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Quête : Brumes

Posté : sam. 25 avr. 2009, 11:53
par Galathée
Le clerc s’esquiva à son tour, espérant que le raffut des joyeux convives ne l’empêcherait pas de dormir. La bière qu’il avait consommée était plus traître qu’elle n’en avait le goût, et après avoir salué les survivants de la salle, il gravit l’escalier avec un léger vertige. C’était bon signe : couplé à son épuisement, l’alcool l’enverrait rapidement dans les limbes de l’oubli. Il se déshabilla rapidement, se glissa dans la fraîcheur du lit et se laissa dériver. En quelques secondes, il avait sombré.

Le soleil était radieux, nimbant les jardins du Temple de rayons obliques, au travers du feuillage dense du cerisier en fleurs. Les pétales avaient déjà commencé à se détacher et couvraient l’allée d’un tapis rose. Ephémère spectacle, merveilleux pourtant, que chaque clerc ne manquait pas de venir contempler, au moins une fois, pendant les trois jours qu’il durait. Albérich était appuyé au tronc, dans une aube blanche, et il avait quinze ans. Ou peut-être cent. Peu importe. Euryale était assise à quelques pas, sur un banc de marbre clair, légèrement voûtée. Ses cheveux bruns formaient un rideau qui lui masquait le visage, elle semblait réfléchir. Ou peut-être pleurer. Soudain, une main se glissa dans celle du clerc et le tira en arrière. Elsa sourit, mutine, comme toujours.
J’ai quelque chose à te montrer.
Mais le couloir semblait n’avoir pas de fin. Il était de plus en plus bas. Albérich finit par s’arrêter. Où diable était Elsa ? Ou avait-ce été Hector ? Et quel était ce bâtiment, juste devant ?
Les entrepôts Megrall. A droite, les épées et les rapières, avant les dagues. Hallebardes sur le mur latéral, les masses et les morgensterns dans le fond, les flèches, les arcs, en demi-cercle et ces innombrables caisses. Encore un rat. Ce même rat.
Je te connais. Tu m’as mordu autrefois. Tu as fait entrer Lathandre dans ma vie.
Ce fracas soudain, il faut courir. Il fait nuit. Nuit noire, nuit sombre, ténèbres, obscurité, brume, impossible de voir quoi que ce soit, alors il s’arrête à nouveau. Le vent siffle à ses oreilles. A moins que ce ne soit que le bruit de sa respiration. Le tambourinement de son cœur.
Approche, je veux te voir trembler.
Volte-face. La terre est sombre et fertile, la Sereine a débordé de son lit, les rues de la ville sont envahies de flots tranquilles, petits têtards qui fuient entre ses pieds nus, alevins en grandes bandes qui virent de concert. Partout des hymnes. Un gong de cuivre qui résonne. Une voix claire. Le clapotement de la rivière, omniprésent.
Jusqu’à la noyade.
Jusqu’au trépas.
Tourbillon sur le ciel gris… Ebauche de cyclone.
Soupir enfin. Euryale marche devant, désormais. Il devine sa silhouette sur la plage, si loin. Même s’il court, il ne la rattrapera jamais. Alors il s’assied plutôt sur le sable. A quoi bon s’épuiser en vain. La vague lui dépose un coquillage, rond et rose, peut-être en pierre, alors il le prend et il le lance. Combien de ricochets ? Peut-être mille. Jusqu’à l’horizon. Au-delà.
Crevure, rayon de soleil, le jour se lève.
S’est levé.


Il se redressa dans son lit, un peu nauséeux, frotta ses yeux bouffis. Il était temps de se remettre en route. Il repoussa les couvertures, s’étira lentement. Courbaturé jusqu’au bout des ongles. Ce n’était que la misérable première étape, pourtant. Après s’être habillé, il se glissa jusqu’à la salle commune, déterminé à avaler quelque chose avant de regagner le monde extérieur.

