[Everaska] Quête: Racines

[Voyageuse]

L'épée blessa cruellement le lion à l'épaule, lui faisant lâcher sa prise et le rendant à demi fou de colère. Mais aussi de peur.
Malheureusement pour le rôdeur, ce fut la colère qui l'emporta. Une rage meurtrière qui le fit bondit à nouveau. Cette fois-ci, Kasumi était bien placé pour protéger son frère, mais le lion était agile et il ne fut que très légèrement touché à la patte.
Sa rage changea de cible. Il se ramassa, prêt à bondir à nouveau, sur le rôdeur cette fois-ci. Puis il hésita... et fit brutalement demi-tour, filant loin d'eux malgré sa blessure, aussi vite que s'il avait la mort aux trousses. Il semblait terrorisé.
Tilmandil, quant à lui, tenait en gémissant son avant-bras ensanglanté.

[Kasumi]

Abandonnant le lion à son sort, bien que l’animal risquât une lente agonie plutôt triste compte tenu de la situation, Kasumi reporta immédiatement toute son attention sur son frère dès que le lion rompit le combat. Rengainant son épée, il chercha de quoi nettoyer et bander la blessure de son frères. Il n’avait certes que peu de compétences en premiers soins et son unique sort curatif avait été employé bien à tort mais il comptait stabiliser l’état de Tilmandil dans l’espoir qu’il puisse lui-même remédier à l’incident. Mais tout d’abord, il fallait évaluer la gravité de la blessure, accompagnant ses instructions de gestes posés pour l’aider :

- Assieds-toi sur ce rocher le temps que j’examine ça ! J’ai certainement de quoi te désinfecter mais ça va brûler.

[Voyageuse]

Le barde s'écroula plus qu'il ne s'assit. Il était blême. Il tendit son bras à son demi-frère, mais il avait à peine l'énergie de le soulever. Et le rôdeur s'aperçut immédiatement que la blessure n'était pas une simple plaie superficielle.
L'animal avait entamé profondément la chair, et le sang coulait trop abondamment. Un sort de soin de base ne suffirait pas à la soigner, et le barde ne semblait pas en état d'en lancer un pour le moment, de toute façon.
Pour l'heure, le plus urgent était de stopper l'hémorragie, avant même de songer à tout nettoyage de la plaie.

[Kasumi]

La blessure était grave, mais pas plus qu’il ne s’y était attendu. Le rôdeur usa d’une longueur de tissu propre tirée de son sac pour appliquer aussitôt un garrot au-dessus du coude de Tilmandil. Une fois que l’hémorragie se serait résorbée au maximum, il aurait un peu plus de temps pour appliquer une décoction aux vertus antiseptique et cicatrisante sur la plaie. Ce serait très douloureux mais Kasumi n’avait pas le choix. Même s’il s’était trouvé en pleine possession de ses moyens magiques, cette étape se serait tout de même révélée nécessaire. Plus tard, si l’elfe tenait le coup, ses propres réserves curatives seraient mises à contribution.

[Voyageuse]

"Vous voulez le sauver ou l'achever?" lança une petite voix aigrelette venant d'au-dessus de lui.
Une femme -une elfe- descendait la pente avec autant d’agilité qu'un chamois et vint se planter près de lui, les mains sur les hanches. Elle ne lui accorda qu'un regard fort peu amène, avant de se pencher sur Tilmandil. D'assez petite taille, elle portait des vêtements de peau, des fleurs et d'étranges plumes dans ses cheveux blonds tressés d'une longueur impressionnante.
"Couper le sang trop longtemps, ça fait des caillots. Les caillots ça monte au coeur et ça le fait exploser. La prochaine fois, contentez-vous d'appuyer très fortement avec votre poing fermé, juste ici", ajouta-t-elle en défaisant le garrot tout frais. Elle prit d'autorité la main du rôdeur et lui ferma le poing pour l'appuyer fermement à l'intérieur du bras, tout en haut, entre le biceps et le triceps.
L'hémorragie, qui avait repris de plus belle lorsqu'elle avait dénoué le tissu, s'amenuisa doucement jusqu'à cesser.

