[Lieu] Lameroy - cité naine ouverte

[Kasumi]

Alchem surprit, l'espace d'une demi seconde, une lueur brillant dans l'œil du joailler mais le nain était lui aussi bon acteur et reprit aussitôt une mine impassible, voire indifférente. Après avoir fait semblant d'examiner le rubis, il avança :

- Mouais pas si mal. J'en ai peu l'utilité en ce moment mais il y a toujours un ou deux clients intéressé par ce genre de gemme. Comme je ne prends pas trop de risque en vous en débarrassant, je veux bien vous consentir le même prix que je vous offre pour les émeraudes. Et peut-être dix pour cent supplémentaires pour votre peine à les récupérer et parce que vous êtes un fournisseur fidèle. Enfin, si vos émeraudes sont au moins aussi bonnes.

C'était encore en deçà du prix annoncé par son ami mais on se rapprochait tout doucement d'une offre acceptable.

[Alchem]

Alchem fit mine de réfléchir. Puis, ce fut tout d’abord d’un léger signe de tête qu’il manifesta son refus, tout en ayant l’air navré.

« Non... Non, vraiment, elles en valent plus. Je ne peux pas vous les céder pour ça, et vous le savez, soyez franc. Allez, faites-moi une offre digne d’elles. »

Pendant ce temps, Dalius fixait tour à tour les expressions faciales des deux protagonistes. Il était toujours très amusé par ce petit jeu.

[Kasumi]

Le nain parut étonné mais, le connaissant, c'était probablement une nouvelle posture étudiée. Décidément, Toisegrise n'avait rien à envier aux pires filous d'autres espèces plus réputées pour leurs talents d'acteur ! Il tenta un dernier coup de bluff tout en cherchant à doser son effort pour ne pas risquer de passer à côté de gemmes de qualité :

- C'est peut-être vrai à Belroc ou plus loin dans les profondeurs mais les temps sont durs par ici. La guerre qui sévit à la surface occupe l'esprit des gens. Dès lors, de pauvres marchands de gemmes comme moi ont du mal à trouver des acheteurs intéressés. Si je ne casse pas mes prix, ils fuient comme le vent ! Mais bon, il ne sera pas dit Toisegrise aura abandonné un travailleur qui ne se ménage pas à la tâche. Nous devons nous serrer les coudes entre compatriotes des profondeurs : n'êtes-vous pas d'accord ? Alors, combien en voudriez-vous ?

[Alchem]

Ho, le fourbe ! Essayer de jouer sur la corde sentimentale ! Il ne reculait devant rien. Pour le plus grand bonheur de ses finances, il devait en rouler des gens, que ce soit des fournisseurs ou des clients. Alchem, lui-même, quand il n’était pas encore un inconditionnel du Filon Aurifère, avait été l’une de ses victimes.

« Deux fois le prix du marcher pour les rubis et les émeraudes. Cela me semble être raisonnable autant pour vous que pour moi. Et croyez bien que je fais là un effort certain. Pour moi aussi les temps sont durs. J’ai ardemment besoin d’or. Qu’en pensez-vous ? »

[Kasumi]

Le nain abattit son poing sur le comptoir, faisant vibrer le meuble puis il leva les deux bras au ciel en vociférant. Mais sa colère, de façade, s'apaisa bien vite au fil de ses mots :

- Deux fois le cours ordinaire ! Mais vous avez perdu l'esprit ? Et dire que je pensais que vous étiez un svirfneblin raisonnable... Non, l'amour de ces gemmes vous rend aveugle, Alchem. C'est bien trop cher et vous ne trouverez aucun détaillant pour vous les acheter à ce prix. Si vous avez grand besoin d'or, il va vous falloir traiter avec moi et pas avec ces odieux grippe-sous. Non, je vous ai proposé 160 pour cent mais comme vous êtes dans le besoin, je suis prêt à vous consentir un petit effort en plus. Disons 170. Au-delà, j'aurais meilleur jeu d'aller en trouver moi-même de ces gemmes qui abondent dans les profondeurs. Ah si mon mal de dos ne me faisait pas tant souffrir j'y serai déjà ! Chercheriez-vous à profiter d'un nain infirme ?

