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Posté : lun. 27 mai 2013, 15:35
par Galathée
Les guides sourirent.
" Normalement, j'imagine qu'un adulte devrait arriver... Mais il n'y a pas de règles. Si ça se trouve, c'est effectivement le comité d'accueil... Nous n'avons pas l'autorisation de pénétrer plus avant dans le village sans y être invités. " dit le plus ancien.
Le petit garçon avait contourné le barde pour s'approcher du guide.
" Est-ce que tu as un cadeau pour moi ?
— Tu voudrais quoi ?
— Je sais pas. Quelque chose qui se mange. Ou alors un jouet.
— Je crains que...
— Delion ! Veux-tu cesser !" lança alors une voix depuis le couvert des arbres.
Une femme encore jeune parut entre les branches et sourit aux visiteurs. Les enfants poussèrent des cris d'allégresse et se ruèrent vers elle. Elle avait de longs cheveux blonds, une robe sylvestre très élégante et très elfique, et elle s'inclina poliment devant le barde.
" Bienvenue à vous, Belenn. Nous avons été avertis de votre venue en notre village. Je suis Estë et j'ai été désignée pour vous conduire jusqu'à nous."
Elle se tourna vers les deux guides.
" Merci à vous. Nous allons nous débrouiller, à présent."
Posté : lun. 27 mai 2013, 15:51
par Taliesin
Taliesin salua courtoisement la nouvelle venue, employant pour ce faire les gestes prescrits par l'étiquette des elfes du soleil. Elle était particulièrement tatillonne et il était ravi de ne plus avoir eu à l'employer depuis longtemps, bien qu'il en ait conservé un parfait souvenir.
-Enchanté de faire votre connaissance, dame Estë.
Puis, se tournant vers les gardes.
-Je vous remercie de m'avoir conduit jusqu'ici.
Bien des choses lui échappaient encore. Pourquoi, par exemple, n'avaient-ils pas le droit de s'aventurer en ces lieux ? Etait-ce lié à leur statut de demi-elfe, lequel était souvent un objet de mépris de la part de son peuple ? Et le nom de section de convalescence dont on avait qualifié le village, signifiait-il qu'il n'y séjournerait que temporairement avant d'être transféré ailleurs ? Cela semblait en contradiction avec l'expression "nouvelle demeure", également employée... Bah, selon toute vraisemblance, il ne tarderait pas à être fixé sur tous ces points.
Posté : lun. 27 mai 2013, 16:04
par Galathée
Les guides s'inclinèrent poliment, puis repartirent d'où ils étaient venus, fermant la porte derrière eux. Il n'y avait nulle trace de serrure ou de verrou à l'intérieur de l'enceinte. Les deux enfants vinrent se suspendre aux bras de Taliesin, un de chaque côté.
" Et toi, tu as un cadeau ? demanda le petit garçon, apparemment nommé Delion.
— Tu sais bien qu'on peut rentrer avec rien, t'es bête..." fit la petite fille.
Son regard s'illumina.
" Sauf avec des histoires !"
Estë fit signe à Taliesin de la suivre, un sourire embarrassé sur les lèvres.
" Si vous laissiez un peu notre ami tranquille. Il sort tout juste de la maison de vie, il doit être encore fatigué. Vous aurez l'occasion de faire connaissance dans les mois à venir."
Les enfants se décrochèrent du barde à contrecoeur et filèrent dans les broussailles, demeurant cependant à proximité. Estë avait conduit Taliesin sur un nouveau sentier d'humus et de feuilles mortes, étroit et sauvage, qui s'enfonçait dans la forêt.
Posté : lun. 27 mai 2013, 16:19
par Taliesin
Les mois à venir, rien que ça... Le barde n'avait rien contre ces gamins, ni contre Estë, qui ne faisait qu'appliquer les règles du refuge. De plus, lorsqu'ils vivaient en vase clos, les elfes vivaient à leur propre rythme, beaucoup plus lent que celui des humains. Toutefois, sa compagne était humaine, et il était hors de question qu'elle subisse encore des mois son sinistre destin. Il était donc bien décidé à quitter ces lieux au plus vite, dut-il s'enfuir pour la rejoindre.
-Cet endroit m'a été présenté comme une section de convalescence, commença-t-il d'un ton badin. Mais on me l'a aussi décrit comme ma nouvelle demeure... J'avoue donc être un peu perdu. Est-on transféré dans une autre section, une fois complètement remis ?
Sa question lui semblait légitime et, à son sens, n'aurait rien d'incongrue.