L'elfe, sans plus se préoccuper du rôdeur, se mit à incanter, et Kasumi vit la blessure se résorber lentement.

[Kasumi]

Kasumi n’avait même pas entendu l’elfe s’approcher tant il était obnubilé par sa tâche. Il n’avait pas non plus fit le moindre geste pour protester quand elle l’avait guidé dans ses soins, se contentant de laisser faire une personne manifestement bien plus compétente que lui en la matière. Un peu honteux de ses échecs tant pour protéger son frère du lion que pour tenter d’en réparer les conséquences, il garda le silence en laissant faire l’inconnue. Finalement, après qu’elle ait achevé son incantation, il osa prendre la parole pour la remercier :

- Merci de votre aide, madame. Je m’appelle Kasumi et voici mon frère, Tilmandil. Comment pourrions-nous vous dédommager de votre assistance ?

La curiosité lui brûlait les lèvres mais il aurait été bien impoli d’interroger leur sauveuse sur son identité et la raison qui l’avait amenée ici.

[Voyageuse]

L'elfe les dévisagea à tour de rôle. Malgré son attitude un peu revêche, elle était plus jeune qu'il ne l'aurait cru, et plutôt jolie. Elle ne répondit pas immédiatement à Kasumi, préférant vérifier une dernière fois la blessure de Tilmandil.
- Tout a l'air refermé... mais vous avez perdu du sang donc vous allez être un peu affaibli jusqu'à ce que votre corps l'ait régénéré. En outre il est probable que vos muscles n'aient pas retrouvé leurs positions exactes dans votre bras. Vous serez gêné quelque temps. Mais je gage que votre compagnon... votre frère... ou demi-frère plus probablement, saura trouver un baume efficace pour réduire l'hématome et aider à revivifier votre bras.
Elle avait parlé cette fois-ci d'un ton beaucoup plus doux. Mais n'avait pas daigné de présenter...
- Merci, fit Tilmandil. Je vous suis infiniment reconnaissant...
- Quant au dédommagement, ajouta-t-elle d'un ton où perçait un brin de malice, je n'en demande jamais. Mais je veux bien un petit service, en échange. Que vous n'êtes nullement tenu d'accepter de me rendre...
Elle laissa planer un instant de silence et fixa Kasumi droit dans les yeux.
- J'ai besoin de votre aide pour soigner le lion...

[Kasumi]

Le soulagement de savoir son demi-frère tiré de tout danger laissa la place à une certaine incrédulité. Kasumi s’en était voulu de devoir recourir à la violence pour contenir le lion après avoir tenté une approche plus « diplomate ». Etait-il possible que la jeune elfe l’ait perçu ? Comment se faisait-il qu’elle soit apparue comme par enchantement au moment précis où il avait blessé l’animal ? Etaient-ils liés d’une façon ou d’une autre ? Sa demande n’était pas plus farfelue qu’une autre néanmoins et il lui devait bien de lui retourner ce service. Quelle qu’en soit la raison, le rôdeur sentait qu’il était dans son devoir de l’aider à soigner le félin aussi accepta-t-il en posant comme condition que cela ne nuise pas à Tilmandil :

- Je veux bien vous aider quoique je ne voie pas vraiment en quoi je pourrais vous être utile. Il risque de me fuir ou de se montrer agressif maintenant que je l’ai blessé. Le lion a du se sauver loin : il était terrifié. Nous pourrons certainement le suivre à la trace et il est possible qu’il s’épuise vite mais je ne crois pas que mon demi-frère pourra parcourir un long chemin dans son état.

[Voyageuse]

L'elfe secoua la tête.
- Il n'est pas très loin, ne vous en faites pas. Et bien évidemment qu'il était terrifié : je lui ai envoyé l'illusion que vous étiez une sorte de lion géant bien plus puissant que lui.
Elle eut un petit rire.
- Il n'a pas demandé son reste... Mais j'ai réussi à le calmer ensuite, avant qu'il ne soit hors d'atteinte de mes pouvoirs. Il nous attend tranquillement à quelques centaines de mètres d'ici. Un quart de lieue peut-être... Votre demi-frère devrait être en état de venir, je pense. Sauf s'il préfère rester ?
- Je me sens parfaitement en état ! s'exclama le barde. Enfin, presque parfaitement...
- A la bonne heure... Le lion a dû garder quelque part en lui la certitude que vous étiez plus puissant que lui, messire Kasumi, et il devrait se soumettre à vous. Enfin, je pense... je peux me tromper bien sûr. Mais il va bien falloir qu'il accepte que vous le teniez pendant que je le recouds. Je n'ai plus de sort de soin en réserve... Vous vous sentez prêt à tenter l'expérience? Si vous avez peur, je le comprendrai bien sûr...
Il y avait une lueur de défi et de malice dans son regard clair.