Quête : Brumes

Posté : sam. 25 avr. 2009, 13:12
par Taliesin
Lorsqu'il gagna la salle commune, celle-ci était déserte. Des vestiges de passage récent étaient visibles : quelques couverts abandonnés sur les tables, une choppe sur le comptoir... Mais de clients ou du tavernier, nulle trace.
Cependant,, lorsqu'Albérich atteignit la dernière marche, sa cheville poussa sur une ficelle tirée en travers du passage. Si fine qu'elle se rompit tout de suite, n'aurait certainement pas pu le faire tomber...
Une clochette tinta, cristalline, dans un coin de la bâtisse. Il y eut un grognement, des bruits de pas, et le propriétaire apparut. Débraillé, les yeux bouffis de sommeil, pas rasé... Pas frais, en deux mots. Il salua le clerc d'un geste de la main, lui adressa un sourire trouble, puis se laissa choir sur un tabouret, près du comptoir.

-Petit déjeuner, j'imagine ? souffla-t-il.

Quête : Brumes

Posté : sam. 25 avr. 2009, 13:19
par Galathée
Cette fois, Albérich ne put masquer sa franche surprise et dévisagea le tenancier débraillé comme s’il débarquait d’un plan voisin, cornes et odeurs de soufre en sus.
« Heu… Oui… » balbutia-t-il avant de se glisser à une table.
Il faillit ajouter qu’il ne fallait pas se déranger pour lui, mais c’était faux : il voulait déjeuner.

« Ça fait longtemps que vous… êtes dans le métier ? » se surprit-il alors à demander.

Quête : Brumes

Posté : sam. 25 avr. 2009, 14:03
par Taliesin
Le jeune homme lui sourit de toutes ses dents.
-Quatre mois, une veille, trois jours et dix-neuf heures, je crois. J'en suis même sûr. Comment oublier l'aurore où ma vie prit un tour nouveau, tout ça parce que j'ai eu un carré d'as au moment crucial ? Et sans tricher, c'est ça le pire...

Il se frotta le front, grimaçant, comme si son crâne le tourmentait affreusement.
-Bon, mais je suis trop dans les vapes pour parler ET vous servir votre petit déjeuner. Je vais d'abord m'occuper du déjeuner, puis je vous parlerai ensuite. Si vous voulez....D'un pas trainant, il gagna la cuisine. D'où provinrent bientôt, outre des grognements, des chapelets d'injures murmurées, des tintements et chocs divers...
Le tenancier revint cinq bonnes minutes plus tard. Tenant gauchement un plateau chargé d'un pichet de l'ait, d'une miche de pain (frais, étrangement), d'œufs (frais, également), de beurre, de confiture, d'un gruau à l'apparence originale mais au fumet assez tentant...

-Voilà, je crois que j'ai tout mis... Bon appétit ! murmura le jeune homme. Puis il se laissa choir sur une chaise, en face du clerc.

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Posté : sam. 25 avr. 2009, 17:43
par Galathée
Albérich n’avait pas à proprement parler prévu de récolter les confidences de son hôte, mais il avait posé la question et l’autre semblait désireux de partager son étrange histoire, il était un peu tard pour se lever et déguerpir. Il espérait juste ne pas en avoir pour la moitié de la matinée. Mais à bien y réfléchir, c’était là chose logique : écouter autrui avait toujours fait partie de son métier, et c’était une des activités qui lui avait le plus manqué lorsqu’il avait accédé à des fonctions trop élevées pour pouvoir encore consacrer du temps aux requérants qui cherchaient juste une oreille. Il s’attela donc à son petit déjeuner tout en invitant l’apprenti tavernier à en dire plus. Peut-être son récit détournerait-il son attention de son estomac protestataire qui semblait peu désireux de s’encombrer de quoi que ce soit.

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Posté : sam. 25 avr. 2009, 18:14
par Taliesin
Mais les raisons pour lesquelles le tenancier s'était assis en face de lui n'étaient peut-être pas aussi évidentes qu'il y paraissait. En effet, il ne commença pas immédiatement à narrer ses aventures. IL demeura, le regard dans le vague, le menton appuyé dans les mains, complètement immobile, totalement silencieux. Sans doute s'était-il posé là comme il se serait posé à côté de son comptoir. Pour chasser quelque vertige provoqué par le manque de sommeil et les excès de la veille.
Finalement, il releva les yeux sur Albérich. Les écarquilla, comme s'il se rappelait tout à coup sa présence.

-Vous voudriez pas faire une partie de cartes, des fois ?
fit-il, de but en blanc. Une partie de cartes... avec des mises ? Juste une ! Ça pourrait être marrant, non ? Vous pourriez gagner gros...