Posté : lun. 27 mai 2013, 16:34
par Galathée
" Non, ceux qui nous quittent le font définitivement..." dit Estë avec un sourire tranquille.
Elle souleva les branches d'un saule pleureur pour lui permettre de passer et ils se retrouvèrent dans une petite clairière en bordure d'un étang couvert de nénuphars roses. Des lapins qui broutaient les pâquerettes s'enfuirent et gagnèrent les taillis. Un cygne s'approcha, nageant paresseusement.
" Mais certains décident de rester. Cela dépend un peu de ce que Maître Maebryn peut proposer à chacun. Il essaie de faire en sorte que personne ne sorte vers l'inconnu ou Melandis. La plupart d'entre nous ont déjà assez souffert. Pourquoi quitter le Refuge si c'est pour retourner à l'errance ou l'esclavage ? Nous avons tout ce qu'il nous faut ici."
Ils rentrèrent à nouveau dans le sous-bois. Les enfants avaient disparu.
Posté : lun. 27 mai 2013, 16:47
par Taliesin
Le barde se contenta d'acquiescer, sans se départir de sa bonhommie.
Il était donc théoriquement possible de quitter cet endroit. Mais pas pour la destination vers laquelle il comptait se diriger... Enfin, de toute manière, tout cela devait prendre un temps incroyable : se presser n'était pas dans la nature des elfes. Il y avait donc de fortes probabilités pour que Taliesin doive enfreindre les règles du refuge. Cependant, il n'était pas à quelques heures ou à quelques jours près : il devait patiemment mûrir son plan pour réduire autant que faire se peut les risques d'échec. En attendant, il ouvrirait grand ses yeux et ses oreilles et agirait comme un pensionnaire idéal. C'était l'attitude la plus raisonnable, la plus propre à lui procurer les informations dont il avait besoin pour parvenir à ses fins. Et il n'y avait aucune chance pour qu'il se laisse endormir par la quiétude de ces lieux : rien, ici, n'était susceptible de le retenir.
Posté : lun. 27 mai 2013, 17:09
par Galathée
Ils franchirent un dernier rideau de verdure, lierre et liserons entremêlés, une glycine à la floraison odorante, deux lilas blancs, et débouchèrent dans une nouvelle clairière, beaucoup plus vaste, qui s'étendait autour d'un superbe et gigantesque chêne. Plusieurs maisons de bois y étaient adossées, à la fois simples et élégantes, et elles lui rappelèrent immédiatement les constructions de Loth Imharil et des autres cités elfes qu'il avait pu voir au fil des années, les matériaux précieux en moins. Son arrivée avait été annoncée car une dizaine de ses semblables l'attendaient dans l'herbe, hommes et femmes, tous plutôt jeunes. Tous paraissaient ravis de le voir, souriants et curieux, mais ils se gardèrent bien de se ruer à sa rencontre.
" Vous êtes notre premier arrivant depuis plus de deux mois. Nous aimons notre quiétude mais nous aimons aussi recevoir des nouvelles du monde." fit Estë.
Les elfes du soleil finirent par sortir de leur réserve pour venir le saluer. Il fut enseveli sous une avalanche de visages et de noms, mais en tant que barde, il avait l'habitude d'avoir à mémoriser des informations multiples. Il y avait donc là Delion et sa grande amie, Mevian, la mère de cette dernière, Delith, et Elbereth, qui était leur guérisseuse. Il y avait aussi Uniel qui attendait un heureux événement et son compagnon, Cymion, qui aimait sculpter le bois, Brenil et Amrod, les frères chasseurs, Jaeld qui avait combattu dans les arènes mélandiennes, enfin Nithran et Lobanteriel, qui gardaient sur le visage la frayeur de leurs années d'esclavage. Ils étaient exactement douze, deux enfants pour dix adultes, cinq femmes pour sept hommes, tous elfes du soleil, et tous heureux de rencontrer le barde.
Posté : lun. 27 mai 2013, 17:42
par Taliesin
Une seconde, Taliesin se crut revenu en des temps et en un lieu lointains, alors qu'il était le barde attitré d'une cour princière, alors qu'il était le fiancé d'une dame de haut lignage. Il y avait effectivement de quoi être troublé puisque cela faisait une éternité qu'il ne s'était pas retrouvé face à autant d'elfes du soleil. Toutefois, les circonstances se révélaient tellement dissemblables qu'il revint rapidement à la réalité. A vrai dire, outre la présence de plusieurs de ses congénères, il y avait un unique point commun entre la situation d'hier et celle d'aujourd'hui : il savait qu'il ne resterait pas. Cependant, même cela différait car, contrairement à alors, il ne pourrait s'attarder un, deux, dix ans : sa présence se limiterait à une poignée de jours, si les dieux étaient bons.