[Kasumi]

Le rôdeur en voulait un peu à l’elfe d’avoir douté de ses capacités au point de le substituer une illusion mais il ne pouvait pas lui en vouloir surtout en mettant en balance le peu de résultat qu’il avait réussi à obtenir. Les nouvelles étaient néanmoins rassurantes et Tilmandil pourrait probablement supporter un détour d’une demi-lieue. Dans le cas contraire, ils n’avaient aucun espoir d’atteindre Everaska avant la nuit de toute façon. Le demi-elfe doutait toujours de pouvoir se montrer utile et la tactique suggérée par l’elfe était loin d’être sans danger pour lui comme pour son demi-frère. Toutefois, il se devait d’essayer de l’aider. Sans son intervention, ils auraient pu être bien plus en danger :

- Très bien : j’accepte. Ce sera pour moi l’occasion de prendre un autre cours de premiers secours. Ce n’est jamais une mauvaise idée et vous semblez un professeur douée en la matière. Vous êtes druidesse, peut-être ?

[Voyageuse]

- Oui, je suis druidesse, répondit-elle. Venez, suivez-moi, c'est par ici !
L'elfe les entraîna à sa suite le long du sentier, revenant sur leurs pas. Puis elle quitta la piste pour s'aventurer en contrebas, avec l'air de savoir parfaitement où elle allait. Il était difficile de la suivre tant elle avait d'aisance sur ce terrain escarpé et caillouteux. Elle se retourna plus d'une fois pour vérifier qu'ils ne s'étaient pas trop laissé distancer. Mais même s'ils l'avaient été, la piste était fraîche et facile à suivre : l'animal avait perdu beaucoup de sang.

Le lion les attendait comme elle l'avait dit, à demi dissimulé derrière un des rares buissons s'accrochant à la pente. Il leva la tête en les entendant arriver, et montra les crocs, tentant de bouger. Mais déjà la druidesse était près de lui et lui parlait d'une voix douce, apaisante, dans un dialecte que Kasumi était bien incapable de comprendre. Il la vit tendre une poignée d'herbes choisies dans la petite besace qu'elle transportait, que le lion goba sans rechigner.
Lorsque l'animal vit le rôdeur, un grondement sourd s'échappa de sa gorge. Puis il parut vouloir s'aplatir au sol, non dans un geste d'attaque mais bien en signe de soumission.
- Vous êtes le mâle dominant, commenta la druidesse. Vous pouvez vous approcher, vous ne risquez rien. Faites simplement attention à ne jamais vous retrouver en position de dominé : ne vous couchez pas, ne vous asseyez pas non plus. Restez au-dessus de lui. Quant à vous...Tilmandil... Vous restez à l'écart.
Le lion, soit qu'il eut compris ce qu'on attendait de lui, soit qu'il voulut montrer sa soumission, se coucha sur le flanc, laissant sa blessure à découvert. Elle était profonde, et l'hémorragie était importante. Sans soins immédiats, l'animal était condamné.
- Placez-vous ici, et prenez-lui la patte. Doucement. Juste pour empêcher les gestes réflexes pendant que je vais le recoudre. Je lui ai donné des plantes apaisantes, et en outre il ne bougera pas pour ne pas vous déplaire, mais on ne sait jamais. Surtout, il ne doit jamais avoir la sensation que vous avez peur. Jamais. Ayez des gestes francs. Ou alors renoncez.

