprit était celui d’un enfant impeccablement propre.<o>

</o> Et bien, si plus tu es sale, mieux tu as travaillé, pour sûr que ton travail est impeccable … reste que … un soupire de désespoir sortit des tréfonds de son âme alors qu’elle attrapait le seau et qu’elle le posait devant d’âtre … je vais t’aider à sortir le fruit de ton travail, mais avant je vais mettre un drap sur le rebord de la fenêtre pour qu’il ne devienne pas aussi noir que le petit ramoneur qui me fait face. <o>

</o> La protection fut impeccablement mise et solidement coincée dans les rebords de la fenêtre pendant que Podrick remplissait déjà le seau. Ce ne fut pas moins de trois récipients pleins à raz bord dont il fallut se débarrasser pour que la cheminée soit totalement vidée des détritus alors qu’un tas noir et informe se formait à l’extérieur sous la fenêtre au grand damne de la magicienne. La veille ayant déjà préparé de quoi alimenter le fourneau de la cuisine pour préparer du thé et celui dans la salle d’eau pour chauffer de l’eau en vue des bains, tout comme elle avait déjà rempli le réservoir en s'échinant sur la pompe prévue à cet effet. Elle servit un verre de lait à Podrick avant de disparaître quelques minutes pour faire démarrer les deux feux.<o>

</o> Nous allons sortir par le même chemin que la suie pour aller mettre toute cette noirâtre saleté derrière la maison, ensuite tu te rouleras dans la neige pour coller la suie afin de ne pas en mettre partout …, pendant ce temps, l’eau pour le thé sera chaude et pour le bain … un sourire amusé vint enfin illuminer le visage désespéreéde l’elfe … je prendrais de l’eau froide pour me laver, tu auras ainsi assez d’eau chaude pour prendre au moins deux ou trois bains qui ne seront pas de trop …<o></o>

Podrick la dévisagea, son enthousiasme brutalement douché et remplacé par une franche incrédulité.
-Me rouler dans la neige ? Mais ça servira à rien, Arya... La suie, elle tombera pas : elle va rentrer dans mes habits, au contraire; Pis quand je rentrerai dans la maison, moi, ça va goutter de partout et là, ça sera vraiment tout sale partout où j'irai...
Il secoua la tête.
-Et le contrat, il disait un bain. Un bon bain, mais un seul quand même. Alors je crois que tu peux prendre de l'eau chaude aussi... Même si j'sais bien que t'adores l'eau froide et que tu dis ça juste pour me faire bisquer...

Arya fronça les sourcils, non la neige gelée de goûterait pas, si il ne faisait que s’y rouler et que la saleté rentre dans ses vêtements, ils n’étaient plus que bon à rejoindre le tas de suie, il suffisait qu’il se déshabille sitôt rentré. Elle pris les brindilles qu’elle avait préparé, les déposa dans l’âtre, y mis le feu, ce qui les fit grésiller de plaisir, avant de se retourner vers l’enfant.<o>

</o> Allez pas d’histoire petit homme, un seul bain bien fait te suffira certainement pour que tu retrouves ta jolie frimousse et ton aspect elfique, d'ailleurs je ne t’ai pas dis de rester des heures à te rouler dans la neige et ensuite venir te promener dans la maison. Aussitôt que le feu aura pris, la douceur te permettra de te déshabiller et tu sais ce que deviendront ces vêtements que je ne veux plus jamais voir sur toi. C’est fini te t’abîmer la santé avec de la poussière noirâtre et irritante. Jamais plus tu ne ramoneras une cheminée, cela je peux te l’assurer. Allez dernière corvée, allons mettre à l'abri de notre regard ses déchets qui donnent un air triste et maussade au paysage.

Après avoir mis dans le foyer quelques morceaux de bois tendres et bien secs que les faibles flammes vinrent lécher aussitôt, Ils enjambèrent le rebord de la fenêtre et s'appliquèrent à déblayer au maximum le tas de suie. Travail peu agréable et qui laissa des traces noirâtres sur la neige immaculée. Triste spectacle qui devrait attendre les prochaines chutes de neige pour disparaître.

Une fois terminé, alors qu'il était sur le chemin du retour, l'elfe portant le seau, laissa choir celui-ci et, riant du tour qu'elle allait lui jouer comme il l'avait lui-même fait, se rua sur le gamin qu'elle fit tomber dans la neige dont elle prit une bonne poignée pour lui nettoyer le visage ...