Bien décidé à ne se lier à aucun d'entre eux, à n'embarquer personne dans ses périlleux projets, il salua malgré tout la compagnie avec chaleur, distribuant sourires et mots amicaux à chacun. Persistant dans le mensonge dont il avait usé face à Cullyn, il se présenta comme un voyageur ayant exercé divers métiers quoi que s'étant consacré de nombreuses années à l'enseignement. Cela expliquerait qu'il sache un certain nombre de choses sur Dorrandin et sur Hélonna...
Posté : lun. 27 mai 2013, 18:42
par Galathée
Si Taliesin se montra distant, les elfes ne semblèrent pas le remarquer. Ils lui souhaitèrent la bienvenue, le félicitèrent pour sa survie, puis Estë les renvoya à leurs activités et ils s'écartèrent. Le ciel était à présent presque noir mais de multiples sources de lumière chassaient la nuit dans le minuscule village.
" Nous vous avons préparé une couche dans la cabane des célibataires. Nithran et Lobanteriel vous y accueilleront bien. Ils ne sont pas très diserts, mais vous avez surtout besoin de repos, aussi cet arrangement devrait-il vous convenir dans un premier temps. Nous verrons pour la suite. Si vous préférez votre intimité, nous pourrons vous construire une nouvelle cabane, c'est le genre de projets qui enthousiasme la communauté ! Mais il est aussi possible que Cymion et Uniel quittent notre groupe avant la naissance du bébé. Maître Maebryn a apparemment trouvé un endroit où ils pourraient être accueillis mais la situation n'était pas encore parfaitement claire... S'ils partaient, leur demeure sera libre."
Le petit Delion surgit alors à côté de Taliesin et lui attrapa à nouveau la main.
" Bon, avant le dîner, tu dois venir voir ma cabane à moi ! s'exclama le gosse.
— Delion...
— Allez, quoi ! Peut-être qu'il aura plutôt envie de dormir dans ma cabane !
— Je crois que Belenn est fatigué et que ton bavardage l'épuise.
— C'est même pas vrai ! Si ?"
Posté : lun. 27 mai 2013, 18:59
par Taliesin
Comme il s'éclipserait avant peu, et d'une manière plus qu'à coup sûr illégale, il était impératif qu'il ne s'attache à personne, ici, et qu'il ne laisse personne s'attacher à lui. Surtout pas ce gosse qui, selon toute vraisemblance, était l'unique survivant de sa famille. Cependant, répondre non à sa demande serait quelque peu brutal et sans doute mal vu de la part des autres résidents, aussi compréhensive Estë puisse-t-elle paraître. Or, il n'avait aucune envie de se tailler d'emblée une réputation d'irascibilité et d'insensibilité : ce ne serait guère stratégique, surtout s'il voulait obtenir des informations de la part des autres.
-Bah, après une si longue inconscience, un peu d'animation n'est pas pour me déplaire, répondit-il à la jeune femme.
Puis, se tournant vers le petit garçon :
-Alors comme ça, tu as une cabane juste à toi ? Et bien, je serai ravi d'y jeter un coup d’œil avant le repas.
La chose l'étonnait, il devait l'avouer : il l'aurait imaginé logeant avec Delith et Mevian plutôt que seul...
Posté : lun. 27 mai 2013, 19:22
par Galathée
Estë leva les yeux au ciel mais bien sûr, elle ne s'opposa pas à ce que Taliesin accompagne le petit garçon qui l'entraîna joyeusement à sa suite. Cela permit au barde de constater que toute l'activité de ses congénères était rassemblée autour de cet unique chêne. Certains adultes vaquaient à leurs occupations, l'un versant de l'eau dans des cruches, l'autre plaçant des fruits sur un plateau de bois, et ils regardèrent passer Delion et leur invité avec un sourire tranquille. Taliesin arriva bientôt de l'autre côté de l'arbre, à un endroit où ses branches étaient plus basses et plus touffues, et le gamin s'immobilisa parmi les feuilles. Il leva ensuite le bois vers les hauteurs, désignant une cahute bancale perchée loin au-dessus.
" Elle est là, ma cabane. Mais faut grimper. Je crois pas que c'est pour aujourd'hui..."
Elle était effectivement très haut et Taliesin n'était pas en grande forme.
" Mais un jour je te montrerai. On a une vue du tonnerre !"
Posté : lun. 27 mai 2013, 19:39
par Taliesin
Voilà au moins un mystère d'éclairci, ou du moins le pensa-t-il : le gamin avait bâti lui-même le petit édifice de bois mais n'y dormait évidemment pas. Qu'on l'ait autorisé à le faire eut été pour le moins... irresponsable.
