La Couronne de Cuivre

-Non. Elles ne sont pas toutes comme ça. Mais pour la bonne et simple raison que certaines ont accumulé tellement de tares qu'il en reste plus assez pour les autres ! Et là, je crois que vous êtes le milleur exemple qu'on peut trouver d'accumulation de tares ! Et j'espère bien que vous aurez jamais d'enfant comme moi. J'espère bien que vous aurez jamais de garçons, d'ailleurs ! Parce que dans le genre cruelle, manipulatrice et compagnie, vous battez le record ! Si vous en aviez, vous en feriez... non, je préfère même pas y penser. Vous les détruiriez, c'est sûr !

Astrée ne se départit pas de son sourire.
- Et bien on progresse... Au début, tu disais que je devais être l'exeption qui confirmait la règle, que je ne correspondait pas à l'image que les marins ont des femmes. Là, tu admets que toutes les femmes ne sont pas des monstres de perfidie et de jalousie. Bien. Je ne sais pas ce que tu imagines concernant mes fils éventuels, mais il est certain que je veillerai à ce qu'ils ne deviennent pas des gars arrogants et sexistes comme toi. Vraiment, je pense que ta mère aurais honte...
Elle secoua la tête, l'air déçue.
- Mais là, tu vois, j'en ai ras-le-bol de t'entendre débiter les bêtises que se racontent les marins pour faire passer le temps et oublier qu'ils sont en manque de compagnie féminine. J'en ai marre de t'entendre répéter un discours qui n'est même pas de toi, et que tu acceptes de croire les yeux fermé simplement parce que le type qui te l'a sorti avait un écusson comme le tien. Alors, puisque tu prétends que les hommes sont plus intelligents que les femmes, et que tu t'imagines un homme, je t'écoute : comment comptes-tu t'y prendre pour mener à bien notre mission ? Quelle est ta stratégie ?

Il lui jeta un regard acéré.
-Ma stratégie ? Ne pas aider un ennemi déjà trop fort. Ne pas coopérer avec lui, ne pas lui faire confiance, ne pas lui prêter mon bras. M'enfuir, si je peux. Mourir, si je dois. En montrant à ces dégénérées ce que veut mourir en homme, en marin. Elles comprendront à qui elles avaient affaire, et quand Luménis enverra d'autres hommes, d'autres marins, elles y réfléchiront à deux fois avant de s'en prendre à eux. Parce qu'elles sauront qu'ils sont de la même trempe que moi.
Toujours sur ses gardes, toujours prêt à éviter un nouvel assaut, il s'était redressé, avait bombé le torse. Malgré son uniforme en lambeaux, malgré son visage pâle et hanté, on pouvait percevoir en lui, à sa conviction, à sa détermination, le capitaine qu'il serait un jour.
S'il survivait.

Astrée sourit.
- Donc ta stratégie, c'est... fuir, ou mourir, si j'ai bien compris ? Et tu comptes vraiment parvenir à remplir ainsi la mission qu'on nous a confiée ? Au passage, autant t'ôter tes illusions... Mourir en homme, ça ne veut pas dire grand-chose. Et une fois mort, tu n'es plus rien. Juste un regret dans le coeur de ta mère qui t'aime, dans le coeur de tes amis si tu en as. Pour tes ennemis, tu es un souci de moins. Mais ta mort ne servira jamais à rien. Il n'y a que vivant qu'on peut agir.
Elle soupira.
- J'espère que tu survivras à tout ça, que tu grandiras, que tu évolueras, et que tu deviendras un aussi bon capitaine que ton grand-père et ton père. De cela, je suis sûre. Si tu survis. Mais pour l'instant, tu me sembles choisir l'option inverse. Non seulement tu te mets en danger, mais à travers l'image que tu donnes des hommes, tu mets en danger tous nos compagnons parce que tu ne fais que renforcer les préjugés de ces elfes. Tu risques de mettre en péril notre mission, et notre groupe, simplement parce que tu ne sais pas garder ta langue dans ta poche quand il le faut. Léo... Ne perd jamais de vue ton objectif, et ensuite, apprend à louvoyer, à te jouer des vagues, à te laisser porter par l'une et à profiter d'une autre... Tu es un marin, non ? Tu sais bien qu'on n'attaque pas n'importe comment une vague trois fois plus haute que le navire, en pleine tempête... Et que quand les vents sont trop forts, plutôt que d'aller contre, il est plus intelligent de louvoyer pour remonter au vent... Et si tu appliquais cette stratégie à la situation actuelle ?

