La Couronne de Cuivre

Quête : pleurs à chaudes lames

Surya n'hésita pas plus d'une demi-seconde. Une reconnaissance dans un village perdu, voilà qui ne devait pas être excessivement dangereux, tout en lui donnant l'occasion de faire peu à peu sa place. et peut-être même que l'aventure pouvait s'avérer intéressante.
- Je suis volontaire, bien sûr. Je n'ai pas fait tout ce chemin pour rester sous une tente et refuser la première mission qu'on m'offre !
Elle eut un sourire assuré à l'adresse de l'officier, puis se tourna vers Galariel, attendant sa réponse.

Malgré son attitude rustre, l'homme allait au moins droit au but même si son intellect semblait limité au premier abord, pourquoi faire plusieurs centaines de bornes en bateau pour rejoindre une guerre si c'était pour rester à l'abri hors des combats? Autant rester à Luménis dans ce cas. La jeune femme enchaîna à la suite de Surya:

- Je suis du même avis que ma coéquipière, nous ne sommes pas venues ici pour nous tourner les pouces pendant que nos ... compagnons de voyage risquent leur vie non loin de nous

Galariel avait hésité une fraction de secondes, mais même l'insupportable Zaiu ne méritait pas de mourir de la main des mélandiens, et une petite mission d'infiltration pour débuter n'était pas pour lui déplaire.

L’officier hocha la tête et prit un ton quelque peu moins bourru mais un peu hésitant néanmoins, comme s’il cherchait les mots les plus adaptés ou si quelque chose le gênait :

- Très bien. Je note votre enthousiasme à l’idée de cette mission. Mais je me dois de vous prévenir que ce que vous découvrirez à Chêne-des-clercs, c’est le nom du village, pourrait bien le doucher. Je ne sais pas exactement de quoi il s’agit mais les autorités locales ont perdu le contact avec les villageois il y a deux jours. De par sa position à l’arrière des lignes, le hameau ne risquait normalement rien mais on nous envoie vérifier que rien de fâcheux n’est arrivé. Il faut rétablir au plus vite la communication pour que le village soit évacué à temps si les mélandiens venaient à avancer encore dans cette direction. Vous savez monter à cheval, je présume ?

Surya hocha la tête.
- Oui, bien sûr.
Une mission sans grand danger, mais utile. C'était parfait. Elle n'avait pas vraiment envie de risquer sa vie pour une nation qu'elle ne connaissait pas, mais l'idée d'une petite aventure mystérieuse n'était pas pour lui déplaire.
Elle se demandait néanmoins pourquoi l'officier paraissait hésiter. Comme s'il hésitait à révéler certaines informations. Mais il aurait été malséant de le lui faire remarquer, aussi poursuivit-elle sur un terrain plus neutre.
- J'ai avec moi des instruments de musique, dont je n'aurai guère l'utilité en mission là-bas... Puis-je les laisser quelque part en sécurité ?
Elle savait que la question paraîtrait sans doute complètement futile à l'officier, mais ses instruments étaient toute sa vie...

Galariel savait monter à cheval mais n'était pas une cavalière émérite, il n'y avait aucune cavalerie au sein de son ordre car ça n'avait pas vraiment pas d'utilité dans une région de haute-montagne comme l'Epine Dorsale du Monde. Une Sœur du premier Sang apprenait à monter et à diriger une monture mais certainement pas à combattre à dos de cheval...ou de poney pour les petites tailles.
Pour sa part elle n'avait rien à ajouter, son paquetage était de toute façon prêt.

L’officier répondit sans brusquerie à l’interrogation légitime de Surya, sans doute radouci par leur acceptation de la mission. Puisqu’on en était aux détails pratiques, il enchaîna par quelques détails qu’il jugeait bon de révéler :

- Vous pourrez laisser toutes les affaires que vous ne souhaitez pas emporter à la tente de l’intendance. On en prendra soin pour vous pendant la durée de la mission. Prévoyez tout de même de quoi tenir deux ou trois jours car le hameau de Chêne-des-clercs est à environ une journée au sud-est de notre position. Prenez donc de quoi dormir, hormis la tente : nous ne pourrons pas en transporter. Vous serez accompagnées de huit cavaliers expérimentés mais vos talents magiques et martiaux pourraient nous être utiles. Votre escorte est déjà prête et je souhaite vous voir partir au plus tôt. Combien de temps vous faut-il pour vous préparer ? Avez-vous d’autres questions ?