-J'imagine, répondit-il, se promettant de s'y rendre avant peu afin d'avoir une meilleure idée de l'agencement du refuge. Et elle est vraiment très chouette, ta cabane.
Il resta à l'observer un moment, pour faire plaisir à son jeune guide, puis finit par se détourner.
-Allez, rentrons. Sinon, les autres croiront que nous nous sommes lancés dans cette périlleuse ascension.
Posté : lun. 27 mai 2013, 20:39
par Galathée
Le petit garçon précéda le barde sur la route du retour.
" Tu vas voir, ils vont faire semblant de rien, mais je suis certain qu'ils auront mis les petits plats dans les grands pour te faire un vrai festin !" annonça-t-il avant de l'entraîner vers la plus grande des constructions.
La porte était ouverte et Taliesin pénétra dans une vaste salle illuminée de mille lanternes. Comme à l'extérieur, il reconnut le goût indéniable des elfes, adapté à la pauvreté de leurs moyens : tout était de matière végétale ou de pierre, il y avait très peu de métal, et rien de précieux. Les chaises étaient pourtant ornementées, la table élégante, et les plats qui la couvraient des plus appétissants : il était à des lieues du brouet qu'on lui avait servi dans l'hospice, ou plutôt la maison de vie, comme l'avaient appelée ses hôtes.
On l'accueillit avec sourires et mots de bienvenue, car tous les elfes se trouvaient rassemblés là, puis on l'installa à la place d'honneur, en tête de table, entre Estë et la dénommée Elbereth. Delion était mécontent d'avoir été écarté, mais il se plia de mauvaise grâce aux directives de ses aînés. Quelques minutes plus tard, le repas débutait : il était manifeste qu'on l'avait attendu pour commencer.
Posté : lun. 27 mai 2013, 20:51
par Taliesin
Refusant que le gamin se prenne d'affection pour lui tout en sachant pertinemment qu'il ne pourrait pas se montrer trop froid à son égard, l'elfe fut soulagé qu'on ait contraint celui-ci à se tenir à distance. Il se sentit donc plus libre pour remercier chaleureusement ses hôtes pour leur accueil, leur sympathie et l'excellence de leur cuisine, à laquelle il fit honneur. Affable, il n'en oublia pas pour autant ses bonnes résolutions, surveillant chacune de ses paroles, veillant à ne rien révéler de compromettant sur son identité. En revanche, répondre à des questions portant sur la situation dans le monde extérieur ne lui posait aucun problème : en bon voyageur, il était forcément au courant de ce qui s'y passait. Mais, surtout, il espérait en apprendre davantage sur le Refuge, sans oser encore se montrer trop curieux. Il était crucial d'éviter toute précipitation...
Posté : lun. 27 mai 2013, 21:09
par Galathée
Il n'apprit pas grand chose. Toutes les personnes présentes avaient été soit rachetées à leurs maîtres, soit victimes de la Feuille Pourrie. Maître Maebryn les avait installés dans ce bosquet magnifique, leur enjoignant d'y vivre à leur convenance. Aucun d'entre eux n'avait connu la magnificence des cités elfiques lointaines, cependant, et ils avaient suivi leur instinct pour se recréer un univers apaisant. A leur connaissance, le Refuge était encore très jeune, n'existant que depuis quatre ou cinq ans. Des enclaves similaires, bien que probablement plus grandes, accueillaient les elfes d'autres races, mais aucun des elfes présents ne les avaient jamais vues. En fait, ils ne quittaient pratiquement jamais leur petit bois, sauf lorsqu'ils devaient se rendre à la maison de vie pour un examen. Les assistants de Maebryn venaient fréquemment les voir pour vérifier qu'ils cheminaient correctement sur la voie de la guérison : en effet, contrairement aux autres elfes, ils conservaient plus longtemps les spores de la maladie en eux, ce qui nécessitait une surveillance et une convalescence de longues durées.
Tout en écoutant leurs paroles, en répondant à leurs sollicitations, Taliesin nota qu'un jeune elfe au visage étrangement tatoué, les cheveux sombres et les yeux très clairs, le regardait intensément depuis un moment. Il n'avait pas encore ouvert la bouche depuis le début du repas, et lorsqu'il croisa le regard du barde, il se détourna, manifestement embarrassé d'avoir été pris sur le fait. Hormis qu'il s'appelait Nithran, et qu'il avait été esclave, Taliesin ne savait rien de lui.