Quête : Brumes

Posté : sam. 25 avr. 2009, 19:16
par Galathée
« Jouer aux cartes ? » lâcha Albérich en reposant sa cuillère pleine de gruau. « J’ai peur de… heu… Je ne suis pas vraiment versé dans ce genre d’activités, je n’y connais rien… et je n’ai vraiment rien à miser. Rien du tout. Je ne peux pas me passer de mon manteau. Et je ne voudrais pas partir trop tard… J’ai beaucoup de route à faire… »
En retrait, éternellement. Un pas en arrière, un autre encore.
« Mais je ne veux pas me montrer désobligeant… Si vous m'apprenez... Je peux jouer pour l'honneur. »

Quête : Brumes

Posté : sam. 25 avr. 2009, 20:18
par Taliesin
Le jeune homme secoua la tête.
-On est obligé de jouer pour quelque chose de concret. Sinon, c'est contraire aux règles. Mais vous inquiétez pas, je n'ai aucune envie de vous plumer. Bien au contraire... Vous pourriez parier... Une pièce d'or. Et moi, je mettrai en jeu... Mon auberge.
Il lui adressa un large sourire, lequel se transforma bientôt en grimace douloureuse, et le tenancier pressa, un instant, les mains sur son front.
-Bosser avec une gueule de bois, c'est l'enfer... soupira-t-il. Mais bref : que dites-vous de ma proposition ? Une pièce d'or contre un hérisson paillard...

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Posté : dim. 26 avr. 2009, 08:22
par Galathée
« Oh non, il n’en est pas question. » s’exclama spontanément le clerc. « Je n’ai aucune chance de gagner, mais je ne prends pas le risque ! Il serait dommage que vous gâchiez tous ces mois d’apprentissage en vous retrouvant sans commerce, vous ne pensez pas ? »
Le jeune homme n’avait manifestement pas complètement dessaoulé depuis la veille, même si c’était probablement l’expression d’un malaise qui profitait de son état second pour se faufiler à la surface. Gagner une auberge aux cartes était sans nul doute un héritage des plus surprenants, même si le tenancier était vraisemblablement un local. Mais peut-être avait-il dû remiser là des ambitions plus aventureuses...
« Laissons le jeu. Racontez-moi plutôt comment vous en êtes venu à posséder le Hérisson Paillard. »

Quête : Brumes

Posté : dim. 26 avr. 2009, 11:35
par Taliesin
Le jeune homme haussa les épaules.
-Bah, vous savez déjà tout. Je l'ai gagné ici même, après une interminable partie de cartes. Tout le monde avait fini par se coucher, sauf moi, parce que j'avais eu du bol tout du long et que je me disais que ça allait pas s'arrêter... Le patron d'alors, c'était le seul à rester, en face, et il misait sans cesse davantage. A la fin, il a misé... son auberge. J'ai bien ri, parce que j'avais dû miser mes bottes et mon épée, avec une poignée de pièces d'or... C'était un poil déséquilibré. Mais le patron était sérieux, lui, et il s'en foutait du déséquilibre. Et... il a perdu. Parce que j'ai eu ce fichu carré d'as dont je me demande toujours d'où il pouvait bien venir... Enfin bref, le patron m'a donné les clefs, radieux, et il s'est tiré.

Il secoua la tête.
-Faudrait que je sois moins frontal, la prochaine fois. Que je fasse comme lui, mine de rien... Miser l'auberge en fin de partie... Oui, ça peut marcher, si je joue finement, non ? Que j'amène pas l'affaire d'emblée...

Quête : Brumes

Posté : dim. 26 avr. 2009, 19:22
par Galathée
« Effectivement, je pense que vous devriez revoir votre approche… Mais est-il si difficile de trouver repreneur ? En général, les auberges ne passent pas exactement de main en main de la manière dont celle-ci vous a échu… Et vous êtes plutôt bien situé. Si vous n’aspirez qu’à reprendre la route, je suis surpris que vous n’ayez pas encore réussi à vous en défaire... Vous devriez pouvoir en tirer bien plus que le plaisir d’une partie de cartes… A moins qu’elle n’ait un vice caché qui saute aux yeux des experts. »
La conversation l’avait arraché à son activité présente et il jeta un coup d’œil satisfait à son assiette : il l’avait presque terminée. C’était une victoire en soi.

