Quête : Le Poing Levé - Medann, la rue principale

[Lothringen]

Hadlis prit quelques instants pour réfléchir. Dans ce genre de combats, les échanges de coups sont finalement peu nombreux et le dénouement extrêmement rapide. C'est à peine si un oeil extérieur a le temps de voir ce qu'il se passe, et pourquoi celui-ci est encore debout, dégainant une miséricorde, tandis que celui-là git à terre, désarmé, handicapé par son propre élan qui l'empêche de s'écarter à temps du coup fatal.
La demi-épée laissait augurer deux scénarios : le coup d'estoc dans les défauts de son harnois ; la tentative de désarmement. Peu désireux de voir l'un ou l'autre s'accomplir, il brandit son arme, comme pour porter un coup latéral, et se rua sur l'adversaire. Mais son attaque n'était qu'une feinte, et ne partit jamais. En revanche, Mornagest prit de plein fouet la charge au bouclier. Un instant déstabilisé, il réussit néanmoins à se camper de manière à résister à l'assaut, évitant de justesse le renversement. L'estoc de sa lame trouva en face le défaut de l'aisselle : Hadlis dut reculer rapidement, l'épaule embrochée. Tandis qu'il reculait, il lança son fléau vers la main du guerrier ; ce dernier, évitant le quillon, atteignit le dos de sa main et les premières phalanges. La douleur fut fulgurante, et Hugues se retrouva désarmé avant d'avoir eu le temps de se rendre compte de ce qui lui arrivait. L'épée gisait au sol, à trois pas.
Le garde marchait sur lui : s'il ne déclarait pas forfait, le combat n'était pas fini.

[Mornagest]

Il avait mal. Mais il était à peu près certain d'avoir pu toucher Hadlis. Match nul... à la différence qu'il était désarmé, et son épée était loin. Il ne pouvait déclarer forfait. Sa fierté était restée à peu près intacte malgré ses récents bouleversements, et il n'aurait jamais imaginé rompre un combat avant d'être totalement mis hors d'état de nuire. Il se dirigea donc vers son espadon tout en prenant bien soin de ne pas tourner le dos à son adversaire la moindre fraction de seconde : cela lui aurait été fatal.

Cependant, il devait se baisser pour ramasser l'arme... il s'accroupit, prêt à bondir en cas d'attaque portée à ce moment opportun. À tâtons, il trouva la garde de son arme, et la saisit. Puis il tenta une autre approche, encore. Il tenait maintenant l'épée par la lame, présentant la garde en guise d'estoc. Il avait une petite idée de ce qu'il pourrait faire avec ceci.

hrp : je préfère tout de même savoir si Mornagest se fait honteusement attaquer tandis qu'il récupère valeureusement sa lame

[Lothringen]

HRP : il n'y a pas de honte ni de gloire, que des gagnants et des perdants.

Récupérer sa lame lui avait néanmoins coûté cher : tandis qu'il s'était accroupi pour la reprendre, Hadlis l'avait attaqué par une série de coups rapides au fléau portés sur les bras, alternativement à gauche et à droite. Le fléau était beaucoup trop rapide pour laisser à Hugues le loisir d'esquiver, et il ne put que serrer les dents et encaisser tant qu'il ne sentit pas la garde de son arme enfin sous ses doigts.

Même si son adversaire se trouvait désarmé, Hadlis n'avait guère hésité à le charger à nouveau. Pas de trêve, pas de pitié : après tout, c'était le guerrier qui avait choisi de poursuivre l'affrontement - à ses risques et périls. Cette attaque éclair était destinée à l'user. La cotte de mailles résistait, certes, mais n'empêchait pas la très pénible sensation d'écrasement des chairs en dessous. Au terme de cette danse du fléau, c'est meurtri, étourdi et perclus que le guerrier put finalement se redresser, alors que son adversaire, après l'assaut, se reculait enfin, attendant de voir ce qu'il comptait faire de cette nouvelle prise peu conventionnelle. Qu'Hugues ne compte pas sur lui pour lui offrir son crâne à portée.