Cette fois, pour manifester son mépris, le garçon cracha par terre.
-Une femme qui parle stratégie ! Et de navigation ! Ah, et puis quoi, encore ? Arrêtez de raconter n'importe quoi sur des choses auxquelles vous pigez rien, d'accord ? Parlez couture, tresses ou petits plats. Mais pas de ça. Et arrêtez d'essayer de m'endormir avec vos imbécilités : je vous l'ai dit, ça trompe personne. Louvoyer face à ces harpies ? Ce serait une perte de temps et d'énergie !
Il se frappa le cœur de son poing replié, dans un geste théâtral.
-Elles ont vu l'uniforme. Elles ont vu les couleurs. Elles savent ce que cela signifie. Si elles nous ont traité comme elles nous ont traité, c'est parce qu'elles sont nos ennemies, qu'elles ont vu que nous servions le bien. Il n'y a rien à attendre d'elles. Je leur résisterai, je serai digne de ma cité ! Et bien sûr que la plupart des autres vont louvoyer : des mercenaires, comme vous. Sans honneur et sans patrie. Les vrais Luméniens ne se feront pas avoir et résisteront. Et les mercenaires... Ils mourront ! Parce qu'elles n'ont aucune intention de nous laisser la vie sauve ! Aucune ! Elles veulent nous humilier, nous faire ramper, nous dépouiller de toute notre dignité... puis, quand elles auront eu tout ce qu'elle veulent, quand on les aura satisfaites, dans tous les domaines possibles, elles nous égorgeront.
Il se redressa encore un peu plus.
-Avec moi, elles perdent leur temps : je les satisferai pas. Jamais. Je ramperai pas comme un lâche. Et je ne cèderai pas à vos propositions... Louvoyer ? Ah ah ! Trahïr, vous voulez dire ! Avant d'être trahi à mon tour ! Jamais, vous m'entendez ? JA-MAIS !

Astrée haussa les épaules. Les accusations stupides du jeune garçon ne l'atteinnaient plus, ne parvenaient même plus à la mettre en colère. Non. Mais la situation commençait à l'inquiéter sérieusement. Si le gosse persistait dans son attitude, la vieille elfe risquait de s'en mêler... Et elle préférait ne pas imaginer comment. En même temps, c'était apparemment ce qu'il cherchait...

- Si vraiment elles étaient nos ennemies, elles nous auraient déjà tué, je pense. Bien qu'il ne soit pas exclu qu'elles veuillent s'amuser un peu, si elles sont aussi tordues que tu le dis. Mais tu vois, moi je n'ai pas pour habitude de considérer des étrangers, mêmes avec des moeurs bizarres, comme étant forcément de dangereux tortionnaires alliés avec nos ennemis. Je laisse toujours le bénéfice du doute aux gens. C'est une question de confiance... Accuser systématiquement l'étranger d'être un ennemi, c'est un signe de peur et de faiblesse. Simplement parce que quelqu'un a d'autres valeurs que celle de la société dans laquelle tu vis, ça en fait un ennemi ? Certainement pas. Seuls les lâches s'accrochent ainsi à leurs petites habitudes en les croyant universelles.