Surya secoua vivement la tête.
- Pour ma part, je n'ai pas d'autres questions.
Il restait juste à se préparer.
- Et je peux être prête, d'ici... une bonne heure je pense. Le temps de trier mes affaires et de laisser ce dont je n'ai pas besoin à l'intendance.
Donc au halfelin dont Galariel s'était copieusement moqué juste avant. Bah, il ne lui en tiendrait pas rigueur à elle, c'était l'essentiel.
Et... Bigre, huit cavaliers avec elles ? A croire que la mission n'était pas si anodine que cela...

Même chose pour Galariel qui indiqua qu'une heure était suffisante pour elle aussi, et qui savait ne rien avoir à craindre de l'intendant en ce qui concernait ses affaires, le pauvre tenait certainement à avoir une descendance plus tard. N'ayant plus rien à dire les deux femmes prirent congé de l'officier manostien pour s'en retourner à la tente qui leur avait été assignée.
Sur le chemin de retour, la jeune femme s'ouvrit à Surya:

-Qui dit reconnaissance dit discrétion, dix cavaliers ce n'est pas très discret selon mon expérience. J'espère qu'il n'y a rien de tapi là-bas qui nous attends, parce qu'il nous repérera vite.

Elle espérait surtout que les militaires manostiens connaissaient leur affaire.

Surya hocha la tête d'un air sombre.
- Il faudra sans doute envoyer en reconnaissance le plus discret d'entre nous... Que ce soit l'un de ces soldats ou l'une de nous. Mais nous verrons une fois sur place.
Comme elles arrivaient à leur tente, elle ajouta.
- Je vais me dépêcher d'aller porter mes affaires superflues à l'intendance. Elle ponctua le nom d'un clin d'oeil complice. Je reviens aussi vite que possible.

Le tri serait vite fait. Enfin, peut-être pas. Bon, il fallait supprimer tout ce qui était du ressort du spectacle, les instruments de musique, les tenues et accessoires de scène. Elle garda la flûte, qui ne prenait pas de place, on ne savait jamais. Les percussions, elle savait les fabriquer à partir des matériaux de la nature... et puis, c'était absurde, elle n'aurait pas de spectacle à jouer là-bas, elle n'avait besoin d'aucun instrument. Mais voilà, elle se sentirait toute nue sans eux. Donc... elle emmenait la flûte. Tout le reste irait à l'intendance.

Surya n’eut aucun mal à trouver le halfelin qui leur avait porté leur courrier. Il portait un costume bien visible comme s’il cherchait à compenser sa petite taille. Il parut surpris et un peu inquiet de la revoir à en juger par son attitude défensive :

– Encore vous ? Je veux dire… Je n’ai pas encore reçu d’autre courrier. Mais vous venez peut-être pour d’autres affaires.

Jetant un coup d’œil par-dessus l’épaule de la barde, il poussa un soupir de soulagement et sembla se détendre en n’y remarquant pas l’ombre menaçante de la guerrière géante qui l’accompagnait tantôt.

Cette dernière était d’ailleurs occupée ailleurs car un homme vêtu des mêmes atours et parler un peu frustes du lieutenant VentCoureur était venu l’aborder à sa tente :

- Bonjour madame. On m’a demandé de préparer vos chevaux mais j’ignore quel type de monture vous conviendrait ? Savez-vous bien monter vous et votre amie ? Vous préférerez peut-être un hongre ou une jument placide. Nous en avons quelques-unes…

Surya eut un sourire rassurant à l'attention du halfelin. Il n'était pas méchant, après tout. Un peu stupide peut-être. Mais pas méchant. Mieux valait se le mettre un minimum dans la poche, au moins en apparence. Tout en se méfiant de ses gaffes.

Elle prit donc sa voix la plus chaleureuse et la plus aimable pour exposer sa requête.
- Oui, je viens pour d'autres affaires... Voilà, le lieutenant a besoin de nous envoyer quelques jours en mission, ma coéquipière et moi. Or je ne peux pas y emmener mes instruments de musique, vous comprenez. Est-ce que vous sauriez où je puis les entreposer sans risque ?

Galariel, après s'être séparée de Surya qui devait s'arranger avec l'intendant, était rentrée dans leur tente commune pour aller vérifier ses affaires une dernière fois. Cette opération était devenu machinale pour elle depuis les années, mais un oubli étant toujours possible elle jeta un œil par acquis de conscience. Elle ouvrit son sac à dos pour un dernier inventaire de routine.
Dix minutes plus tard, elle sortit équipée de pied en caps pour se diriger vers le lieu du rendez-vous quand elle tomba nez à nez avec un aide de camp de l'officier avec qui elles avaient eu affaire avant. Elle répondit avec hésitation ne sachant pas trop quoi dire:

-Je n'ai pas beaucoup d'expérience en équitation, une bête docile si possible

hrp: désolé mais la couleur choisie se fond dans le décor.