[Kasumi]

Mais le rôdeur n’était pas décidé à renoncer malgré l’incongruité apparente du plan proposé par la druidesse. Vérifiant que Tilmandil se tenait suffisamment à l’écart pour ne pas être à nouveau blessé, il s’approcha du lion d’une démarche assurée et décidée, sans chercher à louvoyer et surtout, sans le quitter des yeux. Il décida également de laisser ses armes au fourreau pour garder ses deux mains libres. Se plaçant au-dessus de sa victime, il se pencha en posant un genou à terre et en tendant le bras pour saisir d’une poigne ferme la patte qu’avait désignée l’elfe. Il espérait que tout dominé et apaisé que soit le lion, il ne se heurterait pas à une rebuffade réflexe bien compréhensible.

[Voyageuse]

Le lion dressa la tête, mais que ce soit par soumission, peur ou épuisement, il ne broncha pas lorsque Kasumi lui prit la patte arrière. Cependant, ses yeux dorés ne quittaient pas le rôdeur, et il semblait suffisamment alerte pour lui arracher la main d'un coup de croc si la fantaisie lui prenait. C'était un animal impressionnant, plus grand et probablement deux fois plus lourd que le rôdeur. De près, celui-ci voyait clairement le dessin des muscles, les crocs aigus et les griffes qui en faisaient un si redoutable chasseur.
La druidesse incanta et la méfiance du lion parut s'atténuer. Il reposa sa tête.

- Normalement, le sort que j'ai lancé atténue les sensations, la douleur notamment. Et je sens qu'il a confiance en moi. Et peut-être un peu en vous, même s'il vous craint encore.
Elle parlait d'une voix basse, grave, douce et musicale, différente du ton cassant avec lequel elle les avait interpellés. Le rôdeur comprit que ces sonorités jouaient leur rôle quand il entendit, à sa grande surprise, l'animal émettre un bruit sourd qui s'apparentait presque à un ronronnement, tandis que l'elfe nettoyait doucement la plaie... Mais qui cessa sitôt que, sans prévenir, elle piqua une aiguille dans sa chair d'un geste rapide et précis. Sans le rôdeur qui lui tenait fermement la patte, un mouvement réflexe l'aurait sans doute fait sursauter. Il releva la tête, fixa le rôdeur de son regard d'or, et ne le quitta plus des yeux tandis que la druidesse, avec une efficacité surprenante, recousait les tissus. Le rôdeur le sentait tressaillir à chaque piqûre, mais il était vital qu'il ne bouge pas d'un poil pour ne pas écarter les chairs et relancer l'hémorragie, ce qui nécessitait une concentration sans faille.
- Voilà, ça devrait aller. Vous pouvez le lâcher... Il ne bougera pas, il est trop épuisé et il a confiance. Mais gardez en tête ce que je vous ai dit. Et ne parlez pas trop fort. Je vais lui faire un bandage pour maintenir tout ça en place... tenez, attrapez une bande de tissu dans ma sacoche.

[Kasumi]

Le rôdeur maintenait fermement sa prise, contraint de s’en remettre à la druidesse mais éprouvant tout de même une étrange confiance vis-à-vis d’elle : elle semblait connaître son affaire et ses prévisions n’avaient pas été prises en défaut jusque-là. Sans relâcher sa pression sur l’animal de sorte de l’inciter à rester immobile, il tira le sac à lui de sa main libre et commença à fouiller dedans à la recherche des pansements demandés. Ce faisant, il était obligé de réduire un peu sa vigilance. Mais s’il ne montrait pas de doute et ne faisait pas de geste brusque, sa pression sur le flanc de l’animal devrait suffire. Du moins tâchait-il de s’en convaincre.

[Voyageuse]

La sacoche était vaste et contenait apparemment nombre d'herbes et d'onguents, mais le rôdeur sentit rapidement sous ses doigts un bout de tissu... qui était bien une bande.
La druidesse eut tôt fait d'en faire un bandage solide et bien serré. Le lion, apaisé, avait fini par s'allonger totalement, mais Kasumi devinait que son œil d'or continuait à le guetter sous ses paupières mi-closes.
Tilmandil, quant à lui, s'était assis un peu à distance, méfiant, mais ne perdait pas une miette du spectacle.