Elle inspira un grand coup.
- Bon, tu veux jouer le héros sans peur et sans reproche qui meurt plutôt que d'admettre que peut-être il a pu se tromper ? C'est trop dur d'admettre que les femmes sont les égales des hommes ? Je pense que la meilleure preuve serait de te laisser vivre une dizaine de jours dans cette communauté, pour que tu constates de tes propres yeux qu'elles sont aussi organisées, disciplinées, débrouillardes et courageuses que n'importe quel marin. Malheureusement, il parait qu'on n'a qu'une journée... Je me demande vraiment comment je vais faire pour t'éviter la mort. Et pourtant, j'ai promis à ton père... Et mon sens de l'honneur m'oblige à respecter ma promesse. Tout comme mon devoir m'oblige à ne pas abandonner un garçon trop jeune pour prendre seul le bonnes décisions. Que faire, que faire... Tiens, dis-moi, toi qui prétend donner des leçons et être plus intelligent que toutes les femmes réunies : tu ferais quoi à ma place, pour respecter ma promesse ?

Il lui sourit, dédaigneux.
-D'abord, je n'ai pas peur des étrangers. Quand on est marin, on en voit beaucoup. Et on apprend assez vite à faire la différence entre les étrangers bienveillants et les étrangers malveillants. Notamment par... de petits signes. Se faire ligoter, se faire bander les yeux, se faire enfermer dans une cabane sans avoir ni a boire ni à manger, se faire condamner à mort ET, auparavant, à être utilisé comme un objet, puis se voir imposer une épreuve qui ressemble terriblement à la condamnation précédente, avec juste, un "peut-être" concernant l'exécution... Ben ces petits signes, vous voyez, ça indique des étrangers malveillants. Mais sans doute que c'est trop subtil pour être compris d'une femme. Ensuite...
Il haussa les épaules.
-Vous et moi, on sait que vous voulez pas la tenir, votre promesse. Que vous vous en servez juste pour m'humilier... ou me torturer, quand vous en aurez marre de blablater. Remarquez, ça peut durer longtemps les bavardages, puisque les femmes sont plus bavardes que les pies. Et votre petit jeu est d'autant plus limpide que vous avez pas loupé UNE occasion de m'humilier depuis qu'on s'est échoués. Après, si vous vouliez vraiment tenir votre promesse - on peut faire semblant - je comprends que vous ayez besoin d'un homme pour réfléchir à votre place. Réfléchir, c'est pas votre fort. Et vous devez surtout associer le mot aux miroirs... Enfin bref. Pour les promesses... Elles sont pas valables quand l'une des deux parties est fourbe. Et c'est votre cas. Si mon père savait qui vous étiez vraiment, il m'aurait confié à Arthur : les paladins, ça a de l'honneur. Ou aux mages de l'université. Ou au cuistot, aux soldats. Mais pas à vous. Donc... La promesse, elle tient plus. Et même si elle tenait : y a des cas où c'est possible de tenir sa parole. Ou on se rend compte... que la promesse est mauvaise, en soi. Si vous étiez honnête, sincère et loyale, vous vouriez que là, elle est mauvaise. Que vouloir vivre à tout prix, c'est trahir. Vous verriez que mon père voudrait certainement pas que je trahisse, que je passe à l'ennemi, que je salisse mon uniforme et mon nom avec l'infamie de la félonie. Il voudrait pas que je jette l'opprobre sur ma cité, sur ma famille. Si mon père savait ce qui se passait, il serait fier de moi. Et il aurait honte de vous. Ou il vous dirait, s'il avait le moindre espoir que vous soyez pas aussi vile et mercenaire que vous le semblez, de me laisser mourir avec honneur plutôt que de me laisser vivre dans le déshonneur.
A côté d'Astrée, la vieille elfe s'agita imperceptiblement, alors que, jusqu'ici, elle était demeurée d'une complète immobilité. Elle devait commencer à s'impatienter.

