[MP] Histoire : Armand

[Smidge]

Émile emprunta le sentier en direction de l'entrée principale du château. Le bruit se perdit dans la masse de la tempête, mais il distingua enfin quelques raies de lumières en direction de la route.

Une voiture !

Quelqu'un arrivait au château.

Ses réflexes de majordomes prirent rapidement le dessus et, le vent en poupe, il pressa allègrement le pas jusqu'à sa destination.

"...elq'un ?... endez ?", héla au loin une voix frêle qui luttait avec peine contre les éléments.

"J'arrive !", tonna le majordome de tout son coffre.

Il rejoint enfin l'Aile Sud, haletant de sa course. Ici, les murs du château les protégeaient quelque peu de la pluie, mais le vent tourbillonnait dans la cours comme un diable en furie. Émile tenta de dévisager l'homme qui sortait de son véhicule à la lueur de sa lanterne. Ce n'était pas Fernand, de cela, il en était sûr. Celui qui s'accrochait désespérément à son parapluie lui arrivait à l'épaule, et devait peser à peine plus que ses deux bras.

"Excusez-moi d'arriver à une heure aussi tardive..., expliqua-t-il en retenant son chapeau. Je suis le docteur Dupré, j'ai été retenu par une urgence de dernière minute. Pouvez-vous m'indiquer l'entrée du château ?"

[Armand]

Le docteur ! Oui bien sur le docteur Dupré, il l'avait complètement oublié celui là. Le maître ne manquerait pas de lui reprocher de l'avoir fait attendre mais à vrai dire il s'en moquait. L'arrivée du docteur était probablement l'un des seules bonne nouvelles de la soirée et il se ferait un plaisir de le raccompagner. Qui plus est, ça serai l'occasion de se mettre au sec et peut être d'avaler quelque chose de chaud. Il incita le docteur à le suivre tout en le couvrant bien de son parapluie.

"Je vous en prie docteur c'est moi, une petite course m'avait retenu à l'extérieur et je serais arrivé plus tôt s'il n'y avait pas eu toute cette pluie..."

Il poursuivis tout en evaluant les réactions du docteur.

"Je vais même beaucoup mieux faire que vous indiquez l'entrée, je vais vous conduire jusqu'à la réception. Le Comte ainsi que les autres invités vous y attendent."

Alors surtout ne pas commettre de bourde avec celui-ci : on l'accompagne en prenant soin de bien le mettre à l'abri de la pluie, on le débarrasse de ses vêtements mouillées et surtout on ne l'abandonne comme un malpropre au milieu du couloir.

[Smidge]

Le docteur était un homme très aimable, même si un peu trop maniéré à son goût. Contrairement aux autres, il n'était pas venu avec sa femme, et Émile n'osa pas lui demander si cela était prévu ou pas, au fond, cela ne le regardait pas du tout.

Son parapluie était tellement détrempé qu'il préféra le caler à l'extérieur, contre la porte, plutôt que de salir les sols inutilement. Les lunettes du docteur dégoulinaient sur son manteau lorsqu'il lui tendit.

"Quel temps, ma parole..., soupira le docteur. Je vous remercie bien, mon brave, sans votre arrivée opportune, j'aurais terminé trempé comme... (il jeta un bref coup d'oeil au majordome), comme votre parapluie !"

Émile jeta un oeil à ses vêtements, qui n'avaient pas été épargnés par ses maigres protections... Qu'à cela ne tienne, dès qu'il aurait terminé son office, il filerait aussitôt en cuisine se réchauffer au coin du feu. Il n'avait certes pas trouvé Fernand, mais il avait fait son devoir, et personne ne pourrait le lui reprocher.

Il toqua à la grande porte de la salle à manger pour s'annoncer, ouvrit, et s'inclina.

"Mesdames, messieurs... Le Docteur Dupré."

"Ah ! Aimé !, s'exclama aussitôt le maître. Mes chers amis, je vous présente le docteur le plus... gai de tout Villeneuve !"

Yvette et Marie-Madeleine étaient visiblement en train de changer le couvert pour le plat principal. Rappelé à l'ordre par son estomac, Émile s'éclipsa aux cuisines. Il pourrait se rassasier, et glaner quelques potins sur les coulisses de ce début de repas...