L'elfe se releva enfin.
- Voilà, c'est terminé. Lâchez-le... Allez, lève-toi, mon beau. Que je voie comment tu marches...
Le lion ne bougea pas d'un pouce jusqu'à ce que l'elfe, sans la moindre crainte, se décide à lui soulever la tête en empoignant sans ménagement sa crinière. Alors il se leva, comme à regret, et fit quelques pas en boitillant. Au moins semblait-il ne plus souffrir. Il tourna sa tête vers l'elfe, puis vers Kasumi, ignorant superbement Tilmandil.
- Allez, mon grand... C'est le moment de faire la paix...
Le lion tourna à nouveau la tête vers la druidesse, puis, comme s'il avait compris son attente, finit par s'approcher du rôdeur de son pas souple de félin, et se coucha juste à ses pieds. Kasumi sentit tout son poids s'appesantir contre lui.
- Bien... Très bien...
L'elfe sourit à Kasumi.
- On dirait qu'il vous aime bien, finalement...

[Kasumi]

Kasumi était tout aussi soulagé que l’opération risquée soit enfin terminée qu’elle ait eu une fin heureuse. Il ressentait toutefois une sorte de bien être euphorique à l’idée d’avoir sauvé la vie d’une si noble créature que le lion. Quand l’animal s’allongea à ses pieds, il lui adressa un geste de tendresse tout en pensant à Première Neige qui devait gambader dans la nature hélonnienne sous la garde d’Astrée. Du moins si cette dernière s’était décidée à quitter la ville. Le rôdeur passa une main dans la crinière du lion pour le caresser. Il n’avait toutefois pas l’intention de s’attarder, l’heure avançant, au contraire d’eux. S’ils rechignaient plus longtemps à reprendre la route, ils n’atteindraient jamais Everaska avant la tombée de la nuit.

- En effet et j’en suis content. Il va pouvoir retourner à sa vie sauvage : son absence aurait été une grande perte. Va-t-il s’en remettre complètement à votre avis ? J’ai essayé de ne pas lui infliger de blessures trop profondes mais il fallait le faire fuir.

[Voyageuse]

L'elfe rit, puis répliqua d'un ton sérieux.
- N'essayez pas de minimiser les choses... Vos luttiez pour défendre votre vie et celle de votre demi-frère, et je doute que vous ayez eu en tête, à ce moment-là, de préserver celle du lion ! Le plus fort survit... la simple loi de la nature...
Elle se radoucit et lui adressa un sourire sincère.
- Mais je suis certaine que vous n'aviez pas d'intentions meurtrières, à l'origine, et que vous n'êtes pas de ceux qui éprouvent du plaisir ou de la fierté à blesser un animal.

Le lion n'avait pas eu de réaction hostile quand Kasumi avait caressé sa crinière. Il tourna simplement vers lui son regard jaune. Puis il se leva et boitilla vers l'elfe qui l'observait, pensive.
- Pour répondre à votre question... Il s'en remettra. Mais cela prendra du temps, et sa blessure le fragilise. Non qu'il ait grand-chose à craindre d'un quelconque prédateur, mais il sera moins efficace pour chasser durant quelques temps. Or il a besoin de se nourrir. En grande quantité. Et il a également besoin d'être utile à son clan, je doute qu'ils le nourrissent gracieusement en attendant son rétablissement.
Elle soupira.
- Je crois qu'il va falloir qu'il vive quelque temps en solitaire, et qu'il s'abaisse à se nourrir de charognes encore fraîches. Pas du tout son genre... Heureusement que les bêtes sont moins sensibles que nous à ce genre de petite humiliation. Mais il faudrait que je veille sur lui un moment, par sécurité.
L'animal essaya d'ôter le bandage qui le gênait et l'elfe s'approcha de lui, semblant lui murmurer quelque chose à l'oreille. Il s'apaisa.
- Dites-moi... Vous vous rendiez à Everaska j'imagine ?
- Oui, osa répondre Tilmandil qui ne perdait pas des yeux le lion.
- Auprès de votre père, Elryndel?