Astrée secoua la tête.
- C'est à désespérer, soupira-t-elle. D'autant que je ne pense pas qu'elles te laissent mourir avec honneur, comme tu dis. Je n'ose même pas imaginer ce qu'elles te réservent... Pauvre idiot...

Il était tellement stupide et arrogant qu'il était tentant de l'abandonner à son triste sort. Non, il ne méritait pas qu'elle se casse la tête à essayer de lui éviter les tortures que la vieille préparait sans doute, et elle mourrait d'envie de claquer la porte et de le laisser se débrouiller seul, puisqu'il était si fort. Elle était à deux doigts de le faire quand elle l'entendait débiter de telles insanités. Oui, mais voilà. Elle revoyait le regard de son père quand il le lui avait confié. Elle avait été mère, autrefois. Elle ne se pardonnerait jamais de n'avoir rient tenté....

Soudain, elle perdit son sang froid, et attrapa le gosse par les épaules pour le secouer brutalement.
- Mais bon sang, tu ne vois pas que j'essaie de te tirer d'affaire ? Que je fais ça pour toi, pour tes parents, pour ta mère qui va s'effondrer si elle apprend ta mort ? J'avais une petite fille autrefois... Et elle est morte. C'est la pire chose qui peut arriver à une mère, on ne s'en remet jamais. Et ton père veut que tu vives, c'était écrit dans son regard... Je ne te laisserai pas mourir !

Cette fois, il avait été pris au dépourvu, et n'avait pu s'esquiver. Il parut tenté par l'idée de la rouer de coups, mais resta immobile.
-Lâchez-moi. Tout de suite. Ou vous le regretterez. proféra-t-il d'un ton menaçant. -Et arrêtez de dire que c'est pour mon bien ou que vous voulez me sauver : vous mentez mal, très mal. Et la situation actuelle n'a rien à voir avec la mort de votre fille. Mais imaginons... Faites un petit effort de réflexion. Rien qu'un instant. Si ça s'était passé dans une situation comme maintenant... Dites-moi : vous préféreriez qu'elle soit vivante, là, mais marquée du sceau de l'infamie, de la félonie, vouée au mal, aux ténèbres, aux démons ? Ou bien qu'elle soit morte avec honneur ? Mon père préférerait la deuxième solution, lui. Je n'ai pas le moindre doute à ce sujet.

Astrée répondit du tac au tac, avec toute la fougue qui l'habitait.
- Je choisirais la vie, sans hésiter ! Qu'elle vive, pour pouvoir découvrir le monde et les tas de choses merveilleuses qu'il abrite, pour pouvoir découvrir le bonheur, l'amour, la tendresse, la joie. La vie est quelque chose de merveilleux, de magique. C'est trop triste de mourir avant même d'avoir commencé sa vie.

Puis elle ajouta plus calmement.
- Oh, bien sûr, je ne voudrais pas qu'elle soit vouée au mal ou à l'infamie, mais dis-moi, est-ce le cas ici ? Je ne vois ni ténèbres, ni démons ! Ne crois-tu pas que tu exagères la situation ? On ne te demande qu'une chose, reconnaître à ton prochain - la femme en l'occurrence - le droit d'être ton égale ! Je ne vois pas ce que cela peut avoir de choquant ou d'humiliant. C'est à ce prix qu'on pourra non seulement sauver ta vie, mais aussi avoir enfin une chance de débarrasser l'île de ces mages malveillants... Mourir maintenant est absurde, ça ne sert à rien, alors qu'on a encore une chance d'en sortir et de réussir !