[Armand]

Finalement il s'en étais plutôt bien sorti et du moins pour l'instant tout le monde semblait satisfait. En se dirigeant vers les cuisines néanmoins il s'interrogeait sur l'attitude de marjorie et l'étrange requête du maître à une heure aussi tardive. Et puis il y avait cette sofia que le maître avait chaleureusement accueilli malgré le fait qu'il ai multiplié les erreurs. Quelque chose se passait et il brûlait de savoir quoi. Enfin peu importe sa petite investigation en cuisine lui en apprendrait peut être plus et dans tous les cas lui permettrait surement de satisfaire du moins temporairement son ventre affamé.

[Smidge]

La soupe et le pot-au-feu était excellents. Émile s'installa auprès du poêle, laissant la chaleur évaporer ses vêtements humides.

Quelle journée... Il interpella Yvette afin de lui demander quelques précisions sur le repas, et sur ses convives. Comme il l'avait pressenti, la jeune femme prénommée Sofia n'était pas originaire du pays, même si Yvette n'avait pas été capable de fournir davantage de détails. Toutefois, elle et le maître semblaient se connaître de longue date, ce que lui confirma la cuisinière des quelques échanges qu'elle avait surpris, sans pouvoir néanmoins déterminer plus avant les circonstances de leur rencontre, ni leur actuelle relation.

Émile jeta un coup d'oeil à sa montre. Une heure déjà s'était écoulée, une heure qu'il n'avait pas vu défiler, tant il jouissait de sa pause amplement méritée.

Tout à coup, un bruit sourd et puissant s'éleva dans tout le château, détonnant à la manière d'une bombe. Émile sursauta, et manqua de tomber de la chaise sur laquelle il se balançait.

L'espace d'une fraction de seconde, il entraperçut Yvette, les yeux écarquillés et les deux mains devant le visage, vraisemblablement en train de hurler. Et puis plus rien.

L'obscurité se fit tout aussi soudainement, comme un voile noir recouvrant ses sens, à peine brisé par les braises rougissantes des fourneaux.

[Armand]

Sans prendre le temps de réfléchir une seconde de plus, Emile se précipita dans la salle à manger en prenant garde à ne pas buter contre le matériel de cuisine. Le visage déformé d'yvette lui revenant sans cesse en tête, il songea au maître et aux invités, ne sachant trop qu'imaginer. Il fallait se hâter bon sang tout cela ne lui disait vraiment rien qui vaille. Il vérifia vaguement si l'arme se trouvait toujours sur lui, ça sentait mauvais, très mauvais.


HRP : Vraiment pas sur de moi pour le coup, tu me dis s'il faut editer.

[Smidge]

A tâtons, Émile sortit de la cuisine en direction de la salle à manger. Ses yeux s'habituaient progressivement à l'obscurité, et il les cheminées brûlaient toujours dans leurs âtres, colorant les formes et les visages d'une lueur orangé. Un brouhaha de surprise résonnait dans la pièce, mais personne ne semblait blessé, ou pris de panique, ce qui allait déjà simplifier les choses.

"Tout le monde va bien ?", lança le maître.

Le majordome perçut plusieurs "oui" qui s'échappaient de façon désordonnée de l'assemblée.

"Marjorie, Yvette, Marie-Madeleine, poursuivit-il d'une voix assurée en direction des cuisines, allez installer des bougies dans les chandeliers. Émile ? Allez vérifier si les plombs n'ont pas sauté. Et, si c'était poss..."

Mais il ne termina pas sa phrase.

Un courant d'air glacial balaya la table, tandis que les portes du grand salon s'ouvraient, laissant passer plusieurs traits d'une lumière brute.

"Tout a grillé !, s'exclama une voix forte. C'est la foudre, je l'ai vue tomber sur un arbre, toutes les lignes ont été arrachées. On ne va pas avoir de courant avant un moment !"

C'était Fernand. Un silence mortuaire fit place à la déclaration du jardinier. Émile poussa instinctivement un soupir las, repensant à son excursion forcée - et bien inutile - dans le parc...