Quête : Brumes

Posté : dim. 26 avr. 2009, 20:03
par Taliesin
-Je sais pas vraiment à quoi j'aspire... répondit l'aubergiste. Au début, j'ai vu ça comme une veine immense, moi qui savait pas trop quoi faire, dans la vie. Et je le pense encore, quand ce n'est pas le petit matin et que mon crâne ne menace pas d'exploser à cause d'un abus de boisson...
Il grimaça. Soupira.
-Mais je doute de plus en plus, au regard des difficultés. On ne s'improvise pas aubergiste, vous savez... Au début j'imaginais que c'était la belle vie, que je pourrai boire jusqu'à plus soif, en ayant juste à servir des pintes aux autres et à leur filer les clefs des piaules. En fait, c'est beaucoup plus compliqué, il faut gérer les stocks, les approvisionnements, l'entretien...
Le jeune homme grimaça. Sans qu'Albérich puisse dire si c'était à cause de la gueule de bois ou d'une pensée désagréable. La réponse vint rapidement, néanmoins...

-Et puis, il y a cette histoire de mise. Pourquoi l'ancien patron a-t-il voulu se débarrasser de son auberge ? Sans la vendre, en la jouant aux cartes ? Pourquoi a-t-il détalé juste après ? Bon, peut-être qu'il voulait juste voir du pays. Mais moi, mine de rien, ça m'inquiète...

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Posté : dim. 26 avr. 2009, 20:28
par Galathée
Un fantôme caché sous les combles, songea le clerc.
« Vous ne vous en tirez pas si mal, compte tenu des circonstances. » fit-il doucement, en repoussant son assiette. « Et si vous ne le sentez pas, vous ne devriez pas vous poser trop de questions. Vous n’avez rien perdu, dans cette affaire, seulement gagné un toit. Rien ne vous empêche de l’abandonner derrière vous. Vous trouverez bien acquéreur pour ce qui s’y trouve, même si vous deviez laisser la maison vide. »
Albérich se leva.
« Je vais vous régler et reprendre ma route. » ajouta-t-il avec un léger sourire, un peu désolé d’abréger le discours du tavernier, mais nullement désireux de s’attarder davantage dans un endroit qui était encore si proche de la cité. « Savez-vous où se trouve le relais le plus proche des coches qui montent à Rohan ? »

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Posté : dim. 26 avr. 2009, 20:37
par Taliesin
Le tavernier fronça les sourcils. Visiblement, il avait du mal à se concentrer.
-Heu... Hum... Je crois que c'est à Mo... Non, à Quatre-Chemins... Oui, c'est ça. Quatre-Chemins. Suivez la route, toujours, vous y serez ce soir ou demain en milieu de matinée, selon votre rythme de marche...
Il se frotta le front du revers de la main.
-Et vous ne me devez rien du tout. On dira que vous avez payé en écoutant les élucubrations d'un aubergiste encore ivre de ses excès de la veille... Bonne route, messire. Toujours tout droit, jusqu'à Quatre-Chemins... le relai... Je crois qu'il est sur la place centrale... Une petite trotte et vous y serez. Quant à moi... Je retourne me coucher.