Il eut un rire moqueur.
-Vous en avez pas marre de vous répéter ? Que vous croyiez à leurs mensonges ou que vous faisiez semblant d'y croire pour me tromper, ça ne marchera pas. Elles veulent juste que je reconnaisse que les femmes sont égales aux hommes, hein ? N'importe quoi ! Vous savez très bien que c'est pas que ça qu'elles vont demander aux autres, et que c'est pas que ça qu'elles me demanderont. Elles avaient leur p'tite idée sur notre sort dès le départ, comme l'a prouvé leur jugement. Et si elles ont ménagé un espoir, c'est juste parce que, dans leur esprit tordu, ça les fait plus marrer de nous voir faire de notre plein gré ce qu'elles nous auraient forcé à faire sans ça. Ben désolé, je ferai rien de tel. La vie sans honneur ne vaut rien, et je ne m'allierai pas au mal, je ne m'allierai pas aux mages.
Derrière la rôdeuse, l'elfe se racla la gorge. Peut-être pour rappeler sa présence et... le temps qui passait.

Astrée eut un mouvement d'humeur.
- Oh, et puis ça suffit comme ça. Je ne suis pas complice de qui que ce soit, arrête de m'accuser de trahison ou de je-ne-sais quoi, et arrête de répéter des absurdités. Et puisque tu es si convaincu que ces elfes sont les alliés des mages... et bien ce n'est pas à moi de te répondre, moi je t'ai déjà dit que ton accusation ne reposait sur rien, mais qu'on n'avait pas non plus la preuve du contraire. Après, un minimum d'intelligence pousserait à approfondir l'enquête, à ne pas provoquer nos hôtes, même si c'est juste pour semblant, afin de déterminer ce qu'elles sont réellement ! Mais bien sûr, Môssieur se croit suffisamment intelligent pour le savoir mieux que quiconque. Et bien, je révise mon jugement sur ton avenir. Tu ne seras pas si bon capitaine que ça si tu entraînes tes hommes au suicide sans raison valable.

Elle se tourna vers l'elfe.
- Si vous pouviez expliquer à ce jeune impertinent que vous n'êtes pas des alliées des mages, cela m'aiderait beaucoup... Vous avez certainement des preuves de ce que vous avancez, quand vous dites que les mages ont envoûté vos hommes et que vous êtes donc dans cette histoire de simples victimes ? Comment avez-vous su que c'étaient eux ?
Pour sa part, elle avait plutôt la sensation que les mages n'avaient rien à voir dans le conflit qui opposait ces femmes et leurs conjoints. Et elle doutait que l'elfe ait la moindre preuve à apporter. Mais... la question valait la peine d'être creusée.

-Je n'ai pas à me justifier devant ce garçon, répondit-elle sèchement. Notre chef à décrit les faits tels qu'ils se sont produits. Si nous avons attribué aux mages les exactions de nos hommes, c'est en grande partie parce que nous n'avons pas voulu croire que la violence qu'ils ont déchaînée contre nous était leur seul fait. Le reste, il ne m'appartient pas de vous le révéler pour l'heure, et certainement pas devant lui. Quant à vouloir des preuves... Certaines des nôtres pourraient lui montrer les cicatrices laissée dans leurs chairs par leurs lames, leurs traits. Beaucoup pourraient lui raconter ce qui s'est produit. Mais il n'en croirait rien, ou ferait semblant de n'en rien croire. Il refuse d'écouter, moins encore d'entendre. La parole, avec lui, est totalement inefficace. L'est pour l'instant, néanmoins.

Cela ne les avançait guère. Elle se tourna vers le jeune mousse

- Léo... Le seul moyen de savoir si toi tu as raison, ou si c'est moi qui ai raison, c'est de vivre, de coopérer, et de voir ce qui se passe. Bien sûr, si elles demandent quoi que ce soit qui soit contraire à ton sens de l'honneur, et bien, on refusera... et on avisera. Mais pour l'instant, il me semble qu'elles ne t'ont rien demandé, non ? Rien qui puisse te couvrir de honte ? Alors... de quoi as-tu peur ? Pourquoi ne pas tenter le coup ?