"Et j'ai une autre mauvaise nouvelle..., poursuivit-il. La rivière est sortie de son lit, et la route est coupée. Impossible de sortir de la propriété..."

"Bien..., conclut finalement le maître, après un instant de réflexion. Émile, occupez-vous finalement des bougies. Les autres, préparez toutes les chambres de l'Aile Nord. Mes amis, étant donné les circonstances, vous êtes tous invités à passer la nuit au château !"

Quinze personnes, ici ? En même temps ? Les choses allaient prendre une tournure intéressante...

[Armand]

Emile acquiesça d'un signe de tête son expression de visage étant devenu soudainement très calme. Décidément, on allait d’imprévu en imprévu ce soir, un évènement soudain en chassait un autre. Comme si le destin avait subitement décidé que la roue de dame chance devait s'arrêter de tourner pour quelqu'un... Que la pile de profit, d'injustice et de fourberie avait toutes les chances de s’écrouler au prochain mouvement, à la prochaine oscillation. Emile s'approcha du buffet, un vague sourire au lèvres, un sourire inhabituel et délicat.

Il caressa brièvement du bout du doigt les moulures de la porte, puis il entreprit d'ouvrir l'un des tiroirs afin de récolter suffisamment de bougie pour en disposer sur chaque chandelier.

[Smidge]

Une voix roulant légèrement les "r", celle de mademoiselle Stoän à n'en pas douter, s'éleva au-dessus des autres.

"Et la question de l'endroit où va dormir Marjorie est déjà résolue, n'en doutons point !"

Émile marqua le pas, intrigué, et tendit l'oreille.

"A qui appartient cette nouvelle voix ?, poursuivit la jeune femme. Serait-ce celle du jardinier ?"

"Effectivement...", répondit le maître en pesant ses mots.

Émile s'empara d'une vingtaine de tubes de cire, puis entreprit d'ouvrir un second placard afin d'en ajouter une petite dizaine d'autres.

La table reprit vie à mesure qu'il allumait les mèches de lin, ainsi que les conversations.

"Vous savez, intervint le maître en s'adressant à l'assemblée. Ce château a un passé plus... sulfureux que ce que laissent penser les apparences..."

Les regards se tournèrent dans sa direction.

"L'Aile Est du château est connue pour être... hantée."
"Hantée ?", répéta le docteur Dupré d'une voix trop aigue.
"Oui, hantée. La construction du château remonte à environ dix siècles, et son histoire a été plus que sanglante. Au moins trois ou quatre architectes ont oeuvré à sa construction, et tous sont morts dans d'improbables conséquences. Ainsi que leurs ouvriers. Tous égorgés vivants, puis découpés et fondus... avant d'être mêlés au ciment qui scelle les pierres de ce lieu."

Le Comte de Rochebois marqua une pause, interrompue uniquement par le grondement du tonnerre au loin.

"Ce château est l'oeuvre d'un fou, à n'en point douter, poursuivit-il. D'un fou, et d'un génie. La légende raconte aussi que sa folie l'aurait poussé dans les plus sombres retranchements de notre existence... Et c'est en réalité, la raison pour laquelle je vous ai tous invités ce soir. Alchimie, sculpture, nécromancie... Tous ces domaines passionnaient aussi cet architecte d'exception. Ses recherches l'auraient hélas amené trop loin sur la route qui mène à la connaissance absolue. On raconte qu'un matin, il aurait été retrouvé crucifié au sol, d'étranges symboles gravés à même sa peau au fer rouge."

Le maître laissa volontairement un silence, que personne n'osa briser.

"Ses études et ses découvertes disparurent avec lui, peut-être scellées par un quelconque pacte démoniaque... Mais, après plusieurs années de recherches acharnées, je pense avoir découvert quelque chose qui pourrait conférer un pouvoir... extraordinaire."

Un courant d'air s'engouffra dans les cheminées, menaçant du même coup les mèches vacillantes des bougies.

"Lucien ? Vous êtes... sérieux ?", osa finalement interroger le notaire, maître Marquand.

Silence.

"Ah ah ah !, s'exclama soudainement le Comte. J'ai romancé une partie, je vous l'avoue ! Mais je tiens tout de même à fêter quelques découvertes majeures d'alchimie, dont je compte bien publier les résultats dans quelques années !"