Posté : lun. 27 mai 2013, 22:14
par Taliesin
Depuis qu'il savait que deux membres de leur groupe étaient d'anciens esclaves, le barde redoutait d'être reconnu par l'un d'entre eux. Et voilà que ses craintes, plus tôt qu'il ne l'aurait cru, semblaient se vérifier. De plus, il avait peu de chances de se tromper : le regard de Nithran s'était révélé par trop insistant pour qu'il s'agisse d'autre chose. Bien sûr, l'elfe pouvait n'avoir encore que des doutes, si bien qu'il serait peut-être en mesure de l'induire en erreur. Et dans le cas contraire, la situation ne tarderait pas à s'éclaircir, puisqu'ils partageraient la même résidence.
Son humeur drastiquement assombrie, se demandant s'il n'aurait pas mieux fait d'accepter l'offre de Delion quand l'enfant lui avait suggéré de dormir dans sa cabane, Taliesin s'efforça de faire comme si de rien n'était, comme s'il n'avait pas remarqué qu'on l'avait scruté de la sorte, continuant à bavarder avec une apparente décontraction et une bonhommie jouée.
Posté : mar. 28 mai 2013, 12:14
par Galathée
Autour de lui, les conversations bourdonnaient. Il apprit que les elfes vivaient pratiquement en autarcie, qu'ils plantaient, cueillaient et chassaient dans leur domaine en toute liberté, et que lorsqu'ils avaient des demandes particulières, ils pouvaient les formuler auprès des étrangers de passage. Le plus ancien d'entre eux était, contre toute attente, le petit Delion, qui habitait la section depuis trois ans. Il avait vu défiler bien des adultes qui étaient entrés et sortis, mais n'avait jamais désiré les accompagner, malgré plusieurs propositions. Estë pensait qu'il resterait dans cet univers protégé toute sa vie, Elbereth espérait qu'il finirait, en mûrissant, par avoir envie d'autre chose. Delion, lui, catapultait des petits pois sur Melian à travers la table, au grand dam de Lobanteriel qui essayait de mettre fin à leur pugilat aérien.
" Comment avez-vous attrapé la Feuille Pourrie, si je puis me permettre ? demanda alors Estë. Etiez-vous esclave en ces terres ?"
Posté : mar. 28 mai 2013, 12:32
par Taliesin
A cela, il pouvait répondre sans mentir.
-Non non, je ne suis que de passage sur Dorrandin. Je voyageais avec un ami et, en chemin, nous avons racheté une petite esclave elfe des étoiles que ses propriétaires entendaient noyer. Quelques jours plus tard, juste après que nous ayons essuyé une attaque de bandits au cours de laquelle mon ami a été blessé, la maladie de la jeune fille s'est brutalement déclarée. J'ai essayé de la soigner avec un remède dont on m'avait enseigné la recette, mais j'ai été presque aussitôt victime du mal qu'elle m'avait transmis malgré elle et je me suis administré le même traitement, lequel m'a fait sombrer dans l'inconscience. Voilà où s'arrêtent mes souvenirs. D'ailleurs, j'aimerais beaucoup avoir des nouvelles de mes deux compagnons de route, même si je sais qu'au moins Calanon était vivant quand Maître Maebryn nous a retrouvés. En effet, c'était le seul à pouvoir révéler mon nom, puisque la petite n'a pas prononcé le moindre mot depuis que nous l'avons sauvée.
Qu'il cherche à se renseigner sur le destin de ceux qui l'accompagnaient avant son arrivée au refuge ne pourrait paraître suspect. Au contraire, c'est s'il s'en était abstenu qu'on aurait pu en venir à se poser des questions...
Posté : mar. 28 mai 2013, 12:44
par Galathée
" C'est une chance que l'on vous ait trouvé. Maître Maebryn dit que la Feuille Pourrie est presque toujours mortelle et la plupart des humains massacrent à vue ceux qui en souffrent, même si eux-mêmes ne l'attrapent jamais, dit Estë, pensive.
— Vous pourrez demander à Trent des nouvelles de vos amis. C'est l'assistant qui est en charge de notre secteur. Il parvient généralement à solutionner toutes nos difficultés et à exaucer nos demandes. Je ne pense pas que vous pourrez leur rendre visite, cependant. La contamination est différente dans chaque sous-race et nos fragilités respectives nous empêchent de frayer les uns avec les autres, ajouta Elbereth.
— De toute façon, nous n'avons nul besoin des autres elfes. Nous formons une entité parfaite, tous ensemble, intervint Cymion avec un haussement d'épaules.