[Kasumi]

Le rôdeur ne put s’empêcher de marquer sa surprise par une expression d’étonnement. Il ne se serait pas attendu que son demi-frère ou lui-même soient connus. Après un instant de réflexion, il se convainquit que ce n’était pas forcément le cas : son père était un diplomate apprécié à l’époque où il l’avait quitté. Un notable dont beaucoup au moins connaissait le visage. Et le moins que l’on puisse dire était que Tilmandel lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Du moins d’après ses propres souvenirs.

- En effet, nous allons visiter notre père. Auriez-vous des nouvelles plus récentes de lui ?

[Voyageuse]

L'elfe sourit.
- Plus récentes... Pas tant que ça. Je l'ai vu pour la dernière fois il y a deux mois. Son état paraissait stable, je suppose que c'est ce qui vous inquiète. Et je m'apprêtait justement à lui rendre visite, mais maintenant...
Elle soupira en regardant le lion.
- J'ai un autre être vivant qui a un besoin de moi beaucoup plus urgent, je le crains.
Elle se tourna vers Kasumi et Tilmandil.
- Pourriez-vous s'il vous plaît lui transmettre mes salutations? Et lui dire que j'ai fini par trouver les informations qu'il m'avait demandées ? Il comprendra... Dites-lui que je viendrai lui expliquer tout ça de vive voix dès que possible, d'ici une veille ou deux je pense. Ah... Je me nomme Eärundra.

[Kasumi]

Ainsi donc la druidesse connaissait davantage son père qu’il ne l’avait tout d’abord soupçonné. Everaska était l’une des plus importantes communautés elfiques de Toril aussi il y avait peu de chance que cette liaison soit simplement fortuite. La rencontre était néanmoins heureuse car elle lui apprenait que son père était toujours en vie. Et probablement assez conscient pour tenir une conversation et faire appel à sa mémoire. Du moins le rôdeur ne pouvait que l’espérer.

- Nous ne manquerons pas de lui transmettre votre message, madame. Puis-je encore abuser de vos bienfaits avant que vous ne vous occupiez du lion ? Je pense que nous n’atteindrons pas la ville avant la tombée de la nuit. Autant ne pas chercher à hâter notre rythme du moins si vous pouviez nous recommander une étape accessible pour y faire halte ce soir.

[Voyageuse]

L'elfe parut jauger le rôdeur du regard, ses yeux parcourant sa silhouette des pieds à la tête, devinant sa musculature, s'arrêtant sur son torse. Elle sourit d'un air qu'on ne pouvait que qualifier... d'appréciateur. mais son ton était tout à fait sérieux lorsqu'elle répondit.
- Seul, vous auriez de bonnes chances d'y être à la tombée de la nuit ou juste après, à condition de garder un rythme soutenu. Mais effectivement, je ne pense pas que votre demi-frère puisse tenir toute la journée à cette vitesse.
- Ca fait toujours plaisir, répliqua celui-ci d'un ton faussement maussade.
- Il est donc plus sage, en effet, de prévoir une étape, poursuivit la druidesse en ignorant l'intervention de Tilmandil.
Elle réfléchit un instant, jetant un oeil à la montagne devant eux, évaluant la course du soleil dans le ciel.
- Si je me souviens bien, il y a une cabane de bergers qui peut vous offrir un abri confortable. En cette saison elle doit être déserte... Mais je vais vous accompagner un bout de chemin, ce sera plus simple. Cela me permettra de conduire mon nouvel ami à quatre pattes jusqu'à une petite caverne que je connais, à deux heures d'ici, qui pourra provisoirement lui servir de tanière. Enfin, si ma compagnie, et surtout la sienne, ne vous gêne pas...
Elle jeta un regard taquin à Tilmandil qui avait légèrement blêmi et observait le lion d'un air... tout sauf confiant. Le barde n'osa pas répondre -de peur de passer pour un lâche sans doute-, et se tourna vers son demi-frère d'un air anxieux.

[Kasumi]

Kasumi chercha à ménager son demi-frère en lui rappelant qu’il avait perdu beaucoup de sang et qu’il n’était donc plus en pleine possession de ses forces. L’idée d’être accompagné ne le gênait pas autant que Tilmandil alors qu’il ne connaissait quasiment pas la région mais la présence du lion pouvait s’avérer quelque peu problématique.