[Alchem]

Après le bluff, les tempétueuses protestations, Alruac l’avait prédit. Alchem ne broncha pas et répondit immédiatement :

« Certes non. Pour qui me prenez-vous ? Moi, profiter d’un artiste comme vous ? Moi, abuser un tailleur de gemmes émérite ? Que je sois damné par Garl Brilledor si c’était le cas ! Seulement, je fais attention à mes affaires, comme vous au votre. Deux fois le prix du marcher, telle est mon offre. Il s’agit là du meilleur compromis. »

[Kasumi]

Le nain lui jeta cette fois un regard pénétrant, peut-être un peu tout petit moins confiant en sa capacité de tirer une très bonne affaire de cette rencontre. Il abandonna ses tactiques habituelles pour avancer de nouveaux arguments raisonnables, bien décidé à ne plus abandonner trop de terrain :

- Allons, maître Murmure, vos gemmes auront moins de valeur si vous les emportez hors de Lameroy et ici, mes concurrents ne vous achèterons qu'une ou deux de vos pierres. Vous en obtiendrez peut-être un toute petit peu plus cher mais la plupart vous restera sur les bras. Vous avez besoin d'or ou de platine, acceptez le mien : j'achèterai toutes vos émeraudes et tous vos rubis et j'en tirerai le maximum de leur potentiel. Un svirfneblin comme vous ne peut pas y être insensible. Mais si cela ne suffit pas, je vous concède dix pour cent supplémentaires. Que dites vous de 180 ? J'aimerais pouvoir aller au-delà ^pour vous faire plaisir mais il faut bien que mon travail soit récompensé, non ?

[Alchem]

Alchem réalisait qu’il avait peut-être fait une petite erreur. Il aurait dû demander plus de deux fois le prix normal. Ainsi, il aurait fait semblant de baisser ses exigences au cours des négociations pour au final arriver au niveau désiré. Distrait à la fois par son départ et cette histoire de marchands louches, il s’était privé de ce levier. Tant pis. Il devait faire avec. De toute façon, faire enrager Toisegrise, il n’en avait pas trop envie, pas cette fois.

Il allait proposer 190 en guise de dernière offre, mais voilà qu’une nouvelle idée passa dans sa tête, un nouvel argument, un peu fourbe certes, mais après tout il combattait le feu par le feu.

« Vous connaissez ma patience et ma méthode. S’il faut que j’aille voir tous vos concurrents, je le ferais. J’aurais même l’occasion de voir bien d’autres commerçants puisque je vais voyager. 200%, c’est à prendre ou à laisser. Mais, si vous consentez à faire cet effort, pour moi, qui fut toujours l’un de vos fidèles fournisseurs, je vous montrerais en bonus quelque chose qui ne manquera pas de stimuler votre vocation. Attention, je préviens tout de suite, ce n’est pas à vendre, même si vous m’en proposez une fortune. C’est juste pour le plaisir des yeux. C’est aussi une façon convenable de vous dire en revoir. Car vous allez me manquer, vous, vos méthodes et vos œuvres. »

Le gnome des profondeurs tapota du doigt un léger relief vers le haut de sa poitrine, le signe manifeste qu’il y avait quelque chose sous les habits.

[Kasumi]

Le nain s'apprêtait à protester, encore une fois, mais il parut déstabilisé par l'annonce du départ du gnome et son regard vers le cou de son interlocuteur signalait que celui-ci avait réussi à piquer sa curiosité. Il se reprit néanmoins bien vite, un nouveau signe de sa rouerie et de son expérience :

- Je suis déçu que vous partiez. Et j'avoue que votre offre a soulevé mon intérêt. Toutefois, puisque nous ne nous reverrons pas avant longtemps, je ne peux pas vous laisser partir avec l'impression d'avoir réussi à me flouer. Sans cela, ma réputation serait fichue, partout où vous voyagerez. Vous devez donc consentir à un rabais. Ce sera 195 plus un coup d'œil à cette surprise. Et c'est ma dernière offre. Si vous préférez arpenter les tunnels à la recherche d'une meilleure, libre à vous.

[Alchem]

« Et bien, qu’il en soit ainsi, Maître Toisegrise ! » déclara Alchem en lui tendant la bourse aux gemmes.