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Posté : dim. 26 avr. 2009, 21:04
par Galathée
Albérich ne protesta pas et remercia son hôte pour son accueil, alors que celui-ci titubait déjà derrière l’arrière-salle. Refuser son offre lui aurait sans nul doute causé une migraine encore plus épouvantable que celle qui lui agitait, à n’en pas douter, la cervelle. Mais le jeune homme n’était pas en état de prendre des décisions très porteuses pour son établissement, le clerc abandonna donc quelques pièces sur la table, avant de passer son manteau et de reprendre son sac.
Au dehors, le ciel était blanc, le soleil, aveuglant, presque invisible pourtant, comme s’il s’était diffusé sur toute la surface visible de la voûte. Un vent piquant soufflait du sud, soulevant la neige cristallisée par les grands froids de la nuit, comme un essaim de minuscules moustiques voraces. Albérich releva le capuchon de sa pèlerine et repartit. Il était encore très tôt, la route était presque déserte, à l’exception d’un chariot à bœufs qui cheminait devant lui et l’aurait bientôt distancé. Pour la première fois depuis des veilles, il avait l’estomac vraiment plein, une réserve d’énergie pour la journée à venir. Il fallait espérer qu’il croiserait un endroit où se ravitailler avant Quatre-Chemins, car si ses souvenirs étaient exacts, le tavernier était optimiste. Il n’espérait pas gagner le bourg avant le lendemain début d’après-midi. Mais il était trop tôt pour penser à l’étape suivante. La journée débutait, il avait encore de l’énergie, des courbatures aussi, qui reviendraient le tourmenter bien assez tôt, et il traversa la fin du petit village en observant les maisons et les rares habitants, curieux et tranquille, comme un voyageur de plaisance qui cherche à se distraire. Des images éparses de la nuit lui revenaient, pourtant. Il avait rêvé. Il rêvait souvent. Des cauchemars, en réalité. Ce dernier songe avait été moins violent mais peut-être plus chargé. Des visages aimés. Des endroits connus. Sans doute la proximité de Luménis… Il avait l’impression que s’il se retournait, il en verrait encore les remparts. C’était ridicule, mais le risque était trop grand.

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Posté : lun. 27 avr. 2009, 08:40
par Taliesin
Tout était blanc, autour de lui. Le ciel, le soleil, la terre sous son épais manteau. Tout était blanc... Et figé. Le chariot avait disparu. Rien ne bougeait, dans ce paysage immaculé, presque irréel. Son souffle s'élevait, nuage duveteux, presque solide dans l'air glacé. Il aurait pu être le seul être vivant à des lieues à la ronde.
Et il en fut ainsi une bonne partie de la matinée. Longtemps, il ne croisa nulle ferme, nul hameau. La route s'étendait, droite, creusée d'ornières a demi comblées, de boue grisâtre gelée par la nuit que les rayons de l'astre diurne ne parvenait pas encore à réchauffer.
Blanc, figé, froid. Voilà ce à quoi semblait se résumer l'univers.
En tout début d'après-midi, il arriva enfin à un petit bourg. Quelques maisons alignées au bord du chemin, recroquevillées sur elle même. Une auberge minuscule, à l'enseigne du "Cheval blanc".
Blanc, encore. Sans doute, cependant, pouvait-il y trouver un peu de chaleur et de nourriture. Avant de repartir.

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Posté : lun. 27 avr. 2009, 10:05
par Galathée
L’auberge était minuscule et encombrée, comme si tout le village s’y était donné rendez-vous. C’était le cas : on venait de porter en terre un des vieux du bourg, que l’hiver avait logiquement fauché. Personne ne semblait réellement triste, mais les gens échangeaient des souvenirs nostalgiques avec le sourire, en partageant un verre à la mémoire du défunt. Le cycle tranquille de la vie. Il y avait aussi des voyageurs, peu nombreux aussi tôt dans la journée, mais Albérich ne détonna pas réellement. Il commanda un rapide repas et s’enquit des possibilités de logement plus loin sur la route. Peu mercantile, l’aubergiste, un petit vieux sec comme une brindille, l’informa que le village suivant se trouvait à trois heures de route, deux si on était jeune et vigoureux. Le clerc sourit sans répondre, ne désirant pas s’étendre sur les courbatures multiples qui le ralentissaient.
Une fois son casse-croûte avalé, il se glissa au dehors et reprit sa route, abandonnant le Cheval Blanc pour affronter le froid. Le vent était tombé mais il faisait toujours glacial et il hâta le pas. Il repensa au bateau que lui avait proposé Longuehune, au cheval qu’il aurait pu emprunter, et cela lui arracha un sourire. Aventurier était vraiment la dernière carrière qui lui convenait. Il n’était même pas armé, la belle affaire ! C’était une chance que les routes aussi proches de la capitale soient aussi bien fréquentées. La plupart du temps.