- La cabane sera parfaite ! Est-elle visible depuis la route ? Et votre présence sera la bienvenue. Nous sommes honorés de votre aide. Enfin si vous êtes bien certaine que le lion peut voyager immédiatement et pourra tenir notre rythme.

[Voyageuse]

- Notre rythme... doit être pour lui équivalent à une allure de fourmi ! Bon, j'exagère peut-être un peu... Allez, rassurez-vous, ajouta-t-elle en se tournant vers Tilmandil, il va rester à quelque distance. Il tient à son indépendance. Mais... oui, je pense qu'il va me suivre de lui-même sans que j'aie à insister.
Elle s'était tournée vers le lion, pensive, et Kasumi eut la sensation qu'ils échangèrent un regard. Le lion, qui s'était allongé à l'ombre d'un buisson d'épineux, se releva, comme en réponse à sa question muette.
- Allons-y... Et cessez donc de le guetter ainsi, votre peur le rend nerveux.
Tilmandil grommela quelque chose d'indistinct mais rougit sous le regard autoritaire de la druidesse.
Celle-ci semblait s'amuser de son agacement, et se mit en route d'un pas alerte, faisant signe aux deux hommes de la suivre. Kasumi put constater que le fauve, après quelques instants, se mettait en route à son tour. Lorsqu'ils eurent rejoint la route, il prit garde à rester à quelque distance, marchant en contrebas, se coulant de buisson en buisson. Il boitait, bien sûr, mais avançait apparemment sans souffrir. Eärundra lui jetait de temps à autre des coups d'oeil vaguement inquiets, mais ne ralentit pas le rythme pour autant. Kasumi crut lire parfois une lueur de fierté dans le regard qu'elle lançait au fauve.
C'était finalement Tilmandil qui donnait le plus de signes de fatigue.

[Kasumi]

Kasumi se trouva soulagé de constater que le lion n’allait pas marcher parmi eux. Le félin semblait apte à tenir le rythme ce qui était une autre bonne nouvelle. Avec un peu de chance, ils atteindraient la grotte où Eärundra souhaitait emmener l’animal. Ensuite, ils pourraient faire une pause sans arrière-pensée et ainsi permettre à Tilmandil de souffler un peu. Plein de sollicitude, le rôdeur souffla à voix basse à son demi-frère :

- Si tu veux que je te soulage de quelques affaires pour la suite, il ne faut surtout pas hésiter : ce serait risqué de trop tirer sur ton bras lors des prochaines heures.

[Voyageuse]

Tilmandil ne se fit pas prier et tendit son sac au rôdeur.
- Je ne tiendrai pas longtemps à ce rythme, avoua-t-il. Je n'ai pas l'habitude...
Il jeta un regard un brin courroucé sur la druidesse qui leur tournait le dos. Il avait parlé à voix presque basse, désireux de ne pas montrer sa faiblesse. Surtout devant une femme, devina Kasumi.
- Vous avez besoin de faire une pause, peut-être?, demanda celle-ci, comme en réponse à la remarque qu'elle ne devait pourtant pas avoir entendue. On a le temps de s'arrêter un peu si vous voulez...
Son ton était plein de sollicitude... et pourtant Kasumi avait la sensation d'une pointe de malice.
- Non, répliqua le barde, serrant les dents. Il avait très peu parlé depuis le début du trajet, semblant économiser son souffle. Et il devait véritablement avoir besoin d'une pause sous peu, même s'il ne l'admettait pas.

[Kasumi]

Le rôdeur fut soulagé de voir son demi-frère ne pas céder à la fierté et accepter de lui confier son sac. Ils n’étaient pas pressés et probablement pas en danger mais il n’aimait pas l’idée que Tilmandil soit épuisé et donc privé de ses ressources physiques en cas de nouvelle mauvaise surprise. Son sac était passablement lourd mais Kasumi estimait pouvoir le porter sans trop de peine, du moins avec un rythme pas plus soutenu qu’actuellement et en faisant plusieurs pauses avant le soir. Il prit donc une décision :

- Il doit rester deux heures avant midi. Je préfère que nous avancions jusqu’à la grotte dont vous parliez avant de faire une halte. Cela dit, rien ne nous empêche de nous arrêter cinq minutes pour boire un peu d’eau fraîche à mi-chemin si vous connaissez un lieu approprié. Nous n’avons pas d’impératif si nous réduisons notre étape comme prévu.