195 %, c’était effectivement le meilleurs arrangement. Ainsi tout le monde était satisfait. Que le dénouement de la négociation soit heureux était important, car c’était la dernière avant peut-être longtemps. Et l’on gardait particulièrement en mémoire les derniers moments. De plus, le gnome avait épuisé ses arguments. Rester buté sur sa position n’aurait pas du tout été élégant. Dès que le nain eut pris la bourse, il porta ses mains à son cou afin d’en ôter le pendentif.

« Vous devez certainement vous souvenir de Bravel, mon frère. Il est venu quelque fois jusque ici, si ma mémoire ne m’abuse pas. Ceci est de lui. »

Il dévoila à la vue du marchand l’émeraude magique. C’était une pierre assez grosse, sans être énorme. Elle se distinguait avant tout par sa qualité, sa pureté, qui était mise en valeur par le travail exceptionnel du joaillier, son frère donc. Il s’agissait ici typiquement du genre de bijou que seuls les nains et les svirfnebelins pouvaient réaliser. Le rubis était taillé en forme de goutte d’eau, ou de larme. La surface n’était pas courbe mais présentait d’innombrable facettes. Dans le rouge limpide, les reflets courraient, subjuguant. Un œil expert pouvait distinguer les mots gravés en langue gnome. Il y avait trois noms : Alchem, Bravel et Théass. Une fine chênette en or massif retenait la pierre.

[Kasumi]

Le nain était admiratif de l'objet, subjugué par la qualité de la pierre autant que par sa façon. Il avait, auparavant, adressé un sourire au svirfneblin en sortant la somme convenu, moitié en or, moitié en platine. La négociation avait été serrée et le marché trouvé avantageux, pour les deux parties de quoi plaire au nain.

- Un très bel objet que celui-ci. Unique je gage ! Et un cadeau de roi. ce Bravel est un tailleur hors pair. Que devient-il ? Si nous nous associons, nous pourrions faire un malheur !

[Alchem]

« Une association ? Faudra le lui proposer. Peut-être sera-t-il intéressé. En tout cas, il va très bien. Il quitte peu Ornegemme, quoi que ces derniers temps, il commence à se rendre régulièrement à Belroc. Si vous voulez le voir, faites-lui parvenir un message. Les svirfnebelins qui escortent certains des convois commerciaux se feront un devoir de le lui transmettre. »

Quand le nain eut terminé d’examiner le rubis, Alchem le remit autour du cou. Ensuite, il rangea l’or et le platine dans la bourse adéquate. Enfin, il récupéra les gemmes restantes.

« Bon. Nous ne nous reverrons plus avant un moment. Je vais sous le ciel, découvrir ce monde de la surface qui me tends les bras. En revoir, Maître Toisegrise et portez-vous bien ! »

Si le commerçant ne le retenait pas, il allait sortir et se mettre en quête de la porte de la forge, suivant ainsi les instructions du garde cuirassé. Il était temps de mettre le nez dehors. Pour l’instant, Alchem n’avait aucune idée de l’heure qu’il était. Etait-ce le matin ? Le midi ? Le soir ? La nuit ? Rien que ce concept de jour et de nuit avait été pour lui une découverte récente. Maintenant qu’il allait à la surface, il devait en adopter le rythme. Il espérait présentement que ce serait plutôt le soir car il était fatigué. Belroc était quand même assez loin. Le trajet, on le sentait dans les jambes.

HRP : tu peux me donner une estimation des ressources financières actuelle de mon personnage, stp?

[Kasumi]

Alchem quitta la boutique du joaillier avec les poches considérablement plus lourdes qu'à son arrivée à Lameroy. Il était désormais à la tête d'une petite fortune en pièces d'or et de platine. Un bon millier, au bas mot. Un bon début pour sa nouvelle vie à la surface, d'autant qu'il lui restait une bonne partie de ses gemmes, plus aisément transportable.