Le gamin, passablement maussade depuis la déclaration de la magicienne - sans qu'elle pût savoir ce qui le déprimait le plus, entre la perspective de ne plus jamais ramoner et celle de devoir toujours être d'une propreté irréprochable - fut totalement pris au dépourvu par l'assaut d'Arya. Il s'étala dans la neige et, avant qu'il ait pu faire le moindre mouvement, elle était sur lui, lui frottant le visage avec une poignée de neige. L'enfant poussa un cri d'horreur et de surprise puis, retrouvant ses esprits, il entreprit de se soustraire à son assaillante. Se tortillant comme une anguille, il finit par y arriver, d'abord rampant puis détalant à quatre pattes, avant de faire enfin volte face... et de commencer à la bombarder de mottes de neige, faute d'avoir le temps d'en faire des boules.
-C'était de la torture ! s'exclama-t-il, sa frimousse rougie - et fort noircie, encore, par endroits. De la torture caractérisée, comme on dit ! Alors j'ai l'droit de t'attaquer, c'est de la. légi... légili... de la défense qu'on a le droit de se défendre avec quand on est attaqué !

Les mottes de neige atterrirent sur la magicienne qui ne s’esquiva pas tout de suite et qui se mit, elle aussi à asperger l’enfant.<o>

</o> De la légitime défense tu dis … <o>

</o> L’atmosphère que les entourait n’était plus qu’un nuage de neige fine et légère qui voletait en scintillant sous le soleil parfois assombri par une motte importante qui venait à toucher sa cible ou choir lamentablement à ses côtés, car l’elfe ne resta pas longtemps immobile, non seulement elle tentait d’esquiver au mieux les assauts de Podrick, mais n’était pas en reste pour l’asperger de neige.<o> </o>Elle n’hésitait pas à détaler ou se protéger derrière un arbre le temps de former une boule de neige bien ronde et rapidement la couverture blanche et immaculée du jardin vint se recouvrir de traces de pas et de longues traînées laissées par les mains qui tentaient de ramasser un maximum de neige dans le plus court laps de temps possible.Lentement, sur Arya comme sur son petit protéger,les traces de suie disparaissant sous une fine couche de neige.<o>
</o>

Podrick, quelque peu essoufflé, ne tarda guère à se rendre compte du phénomène. Profitant d'une courte trêve dans la bataille, il lança un sourire radieux à la magicienne.
-Ben je te présente toutes mes excuses ! Ton truc, ça a marché : on est propres, à présent ! Tout blancs. Et blanc, ça veut dire propre... Donc, même plus besoin de bain... Alors, je file, hein, je te laisse fermer la maison, moi je rentre à la taverne !
Et, crânement, il se détourna, faisant mine de gagner le portail, puis la rue.

L’elfe se mit à rire et s’apprêta à poursuivre l’enfant lorsqu’une idée lui vint et elle changea de direction pour se diriger du côté de la fenêtre en lançant d’une voix joyeuse tout en balayant la neige qui la recouvrait.<o>

</o> Si tu ne veux pas prendre de bain, c'est la seule solution qu'il te reste. Remarque moi je trouve que c'est une excellente initiative, cela m’évite de te dire que j’avais décidé de chercher sans toi le passage secret et le trésor qui ne peut que s’y trouver. Comme je ne rentrerai certainement pas avant le début de la soirée, j’espère que tu ne t’ennuieras pas trop en m’attendant, remarque si le temps te parait long, tu pourras toujours faire des exercices de grammaire.

Podrick éclata d'un rire joyeux.
-C'est pas parce que j'suis petit que j'suis bête ! fit-il, souriant, en se tournant vers la magicienne. Tu veux pas du tout aller chercher le passage secret. Tu veux passer des heures à te laver, et si je reste, j'y aurai droit aussi ! Pis en plus, chercher le passage secret, ça voudrait dire se salir. Et on va pas se salir après s'être lavés, sinon, ça sera re-bain... Tu essaies juste de me piéger !

L’elfe s’arrêta et posa un regard amusé sur l’enfant.<o></o>

Rassure-toi, je sais que tu n’es pas bête, alors pourquoi me serais-je fatiguée l'esprit pour tenter de te piéger. Vu que c’est toi qui a voulu partir, pas moi qui t’ai chassé, tu ne peux ainsi pas me reprocher de ne pas vouloir que tu m'accompagnes du fait que je trouve que tu es beaucoup trop jeune.

Je vais bien aller chercher le passage secret une fois que je me serai lavée, car je ne tiens pas à souiller toute la maison et pour le trouver, je n’aurai pas à me salir, la maison tout entière est impeccable foi de marin, même la cave et c’est connu que les passages secrets sont faits de murs de pierres et de sols de terre, alors comme je me déplace debout, je ne crains rien, ni les vêtements bien propres que je porterai. Elle enjamba la fenêtre et se retourna un radieux sourire sur les lèvres. A ce soir Podrick … et bonne grammaire, je te laisse, il faut que j'alimente les feux pour qu'une douce chaleur règne dans la maison et aussi pour avoir beaucoup d'eau chaude si jamais tu avais raison et que je doive prendre un deuxième bain ce soir.

La Couronne de Cuivre

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