[Mornagest]

Hadlis n'avait pas plus de pitié que lui-même lorsqu'il était encore mélandien. Ce n'était qu'un duel, après tout... une épreuve. Pas une mise à mort... Mornagest sentait la douleur envahir la moitié de son corps. Il aurait voulu arrêter cela, déclarer forfait, mais son corps ne l'écoutait pas. Au contraire, il demandait vengeance. Il se laissait emporter par une colère sourde, prête à éclater à la moindre occasion. Et voilà qu'il était tiraillé entre ces deux sensations opposées, ne sachant comment résoudre ce problème rapidement. Malgré lui... il céda à un accès de rage qui, certes, était bien faible par rapport à celle des barbares aguerris, mais suffisante pour lui donner un regain de combativité bienvenue. Aussi, lorsqu'il se redressa pleinement, il affichait un rictus quelque peu surprenant sur son visage, ce qui le déformait de façon désagréable. Évidemment, l'obscurité relative empêchait de voir facilement ce détail...

Tenant encore plus fermement sa lame entre les mains, au risque de s'y couper méchamment les paumes et les doigts, Mornagest se jeta cette fois sans attendre sur son adversaire, et, plutôt que de frapper à la tête ou à hauteur de poitrine, faucha l'air avec force, pratiquement au niveau du sol. Il espérait ainsi faire mordre la poussière - ou plutôt la boue - à Hadlis, qui n'aurait sans doute pas le temps d'éviter le coup... du moins, pas avec les deux jambes.

[Lothringen]

Effectivement, son attaque atteignit l'helmite aux chevilles, les faucha, et la puissante rage que le guerrier y avait imprimée ne laissa guère à Hadlis déséquilibré d'autre choix que de chuter de côté, sous la protection de son bouclier, le bras combattant provisoirement bloqué sous lui. Ce que Mornagest ne vit pas venir, c'est la contre-attaque : son adversaire déplia brusquement les jambes, les propulsant à toute vitesse en direction de ses rotules. Un craquement sec, effroyable : l'un de ses genoux venait-il de se briser ? Tandis qu'il demeurait paralysé par une douleur intolérable, Hadlis se relevait sans être inquiété, certes boueux, mais indéniablement en meilleur état, en dépit de sa blessure encore chaude à l'épaule.

Autour d'eux, les gardes et leur capitaine ne pipaient mot mais observaient attentivement. Trop absorbé par son combat, Mornagest n'avait pas remarqué que l'un d'eux s'était éclipsé quelques temps avant de revenir accompagné d'un nouveau spectateur.

Hadlis se remit en position de combat au cas où, et attendit... Vu l'effet de sa dernière attaque, il ne doutait pas qu'Hugues allait enfin demander grâce.

[Mornagest]

Haletant, pas entièrement conscient de ce qui venait de lui arriver, Mornagest ressentait à nouveau la douleur affluer en lui. Violente, généralisée, étourdissante. Voyait-il encore clair ? Il repérait encore la silhouette d'Hadlis, mais ne parvenait pas à distinguer sa posture. Tentait-il encore de l'attaquer ? Attendait-il qu'il se rendît, abattu par la douleur et l'échec ? Il ne pouvait le savoir. Un voile blanc lui masquait la vue, presque opaque. Tout au plus discernait-il les lueurs des torches alentours, et quelques vagues formes fantomatiques censées être les spectateurs de ce combat de gladiateurs improvisé. L'esprit vagabond, Mornagest ne savait que faire. La douleur... elle ne lui permettait plus de faire grand-chose sous peine de s'évanouir complètement. Mais... pourrait-il accepter de cesser le combat ? Stupidement, il se raccrochait aux conséquences que cela n'aurait sans doute pas : ne pas faire partie de la garde de Lothringen... allait-il être uniquement jugé sur son échec, ou sur sa façon de combattre, sa ténacité ? Cette ténacité qui le faisait encore tenir debout. C'était sans doute tout ce qu'il lui restait présentement...

Redressant la tête, redressant sa lame, il tenta de voir son adversaire. Peine perdue : le brouillard l'enveloppait. Il serra les dents. Dieux, que cela faisait mal ! Sans espoir, sans raison, il s'élança pathétiquement en avant, fendant l'air une dernière fois, en une vaine tentative de toucher Hadlis, qui n'aurait sans doute aucun mal à esquiver le coup. À considérer qu'il s'était suffisamment approché pour cela.