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Posté : lun. 27 avr. 2009, 10:28
par Taliesin
Un bruit léger, derrière lui. Un grondement qui alla rapidement en s'amplifiant.
Un chariot qui remontait la route à toute allure, projetant autour de lui des gerbes de neige et de glace. Le clerc dut bondir de côté pour éviter d'être atteint par le nuage blanc... voir d'être renversé, tout bonnement.
Le véhicule poursuivit un instant son train d'enfer. Puis le cocher tira sur les rênes, brutalement, faisant hennir les deux chevaux attelés.

-Holà, piéton ! lança-t-il en se retournant sur son siège lorsque le chariot fut immobilisé. Est-ce par plaisir ou par nécessité que vous crapahutez ainsi dans le froid ? Je demande ça parce que si c'est par nécessité, on pourrait peut-être s'arranger...
Il devait s'agir d'un marchand. Il transportait en tout cas plusieurs caisses imposantes, recouvertes, dissimulées presque par des ballots plus légers.


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Posté : lun. 27 avr. 2009, 10:36
par Galathée
Albérich hésita une seconde.
« Plutôt par nécessité. » finit-il par dire.
Il rattrapa le chariot immobilisé, jetant un œil sur son contenu et sur son conducteur. Il n’y avait qu’une route, l’autre allait immanquablement dans la « bonne » direction. Et Albérich était persuadé d’avoir une cloque ouverte au talon gauche. Spectaculaire second jour sur les routes. Il devrait y remédier dès que possible.

« A quel genre d’arrangement songez-vous ? » ajouta-t-il en arrivant à hauteur du cocher.

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Posté : lun. 27 avr. 2009, 10:47
par Taliesin
L'homme lui sourit. Entre deux âges, le visage buriné, il avait l'air coutumier des voyages au grand air.
-Ben... Moi je vous avance sur le chemin, et vous, vous regardez le paysage, histoire de voir si personne se cache derrière un arbre ou un talus, en nous épiant d'un air louche. Mon collègue a la fièvre. On a essayé de reprendre la route ce matin, mais il était tellement mal en point que je l'ai laissé au "Hérisson paillard". J'ai demandé au patron, que je connais un poil, si l'un de ses potes pouvait pas m'accompagner : la livraison que je dois faire est urgente, je pouvais pas attendre que Léo se retape.

Il secoua la tête.
-Il m'a dit que ses amis se lèveraient pas avant l'aube. Donc, j'ai dû continuer... Il m'a parlé de vous, ceci dit. L'a l'air de bien vous aimer. Bref, comme mon contrat stipule qu'on doit être deux à surveiller la marchandise... Enfin voilà, vous comprenez, j'imagine.

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Posté : lun. 27 avr. 2009, 11:08
par Galathée
" Je comprends bien." répondit Albérich avec un léger sourire. " J'ai cependant une petite question... pratique. Quelle est votre destination ? Je ne voudrais pas m'engager à la légère et devoir vous abandonner à la première bifurcation... Vous devez savoir, d'autre part, que je ne suis pas combattant et que si l'infâme brigand que vous redoutez devait nous tomber sur le paletot, je ne serai pas capable de faire grand chose, sinon vous raccommoder après l'escarmouche."
Il jeta un coup d'oeil circulaire autour d'eux, sur la campagne glacée.
" Mais je ne me vexerai pas si vous me remplacez avec quelqu'un de plus approprié dès que vous le rencontrez. Pour autant que nous ne soyons pas sur une route déserte en pleine nuit."
En vérité, Albérich aurait aussi aimé s'enquérir du contenu de la cargaison transportée, mais il ne voyait pas comment aborder la chose sans sembler indiscret ou suspicieux. Ce qu'il était par nature. Il ne lui restait qu'à espérer que le cocher s'en ouvre en route.

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Posté : lun. 27 avr. 2009, 11:36
par Taliesin
Le sourire du marchand s'élargit.
-Je vais jusqu'à Rohan. Il y a pas mal de villages, d'ici là, donc, on pourra sans problème se séparer ailleurs qu'au beau milieu de la campagne. Et pour ce qui est du combat, rassurez-vous : je crois pas qu'il y en aura. c'est juste pour respecter le contrat qui stipule "deux accompagnateurs minimum". Ah, et puis... C'est moi, le combattant, normalement. J'ai pris les rênes simplement parce que Léo était hors-jeu. Lui, c'est le cocher, en théorie.

