La Couronne de Cuivre

Plus tard, on annonca la suite du programme. Le groupe de Jonny dut donc s'arrêter ici au groupe regret des membres de celui-ci uniquement. Ils rangèrent rapidement leur matériel. Jonny s'était relevé non sans mal. il avait la tête qui tournaita vue brouillée,...bref, les symptômes habituels après un concert.
-Allez les gars, on range tout et demain, rendez vous à ce bar pour une autre tournée ailleurs.
A présent il allait profiter de cette nuit. Il s'approcha du bar et se cognant contre le comptoir (il faut dire que ses sens étaient altérés).
-Une bière garçon

Kasumi n’avait pas entendu Astrée s’approcher de lui ce qui n’avait rien d’étonnant étant donné le vacarme assourdissant qui régnait dans le bouge. Il ne s’était pas attendu non plus à la myriade d’étoiles qui décorèrent violemment son champ de vision. Alors qu’il en tombait lourdement de sa chaise, il fut rattrapé par un sentiment de culpabilité. La rôdeuse était légitiment en colère : après tout, il avait tenté d’échapper à la séance de reprisage de chaussettes mensuelle pour aller à cette soirée. Lorsque sa vision cessa d’être floue, la rôdeuse avait disparue et ce n’était pas la fumée qui empuantissait l’air qui allait l’aider à la retrouver. Toujours sonné et désorienté, il tenta de se relever pour avoir un meilleur point de vue de la situation et se contenta de trébucher sur un corps allongé à même le sol. Il le rejoignit douloureusement à en juger par le cri étouffé qu’il déclencha. Sans savoir que cela pouvait se retourner contre lui, il tourna sa tête dans la direction qu’il venait de quitter – le destin voulut que ce fut l’endroit où était assise Thémis.

- Chérie, ce n'est pas un endroit convenable pour toi. Allons plutôt discuter dehors.

Il avait espéré en appeler à Astrée et tirer cette affaire de chaussettes au clair…

Il y eu du remous dans la salle. Quoi ? Le groupe s'en allait déjà ? Mais la soirée ne faisait que commencer ! Et les pogos ? Et les riffs de harpe électrique, alors que les cordes pleuraient leur mélodie avec une vigueur étonnante, et une originalité rafraîchissante ? Remboursez ! Même si le concert était gratuit, c'était du vol !

Mornagest observait la "foule" d'environ cinquante personnes... euh ? Non, depuis quelques instants, une nuée de gens venait d'entrer dans la pièce, et celle-ci fut comblée en l'espace de dix minutes, alors que l'atmosphère changeait radicalement de style : bonne ambiance, rires tonitruants, et BONNE BIÈRE ! Enfin quelque chose d'intéressant.

C'est alors que l'annonce fut faite : les véritables Jus d'Aspriss allaient seulement monter sur scène. Le premier groupe était là pour faire ses premiers pas sur scène - et même hors de scène comme le tenta le chanteur, place maintenant aux petits dieux du m'étale ! Ovation. Applaudissements nourris. Cris gutturaux mais sympathiques (des cousins de Sheaxie dans la salle ?).

Au niveau de l'apparence, il fallait bien dire qu'ils ne se différenciaient pas vraiment du premier groupe : même tissu bleu délavé et déchiré pour les pantalons, même type de veste cloutée, cheveux longs et de préférence sales. En revanche, le spectacle fut tout autre : ces bardes-ci maîtrisaient leurs sortilèges, et ce fut dans une cascade de lumière et de feu magique que les membres du groupes firent leur apparition, alors que le barde armé de multiples percussions exécuta un roulement incessant et varié de ses nombreux instruments.

Dans la salle, ce fut l'extase. Les vrais fanatiques étaient là, et les quelques malheureux venus en touriste devraient rapidement s’accommoder de la nouvelle ambiance sous peine d'être obligés de battre en retraite...

Quelqu'un d'assez grand et lourd acheva un saut sur le coin de la figure de Mornagest. Ce dernier l'aurait bien insulté (on ne provoque pas impunément un ancien mélandien, même devenu manostisounours), mais lorsqu'il se rendit compte que c'était un ogre de trois pieds de plus que lui, il choisit de s'excuser de sa maladresse et de s'enfuir rapidement vers le fond de la salle, qui était moins peuplée.

C'est alors qu'il trouva Lothringen. L'endroit était vraiment mal fréquenté.

On avait manifestement changé de fournisseur de bière, ce qui était une bonne chose, mais la foule compacte qui se pressait autour de la scène comme des nécrophages sur de la viande avariée avait poussé Lothringen à prendre un peu de recul. Et c'est alors qu'il le vit !

LUI !! parce que c'était lui, parce que c'était l'autre ! Tout s'expliquait enfin. Le soi-disant échec de sa téléportation, son arrivée dans ce bouge douteux, ses conversations absconses avec un nécromancien drowophile... tout venait de trouver son sens, son axe, son mètre étalon, son étoile du berger, bref, tout était clair, logique, la lumière au sein du chaos, la barbie dans le mixer ! Ce n'était pas le hasard qui l'avait conduit là ce soir. C'était le destin. Et le destin avait une dent bien taillée contre Mornagest.