— Bien sûr. Mais nous avions formé des liens avant d'arriver ici. Il est normal de vouloir s'assurer que tout est pour le mieux, si on en a la possibilité, offrit Estë, apaisante. Je suis certaine que vos amis sont bien, eux aussi, là où Maître Maebryn les a guidés."
Posté : mar. 28 mai 2013, 12:56
par Taliesin
Là où Maître Maebryn les a guidés... Cette expression l'aurait fait frissonner, s'il n'avait pris grand soin de contrôler ses réactions. Car ce que révélaient ces quelques mots, ce n'était pas de la reconnaissance, mais de la pure dévotion. Qu'on puisse se fier aussi aveuglément à un être dont bien des desseins demeuraient obscurs le mettait extrêmement mal à l'aise. De même que cette séparation des sous-races, laquelle lui paraissait injustifiée puisque presque tous les elfes du Refuge avaient subi la Feuille Pourrie et étaient désormais immunisés à celle dernière... Autant d'éléments qui achevaient de le convaincre, si besoin en était, de retrouver Kerun et de quitter ces lieux au plus vite.
-Merci pour le conseil, Elbereth, dit-il, invariablement chaleureux. Je transmettrai ma demande à Trent dès que possible.
Posté : mar. 28 mai 2013, 13:07
par Galathée
La nuit était désormais tombée et certains des elfes étaient déjà partis, notamment les enfants. Estë finit par se lever.
" Vous devriez aller vous reposer. La cabane des célibataires est la seconde à notre droite. Vous y trouverez le nécessaire pour la nuit. Nous aurons tout le loisir de parfaire votre installation lorsque le soleil rayonnera, demain.
— Bonne nuit, Belenn. Puisse-t-elle être la première d'une longue série en toute quiétude." ajouta Elbereth.
Les deux femmes s'inclinèrent ensuite poliment et sortirent. Le barde se sentait effectivement fatigué, avec une certaine tension dans les membres, signe que son organisme ne s'était pas encore complètement purgé de ses miasmes. Seul demeurait en arrière le dénommé Lobanteriel, qui s'approcha avec un sourire embarrassé.
" Si vous voulez bien me suivre, je vais vous montrer le chemin..."proposa-t-il avec un geste.
Il s'immobilisa cependant au bout de quelques mètres au dehors, les yeux levés vers le ciel.
La voûte était magnifique, noire et couverte d'étoiles, enserrée dans les branches des arbres gigantesques. Mais les étoiles couvraient aussi la terre, en petits lumignons vagabonds, lucioles errantes, illuminant le sous-bois. Même l'âme la plus blasée aurait trouvé ce spectacle merveilleux. La brise était douce, chargée du parfum de mille fleurs, et un oiseau de nuit poussa son cri mélancolique quelque part au-dessus d'eux.
" Je n'aurais jamais cru contempler un jour une chose pareille... souffla Lobanteriel, avant de secouer la tête, comme pour reprendre ses esprits. Mais pardonnez-moi. Par ici."
Posté : mar. 28 mai 2013, 13:34
par Taliesin
-Vous ne devez pas vous excuser, Lobanteriel, dit-il avec douceur. C'est un spectacle merveilleux, surtout dans un cadre aussi enchanteur que celui-ci. Je comprends donc très bien qu'il vous touche, et je suis heureux que vous puissiez désormais le contempler chaque nuit.
Tout en lui emboîtant le pas, il se dit cependant que l'expression "cage dorée" convenait terriblement bien à ce refuge... Peut-être n'y avait-il rien d'affreux là-derrière, contrairement à ce qu'il redoutait en son for intérieur ; peut-être était-ce une véritable chance pour les résidents décidés à vivre loin des horreurs du vaste monde. Mais, en ce qui le concernait, il comptait s'évader avant qu'il ne soit trop tard. Pour lui, pour Kerun... et surtout pour Galathée.
Posté : mar. 28 mai 2013, 13:46
par Galathée
La cabane des célibataires avait tout d'une petite chaumière accueillante. Ce qu'Estë avait appelé une couche était en réalité un lit complet, avec pieds et sommier, draps propres et même un oreiller de plumes rebondi. Il se trouvait dans la seconde pièce de la maisonnette, la première étant occupée par une table et quelques chaises, ainsi qu'une superbe bibliothèque pleine de livres. Des lanternes suspendues au plafond diffusaient une lumière tamisée et Lobanteriel s'immobilisa.
" Nous nous couchons généralement tôt, mais faites comme chez vous. Nous avons l'un et l'autre l'habitude de dormir quelles que soient les conditions, un peu de bruit ou de lumière ne nous dérangera pas et puisque vous êtes un érudit, vous aurez sans doute envie de lire quelque peu avant de vous offrir à la nuit."