Plusieurs rires emboitèrent le sien.

"Émile, reprit-il plus sérieusement, montez à l'étage, et installez-y aussi des bougies, nous prendrons notre dessert au spectacle !"

Il se tourna en direction des acteurs de la Croix Bleue.

"Nils ? Si vous êtes prêts..."
"Dès que vous le souhaiterez, monsieur le Comte !", répondit-il en s'inclinant.

La table était tout juste prête, qu'ils se levaient pour la quitter... Une fois de plus, il avait travaillé pour rien...

"Mais où est la personne qui nous a averti que nous ne pouvions plus quitter la propriété ?, interrogea mademoiselle Stoän. J'aimerai lui parler quelques instants, après le... spectacle."

[Armand]

On pouvait au moins lui laisser ça le maître savait s'y prendre avec talent lorsqu'il s'agissait de torturer quelqu'un. Ce n'étais jamais rien de visiblement méchant ou cruel, c'étais plus une accumulation de petites choses destinés à vous faire comprendre que vous n'étiez que le petit insecte insignifiant qu'il a souhaité que vous soyez. Pour l'heure il était juge et parti dans cette interminable procès où lui même et sa cour avait droit de vie ou de mort sur vous, le roi de la jungle qui se pâmait devant ses plus humbles sujet. Qu'importe vos efforts, aucune courbette ne vous donnera jamais le respect qui vous est du. Parfois il se plaisait à rêver d'un monde où le comte aurait tout perdu et où lui jeune bourgeois plein d'avenir le regarderais avec dédain.

Le comte parlait avec emphase d'horreur sanguinolente ? Un peu de patience, il allait lui en fournir... Emile se dirigea vers l'étage quand soudainement il repensa à l'envellope de nils, elle devait encore être sur le bureau.

[Smidge]

Heureusement que cette pièce aussi comportait une réserve de bougies et de chandeliers. Une curieuse impression le parcourut tandis qu'une dizaine de personnes le suivait dans les escaliers, guidés par la seule lumière qu'il tenait à la main. Sofia Stoän le suivait de très près, plissant des yeux derrière ses épaisses lunettes.

Il fonça en direction du buffet accolé contre l'un des murs, et entreprit derechef les mêmes mouvements que quelques minutes plus tôt...

La pièce s'illumina de nouveau de lumières orangées vacillantes, tandis que chacun s'installait à sa place.

"Hé bien, Émile, lança tout à coup le maître à son attention. Vous pensez sans doute que le plateau avec les desserts va monter l'étage tout seul, peut-être ? Il faut vraiment que je vous dise tout, mon pauvre ami..."

[Armand]

Malgré tout son maintien et la patience millénaire qui était du à sa charge, Emile avait parfois des envies meurtrières à base de mets divers et variées lorsqu’il entendait ce genre de chose. Combien d'ignoble petit fours et autres gâteries plus ou moins fantasques pourrait-il avaler avant de s’étouffer, ce genre de chose... Il s'inclina sobrement :

"Bien entendu Monsieur, j'y vais de ce pas" dit-il d'un accent monocorde.

[Smidge]

Émile descendait à peine les premières marches qu'il entendit Nils annoncer le début du spectacle.

"Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs... J'ai l'honneur ce soir de vous présenter une oeuvre originale, écrite par... le Comte de Rochebois en personne !"

Il soupira. Quelle mégalomanie...

Émile se dirigea en direction des cuisines, où plusieurs pâtisseries miniatures appétissantes dormaient patiemment dans des plateaux en argent. Il était seul. Et plusieurs pensées meurtrières profitèrent de la pénombre pour s'insinuer dans son esprit...

Quinze personnes présentes en même temps au château toute une nuit... C'était l'occasion rêvée de passer inaperçu parmi les invités pour... Son regard se porta sur un chou à la crème alcoolisée verte, qu'il associa spontanément à un poison lent et douloureux...

Émile secoua la tête vigoureusement. Ce n'était pas l'heure de s'endormir...