Avant même de connaître la réussite ou l'échec de l'assaut, il s'évanouit sous l'effet de la douleur.

[Lothringen]

Combien de temps resta-t-il inconscient ? Cinq ou dix minutes, peut-être. Quand il reprit connaissance, il était assis par terre, non loin de l'endroit où il était tombé. On l'avait adossé à un tonneau, et Hadlis lui versait un peu d'eau au visage. Un prêtre était intervenu : il ne sentait plus sa fracture, ni la souffrance atroce de tantôt. A la place, une fatigue généralisée et une douleur lancinante, plus sourde : le concert de ses meurtrissures, souvenir cuisant de sa défaite inscrit pour plusieurs jours dans chacun de ses muscles. Encore un peu confus, le guerrier jeta un regard circulaire. Les autres gardes, sans doute congédiés, n'étaient plus là. Il n'y avait plus qu'Hadlis, lui, et sire Rowan, debout près de lui, qui, la main posée sur la garde de son épée, le regardait avec une expression de curiosité indéfinissable, en tout cas exempte de mépris. Hugues secoua inconsciemment la tête, tentant de reprendre ses esprits.

« C'était courageux de continuer, commenta sire Rowan d'un ton presque affectueux. Courageux, mais stupide. Un moins aguerri qu'Hadlis aurait fini par vous tuer. Heureusement que votre corps a été plus sage que vous en vous faisant perdre connaissance. Sachez-le, il n'y a pas de honte à déclarer forfait quand on est aussi manifestement dominé par son adversaire que vous l'étiez. » Il durcit sa voix devant la mine contrariée de son auditeur. « Oui, vous l'étiez ! Et c'est normal. Hadlis, expliquez-lui. »
L'helmite, lui laissant sa gourde entre les mains, se releva et répliqua.
«Trois heures d'entraînement par jour, depuis dix ans. Attaque, parade et contre-attaques les plus adaptées, enchaînements. Toujours prévoir le deuxième coup... Je n'étais pas plus fort que vous. Le fléau n'est même pas mon arme favorite. Mais mes réflexes sont prêts, deux coups à l'avance... »
« Nous vous ferons travailler là-dessus. Dans le fond, je suis plutôt agréablement surpris, reconnut le chef de la garde. Vous êtes fort et tenace et mes hommes vous respecteront ne serait-ce que pour cela. Quant à moi, je vous préviens, pour tout le temps où vous serez sous mon autorité, je déclare la guerre à votre amour-propre. Comprenez-vous au moins pourquoi ? »

[Mornagest]

Les voix lui parvenait de façon quelque peu étouffée, mais il était suffisamment conscient pour bien comprendre le sens de leurs propos. Manque d'entraînement ? Certainement. Depuis qu'il était devenu chancelier, les occasions de se battre s'étaient réduites comme peau de chagrin. Excepté lors de ses escapades avec Lothringen, il n'avait plus croisé le fer depuis presque un an. Énorme, au regard de l'entraînement sans relâche dont Hadlis parlait.

"Mes muscles ont fini par agir seuls. Sans doute l'amour-propre... vous avez raison : cela ne mène à rien." La preuve. Cependant, il ne parvenait pas à savoir s'il parviendrait à réagir plus sagement la prochaine fois. Ce qui s'était produit restait encore un mystère pour lui. Sa résurrection avait-elle opéré d'autres changements en lui ? Il n'était peut-être pas au bout de ses surprises...

"Merci pour les compliments. Et la leçon. Je la retiendrai."

Quant à savoir pourquoi sire Rowan en voulait à son amour-propre en particulier... "J'imagine que c'est une question d'autorité", laissa-t-il tomber. Il fallait qu'il s'y fît, il n'était plus le tout-puissant qui décidait de tout pour tout le monde.

[Lothringen]

Sire Rowan parut un peu déçu de la réponse. Visiblement, Hugues n'avait pas encore tout compris...

« Certes, mais ce n'est pas la principale raison. L'amour-propre mène à l'individualisme, et nous devons fonctionner comme les doigts de la main, alors la discipline nous est nécessaire, c'est certain. Comme à n'importe quel corps d'armée...