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Posté : lun. 27 avr. 2009, 12:08
par Galathée
C’était l’affaire de quelques jours. Sans doute trois, si la route devenait un peu plus difficile. Trois jours en compagnie d’un étranger. Il serait forcé de faire bonne figure, de donner le change. Il était fatigué rien qu’à l’idée. En même temps, il ne voyait pas comment refuser la proposition sensée de son interlocuteur. Et s’il était bavard, peut-être cela lui changerait-il les idées. Il lui sourit donc, masquant son épuisement.
« Très bien, marché conclu. Mais je n’ai jamais conduit de chariot, donc vous allez devoir m’apprendre le B.A. BA du métier, j’en ai bien peur. »

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Posté : lun. 27 avr. 2009, 12:21
par Taliesin
L'autre secoua la tête.
-Pas besoin. Je m'occupe de tout. Je vous dit : pas grand risque d'une attaque ! Le contrat... Ben, c'est juste que celui avec qui je l'ai signé est du genre pointilleux et paranoïaque. Il y a pas beaucoup d'attaques de brigands, dans la région ! Au pire, je vous montrerai un peu comment on guide un attelage demain matin. Mais pour l'heure, on est à la bourre... Alors montez. Et haut les cœurs !

Il retira son sac du banc, l'envoya à l'arrière, puis rassembla les rênes dans ses mains. Sitôt qu'Albérich l'eut rejoint, il les fit claquer... Et les chevaux se remirent en route. Pas, trop, puis galop.
Train d'enfer, à nouveau. Nul doute qu'ils atteindraient Quatre-Chemins avant la nuit...

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Posté : lun. 27 avr. 2009, 12:38
par Galathée
Le rythme du chariot, le fracas de ses roues dans les ornières glacées de la route, les bonds qu’il effectuait en percutant une pierre égarée, rien n’était propice à la conversation, et Albérich se mura dans sa scrutation silencieuse, se cramponnant de son mieux à l’accoudoir de son siège. L’exercice exigeait toute sa concentration et bientôt, il ressentit des douleurs sourdes dans ses bras, à force de crispation. Mais au fur et à mesure que l’après-midi avançait, que le soleil déclinait lentement, il parvint à se détendre, à anticiper les mouvements et les cahots du véhicule, la manière dont il aborderait une courbe, dont il rebondirait dans un trou ou sur une petite butte. Ils croisèrent quelques marcheurs qui s’écartèrent, certains en jurant avec créativité. Ils effrayèrent des troupes de corneilles et d’étourneaux, une harde de chevreuils malingres, un couple de faisans. A proximité d’une ferme, deux chiens hirsutes les prirent en charge, rapidement distancés, pourtant. Albérich se demanda comment les chevaux parvenaient à maintenir une telle vitesse sans s’écrouler. Le cocher avait l’air de ne pas s’en soucier. Sans doute connaissait-il ses bêtes. Une fois de plus, il se demanda ce que diable ils pouvaient bien transporter.
Et Quatre-Chemins surgit, alors qu’il faisait encore jour. C’était un bourg de taille modeste, à la jonction entre deux routes commerciales : celle qui reliait Rohan à Luménis et une voie moins empruntée, qui partait des abords de la Forêt Maudite pour rejoindre la côte, entre les deux affluents de la Lézarde, la rivière qui formait le delta marécageux au nord de la capitale. Ils ne ralentirent qu’entre les premières maisons, et Albérich poussa un soupir de soulagement, remerciant son fessier d’avoir tenu jusque là.

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Posté : lun. 27 avr. 2009, 13:36
par Taliesin
Le marchand - ou le transporteur - dirigea son attelage dans la cour d'une petite auberge, tout près du croisement, puis sauta à terre, visiblement pas mécontent de pouvoir se dégourdir les jambes.
-Allez, vous deux, vous avez bien mérité une nuit de repos et une double ration de fourrage ! fit-il en flattant l'encolure humide des chevaux, lesquels semblaient épuisés mais pas agonisant, loin s'en fallait, preuve de leur habitude des courses effrénées. Je vous ai bien poussés, mais c'était pour la bonne cause ! Et vous direz à Léo que je me suis rattrapé, hein ?
Il releva les yeux sur Albérich.
-N'hésitez pas à rentrer dans l'auberge... Je dois attendre qu'on mette la marchandise en lieu sûr. Réservez-nous deux chambre et un bon repas... Je tarderai pas trop à vous rejoindre.