"Toi, mais... ne me dis pas que tu aimes ce genre de... on va appeler ça de la musique... ?!"

Pour comprendre l'effroi qui le saisit alors, il faut s'offrir la plongée en apnée dans sa conscience, le nez bouché (pour l'hygiène) :
Mais je croyais que tu avais changé, que tu n'aimais plus toute cette violence gratuite, ce déchainement de fureur débile ! Ah, et au fait, si tu as l'intention de massacrer un autre prêtre, j'ai quelques helmites sur ma liste...

Si l’un des invités avait pris la peine de regarder en direction du bar, il aurait aperçu un bien étrange spectacle. Tout d’abord, la vengeance d’une femme face à ce qu’elle croyait être une infidélité de son compagnon. Puis la chute de l’intéressé qui voulait réparer son erreur et qui s’enfonçait encore d’avantage. Ensuite d’une hermine qui se tortillait sur le comptoir tout en agitant les pattes et en émettant des petits couinements semblables à un rire moqueur…. Oui, Lune était bel et bien en train de se fendre la poire en assistant à l’infortune de son ancien maître. Enfin la tête d’incompréhension de Thémis couronnait le tout.
Celle-ci avait fini son verre et elle avait l’impression que le siège sur lequel elle était assise était lancé à toute allure. Quand la gifle partit et que Kasumi tomba par terre, elle mit un certain temps à retranscrire l’évènement dans son esprit plus qu’embrumé. Lorsque le demi-elfe s’était tourné vers elle en l’appelant chérie ( ?!! ) elle fut complètement prise au dépourvu. Elle essaya de se remémorer un évènement qui se serait passé entre eux et qu’elle aurait oublié… non vraiment, elle ne comprenait plus rien.
Alors le Malin dut passer par là pour lui souffler cette idée si saugrenue (ou bien fusse l’alcool ?) en tout cas la bretteuse ouvrit de grand yeux étonnés puis bientôt la colère l’empourpra à mensure que le cheminement difficile de sa pensée lui dévoilait le plan diabolique que Kasumi avait préparé.

- Je comprends maintenant dit-elle. C’est pour ça que vous vouliez m’offrir un verre ? Elle brandit celui-ci, Pour me faire boire et… et… Croyez vous que je sois une fille facile ? Vous ne m’achèterez pas avec de… de l’alcool ! Ni autre chose d’ailleurs… Vous ne m’utiliserez pas pour rendre jalouse votre copine ! Et sachez que je ne sors pas avec les hommes qui pratiquent l’adultère !

Thémis reprit son souffle et se rendit compte qu’elle s’était levée involontairement. Elle se rassit sans un mot.

Deux incidents, deux séismes, deux cataclysmes - à l'échelle du monde de Victor tout du moins - venaient de se produire en l'espace de seulement quelques instants.
D'abord, quelqu'un l'avait interpelé avec force, colère... et avec la pire des indélicatesses, la plus flagrante des insensibilités (qui, grands dieux, aurait ainsi osé lui rappeler crûment la mort terrible de ses parents ???). Le quelqu'un en question n'était autre que l'homme qui lui avait fait passer l'un des plus affreux moments de son existence, dans cette petite pièce du Palais de Justice de Luménis : Albérich Megrall.
Ensuite, le concert pour lequel il était venu, qu'il avait tant rêvé, tant espéré venait enfin de commencer. Et ses prémices disaient assez à quel point il s'agissait là d'un événement à nul autre pareil.
La conjonction de ces deux tremblements de terre se résumait en quelques mots : il était sur le point d'assister au plus merveilleux spectacle du multivers et un monstre sans nom voulait l'en empêcher.
Il fallait agir, et vite. A voir la facilité avec laquelle Megrall traversait la foule, fuir ne servirait à rien, sinon à lui valoir des ennuis de la part de ceux qu'il aurait bousculés en se carapatant. La seule solution était de frapper le premier. Ne disait-on pas que la meilleure défense, c'était l'attaque ?
Aussi le petit garçon prit-il une profonde inspiration puis hurla-t-il à tue-tête :
-A L'AIDE ! A L'ASSASSIN ! JE VAIS ME FAIRE PRIVER DE JUS D'ASPRISS PAR UN LUMENIEN !

Mornagest prit un air quelque peu gêné, avant d'expliquer :

"Ben, euh... figure-toi que je pensais que c'était de ton fait. Les téléportations, tous ces machins, c'est plutôt ton rayon, en général. Alors, je ne me suis pas inquiété outre mesure. Enfin, pas avant de croiser tous ces luméniens, mais ils n'ont pas l'air trop dangereux. Mais si ça peut te rassurer..." il jeta un œil en direction de la scène, et s'obligea à prendre un air dégoûté, alors qu'il mourrait d'envie de rejoindre les bardes sur scène pour se trémousser d'avant en arrière avec eux "non, c'est pas mon genre. Du tout."