[Armand]

Emile se reprit, il disposa les plateaux le long de son bras puis se mit en route vers l'étage. Au fur et à mesure qu'il avançait, il s'aperçu que les plateaux tremblait légèrement, que sa main tremblait légèrement... Il ressentait aussi de plus en plus un mal de ventre particulièrement désagréable, comme si il avait peur de ce qui pourrait se passer là haut, comme s'il avait peur de ce qu'il pourrait y faire. Cette nuit n'était pas comme les autres assurément.

[Smidge]

Emile gravit de nouveau les marches dans une demi obscurité. Les bougies qu'il avait installées en bas permettaient certes d'y voir correctement, mais elles ne remplaçaient certes pas cette bonne vieille fée électricité. Se concentrant sur ses pas, et sur les deux plateaux qu'il portait à bout de bras, il atteint rapidement l'étage, où se déroulait toujours la pièce.

"Ah ! Emilien !, s'écria une voix d'un ton qui lui parut terriblement familier. Tu crois vraiment que tu peux faire honte à la famille Bartineau comme ça ? Grand-père se retournerait dans sa tombe, en découvrant un petit-fils aussi empoté qu'une dinde !"

Emilien ? Bartineau ?? Son regard se porta aussitôt sur la scène, pour y découvrir un adolescent attardé, l'air vaguement ahuri, répondre quelque niaiserie aussi futile que ridicule.

"Même ta soeur Manoëlle serait moins gourde que toi ! File dans ta chambre !"

La salle se mit à rire bruyamment. Mais il ne les écoutait déjà plus. L'espace d'un instant, Emile revit le regard de sa soeur, Noëlle, et entendit les mots terribles qu'ils eurent échangés à la mort de leur père... Il lui avait pardonné, mais elle, pas vraiment.

La tristesse céda rapidement sa place à la colère, puis très vite à la détermination. Froide, calculatrice. Et implacable.

Comment osait-il ?

D'instinct, il parcourut la pièce du regard, s'attendant à apercevoir le Comte, qui ne manquerait sans aucun doute de lui faire comprendre d'un regard que tout ceci lui était destiné, scellant tout le mépris et la condescendance dont il le gratifiait au jour le jour.

Mais à sa grande surprise, il n'était plus là. Ou du moins ne parvenait-il pas à saisir sa silhouette parmi les ombres vacillantes projetées par les flammes.

[Armand]

Le maître, parti ailleurs en un moment pareil ? Cela aurait été complètement absurde. Il scruta la salle à la recherche de mademoiselle stoän, peut être son éventuelle absence pourrait-elle expliquer celle du maître ?

[Smidge]

Il balaya l'assemblée du regard. Aucun trace non plus de mademoiselle Stoän... Il pouvait se tromper cependant, car la pénombre ambiante n'était pas de la plus grande aide pour distinguer les silhouettes assises dans les larges fauteuils. Deux salles adjacentes à la pièce principale se faisaient face, à l'étage. Peut-être s'étaient-ils tous deux éclipsés par là ?
Il en oublia presque ses plateaux un instant, mais une petite voix chuchota dans sa direction.

"Est-il possible de goûter ces quelques pâtisseries ?"

Émile sursauta, et acquiesça aussitôt. C'était le docteur Dupré.

Quelque chose ne tournait pas rond, ici...

[Armand]

Les nerfs visiblement à vif Emile tendit le plateau au docteur d'un air grave.

"Par contre prenez garde docteur..."

"Une fois qu'on y a goûté, il devient très difficile de s'arrêter" poursuivit-il sur le ton de la plaisanterie.

Relevant la tête, il s'enquis du reste des invites afin de faire le tour avec son plateau.

[Smidge]

Émile proposa ses plateaux aux convives. Après le docteur, vint le tour de monsieur et madame Marquand, madame Chambernaud, et du plus jeune des acteurs, qui avait rejoint le public... Non, il n'avait pas rêvé : ni le maître, ni mademoiselle Stoän, n'étaient dans la salle.

Une chanson débordant d'absurdité s'éleva de la scène, chantée par "son" personnage, et incarné par l'acteur prénommé Roland, le fit frémir. Il poursuivit cependant son service, imperturbable.

"Excusez-moi...", l'interrompit d'une petite voix l'actrice de la troupe. Elle remontait vraisemblablement du rez-de-chaussée, et retourna s'asseoir prestement auprès de son camarade.