Nithran était manifestement déjà dans son lit.
Posté : mar. 28 mai 2013, 13:58
par Taliesin
-En temps ordinaire, j'aurais volontiers lu mais, ce soir, je sens que j'ai avant tout besoin de repos. De plus, j'aimerais être assez en forme, demain, pour pouvoir participer aux tâches quotidiennes. Il me paraît important que chacun accomplisse sa part de travail, même les nouveaux venus.
Il adressa un sourire à son interlocuteur, se détourna pour étouffer un bâillement puis se dirigea vers la chambre. Le lit confortable promettait un sommeil réparateur. Et il en aurait besoin non seulement pour aider les autres, mais surtout pour préparer son départ.
Posté : mar. 28 mai 2013, 14:11
par Galathée
Malgré ses inquiétudes quant au réel dessein du lieu où il se trouvait, Taliesin s'endormit sans difficultés. Lobanteriel se coucha en effet juste après lui, éteignant les lanternes, et ils demeurèrent dans des ténèbres tranquilles, que ponctuait de temps en temps un ver luisant qui s'était fourvoyé à l'intérieur de la cabane. Son sommeil fut paisible, ne renfermant aucune ombre, aucune vision d'horreur, et il s'éveilla dans un petit matin lumineux, sous un nouveau rayon de soleil généreux. Il nota rapidement qu'on l'avait laissé dormir, car aucun de ses deux compagnons de chambrée n'était encore présent, et la petite maison était silencieuse. Des murmures de conversation provenaient de l'extérieur, cependant, trop éloignés pour qu'il en saisisse la teneur. Il n'eut cependant pas le temps de se lever car des pas crissèrent dans les feuilles qui entouraient le tronc du chêne, il entendit la porte s'ouvrir, et quelques secondes plus tard, un demi-elfe en tablier apparaissait à son chevet. Plus jeune que Cullyn, Trent avait des traits plus rudes, plus humains, mais les oreilles effilées et le regard pénétrant d'un elfe. Il sourit au barde et le salua amicalement.
" Ne bougez pas, surtout. Votre temps de convalescence vient seulement de commencer et si vous éprouvez le besoin de rester au lit quelques jours, vous ne devriez surtout pas vous en priver. Je suis Trent O'Mellor, c'est moi qui veille à la santé des solaires du Refuge. Cullyn m'a transmis vos analyses et les nouvelles sont telles que nous les attendions : les spores sont encore présentes dans votre sang, mais vous êtes désormais asymptomatique. Cela signifie que pour vous, normalement, la Feuille Pourrie n'est plus qu'un mauvais souvenir. Nous avons observé quelques rechutes, mais c'est extrêmement rare, pour autant que vous suiviez bien les directives que vous recevrez et que vous preniez votre traitement. Par contre, vous restez encore contagieux pour ceux qui n'ont pas développé votre immunité."
Il sourit.
" Je vais vous prélever du sang, à nouveau, et nous procéderons de même tous les deux jours pendant le premier mois. Ensuite, en fonction des résultats, nous pourrons espacer les prises."
Posté : mar. 28 mai 2013, 14:25
par Taliesin
-Très bien, acquiesça-t-il, pas convaincu par cet argumentaire médical mais peu désireux de faire des vagues. Quand vous aurez terminé, et bien sûr si vous en avez le temps, j'aurais une requête à vous soumettre, concernant les deux personnes qui m'accompagnaient quand j'ai été trouvé. On m'a dit que c'était à vous que je devais en parler.
Posté : mar. 28 mai 2013, 14:43
par Galathée
Trent acquiesça et se mit au travail. Il saigna le barde dans le bras droit, cette fois, consigna quelques informations sur une tablette, puis lui remit un flacon contenant des petites boules brunes.
" Deux fois par jour, matin et soir. Une seule dose par prise, avec un peu d'eau, avant les repas. Essayez de ne pas oublier. Mais je pense que Jeald et Nithran en sont aussi à ce stade de leur traitement, ils pourront vous le rappeler."
Il sourit.
" Bon, des choses délicates, à présent."
Il sortit deux fioles vides de son tablier et présenta la première au barde.
" La prochaine fois que vous urinez, gardez m'en un peu."
Il rougit ensuite, ostensiblement, et son regard se balada un moment sur les murs, avant de revenir vers son interlocuteur.
" Ensuite... Si vous vous adonnez, vous savez... à des plaisirs personnels... et bien..."
Il s'éclaircit la gorge.
" Gardez m'en un peu aussi."