C'est alors que le groupe achevait un morceau particulièrement splendide, qui fut accueilli par une salve d'applaudissements et de cris de joie plutôt virils - mais probablement poussés par des grands types qui en réalité étaient très sensibles et dormaient avec un doudou sous le bras. Tandis que le silence relatif s'établissait, avant que la chanson suivante ne démarrât, un cri perçant fusa dans la salle :

"À L'AIDE ! À L'ASSASSIN ! JE VAIS ME FAIRE PRIVER DE JUS D'ASPRISS PAR UN LUMÉNIEN !"

Jus d'Aspriss aimait les improvisations, et ils démarrèrent aussitôt un morceau plutôt spécial, mais dont les paroles s'accordaient assez bien avec la situation.

"Pédo, fiiiile d'ici,
Pédo, fiiiiile plus loin !
Pédo, file d'ici, avec tes sales maniiiiies !"*

Tout en pointant un doigt accusateur vers Albérich, que le public imita en repliant tous les doigts de leur main sauf le majeur, présenté au prêtre coupable.

* extrait de "Fatal" de Mickaël Youn. On a les références qu'on peut

Le nouveau groupe sur scène, qui, d'après ce qu'il avait entendu, était celui qui devait "vraiment" se produire ce soir, jouait une musique meilleure que celle du groupe précédent, ce qui était, il fallait bien le dire, le minimum que l'on était en droit d'attendre. Néanmoins, avec l'altercation entre le garçon et cet homme, Finrod sentit doucement poindre le point dit "de rupture" où la situation allait dégénérer et la taverne devenir l'épicentre d'un chaos sans nom. Aussi se prépara-t-il à réagir en cas de bagarre généralisée, d'incendie dévastateur ou, on ne sait jamais, de cataclysme divin. Dans les Royaumes Oubliés, et même en-dehors de ces derniers, il convient d'être préparé à tout (et dans le cas présent, à n'importe quoi).

Albérich ne se sentait absolument pas coupable. Par contre, sa longue expérience en psychologie humaine (ou apparentée) le laissait aisément percevoir que les trois quarts de la salle avaient autrement plus de pratique dans les perversions de tout bord. Mais ce sont toujours les plus coupables qui sont les premiers agresseurs : on appelle ça la formation réactionnelle. C'était juste un peu surprenant dans le chef de ces satanistes décérébrés, excités par la perspective de leur Judas Spirine. Ils auraient au contraire dû l'accueillir en chantant "il est des nô-ô-ôtres !". Même la racaille se parait de morale. Où allait-on ? Mélandis était définitivement mal barrée.
En plus, honnêtement, qui aurait voulu aller tremper son biscuit chez un gosse aussi cabossé que Victor ? C'était du pur jus psychopathe à aller se faire étriper dans le sommeil post-orgasmique. Non, décidément, ils avaient bu trop de pisse de chat. On ne leur servait rien d'autre, ce n'était pas de leur faute. Sans doute une méthode qu'avaient trouvée les dirigeants de l'endroit pour garder leurs ouailles sous leurs bottes. Ça marchait sans doute du tonnerre.
Puisqu'on le pointait du doigt, expression très vulgaire mais qui cadrait parfaitement avec les lieux, Albérich se détourna tranquillement et repartit vers la sortie. Comme il ne savait plus exactement où elle se trouvait, il finit par attraper, dans le fond de sa poche, le petit caillou magique que lui avait donné sa soeur Hortense, et qui lui permettait de se téléporter chez elle en murmurant un mot de passe*. Ce qu'il fit.
Si les choses dégénérèrent ensuite, il n'en sut rien et ne chercha jamais à le savoir.

* Charlotte aux fraises

Voilà un bon groupe, peut être meilleur que le sien. Certes il n'avaient produit que peu de temps mais tel était le programme de la soirée.
-Alors ma bière garcon, ca arrive?
Garcon? Il n'y voyait pas très bien. La personne qu'il avait en face de lui avaiot la peu noire. Une drow peut être. Il n'était pas en état de s'en apercevoir de toute facon.
-Garcon, vous n'avez plus de bière?
Il marchait toujours en titubant.

L'improvisation de Jus d'aspriss et la fuite d'Albérich avaient laissé Victor pantois. Bien sûr, il avait voulu faire en sorte que l'importun le laisse assister au concert, mais il n'aurait pas imaginé qu'on porte à son encontre semblables accusations. Albérich n'était pas comme ça... Enfin, en fait, il n'en savait rien. Et c'était un prêtre, après tout...
Quoi qu'il en soit, il était libre, à présent, d'écouter le divin M'étale. Il s'était vengé de Kasumi et de Thémis, avait éloigné le clerc luménien. Il s'était débarrassé de tous ses ennemis de magistrale manière. Plus rien, désormais, ne viendrait le déranger !
Aussi se tourna-t-il vers la scène, oreilles grandes ouvertes, yeux écarquillés, ne pensant déjà plus qu'au groupe mythique qui se produisait devant lui.
Décidément, il avait bien fait de venir en ce lieu ! De ce moment, il se souviendrait toute sa vie !

La Couronne de Cuivre

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