A nouveau libre, il remit de l'ordre dans sa mise et se drapa derechef dans son inébranlable dignité.
-Vous direz ça à chaque étape, à chaque chose qu'elles demanderont. "Vivre, ça vaut toujours mieux", "Coopérons"... Je vous connais. Alors non, je ne cèderai pas. Pas maintenant, pas plus tard. Je ne braderai pas mon honneur. Point final.
La vieille elfe soupira.

Astrée haussa un sourcil.

- Tu ne cèderas pas... à quoi exactement ? Elle n'ont rien demandé encore ! Ca n'a pas de sens... C'est ridicule comme réaction. Je ne comprends toujours pas ce qui te fait si peur. Tu ne vas quand même pas... avoir peur d'un groupe de femmes ? Prouve que tu es un homme intelligent et courageux, et pas une mauviette qui préfère mourir plutôt que de prendre le risque de découvrir qu'il s'est trompé ! Et toi qui veut mourir en héros... Tu ne sera jamais un héros, parce que personne ne saura que tu es mort pour ton honneur. Quelqu'un qui se sacrifie pour sauver des vies est un héros, pas quelqu'un qui se laisse mourir sans raison, en mettant de plus sa mission en péril. Dis-moi juste... qu'as-tu donc peur qu'elles te fassent faire ?

-Je n'ai peur de rien, gronda-t-il. Et je sais pertinemment que ce qu'elles veulent, elle l'auront, par la contrainte. Mais j'aurai pour moi l'honneur et la satisfaction de ne pas avoir obéi, de ne pas avoir cédé à leurs promesses pour sauver ma vie. Je supporterai stoïquement mes souffrances. Et la mort. En marin. En homme. Et si aucun mortel n'est témoin de ma résistance, Lathandre la verra, lui. Et mon père aussi, d'où il est.

Astrée soupira.

- Moi qui croyait que l'honneur d'un marin, c'était de ne pas quitter le navire, de préférer mourir plutôt que de l'abandonner. Toi, tu n'as pas de navire, tu n'en auras peut-être jamais si tu meurs bêtement, tu vas mourir comme un simple soldat sur la terre ferme, la mer que tu aimes tant ne sera même pas ton tombeau. Et en plus, tu nous abandonne tous, alors que quand on quittera l'île après avoir réussi notre mission on aura besoin d'un marin expérimenté pour nous ramener à bon port, et que tu es le seul marin de l'équipe. Mais non, tu préfères quitter le navire - au sens figuré - et nous laisser nous débrouiller. Jamais ton père n'aurait fait une chose pareille.

-Mon père aurait su ce que je sais, et agi comme moi. Vous ne voulez pas remplir notre mission. Vous voulez vous allier aux autres femmes et survivre. Comme les autres mercenaires. Mais ils ne survivront pas : ils seront abattus. Ou utilisés pour servir les maîtres de ces monstres : les mages. Si la mission doit réussir, ce ne sera pas grâce à ce groupe, ni grâce à cette expédition, sans doute. Et vous ne quitterez jamais cette île. Vous le savez aussi bien que moi.
-Je crois que vous tournez en rond, madame, intervint l'elfe. Vous n'arriverez à rien par la parole, en l'état actuel des choses. Or, le temps presse, et nous en avons déjà perdu beaucoup. Beaucoup trop.

Astrée commençait à en avoir ras-le-bol d'entendre le gosse répéter toujours les mêmes arguments stupides. Et la remarque de l'elfe ne fit qu'accentuer son agacement.
- Et vous proposez quoi, au juste, comme solution ? Ce gosse est têtu comme une mule, et il n'est même pas capable d'expliquer clairement pourquoi il veut mourir. A part sans doute pour faire comme son père.... Je ne vois pas comment vous pourriez avoir la moindre chance de le convaincre de changer d'attitude ! Et toi, Léo, c'est ça que tu espères ? Rejoindre ton père ?