[Voyageuse]

L'elfe hocha la tête.
- Il y a un petit torrent pas très loin d'ici. Nous pourrons remplir vos gourdes, et faire une petite halte...
Elle sourit à Tilmandil, et ajouta, comme en écho aux inquiétudes de Kasumi.
- Il vaut mieux vous économiser un peu, on ne sait jamais ce qui peut survenir sur le chemin. Venez, c'est par ici... D'ailleurs le lion semble l'avoir déjà repéré.
En effet, l'animal avait accéléré l'allure, et arriva avant eux en vue du torrent. Une belle cascade paraissait jaillir directement de la paroi, plus haut, donnant naissance à un cours d'eau qui coupait leur route. Le débit était important en cette saison, mais un gué bien aménagé leur permettrait de traverser confortablement.

Eärundra s'éloigna légèrement d'eux pour s'approcher du lion qui buvait l'eau claire. Elle était petite et frêle à côté de l'énorme fauve, mais aucun sentiment de crainte ne paraissait l'effleurer. Elle examina un moment le pansement et caressa l'animal qui se laissa faire, confiant. Puis elle se mit à cueillir quelques plantes et baies qui poussaient à proximité du ruisseau.Kasumi eut le sentiment qu'elle prenait volontairement son temps pour laisser Tilmandil se reposer à sa guise.

[Kasumi]

Le rôdeur ne sentait pas encore la nécessité de se reposer mais posa tout de même ses sacs près d’un rocher pour aller remplir leurs gourdes un peu en aval du lion et de la druidesse. Il préférait ne pas s’immiscer entre l’elfe et l’animal impressionnant tant qu’il pouvait l’éviter. Lui aussi prit tout son temps, y compris celui de s’humecter le visage et la nuque à l’eau claire et fraîche du torrent.

- Voici un lieu véritablement enchanteur. J’imagine que vous venez de temps à autre par ici…

Kasumi n’avait pas l’intention de s’attarder outre mesure mais il savait d’expérience une pause courte toutes les heures ne mettraient pas en danger leur rythme et leur permettrait de le maintenir bien plus longtemps.

[Voyageuse]

- Ici, là, je vais partout où bon me semble... Ces montagnes sont mon territoire et j'y suis chez moi, répliqua la druidesse d'un ton évasif. Mais je vais effectivement être assez présente de ce côté-ci dans les jours à venir, puisqu'il faut que je veille sur ce jeune fauve trop impulsif, ajouta-t-elle en regardant le lion avec un mélange de tendresse et de fierté.
Elle sourit à Kasumi, et questionna, d'un ton plus grave avec une franche curiosité dans le regard.
- Et vous, quel est donc votre territoire ? Votre tenue indique un homme d'action et un voyageur, vos gestes sont ceux d'un ami des animaux, votre démarche trahit le cavalier en vous, mais vous avez aussi l'endurance du marcheur... Votre père m'a juste dit qu'il avait un fils dont il était sans nouvelle et l'autre parti à sa recherche. Lequel des deux êtes-vous ?
Tilmandil, un peu plus loin, achevait de remplir sa gourde. Assis sur un rocher au bord du chemin, il les observait sans intervenir, l'oeil amusé.

[Kasumi]

Kasumi sourit à son tour, laissant libre cours à son amusement. Il répliqua d’un ton léger aux questions de la druidesse, tentant de faire preuve d’esprit :

- Tout le monde recèle une part de complexité voire de contradictions : vous la première : druidesse et guérisseuse douée qui entretenait pourtant d’apparents liens étroits avec la cité et ses habitants. Je suis un peu tout ce que vous décriviez : tantôt soldat, tantôt protecteur, tantôt piéton, tantôt cavalier. Mais je n’ai pas de territoire. Ou plutôt j’appartiens à une contrée lointaine. Une contrée qui laisse aller et venir ses citoyens. Je suis un rôdeur vagabond. Et pourtant ce n’est pas moi celui des deux frères qui a suivi la trace de l’autre.