Mais *votre* amour-propre vous a conduit à la colère, et c'est en lui cédant que vous avez perdu votre duel... Attaque brouillonne, recherche du coup décisif, défaut d'anticipation. En d'autres circonstances, cela pourrait vous coûter la vie bêtement. Et, ça, c'est aussi mon problème. Relevez-vous. »

Hadlis lui tendit la main pour l'aider. Le garde affichait un sourire d'encouragement qui semblait parfaitement oublieux de leur récent affrontement, comme si ce dernier était déjà de l'histoire ancienne. Les membres douloureux de Mornagest n'étaient pas de cet avis.

[Mornagest]

Penaud, il acquiesça aux propos de sire Rowan. C'est qu'il n'avait jamais œuvré en équipe... et ne s'était pratiquement jamais soucié de sa survie jusqu'à présent, il devait bien le reconnaître. Toutes ces considérations étaient nouvelles pour lui, et il lui faudrait du temps pour tout appréhender.

Acceptant la main de Hadlis, Mornagest se releva, ressentit des courbatures mêlées de contusions sur une bonne partie de son corps, et grimaça.

"En tout cas, vous n'y allez pas de main morte..."

Il ne lui en tenait pas rigueur ; au contraire, il savait désormais qu'il avait fort à faire pour agir comme un membre de la garde, et non comme un vulgaire combattant de rue tel qu'il l'avait longtemps été. Son style était tout sauf académique, c'était évident. De l'entraînement, de la maîtrise de soi et de son arme...

[Lothringen]

« Ah ça, désolé, mais lorsque j'ai un avantage, je n'attends pas qu'il passe... A quoi bon réussir un désarmement, sinon ? » s'excusa l'helmite sans se départir de son sourire.
« Le Grand Emissaire a subi en vingt ans pas moins de quinze tentatives d'assassinat, renchérit sire Rowan, et de mémoire, il n'aurait pas fait bon avoir le moindre moment d'hésitation face à nos agresseurs. Mais vous aurez sûrement l'occasion d'en discuter plus tard. »

Il se tut quelques instants, le temps d'examiner sa nouvelle recrue mal en point. Mornagest finit par comprendre, en jetant un œil à Hadlis, qu'on attendait encore de lui qu'il fasse l'effort de se tenir un peu plus droit. Quand il y fut plus ou moins parvenu, son supérieur reprit.

« Je vous ai assez malmené pour ce soir. Retournez à l'auberge tous les deux, et profitez des quelques heures qui viennent pour reprendre des forces. Nous prendrons notre tour de garde à la quatrième heure. »

Hadlis formait donc le troisième élément de l'équipe de roulement. Le capitaine avait eu une curieuse façon de leur faire faire les présentations... Sire Rowan les salua d'un bref signe de tête, et tourna les talons, vaquant à d'autres tâches. A moins qu'il n'aille lui-même rejoindre son lit, mais n'ait voulu leur laisser la possibilité de discuter entre eux.

Hadlis ramassa son matériel et attendit Hugues pour se mettre en route. Ce dernier n'avait plus qu'à récupérer son épée, et...

« N'oubliez pas la cape, là, posée sur le tonneau : il faudra la porter tout à l'heure... Au fait, bienvenue dans la garde blanche », conclut-il sans le moindre soupçon d'ironie, quand il vit le guerrier s'en emparer.

[Mornagest]

La garde blanche... il contempla un bref instant la cape immaculée, à peine conscient de ce qu'il allait devoir faire dans les jours à venir. Lui qui voulait partir en guerre, il allait sans doute devoir rester à faire le planton des heures durant, dans l'éventualité d'une quelconque attaque à l'encontre de Lothringen. Son ancien côté anarchique et désordonné hurlait de s'enfuir à toutes jambes, de ne pas endosser pareille mission. Mais... il n'avait plus vraiment le choix, désormais. Et puis, cela aurait des côtés plus plaisants. La proximité...

"Merci. J'espère accomplir ma mission du mieux possible.", fit-il, un peu trop solennel. Il ne savait pas vraiment quelle attitude adopter avec les autres gardes. Il doutait fortement qu'ils fussent du genre à rigoler grassement de blagues salaces tout en buvant des pintes à n'en plus finir... c'étaient des manostiens, des helmites pour la plupart. La rigueur était de mise, et sire Rowan le montrait suffisamment bien. Il aurait des efforts à faire, pour sûr.