L'horrible chanson se poursuivit un temps qui lui sembla incroyablement long... et fut prévisiblement interrompue par celui qui incarnait son père, Nils, le rabrouant une énième fois...

Le Comte paierait pour cet affront. Un jour ou l'autre...

[Armand]

Discrètement, Emile s’éloigna pour jeter un oeil vers les pièces adjacentes. Le maître et mademoiselle stoän ne devait pas être bien loin enfin dumoins en toute logique il ne devrait pas être bien loin...

[Smidge]

L'une de ces pièces était un atelier, dédié à la sculpture. La pièce était semi circulaire, épousant la forme du couloir un étage en dessous. Par la fenêtre, les éclairs zigzagants apportaient davantage de lumière que les maigres flammes provenant de la salle principale.

Émile n'aimait pas cet endroit. Chaque oeuvre non achevée dormait sous des draps usés et remplis de poussière. Comme si on mettait le pied dans un autre temps. Il se sentait observé...

Cependant, aucune trace ni du maître, ni de la jeune demoiselle...

[Armand]

Emile frissonna, qu'il faisait froid soudain... Il détourna la tête la tête de l'atelier, visiblement mal à l'aise pour se recentrer un moment sur les invités avant de reprendre son exploration.

[Smidge]

Émile traversa de nouveau la scène, se dirigeant vers sa pièce jumelle en face... Il dépassait à peine les escaliers qui menaient au rez-de-chaussée qu'un cri suraigu couvrit un instant le son de la scène. Instinctivement, tout le monde se tut, spectateurs comme acteurs.

"Au secours !!!! Aidez moi !!!!", implorait la voix.

Mademoiselle Stoän, à n'en pas douter. Que se passait-il en dessous ? Plusieurs invités s'étaient levés d'un bond, cherchant eux-aussi l'origine de ce hurlement. Emile réfléchit un instant : cela devait provenir des cuisines...

Au moins, avait-il une réponse à sa question...

[Armand]

Décidément cette soirée devenait de plus en plus compréhensible, on se serais cru dans un songe où les choses s’emboîtaient sans que cela ai vraiment un sens. Pendant un bref instant il cru à une plaisanterie mais la voix de mademoiselle stoän semblait démontrer le contraire. Le maître serait-il en train de faire quelque chose de mal ? Non il ne pouvait le croire, le maître ne se serait jamais comporter aussi stupidement qui plus est en public. En quelques secondes le déclic se fit dans sa tête : quelqu'un c'étais peut être infiltré dans le château profitant de l'orage et de l'obscurité...

Il se mit à courir en direction des cuisines.

[Smidge]

"Mademoiselle Stoän !", héla-t-il puissamment en dévalant les marches.

Bon sang, mais qu-avait-il pu se passer ? Finalement, il ne regretta pas son installation lumineuse dans la salle à manger. Émile glissa imperceptiblement sa main sous sa veste, saisissant à demi la crosse du revolver.

Il s'arrêta brusquement à l'entrée des cuisines, découvrant deux menues silhouettes sur le seuil de la réserve. Il plissa des yeux, s’accommodant à l'obscurité à peine levée par le feux des fourneaux.

La jeune demoiselle aux cheveux de jais était là, il n'avait pas rêvé. Ses bras crispés devant son visage semblaient paralysés, et ses yeux hagards fixaient quelque chose de sombre sur le sol. Qu'était-ce ? Un pressentiment enfoui au plus profond de lui-même lui avait déjà susurré la réponse. Son intuition avait bel et bien vu juste. C'était un corps. Et pas n'importe lequel... Le corps qui gisait ici-même dans une large flaque de son propre sang n'était autre que celui du Comte de Rochebois en personne...

Émile cligna des yeux plusieurs fois, interloqué, puis se tourna enfin vers la troisième personne vivante de cette pièce. Devant lui, ses longs cheveux d'or ébouriffés, Marjorie se tenait là, immobile, serrant un couteau entre ses mains.

"Il est là, là, bégaya Sofia d'une fois étouffée en désignant le corps, je l'ai trouvé là... comme ça ! Émile, oh Émile, faites quelque chose, je vous en prie, faites quelque chose !"