HRP : Ugo, tu as oublié de répondre à mon PNJ. A moins que tu souhaites volontairement l’ignorer… Surya, si tu retournes à la tente immédiatement, tu pourras voir le PNJ toi aussi.

Le halfelin parut encore plus soulagé mais sans que Surya puisse déterminer s’il l’était d’apprendre la raison anodine de sa présence ou plutôt l’absence, pour quelques jours au moins, de Galariel et d’elle-même. Il répondit d’un ton enjoué :

– Ne vous faites pas de soucis pour vos affaires : je viendrai chercher tout ce que vous ne voulez pas emporter dans moins d’une heure. Je les surveillerai pour vous pendant votre absence. Et je garderai bien précieusement votre courrier aussi, vous pouvez compter sur moi !

Surya inclina gracieusement la tête.
- Je vous fait entièrement confiance ! Mais je pense que je vais venir vous apporter tout ça moi-même, ça vous donnera moins de travail...
Et au moins serait-elle sûre que tout arrive à bon port en bon état...
- Je serai là dans dix minutes avec mes affaires, enfin si ça ne vous dérange pas bien sûr. indiquez-moi simplement où je dois les déposer.

Le halfelin fit une moue désapprobatrice comme si ne pas pouvoir faire son travail comme il l’entendait le gênait. Après un soupir à fendre l’âme, il répondit tout de même par l’affirmative à la proposition :

- Bien, bien. Vous pouvez apporter votre barda ici même. Il reste suffisamment de place pour l’entreposer d’après ce que j’ai vu dans la tente. Je serai encore là ou pas loin mais déposez vos affaires où vous voulez. Vous trouverez des étiquettes sur cette table-là. Pour y mettre votre nom. Enfin, si vous avez besoin d’aide pour ça, je pourrai m’en charger.

Du côté de la tente, le cavalier luménien répondit d'un ton censé rassurer la guerrière :

- Foudre de guerre sera parfait en ce cas ! C'est un grand étalon mais il est étrangement docile en présence de femmes. Sans doute la réincarnation d'un séducteur patenté ! Je vous le fais préparer de suite, dame.

- Je vous fais confiance à ce sujet soldat, vous connaissez certainement mieux vos bêtes que moi, pendant que vous allez préparer ma monture je vais aller régler une dernière affaire. A de suite

Dit-elle avant de partir en grandes enjambées vers la tente de l'intendant, où elle eut la chance de trouver celui-ci en compagnie de Surya. L'halfelin blêmit en la voyant entrer et son teint palissait de plus en plus à mesure qu'elle s'approchait de lui. Elle s'adressa à lui d'un ton un brin doucereux:

- Toi, il me faudrait un pantalon dans les 10 minutes, et à ma taille s'il te plait.

Elle avait oublié une seule chose dans cette histoire, sa longue cotte de mailles n'était pas adaptée à l'équitation.

Le halfelin s’était un peu reculé et même replié sur lui-même sous la charge verbale de Galariel mais il se reprit bien vite car il était en son domaine dans la tente de l’intendance. Il finit donc par relever les yeux vers la jeune femme après l’avoir détaillé un instant sans vergogne :

- Vous avez de longues jambes, dites-donc ! Mais je dois pouvoir vous trouver quelques pantalons. Il vous faudra les essayer sur place par contre parce que je ne sais pas bien déterminer votre largeur exacte avec tout cet attirail que vous portez sur vous !

Puis il revint à Surya pour lui signifier que dix minutes lui convenaient.

- Si vous avez besoin de vêtements vous aussi, je peux arranger ça. Ce serait plus facile avec vous.

L'échange entre Galariel et l'intendant avait étiré les lèvres de Surya en un sourire involontaire. Elle se reprit bien vite, néanmoins, craignant que l'un d'eux imagine qu'elle se moquait. Mais tout de même, la situation était plutôt... amusante.
- Non, merci, j'ai des vêtements de voyage, ne vous en faites pas...
Elle s'en fut rapidement vers sa tente et regarda ses affaires soigneusement triées, regardant avec un peu de regret ses percussions. Au dernier moment, elle prit la plus petite de ses calebasses, et une peau de chèvre qu'elle pourrait tendre dessus en un tournemain. Elle lui servirait aussi de bol après tout. Voyager sans un tam-tam en main était inimaginable. La flûte ne pourrait jamais les remplacer.

Elle revint auprès de l'intendant, tous ses autres instruments, vêtements et accessoires de scène rangés avec soin dans un grand sac de jute.
- Voilà, je vous laisse ceci en garde. Je compte sur vous pour en prendre grand soin, ils ont une grande valeur sentimentale.