Il se tenait prêt, désormais. Un bon repas et un peu de sommeil ne lui feraient pas de mal...

[Lothringen]

Hadlis sourit en entendant cette réponse qui manquait un peu de spontanéité. Ils se mirent alors en route, d'un pas fatigué, en reprenant la direction de l'auberge du Merle Rouge. L'helmite lui apprit que la garde avait ses quartiers dans les trois chambres qui encadraient celle du Conseiller.

"Sire Rowan vous met un peu la pression, hein ? Dites-vous qu'on est tous passés par là à un moment. Vous risquez d'avoir bon nombre de contusions aux entraînements et de cernes sous les yeux durant les premiers jours, mais une fois qu'on a pris le rythme, on s'y fait... C'est un bon chef, vous savez. Et mieux vaut quelques bleus aujourd'hui que commettre une erreur fatale le moment venu. Dans le contexte actuel... bah, pas besoin d'être fin politique pour deviner que les risques d'attentat sont importants."

Le garde devint rêveur, songeant à l'homme qu'il aurait dû être en train de protéger à la place du semi-drow, mais qui l'avait renvoyé à Manost sans la moindre explication. La plupart de ses collègues avaient une vénération sans bornes pour le Grand Emissaire, et vivaient assez mal le fait de devoir désormais se mettre au service d'un helmite renégat. Mais helmite ou pas, le Conseiller à la diplomatie avait le mérite d'être là et de mener l'armée dans la guerre, alors que leur maître... Où était-il à présent ?

[Mornagest]

Un genre d'examen d'entrée... ça semblait logique. Hadlis avait raison, mieux valait souffrir et se préparer comme il le fallait pour parer à toute éventualité. Et, même si ses douleurs gênantes n'étaient évidemment pas agréables, elles étaient mille fois préférables à une mort rapide et stupide faute d'entraînement suffisant, ou de maîtrise mal acquise.

"J'en suis bien certain." Il était trop bien placé pour le savoir, d'ailleurs. "Je n'ai jamais servi sous les ordres auparavant... désolé si je donne l'impression d'être un amateur... c'est d'ailleurs pratiquement le cas. J'imagine que ça s'est vu à ma façon de combattre. Mais je suis prêt à apprendre." Cette fois, son ton était bien plus authentique. Bien plus facile, lorsqu'on disait la vérité... "Et je comprends déjà bien des choses... la rigueur est nécessaire pour tenir un tel rythme. Et un tel rythme est nécessaire pour savoir défendre le conseiller." Des heures et des heures d'entraînement... il allait pouvoir revoir sa technique, en apprendre d'autres, et passer aussi de longs et ennuyeux moments à répéter sans cesse les mêmes gestes. Un mal pour un bien.

[Lothringen]

Hadlis acquiesça en silence. Si le nouveau venu avait au moins compris cela, ils n'avaient pas perdu leur soirée. Quant à savoir si c'était un amateur... Non, quand même pas. Hugues serait sans doute venu facilement à bout de n'importe quel soldat de métier, voire aurait pu les prendre par paires. Le niveau de la garde blanche était plus élevé, certes, mais il ne semblait pas improbable que le guerrier puisse l'atteindre à force d'entraînement. Le Conseiller n'avait pas si mal jugé que ça, après tout...

Tandis qu'ils progressaient dans la rue principale, désormais à peu près vidée compte tenu de l'heure, l'helmite aurait aimé interroger Hugues sur son parcours, mais il ne savait si ce genre de question était très judicieux. Si son collègue était un ancien agent de renseignement... La réponse risquait d'être un mensonge. Il décida de poser la question franchement.

"Dites-moi... Puis-je vous demander sans indiscrétion où vous avez appris à vous battre, ou mieux vaut que je garde ce genre de questions pour moi ?"

[Mornagest]

Il s'était préparé à ce genre de question. Censé être un fils de marchand, il pouvait difficilement justifier sa ténacité au combat pour naturelle...