-J'espère me montrer digne de mon nom, de mon uniforme et de ma cité. Et au vu des circonstances, la mort semble la seule solution. Je comprends toutefois que semblables notions vous échappent.
-Je vous ai d'emblée qu'il faudrait "détruire" pour reconstruire, le dépouiller des fondements erronés de son orgueil, dit doucement l'amazone. Vous avez essayé la parole et, comme vous le présumiez, cela a échoué. A présent, il faut poser des actes. Vous disposez de tous les éléments pour choisir les bons : vous l'avez entendu assez longtemps. Si, néanmoins, vous rechignez encore, je m'en chargerai moi-même, et sans plus tarder. Pendant ce temps, vous pourrez aller à l'étage. Je vous donnerai de quoi vous assurer un sommeil profond. A l'aube, quand je vous éveillerai, tout sera terminé. Que j'ai réussi ou échoué.

Astrée se tourna vers l'elfe, et rétorqua :
- Il est hors de question que je le laisse entre vos mains sans savoir ce que vous comptez lui faire !
Puis elle serra les dents, et fit face à Léo.
- Alors comme ça, tu prétends que les hommes sont plus forts, et plus intelligents que les femmes ? Tu te crois infiniment supérieur à nous ? Alors prouve-le ! Je te propose un duel, juste toi qontre moi. Si tu gagnes, j'admettrai que les hommes sont plus forts que les femmes. Si je gagne... tu admettra que les femmes peuvent être plus fortes ! Mais je ne tiens pas à te tuer accidentellement, donc on se ne se battra pas avec des épées, ou alors ce sera des épées en bois ! Moi, un simple bâton me suffit...

Léo parut hésiter. Mais il finit par secouer la tête.
-Sans vraies armes, pas de vrai duel, dit-il. Et de toute façon, on ne se bat pas en duel avec une femme. Autant les corriger quand elles sont trop frivoles est légitime, autant les défier en combat singulier serait manquer à l'honneur et leur accorder une importance qu'elles ne méritent pas.

- Dis plutôt que tu as trop peur de te prendre une raclée, que tu as trop peur que je te prouve que je suis meilleure que toi. Et à propos de corriger... Je pense que ta mère, ou ton père, s'ils étaient là, t'auraient depuis longtemps fichu une sacré raclée pour toutes les horreurs que tu as dites. Ils ne t'ont jamais dit qu'on devait s'adresser à une femme avec respect, par exemple ? Ni qu'on respectait les personnes plus agées que soi ? Moi, je te répète ce que j'ai dit tout à l'heure. Tu te conduis là comme un gamin buté, et pas comme un marin. Tu te montre indigne de ton insigne. Donc je vais te le confisquer, et je te le rendrai quand tu m'auras prouvé que tu es un homme responsable. Défends-toi, tant que tu veux... Tu ne fais pas le poids, tu vas bien être obligé d'admettre que je suis plus forte que toi !

Elle s'avança calmement vers lui, bien décidée à lui prendre son insigne de gré ou de force, même s'il fallait en passer par un combat acharné. C'était un geste purement symbolique, et aussi une façon de lui prouver qu'elle était plus forte, physiquement, que lui. Et un moyen de le faire sortir de ses gonds...

Le gamin recula, les poings levés. La salle était assez vaste pour qu'ils se tournent autour un bon moment...
-Ne m'approchez pas ! menaça-t-il. Ou il vous en cuira... Vous êtes indignes de toucher à mon uniforme, indigne de me toucher, moi. Et ne vous donnez pas la peine de faire semblant : je sais très bien que vous vous arrêterez pas à l'insigne !

Astrée avançait toujours, les yeux braqués sur les siens.

- Oh, tu crois savoir tant de chose... Et ton uniforme, tu n'en faisais pas tant de cas quand tu étais prêt à me le donner pour soigner ma blessure. Et maintenant, il vaut de nouveau plus que tout l'or du monde ? Et toi qui crois tout savoir des femmes et de mes intentions... après l'insigne, tu crois que je vais faire quoi, exactement, puisque tu prétends que je ne vais pas m'arrêter là ?