Le svirfneblin put regagner le niveau principal de la cité souterraine et s'engager dans ses galeries pavées et ornées de fantastiques statues présentant des nains plus vrais que nature, mis à part leur taille démesurées. Sous ces dizaines de regards de pierre, Alchem remontait maintenant le hall principal illuminé de torches et son étrange silence de cathédrale. Le Hall des héros était un lieu sacré pour toute la communauté car il s'ornait des statues des anciens braves ayant consacré et donné leur vie pour la magnificence de Lameroy. Tout au bout de l'allée principale, les grandes portes de bronze étaient ouvertes sur l'inconnu et sur la ville aérienne. Mais il semblait qu'on allait bientôt les refermer pour la nuit imminente.

[Alchem]

« On dirait que c’est le soir », fit Dalius à son maître alors qu’ils approchaient des lourdes portes ouvertes sur l’extérieur.
« Ou le matin. Je vais demander. »

Difficile en effet de faire la différence entre les deux pour quelqu’un des profondeurs. Ce ciel, à lui seul, constituait une merveille qui éclipsait la magnificence du Hall des Héros et de ses imposantes statues. Alchem, même si désormais il n’avait d’yeux que pour les cieux sans cesse plus proches à mesure qu’il avançait, fut toutefois marqué par l’ambiance recueillie. Il la prit à son compte, l’appliqua à sa situation. Lui, le Svirfnebelin, quittait sa terre natale. Ce n’était pas rien. Il écrivait là, assurément, un tournant de son histoire. Il y avait eu les elfes noires. A présent, il y avait ce voyage. Le gnome s’approcha d’un garde, le salua et lui demanda :

« Excusez-moi, mais est-ce le matin ou le soir ? »

Il jeta un énième regard sur le ciel. La clarté modérée ne l’éblouissait pas. Cela allait être une sortie en douceur. Revenant au nain, il ajouta :

« Et pouvez-vous, s’il vous plait, m’indiquer où se trouve le Sanglier Bleu ? »

[Kasumi]

Le nain se détourna de sa contemplation de l'extérieur pour se tourner vers le svirfneblin sans hâte particulière avant de répondre d'un ton neutre :

- Vous arrivez juste avant la fermeture des portes pour la nuit. Une minute encore et c'était trop tard mais c'est donc le soir. Pour vous rendre au Sanglier Bleu, empruntez la passerelle puis les escaliers sur la gauche une fois que vous aurez atteint la première tour d'observation dans cette direction. En bas des escaliers, prenez la venelle à droite. Puis une seconde passerelle étroite qui vous mènera jusqu'au temple de Vergadain. L'auberge est juste à côté, vous la reconnaîtrez à son enseigne caractéristique.

Devant Alchem, la cité extérieure se déployait sous son regard. Si la pierre était à nouveau omniprésente de même que l'architecture naine de la partie enterrée, cette seconde moitié de la cité n'aurait pas pu être davantage différente de la première. Construite entre plusieurs éminences rocheuses, les bâtiments avaient tous plusieurs étages, même les plus modestes comme si chaque assise plane était trop précieuse pour la gâcher. Si l'absence d'un plafond était troublante pour un être habitué aux profondeurs, l'absence de sol l'était peut-être tout autant pour les habitants du monde extérieur. En effet, les différentes parties de la cité n'étaient reliées que par d'étroites passerelles et par des escaliers impressionnants permettant de passer d'un niveau à l'autre.

[Alchem]

Alchem remercia et passa les portes sans plus tarder puisque leur fermeture était imminente. Puis, il s’immobilisa, embrassant cette seconde Lameroy des yeux. Les gouffres, c’était assez commun dans l’Outreterre. Contrairement à la surface, le monde du dessous était autant horizontal que vertical. C’était bien pour cette raison que le gnome des profondeurs avait toujours porté beaucoup d’intérêt aux sortilèges permettant de voler. Se prémunir des chutes souvent mortelles et s’épargner de fastidieuses séances d’escalade, c’était un atout considérable. Cet intérêt était tel pour cet aspect de la magie que désormais qu’il en avait le pouvoir, Alchem s’était offert la possibilité de voler en permanence. Malgré cela, il ne volait qu’en cas de nécessité. Loin de lui l’idée de s’adonner à de frivoles démonstrations car justement, les svirfnebelins n’étaient pas démonstratifs. Cacher ses talents, ce pouvait être tout aussi salvateur que les talents eux-mêmes. Bref, il aurait été très étrange que dans ces conditions, le gnome puisse avoir le vertige.