Son sourire revint et il déposa les deux récipients sur la table basse voisine.
" Et donc vos compagnons ? De qui s'agit-il ?"
Posté : mar. 28 mai 2013, 15:06
par Taliesin
Tout du long, Taliesin avait conservé la mine mi confiante, mi étonnée du patient qui ne comprend pas à quoi tout cela rime mais qui n'oserait jamais remettre en cause les prescriptions de son médecin. Cependant, en son for intérieur, il n'en pensait pas moins. Pour l'urine, il comprenait : certains guérisseurs s'en servaient, à l'instar du sang, pour déceler des maladies, des infections. Mais pour le reste... Non, cela ne rimait à rien. Il en venait même à se demander si les pensionnaires du Refuge n'étaient pas, pour leur vénéré Maître, une source d'approvisionnement en diverses substances qu'il employait ensuite à des fins peu recommandables. Quant au petites boules qu'on lui enjoignait d'ingérer, il se montrerait particulièrement prudent : qui lui disait, en effet, qu'il ne s'agissait pas de substances destinées à atténuer la méfiance ou l'esprit critique, à distiller la docilité et l'obéissance aveugles ? Il en avalerait sans doute une demi-dose puis serait attentif aux conséquences. De plus, il interrogerait probablement Delion à ce sujet : si on l'obligeait encore à prendre ce "remède", alors qu'il était ici depuis trois ans, alors qu'en tant qu'enfant, il se remettait forcément plus vite que les adultes, cela confirmerait qu'il y avait anguille sous roche.
-Il s'agit de mon ami Calanon, un elfe des bois, et d'une jeune elfe des étoiles dont nous ignorons le nom, car elle ne s'est jamais exprimée en notre présence. En fait, nous doutons qu'elle soit en mesure de comprendre les paroles...
Cela prononcé d'un ton amical, toujours.
Posté : mar. 28 mai 2013, 15:15
par Galathée
Un pli marqua le front du demi-elfe, tandis qu'il rangeait son matériel.
" Je dois avouer que nous n'avons eu que deux elfes des étoiles ces dernières années, et je n'ai pas connaissance de l'arrivée d'un nouveau membre de cette race. Bon, je ne suis pas leur assistant attitré, mais honnêtement... Il est possible que notre équipe soit arrivée trop tard. Quant aux elfes des bois... Nous en accueillons entre quinze et vingt chaque jour. Je me renseignerai sur votre compagnon et vous avertirai de son destin. A mon avis, il se repose comme vous le faites. Les elfes des bois sont plus résistants que les elfes du soleil, il est probablement déjà guéri et ne tardera pas à reprendre sa route."
Posté : mar. 28 mai 2013, 15:44
par Taliesin
Les nouvelles concernant l'adolescente ne l'étonnèrent guère car, malheureusement, il s'était attendu à ce qu'elle ne survive pas. En revanche, face à ce que venait de dire son interlocuteur à propos de Kerun, il ne put rester sans réaction. Le contraire aurait d'ailleurs été susceptible de surprendre son interlocuteur, puisqu'il était question de l'un de ses amis...
-Je pense plutôt que Calanon attendra que je sois en état de partir avec lui, fit-il, tranquille. Nous voyageons ensemble depuis quelques temps déjà et les amitiés qui se tissent sur la route sont souvent les plus durables.
De manière aussi étrange qu'opportune, plus quelqu'un appartenait à une sous-race peu commune, plus les spores paraissaient rechigner à quitter son organisme. Ainsi la période de convalescence des solaires était-elle extrêmement longue, tandis que celle des elfes des bois s'avérait rapide. A n'en pas douter, les lunaires se remettaient en une poignée de jours ! Alors oui, Taliesin savait qu'il était parfois trompé par sa nature méfiante ; cependant, il lui semblait qu'à chaque nouvelle information obtenue se dévoilait un rouage supplémentaire qui, relié à tous les autres, constituait un mécanisme parfaitement huilé dont les contours, s'ils demeuraient incertains, ne lui disaient rien qui vaille. Par conséquent, il était plus décidé que jamais à quitter rapidement ces lieux, et par ces propres moyens, de surcroît : bizarrement, il n'accordait aucune confiance aux "solutions" de sortie proposées par Maître Maebryn. Enfin, à son sens, révéler ses intentions de départ comme il venait de le faire ne lui nuirait pas : après tout, si un ancien esclave ou un malheureux privé de toute attache pouvait vouloir vivre à jamais dans cette prison dorée, un individu libre, habitué au voyage, devait logiquement aspirer à reprendre tôt ou tard son chemin.