La commissure des lèvres de Galariel se relevèrent un peu pour esquisser un semblant de sourire, plus proche du rictus en vérité, dans une vaine tentative pour paraître aimable.

- Je suis certaine que vous trouverez, intendant.

sa voix manquait de chaleur, si l'intendant se trompait il risquait fort de sentir la pointe d'une épée lui piquer le gras des fesses.

Les derniers détails liés à l’intendance furent rapidement résolus : Surya fut assurée que ses instruments si précieux ne craindraient rien, dussent les mélandiens attaquer le campement. Galariel hérita pour sa part non pas d’un mais de deux pantalons parfaitement à sa taille : soit il y avait quelque magie là-dessous, soit le halfelin était bien meilleur observateur qu’il ne le laissait paraître.

Toujours est-il que les deux jeunes femmes purent rapidement rejoindre le lieu de rendez-vous où les attendait dix cavaliers et deux montures d’apparence dociles qui leur était sans nul doute destinées. Le cheval destiné à la barde était bien plus petit que celui des autres, un poney de montagne en réalité comme elle l’apprendrait si elle se donnait la peine d’interroger les cavaliers.

A leur arrivée, un grand jeune homme blond portant les insignes de sergent s’adressa à elles du haut de sa monture :

- Bonjour, je suis le sergent Fontbois. C’est moi qui commande cette unité. Nous n’attendions plus que vous si toutefois vous êtes prêtes au départ. Je vous ferai un résumé de la situation en route, à moins que vous ayez d’ores et déjà des questions ?

Galariel jaugea la bête qu'on lui avait destiné d'un œil critique, l'animal semblait en forme et en bonne santé et surtout, le plus important, calme. Elle tendit la main paume vers le haut vers le cheval qui la huma, établissant ainsi un premier contact entre l'animal et la cavalière comme le préconisait les manuels qu'elle avait pu lire sur le sujet. Comme elle avait toujours sa main, on pouvait dire que cette première approche était réussie. Satisfaite elle se tourna vers le sous officier:

- Mes respects sergent Fontbois, nous sommes dames Galariel et Surya, je préconise que nous partions maintenant et que vous nous fassiez part de vos informations en chemin, plus tôt nous serons partis plus tôt le mystère sera résolu

Surya observa d'un oeil critique le poney qu'on lui présentait. Elle qui rêvait depuis toujours de chevaucher un grand étalon noir à l'oeil vif et à la crinière flottant au vent... et bien ce ne serait pas encore pour cette fois. Sa petite taille, immanquablement, lui faisait systématiquement attribuer la plus petite des montures disponibles.
Elle réprima un soupir résigné, et s'abstint de tout commentaire. Elle se contenta d'acquiescer d'un signe de tête aux paroles de Galariel, caressant doucement le flanc de sa monture. Elle fouilla dans ses poches à la recherche d'une friandise quelconque à lui offrir, ne trouva que quelques miettes d'un biscuit sec rescapé de la traversée. C'était toujours mieux que rien, songea-t-elle en le tendant au poney, avant de fixer son paquetage à l'arrière de la selle.
- Allons-y, sergent, vous nous expliquerez en route....

Le cheval de Galariel se montra placide quand elle l’enfourcha et, mieux encore, il semblait habitué à suivre ses congénères. La guerrière pourrait donc concentrer l’essentiel de ses facultés en matière d’équitation à se maintenir en selle. Avec de la chance, elle pourrait même tenir une conversation sans risquer de se faire surprendre à tout instant.
Le poney de Surya se montra un peu plus fringant et fougueux, sans doute pour compenser sa taille modeste. Toutefois, il apprécia le bon geste de la jeune femme et se mit à tenter de fouiller dans ses poches à la recherche d’autres douceurs, y compris après qu’elle lui ait grimpé sur le dos.
Les deux cavalières fraichement promues purent donc rejoindre leur escorte et le sergent se plaça à leur hauteur pour pouvoir répondre à leurs questions sans avoir à élever la voix :
- Il ne s’agit que d’une patrouille comme les autres pour repérer d’éventuels mouvements ennemis. Mais nous aurons également comme objectif de rallier le hameau nommé « Chêne des clercs », sans doute une belle démonstration de ce que l’humour helmite pince sans rire peut produire de meilleur, ou de pire. Toujours est-il que deux messagers envoyés sur place n’en sont pas revenu ce qui a commencé à inquiéter l’état-major. Ils ont probablement eu un peu de retard parce que le lieu n’est pas facile à trouver mais il faut aussi envisager que le village ait été attaqué ou que des bandes en maraude sillonnent la campagne. Si c’était le cas, nous serions dans un beau foutoir alors je compte sur vous pour ne pas crier ça sur tous les toits quoique nous trouvions sur place.