Quête : Brumes

Posté : lun. 27 avr. 2009, 15:04
par Galathée
Le clerc ne se le fit pas répéter deux fois et pénétra dans l’auberge. C’était un établissement assez vaste, déjà bien rempli, et Albérich dut se faufiler dans une foule d’habitués et de voyageurs pour gagner le comptoir. Des effluves parfumées flottaient dans l’air et il surprit son estomac à gargouiller, un signe étrange qu’il n’avait plus ressenti depuis longtemps. Cependant, il avait mal partout et il lui semblait plus qu’urgent de reprendre sa carcasse en main. Sinon, il ne décollerait pas de son lit le lendemain et l’escapade prendrait fin de manière bien ridicule…
La tenancière était une femme entre deux âges, robuste et souriante, qui lui fit songer un instant à la malheureuse Belle-Vaguoise qui avait dû accueillir un trio de Lathandrites maudits, quelques jours plus tôt. Mais Albérich chassa rapidement ces pensées, se composa un sourire affable et lui demanda, comme prévu, si elle disposait encore de quoi les accueillir, lui et son acolyte improvisé, le dénommé Herbert.

Quête : Brumes

Posté : lun. 27 avr. 2009, 16:25
par Taliesin
Lorsqu'il prononça le nom, un sourire amusé se dessina sur les traits de la tenancière.
-Vous êtes avec le vieux Franchecourse ? Ben dites donc, je ne savais pas qu'il s'était trouvé un nouveau coéquipier. Aurait-il tué le pauvre Léo à la tâche ? M'étonnerait pas : toujours à courir, par monts et par vaux, pour ses employeurs, quelle que soit la saison... Une telle chose devait finir par arriver.

Elle lorgna le tableau des clefs. Quasiment vide.
-Hum, vous faites chambre commune, comme lui et Léo ? J'espère pour vous, car... je n'en ai plus qu'une. En dehors de la "suite" qu'on garde pour la noblaille en vadourille, mais qui, la plupart du temps, prend la poussière...

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Posté : mar. 28 avr. 2009, 11:25
par Galathée
Associé d’un célèbre convoyeur, voilà une identité qu’Albérich ne s’était pas attendu à endosser aussi rapidement. Mais cela lui convenait pour l’heure : plus il était proche de Luménis, plus il risquait de tomber malencontreusement sur quelqu’un susceptible de le reconnaître. Il s’était déjà résolu à abandonner le nom de son père pour utiliser celui de sa mère, moins connu, moins dangereux. Il avait encore l’impression d’être une sorte d’imposteur, mais sans doute finirait-il, comme le serpent, par adopter sa nouvelle peau et oublier l’ancienne.
« La même chambre, c’est très bien. » fit-il affablement, tout en priant pour que Franchecourse ne ronfle pas comme une vieille truie.
Il jeta un œil sur la porte, mais son compagnon était toujours invisible.

« Pouvez-vous me renseigner sur les magasins de Quatre-Chemins ? Si je cherchais à me procurer de la pharmacopée de base, pourrais-je en trouver ? »

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Posté : mar. 28 avr. 2009, 11:43
par Taliesin
La tenancière lui apprit qu'il n'y avait pas d'herboriste profane, au village, et que la meilleure solution serait sans doute de visiter l'un des deux temples locaux. Celui de Chauntéa, à l'est, ou celui de Lathandre, près du croisement.
Sur ses entrefaites, Herbert fit son apparition. Les deux hommes gagnèrent une des rares tables libres, et l'aubergiste ne tarda guère à leur apporter leur repas - pommes de terre, navets et rôti de porc.

-Alors, toujours à cavaler pour monsieur M ?fit-elle au convoyeur.
-Hé oui ! Même s'il est toujours aussi pressé... Et aussi pingre, ajouta-t-il dans un murmure, après avoir jeté un regard circulaire pour s'assurer que personne ne les entendait.
Elle éclata de rire.

-Mouais... Mais tu y trouves ton compte, bourrique, sinon, tu ne serais pas aussi diligent...
-Pas faux, pas faux... répliqué Herbert en s'emparant de sa fourchette.