Mais cet absence de plafond... Cette lumière venue d’en haut... cette voute toujours en mouvement... cet infini... Alchem était une fois de plus noyé d’émotion. Réduit au mutisme lors de cette béate admiration, il ne fit plus un geste, n’eut plus une pensée. Arriverait-il à s’habituer à ce spectacle ? Il finit par s’y arracher. Il dût se faire violence pour cela. Désormais, il devait aller au Sanglier Bleu. La sentinelle lui avait donné la route. Il n’eut donc qu’à suivre les instructions.

[Kasumi]

Malgré les instructions précises, se retrouver dans le dédale de niveaux et de passerelles menant à des culs de sac n'était guère aisé. Alors que dans le profondeurs, les nains avaient méticuleusement construit leur cité de manière ordonnée et géométrique, ici tout semblait chaotique, aléatoire, sans logique. Le svirfneblin fut contraint de rebrousser chemin à deux reprises et même à se faire confirmer son chemin par un vieillard attardé sur les degrés de pierre. Heureusement, la cité aérienne n'était guère étendue et il finit par trouver sa destination : un établissement à trois étages et disposant d'une petite terrasse d'observation. La vue sur la vallée, à l'ouest, était époustouflante particulièrement en raison du coucher de soleil qui donnait au ciel cent nuances de rouge, de rose, d'orange et de bleu nuit. Sous cette voûte magnifique s'étendait une forêt aux proportions infinies, jusqu'à l'horizon lointain.

- Cette vue est étonnante, ne trouvez-vous pas ?

Il s'agissait d'une voix féminine mais Alchem n'avait pas entendue sa propriétaire approcher dans son dos.

[Alchem]

Etait-ce là un signe ? Le soleil mourant, tout en embrasant le ciel, devenait un disque de rubis. Le rubis, la pierre des svirfnebelins... Sous ses rayons pourpres, le paysage se sublimait. Sous cette chaude lumière, la forêt s’étendait, elle qu’Alchem avait admiré lors de ses premières sorties nocturnes. Le gnome des profondeurs fut à nouveau contraint de s’immobiliser et de regarder, car le spectacle était trop beau, trop saisissant pour lui laisser une chance d’y résister. La main en visière, les pensées fuyantes, toute son attention était ainsi absorbée. Un sortilège de fascination n’aurait pas fait mieux.

Et voilà qu’une voix féminine venait de derrière lui. Il sursauta. Lui, qui devait surprendre, était surpris... Cela brisa le charme. Alchem avait l’impression d’être pris en faute. Il n’était pas seul, il n’avait pas le droit de baisser sa garde, jamais ! Il se retourna aussitôt, alors que son familier, tout aussi abusé, l’imitait.

« Vous êtes ? » demanda-t-il avec une amabilité assez relative.

[Kasumi]

Face à Alchem se tenait une humaine, plutôt grande, même par rapport à celles de sa race. Et sans doute joli pour les critères humains avec ses longs cheveux blonds tressés et son regard pénétrant, couleur de saphir. Elle répondit d'un ton neutre mais sa moue songeuse cachait certainement une foule d'émotions indéchiffrables pour le svirfneblin :

- Je me nomme Aleka Stendarr mais j'imagine que ce n'est pas ce que vous vouliez savoir. Et vous-même, qui êtes-vous si ce n'est pas trop indiscret de le demander ? Les vôtres se font rare de ce côté des portes de bronze.

[Alchem]

Ce fut deux paires d’yeux qui se posèrent sur l’humaine, celle du rat et celle du gnome. Ce dernier avait retrouvé cette attitude distante propre aux siens, encore qu’il ne soit pas le plus froid d’entre eux. Il manifestait une méfiance évidente. Pour lui, elle était une menace, jusqu’à preuve du contraire. Et il en allait de même pour tous les inconnus. Seuls les nains d’ici et ses semblables d’Ornegemme passaient outre cette règle.