"Ce n'est pas indiscret", fit-il avec un léger sourire. "Mon père a décidé que je me devais de savoir me battre un minimum. Les temps sont souvent dangereux... à l'époque où j'ai suivi un entraînement martial, disons, limité, les tensions entre Melandis et Manost étaient également élevées. Mais apparemment, j'ai oublié pas mal de choses que j'avais alors acquises. Des réflexes à reprendre, et de nouveaux à apprendre."

La vérité n'était pas si différente. Il avait appris par la force des choses... d'où son style très libre, pas toujours très inspiré. Décidément, un peu de discipline ne pourrait que l'aider sur ce plan.

[Lothringen]

Sire Rowan n'avait pas été très prolixe en détails sur leur nouveau collègue, et Hadlis ne savait au juste si Hugues était là de manière très provisoire ou non. Peut-être que tout ceci ne le regardait pas...

« Hé bien, je ne sais si vous resterez longtemps parmi nous, vu que votre recrutement a été un peu atypique… Mais si vous survivez à tout ceci, je suis certain que votre passage dans la garde vous aura appris beaucoup de choses utiles. »

Il n'avait pas le sentiment de beaucoup s'engager en affirmant cela. La contrepartie consistait en nuits de veille, en longs entraînements, en courbatures et en blessures d'amour-propre. Mais on en guérissait.
Ils se trouvaient désormais devant l'auberge du Merle Rouge. Un membre de la garde, devant l'entrée, les salua d'un sourire. En s'approchant, Hugues remarqua qu'il ressemblait en tout point à Hadlis. Moins la balafre sur la joue.

« Hugues... Je vous présente Haldir. Mon jumeau, bien sûr. On peut nous reconnaître facilement, car il me domine toujours... aux échecs. »
« Ben voyons ! » grogna Haldir amusé. « On vérifiera ça demain. »

[Mornagest]

"Enchanté", fit-il avec un signe de tête. Les jumeaux, c'était toujours surprenant... la ressemblance était frappante, et l'obscurité régnante n'aidait pas à les distinguer sur un détail ou l'autre, balafre exceptée. "Je me débrouille un peu aux échecs, mais sans prétention autre que comme passe-temps." Il ne comptait pas lancer un autre défi pour la soirée. Du reste, il savait jouer, sans plus. Mais ce dont il avait envie pour l'instant, c'était de manger un morceau et s'allonger sur un lit pour ronfler suffisamment fort pour empêcher ses voisins de fermer l'œil. La fatigue le rattrapait, et malgré les sois prodigués, il sentait bien que seul le repos pourrait le sortir de sa torpeur naissante et envahissante.

Il se demandait si les jumeaux étaient dans la garde depuis longtemps. Très probablement, oui, au vu de l'entraînement de Hadlis. Était-il le seul à avoir été recruté sur le pouce, de la sorte ? Il doutait que les gardes fussent dénichés dès leur plus tendre enfance. C'était Manost, tout de même... il leur posa la question, curieux.

[Lothringen]

«Repérés dès la plus tendre enfance ? Pas exactement. Plutôt repérés parmi les novices du temple, de la garde ou du Cœur Radieux, et entraînés tout spécialement pendant plusieurs années avant de pouvoir intégrer cette unité d'élite, au terme d'un examen d'entrée assez semblable à ce que vous avez vécu ce soir... »
«Oui, c'est assez inhabituel de recruter ainsi, à l'improviste... Le Grand Émissaire n'aurait jamais fait ça, je pense ?»
«Il doit y avoir un ou deux précédents... quand il a voulu distinguer tel ou tel membre de l'armée pour héroïsme ou services rendus. C'est le cas d'Aeron, je crois...»
«En même temps, le Grand Émissaire ne nous aurait jamais offert une virée au galop, ni des biscuits au sésame, aujourd'hui...»
Ces échanges avaient fusé entre ses deux interlocuteurs sans qu'Hugues n'ait réussi à déterminer qui disait quoi. Peu importait d'ailleurs, ils avaient l'air de finir les phrases l'un de l'autre et d'avoir un seul cerveau pour deux gorges. Ils éclatèrent enfin de rire, un seul et même rire en écho, de la même voix grave.
«Oui, le Conseiller a un style assez différent de celui du Grand Émissaire, mais ça a un côté rafraîchissant. Et maintenant, dînons !»
Sur ces mots, Hadlis monta les marches, abandonnant son frère à son poste de sentinelle.

Suite