[Armand]

Bon sang marjorie, marjorie avait... De quelle odieuse manoeuvre le comte s'était-il encore rendu responsable pour qu'elle puisse en arriver là ? Il repensa à l'arme à feu un instant : si quelqu'un l'avait amené avec lui c'étais que... Mais à vrai dire il n'entendait strictement rien à tout ça, tout ce qu'il voyait pour l'instant c'étais le corps du comte qui baignait dans son propre sang. Comme il aurait aimé porter le coup fatal, sentir son petit sourire mesquin s'effacer et laisser place au respect, à la peur. "Monsieur le comte en reprendra t-il" aurait-il dit, et il aurait vu son visage se déformer, supplier, abdiquer.

Mais les choses ne s'étaient pas passé ainsi et l'étrangeté de la scène le déconcertait. Il jeta un oeil sur la lame de marjorie pour voir si elle était teinte de sang et tenta de se rapprocher à pas compté. Si marjorie était bien dans l'état qu'il pensait qu'elle soit alors il fallait mieux évité les mouvement brusque.

[Smidge]

Un, puis deux, puis de nombreux pas s'élevèrent du haut des marches de la salle à manger. Il avait été le premier a réagir, mais à présent que la rumeur avait fait son office, ils accouraient comme des mouches autour d'une flamme.

S'accoutumant à l'obscurité, Émile fixa intensément le couteau dans les mains de Marjorie. Les reflets scintillants qui s'en dégageaient indiquait au moins quelque chose : ce n'était pas l'arme du crime.

A moins qu'elle ait eu le temps de la nettoyer ?...

"Que se passe-t-il ?, s'écria une petite voix en tête du troupeau qui s'avançait. Quelqu'un est blessé ? Laissez-moi passer, enfin !"

Le docteur tentait de se frayer un passage, jouant vainement de ses maigres épaules. Il tenait une mallette dans sa main droite.

[Armand]

Emile repris peu à peu ses esprits, peu importe ce qu'il se passait en un moment pareil c'étais à lui de réagir.

"Vite, venez là docteur ! Il y a... Le... Oh s'il vous plait venez vite, il y a du sang partout !"

Il avait mis dans son demi-mensonge suffisamment de vérité pour que cela soit crédible; il n'y avait pas de personne ayant plus de raison de se réjouir de la mort du comte mais il aurait d'autres occasions d'en profiter. Jetant un rapide coup d'oeil inquiet du coté de Mademoiselle Stoän, il reporta son regard vers marjorie.

"Marjorie, bon sang... Mais que s'est t-il passé ici ?"

Emile se releva, s’épongeant le front du revers de sa manche et s’apprêta à se rapprocher du corps du comte.

[Smidge]

La jeune fille ne répondit pas, toujours tétanisée. Le docteur se fraya un chemin jusqu'au corps, éclairé par un chandelier que Nils déposa sur le plan de travail.

En dehors de quelques brouhahas venant de la salle à manger, tout était extrêmement silencieux. Même les éléments semblaient apaisés après tant de violence. Le docteur Dupré enfila une paire de gant, palpa en quelques endroits le corps du maître, puis, le visage grave, annonça son verdict.

"Il est... mort. L'artère carotide a été sectionnée... il est mort sur le coup."

Voilà qui ne laissait plus de place au doute.

"Qui..., bégaya l'une des invitées, Alice. Qui a pu faire ça ?"

Son mari, Maître Marquand le notaire, s'avança à son tour.

"Il faut appeler la police, il n'y a pas le choix. Le décès ne peut être effectivement constaté qu'en présence des forces de l'Ordre."

Il avait parfaitement raison. Le bureau mitoyen à la bibliothèque disposait d'un téléphone. En espérant que la ligne téléphonique n'ait pas été touchée par l'orage...

[Armand]

Emile repartit en direction de la bibliothèque, à vrai dire il était plutôt content de pouvoir se mettre un peu à l’écart Il n'avait pu réfréner une petite crispation à la joue gauche lorsqu'il avait entendu le mot police. C'étais l'occasion rêver de se débarrasser du léger renflement compromettant qui cognait parfois contre son buste.