« Vous présumez bien. Je suis Alchem Murmure. Et disons que je suis de sortie. »

Il était trop connu en ces murs pour ne pas divulguer son identité. Après un peu de réflexion, il ajouta :

« Qu’est-ce qui vous amène à Lameroy ? Le commerce ? »

[Kasumi]

La jeune femme esquissa cette fois un sourire et tendit une main en avant tout en déclarant d'un ton un peu moins froid :

- Vous présumez bien vous aussi : c'est le commerce qui m'a amené ici, mon mari et moi. J'imagine que j'ai affaire à un confrère même si vous êtes bien loin du marché des profondeurs. Vous êtes venu admirer la Forêt Maudite ? Elle n'a pas l'air si dangereuse, vue d'ici, non ?

[Alchem]

Une commerçante ? Avec son mari ? Un couple en somme... le couple dont lui avait parlé Alruac. Alchem avait l’intention de les trouver. Finalement, c’était l’inverse qui s’était passé. Le résultat était le même. Peut-être pourrait-il fouiller cette histoire d’excessive protection. Pour l’instant, il serra cette main tendue, non sans une hésitation qu’il se força d’atténuer. La stratégie dictait désormais de se montrer ouvert. Le jeu de rôle débutait. Le gnome des profondeurs se cachait si souvent, que ce soit au sens propre du terme, derrière un déguisement ou, ici, derrière une attitude calculée. Il était si familier du faux que parfois, il avait du mal à être vrai, à être lui-même.

« Effectivement. On s’y promènerait, une preuve de plus que les apparences sont souvent trompeuses », dit-il en renouvelant un coup d’œil vers la forêt.

Il préféra éviter de parler de son activité. Toujours à cause de sa petite notoriété, mentir revenait à prendre de gros risques.

« Vous vous intéressez aux gemmes ou aux métaux précieux ? »

[Kasumi]

La jeune femme lui dédia un sourire signe qu’elle ne cherchait pas à interpréter les paroles du svirfneblin comme pouvant faire référence à sa méfiance à son égard.

-Si vous aviez dans l’idée de vous y promener, je me ferai un devoir de vous en dissuader. Même sans pénétrer à l’ombre de ces bois, il arrive régulièrement que les voyageurs empruntant la route commerciale se fassent attaquer. Vous n’avez pas l’intention de voyager dans cette direction, j’imagine ? Non pas que je m’intéresse aux pierres et aux métaux de valeur : nous négocions des choses de moindre valeur qui attirent moins l’attention.

[Alchem]

« Des choses de moindre valeur ? Ici ? J’ai vu tant d’or et de joyaux transiter sous mes yeux que je m’étais laissé dire que tout, ici, avait de la valeur. »

D’instant en instant, la luminosité évoluait. Le dégradé céleste, de toute beauté, finirait bientôt par faner. Le temps passait, la nuit s’approchait à grands pas et Alchem n’avait toujours pas réservé sa chambre. Il observa l’entrée assez proche du Sanglier Bleu.

« Je ne sais, pour l’heure, où vont me mener mes affaires. Néanmoins, j’en ai déjà assez entendu sur la forêt maudite pour ne pas m’y aventurer. J’aimerais, si possible, continuer cette discussion à l’intérieur de l’auberge. Il me faut réserver une chambre. J’aurais l’esprit plus paisible après. »

[Kasumi]

La jeune femme haussa un sourcil surpris avant de répondre tout en se dirigeant vers la porte :

- Alors vous comptez vraiment loger dehors ? Enfin, hors des cavernes s'entend ? Moi qui ne vous croyez que de passage pour observer ce coucher de soleil. Mais venez : il reste toujours un peu de place au Sanglier Bleu pour les voyageurs attardés. Et j'espère que nous aurons l'occasion de poursuivre cette conversation. On ne rencontre que très peu des vôtres, même ici, à Lameroy.

Aleka le précéda à l'intérieur et lui tint la porte. La salle commune était de dimensions plus modestes que celle du Filon Aurifère mais elle était meublée avec gout et il y régnait une ambiance chaleureuse en grande partie grâce à la joyeuse flambée qui éclairait et réchauffait toute la pièce. Une femme corpulente se tenait derrière un comptoir et adressa un sourire avenant aux deux nouveaux venus.

[Alchem]

Décidément, cette Aleka semblait très abordable. Tant mieux. La discussion serait plus aisée. Le gnome pourrait peut-être se faire une idée plus rapidement. Peut-être... Car si lui pouvait jouer la comédie, il était tout à fait conscient qu’il en allait de même pour tous ceux qu’il rencontrait. Or, s’il savait mentir, il était peu doué pour déceler les mensonges. Sa suspicion s’en nourrissait amplement. Il pouvait voir la tromperie partout.

