La Couronne de Cuivre

Dans la roulotte, rien de très palpitant. Des culottes bouffantes séchant sur une corde à linge, un lit miteux et puant le moisi, des vestiges de nourriture sur une grande table encombrée de bouteilles d'alcool. Un peu plus loin, une grande marmite. Pas grand chose d'autre si ce n'est les cancrelats et la petite souris nichant dans le matelas.

De derrière la porte, Draion et Eglantine entendirent l'homme répondre.

"Je pensais à un homme tronc. Ou peut-être qu'un tronc. Vous rentreriez aisément dedans. La petite pourrait discuter avec vous. Le public aimerait ça."

"Un homme-tronc ? Hé mais attendez, ça marchera pas ! La petite, elle sait pas parler..."

Eglantine était descendue du lit et commençait à sillonner de long en large l'espace réduit mais surchargé de la roulotte comme si elle cherchait quelque chose. Elle semblait avoir retrouvé un calme relatif teinté, si ce n'est d'amusement, d'un certain plaisir à la situation et au lieu dans lequel ils se trouvaient.

Il y eut un petit mouvement de flottement, signe que l'homme n'avait pas vraiment pensé à ce petit imprévu. Draion l'entendit parlementer brièvement avec quelqu'un au dehors. Une femme à première vue. Puis il revint vers la porte.

"Hé bien m'man ... heu ... on m'a dit que vous pourrez faire les questions et les réponses pendant que la petite heu .. ben .."

La voix se tut, le temps de trouver l'inspiration.

"Ben, pendant que la petite avalera des sabres. En général, ça plaît bien aux spectateurs. Bon, du coup, elle servira pas beaucoup"

"Avaler des sabres ? Mais vous êtes fou ! Elle sait pas faire ça... Elle va se couper ! Y aura du sang partout. Et le sang, ça tâche et ça sentira mauvais quand les autres numéros vont patauger dedans. Je ne pense pas que ça plairait à votre *maman* qu'un de vos gars glisse sur la flaque et se brise les os. S'il vous plait, laissez nous partir !!!"

Eglantine leva le doigt vers le toit de la roulotte mais Draion ne vit rien, son champ de vision étant obscurci par les sous-vêtements à fanfreluche qui gouttait sur leur corde à linge.

Il n'y avait pas grand chose à voir au plafond de la roulotte, à part ... A part une petite femme, perchée sur une étagère bancale. A première vue, elle aurait pu paraître normale, et rien n'aurait pu expliquer sa présence ici. Mais quand elle les vit et leva les bras, Eglantine et Draion purent voir la fine membrane de peau qui s'était formée en dessous, reliant ses bras à son ventre, donnant l'impression d'ailes singulières.

Elle baissa vers eux un regard triste et leur dit doucement :

"Si seulement je pouvais voler. Il y a une petite lucarne là-haut. Ils voulaient m'installer en haut du chapiteau et que je descende jusqu'à terre en planant. Mais hélas, je ne peux pas. Ce sera mon tout dernier numéro."