Galariel se décrispait au fur et à mesure que l'animal avançait, aussi put-elle parler avec le chef de la patrouille sans avoir à regarder où le cheval mettait le sabot à chaque pas.
Les consignes ne lui plaisaient pas trop et elle ne se gêna pas pour lui en faire part:

- Vous êtes en guerre et votre peuple ne l'ignore pas, il ne sert à rien de cacher les mauvaises nouvelles à vos citoyens. Quand les gens se rendent compte que les choses tournent mal parce que l'ennemi arrive à ses portes, c'est alors trop tard.

Surya fronça un sourcil. Pourquoi l'officier luménien semblait-il si inquiet ? Comme son supérieur, juste avant...
- Que craignez-vous exactement, pour nous demander ainsi le silence ? Une vague de panique de la population civile ? Pour une bande de maraudeurs, ça me semble excessif... pour une attaque mélandienne, peut-être qu'il y a un risque en effet. Ou bien craignez-vous une défiance des soldats s'ils apprennent que l'ennemi s'est avancé aussi près sans qu'on ne l'ait détecté ? Ou alors...
Elle grimaça, puis questionna de but en blanc.
- Vous semblez inquiet, votre supérieur l'était également. Avez-vous des craintes particulières quant à ce que nous risquons de découvrir ?

Le sergent semblait s’attendre à ce genre de réaction et répondit calmement, sans aucun signe de s’être formalisé par la liberté de ton adoptée par les aventurières. Il semblait n’éprouver aucune difficulté à prendre ne compte qu’elle ne faisait pas partie de l’armée :

- Vous devez comprendre que la plupart des soldats de l’armée manostienne ont des proches dans les villes et les villages menacés. Bon nombre d’entre eux y sont nés et s’inquiètent déjà de leur sort. Nous ne voulons pas contribuer à assombrir le moral des troupes par des nouvelles alarmantes. Jusqu’ici la stratégie manostienne d’évacuer les villages a parfaitement fonctionné mais nous devons nous attendre à ce qu’un massacre soit commis tôt ou tard. C’est ce que nous craignons, que les mélandiens se livrent à ce genre de pratiques pour saper le moral de nos alliés et que le coup porte. C’est aussi pour cela que le contingent qu’on envoie à Chêne-des-clercs est composé de luméniens.

Surya hocha la tête.
- Je comprends mieux. Vous pouvez compter sur moi, je ne dirai rien...
Une simple promesse pour le rassurer. Qui ne l'engageait guère généralement. Mais pour une fois, elle comptait bien la tenir, au moins un moment. Jusqu'à ce qu'elle ait l'occasion d'en faire une chanson, ou un conte. Enfin, sauf si l'affaire était vraiment trop sordide... brr, cela risquait de ne pas être très gai.
- Espérons qu'il ne s'agisse que d'une disparition des messagers, pris à partie par des brigands... Mais nous verrons bien une fois sur place.

Galariel devait bien convenir que l'argument se tenait, et vu la réputation des mélandiens en matière de mal on pouvait évidemment craindre le pire pour le village.
La guerrière hocha la tête:

- Je comprends sergent, ma bouche est scellée.

Le sergent parut rassuré d’être parvenu à convaincre si facilement les deux jeunes femmes. Il ajouta cependant d’un ton plus grave :

- Il s’agissait d’éclaireurs expérimentés d’après nos rapports mais un accident est toujours possible, c’est vrai. Et le brigandage a pu connaître un certain essor avec tous ces réfugiés sur les routes. Mais vous devez vous préparer à trouver autre chose à Chêne-des-clercs. Le saurez-vous ? Comme nous ne nous connaissons pas encore, je ne sais pas si vous avez déjà été confrontée à ce genre de situations.

Galariel remonta dans ses souvenirs, elle ne pouvait pas dire qu'elle s'était déjà retrouvée confrontée à des massacres d'innocents comme le sous-entendait le sergent mais elle avait déjà eu l'occasion de voir mourir plusieurs de ses consœurs lors des patrouilles auxquelles elle avait participé, sans parler de son enfance à Luskan où croiser un cadavre dans le caniveau n'était pas une rareté.

- Le combat? Je connais, la mort? je connais, perdre un être cher? Je connais. N'ayez crainte, je suis préparée à ce qui pourrait nous attendre de pire dans ce hameau.

La Couronne de Cuivre

Quête : Guerre des Plaines Brûlantes – Galariel et Surya