Quand il pénétra dans le Sanglier Bleu, il commença par observer. C’était la première fois qu’il venait ici. L’endroit paraissait agréable. S’il l’était effectivement, sans doute éviterait-il de le dire à Alruac, le nain le prendrait mal. Alchem s’avança ensuite vers la grosse femme du comptoir et prit la parole :

« Bonsoir. Je voudrais une chambre pour la nuit et de quoi manger aussi. »

[Kasumi]

La tenancière était une humaine dans la quarantaine autant qu’Alchem soit capable d’en juger de prime abord. Elle répondit d’un ton affable en lui adressant un sourire incertain :


-Il ne nous reste qu’une chambre adaptée à nos visiteurs des profondeurs. Elle se trouve au troisième étage. Est-ce que cela vous conviendra ? Sinon, pour manger, il reste du ragout de lapin ou une tourte aux légumes ainsi que de la soupe de potiron. Vous n’avez qu’à choisir une table et je vous apporte ça. A moins que vous préfériez d’abord voir la chambre ?


Du coin de l’œil, il remarqua qu’Aleka était allée s’installer à l’une des dix tables de la salle commune, rejoignant un groupe de trois humains finissant leurs assiettes.

[Alchem]

« La chambre me conviendra. Je la prends. Et pour le repas... hum... le ragout de lapin. Avec de la bière, si possible. »

Avant de s’éloigner, Alchem échangea un regard avec Dalius. Son rat avait aussi faim que lui. Le lapin convenait aux deux, inutile de demander autre chose. Toutefois, le gnome refit quand même face à la tenancière et désigna du doigt l’animal doué de conscience.

« Il est sans doute utile que je vous le précise, ce rat est mon familier. Il est propre et intelligent. Ne soyez donc pas surprise s’il demeure à mes côtés et se sustente avec moi. En tout cas, il ne vous causera aucun tracas. »

Les rats avaient mauvaises réputation, la précaution s’imposait, surtout dans une nouvelle auberge. Alchem alla prendre place à une table libre, non loin de la fameuse commerçante. Ainsi, il pouvait écouter ce dont elle parlait avec les trois hommes. Et si elle voulait venir encore une fois à lui, libre à elle, le trajet était court.

[Kasumi]

La tenancière lui adressa un nouveau sourire plus franc cette fois-ci :

- Oh, ne vous en faites pas pour votre familier : nous avons l'habitude de recevoir des rôdeurs. Quoique cela ne semble pas être votre cas. Excusez-moi une minute, je vais chercher votre clé, et votre repas.

Elle s'absenta plus d'une minute mais à peine et déjà revenait-elle avec une belle portion dont même l'appétit d'un svirfneblin et de son rat ne viendraient sans doute pas à bout. Pendant ce temps, les clients attablés à côté de lui en profitèrent pour briser la glace :

- Bonjour, maître svirfneblin. Je suis Théodore Stendarr. Ma femme m'a confié que vous auriez l'intention de quitter Lameroy. Nous même partons demain pour l'ouest. Comptez-vous voyagez vous seul ?

L'invitation était à peine dissimulée, le ton affable, l'homme avenant dans la trentaine, aux vêtements bien coupés et à la barbe soignée.

[Alchem]

Alchem détailla son interlocuteur tout en se forçant d’adopter une expression plus joviale qu’il ne l’aurait fait ordinairement. Alors, voici le conjoint... Puisqu’il y avait trois hommes, que l’un était le mari, les deux autres devaient être des gardes du corps. Le gnome ne se priva pas de les observer également.

« Pour l’heure, je n’ai pas réglé les détails de mon voyage. Mais il est peu probable que je l’entreprenne seul. Etant plus habitué du dessous que du dessus, il me manque certains éléments, ne serait-ce que géographiques. »

Refaisant face à son assiette, il isola quelques morceaux de lapin afin de les réserver à Dalius Puis, il se mit à manger. La bière, même s’il avait soif, il l’avait surtout prise afin de comparer avec celle du Filon Aurifère.