Léo reculait toujours, plus occupé à regarder les gestes de la rôdeuse que ses yeux.
-Utiliser des bouts d'uniforme pour soigner quelqu'un, c'est honorable. Même si maintenant que je sais qui vous êtes vraiment, je vous laisserais plutôt vous vider de votre sang... Le céder à l'ennemi, en revanche, il n'y a aucun honneur là-dedans, et je me défendrai, vous pouvez en être sûre. Quant à ce que je crois... Vous voyez très bien de quoi il s'agit. Mais là encore, je me laisserai pas faire. Je crois que vous savez pas à qui vous vous attaquez...

- Oh, si, je le sais, je m'attaque à un gosse qui est prêt à croire n'importe quelle sottise pourvu qu'il puisse s'imaginer agir en homme, en marin. Et, non, je ne vois pas de quoi tu veux parler. Franchement, tu as peur de quoi? Tu crois qu'on va t'obliger à renier ta ville, ou ton nom, ou ton honneur ? Tu sais bien que non... Quoi alors ? Tu arrêtes pas de me dire que tu me laisseras pas te toucher... Mais toucher quoi ? Tu crois quand même pas que je m'intéresse à ce que tu as entre les jambes ? Franchement, j'en ai rien à cirer, et à mon avis les elfes aussi, que veux-tu qu'elles fassent d'un gosse de onze ans ? Personnellement, en guise de contact, je me retiens juste pour ne pas te flanquer une bonne paire de claque, comme tu le mériterais vu les insultes que tu débites.

Le gamin se fendit d'un sourire provocateur.
-Faites pas semblant : bien sûr que vous vous intéressez à ça ! Vous mentez super mal, et les faits parlent contre vous : depuis qu'on s'est échoués, vous avez saisi toutes les occasion pour me forcer à me déshabiller ! Et j'ai bien vu comme vous me reluquiez ! D'un côté, je peux pas vous en vouloir : le charme des marins, c'est irrésistible ! Le mien particulièrement. Mais désolé, vous êtes pas mon genre : j'aime les filles jolies... et agréables. Vous, c'est tout le contraire ! Alors venez donc, et essayez ! Vous verrez comme je vais vous recevoir !

Astrée, prise entre l'envie d'éclater de rire et l'indignation, en resta finalement bouche bée quelques instants.puis elle se mit finalement à rire. D'un rire plutôt amer.
- Tu es ridicule, là, Léo. Bien sûr, quand tu auras grandi, quand tu seras un homme, il est certain que beaucoup de filles tomberont sous ton charme. Moi, les uniformes, j'aime pas, mais certaines sont sans doute sensibles à ce genre de prestige... Mais pour l'instant, Léo, tu es encore un enfant, presque un adolescente, certes... mais encore un môme. Alors ne va pas plus vite que la nature, prends le temps de grandir encore... Enfin, il me semble qu'on a déjà eu cette discussion il y a peu de temps, et je t'ai déjà dit tout ce que j'en pensais...et que tu as déjà eu la claque que tu cherchais ce jour-là. Pour les propos sexistes que tu tenais, tu te souviens ? Alors, pour la dernière fois : admet que les hommes et les femmes sont égaux, et on en restera là, et tu auras prouvé que tu as un minimum de sagesse. Je ne veux pas que les elfes te fassent de mal, je veux te ramener vivant à ta mère... et cela dépend uniquement de toi. Bien sûr, il ne s'agit pas de te faire dire quelque chose sous la menace, je sais que ce serait de la lâcheté. Je ne te demande pas de dire ça par peur, mais simplement parce qu'objectivement, c'est vrai. Et je crois te l'avoir largement prouvé. Dire le contraire simplement par esprit de contradiction ou de provocation, c'est stupide.
Ou sinon... joue la comédie, bon sang ! Mais ne te laisse pas tuer bêtement !

La Couronne de Cuivre

[Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

Re : [Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée