[Lieu] Temple de Sunie

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

L'escalier se termina dans une salle ronde, pavée de marbre rose. Des fleurs pâles y poussaient, diffusant une lumière ténue, frôlées par un vent invisible. Angèle comprit qu'elles étaient responsables du parfum diffusé dans l'air. Celui-ci semblait avoir des effets un peu inquiétants, voire aphrodisiaques, car elle se sentait une envie de sourire qui ne cadrait pas complètement avec son état d'esprit précédent. Il lui sembla que la Belle Amoureuse était encore plus magnifique que lorsqu'elle l'avait rencontrée, dans cet atmosphère agréable mais presque lourde. La prêtresse croisa un instant son regard. Devlin, à côté d'elle, paraissait légèrement mal à l'aise, surveillant la dizaine de portes qui s'ouvraient dans la pièce comme si quelque chose de monstrueux allait en surgir.
" Les souterrains attisent l'amour, aiguisent notre perception de la beauté, subliment nos émotions généreuses, annonça la Belle Amoureuse. Un peu paradoxalement, je vous conseille de ne pas vous défendre. Vos corps vont s'y habituer et il ne se passera rien de fâcheux. Si vous luttez, cependant, vous allez attirer l'attention de l'Esprit Aimant, il sapera votre résistance, et le contrecoup pourrait être... spectaculaire."

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Dans son état normal, elle se serait récriée, et se serait enfuie loin de cette atmosphère lascive. Mais sa raison s'était perdue. Place au vertige des sens. Elle se sentait dépassée, l'esprit transmué, transformé. Elle se sentit sourire tandis qu'une force inconnue aiguisait ses sens. Ses perceptions se faisaient plus exactes, devenaient évidences. La prêtresse lui apparut dans toute sa splendeur. Elle n'était pas une représentante de la beauté, elle était son incarnation. Une déesse dont elle aurait pu devenir l'adepte si elle lui demandait. Sa raison s'offusqua quelques secondes. Non, Tyr était le seul dieu ...

Mais cette femme était tellement désirable. Intimidante dans sa beauté. La tête lui en tournait presque. Valse mélancolique et langoureux vertige.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Comme l'avait annoncé la Belle Amoureuse, le sentiment qui avait envahi Angèle lui devint bientôt familier et il se réfugia à la périphérie de sa conscience. Oui, il y avait une superbe créature à ses côtés, désirable et délicieuse, mais ce n'était pas pour cela qu'elle était venue. Jehanna les observait l'un et l'autre, puis elle finit par se fendre d'un sourire et repartit, choisissant sans hésiter une des multiples portes. Le couloir qu'elle emprunta était plus conventionnel que l'escalier, éclairé par des globes roses, toujours, mais de pierre claire, sans fioritures aucune. Elle les mena ainsi jusqu'à une nouvelle petite salle, ronde, au sol de laquelle se trouvait une grande mosaïque représentant plusieurs hommes et femmes, debout. Au centre se trouvait Sunie, représentée par ses cheveux roux et ses yeux verts.
" Bienvenue dans la Chapelle des Amants. Ici, nous chantons les louanges de Sunie l'Amoureuse, qui s'unit à Lathandre, Milil, Torm, Dénéir, Valkur, Tymora, Chauntéa, Séluné, Sharess et bien d'autres encore, pour célébrer l'Amour et la Beauté."
Elle se tourna vers eux.
" C'est ici que la malédiction a été prononcée autrefois. Car c'est ici qu'on peut invoquer un amour presque tangible, et le concentrer dans un objet ou un liquide... Ou quelqu'un."

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Les sensations et les sentiments avaient reflué, la laissant un peu hagarde et surtout honteuse. Elle les sentait encore vagabonder dans un coin de son esprit mais assourdis et elle put enfin retrouver le contrôle de ses pensées. Non, jamais au grand jamais elle ne parlerait à quiconque de ce qu'elle avait ressenti. Elle avait regardé Brandon à la dérobée. Durant tout le passage, elle l'avait presque oublié. Comment s'en était-il sorti ?

Le couloir marqua le retour à la simplicité. Et à un calme relatif pour Angèle. Jusqu'à ce qu'ils passent une nouvelle porte. Elle croisa de nouveau le regard que la prêtresse posait sur eux deux. Son sourire. Après la déferlante qu'ils venaient de subir, elle s'en méfiait quelque peu. Où les entrainait-elle ? Elle lui répondit cependant.

A sa suite, elle entra dans la Chapelle des Amants avec Devlin. La mosaïque et Sunie en son centre. Sunie et ses divins et nombreux amants, de sexe masculin comme féminin. Elle comprit sa pluralité, sa tolérance. Mais elle retint son souffle. Car c'était aussi d'ici que l'on avait lancé la malédiction. Et ici qu'elle allait disparaître.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Brandon était pâle et tendu, mais il semblait conserver son sang-froid. Il observa la nouvelle pièce avec une désinvolture qu'Angèle devina à moitié feinte.
" Asseyez-vous à même le sol..." dit la Belle Amoureuse, et elle en fit de même.
Elle leur sourit ensuite.
" Les malédictions comme celle qui t'a été infligée, Brandon, sont terribles... et rares. Je n'en ai jamais prononcé, Sunie m'en préserve, mais jamais défait non plus. Je ne sais donc pas ce qui va se produire. Ce que je sais, c'est qu'il te faudra saisir ton coeur quand tu en auras l'opportunité. Je ne peux pas te dire ce que cela signifie. Le verras-tu ou seras-tu confronté à quelque chose de plus... ambigu ? Je n'en ai aucune idée."
Elle se tourna vers Angèle.
" De votre côté, vous devez prendre garde à ne pas perdre Morgan. Si vous n'êtes pas vigilante, tout votre amour pour elle pourrait s'évaporer. Vous ne l'oublieriez pas, mais vous perdriez l'essence des sentiments que vous aviez pour elle... Bien sûr, la vie serait alors moins douloureuse, le futur plus ouvert, les regrets moins pesants... Mais je ne pense pas que ce soit ce que vous souhaitez... N'est-ce pas ?"

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Angèle sentit l'inquiétude de Brandon la gagner à son tour. Elle s'assit cependant à ses cotés, les bras croisés pour atténuer le tremblement de ses mains. Pour Brandon comme pour elle, la levée de la malédiction ne serait pas sans conséquence. L'inconnu pour Brandon et pour elle le risque de perdre ce qui constituait son amour pour Morgan ... Pas un oubli. Mais une absence de souffrance et d'attachement. La tranquillité d'un esprit simple et sans tourment. La possibilité de refaire sa vie, de repartir.

Mais elle voulait se souvenir. Garder en elle cet émoi tendre et fragile. Se souvenir de la complicité des matins au réveil, du regard encore endormi de Morgan et de l'odeur du pain chaud. Se souvenir de la gaieté de son rire et de son regard espiègle. Se souvenir de la gourmandise, lorsque Morgan cuisinait, testant sans cesse de nouvelles saveurs. Se souvenir de la fierté sans borne qu'elle éprouvait quand Morgan, dissimulée parmi la foule la regardait jouter, retenant son souffle. Se souvenir de l'optimisme et de la patience de Morgan alors qu'elle désespérait de retrouver la mobilité de chacun de ses doigts. Se souvenir de l'angoisse incommensurable à chacun de ses départs, quand elle croyait ne jamais la voir revenir. Se souvenir du soulagement d'entendre ses pas, lorsqu'elle passait sous sa fenêtre, preuve irréfutable de son retour. Se souvenir de la magie de sa musique et de ses mots lorsqu'elle prenait son luth et qu'elle l'écoutait, assise sur son lit, les yeux fermés. Se souvenir de la tranquillité de l'endroit secret, non loin de la ville où elle allait quand elle avait besoin de solitude et où elle l'avait emmenée pour un cadeau d'adieu. Se souvenir du plaisir de leurs caresses, des soupirs murmurés et plaintes amoureuses. Se souvenir de l'incertitude, des moments où elles se sentaient perdues et où des simples mots d'amour ne suffisaient pas à apaiser ses craintes. Se souvenir du chagrin et de l'immense perte. Se souvenir surtout du bonheur d'avoir marché à ses cotés et de l'avoir connue.

"Non, je ne veux pas oublier"

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

La Belle Amoureuse ne s'était pas attendue à une autre réponse.
" Détendez-vous, fermez les yeux."
Sa voix se fit plus musicale.
" Sunie inspire l'amour. Mais l'amour peut être torture. Aujourd'hui, nous allons défaire ce qui a été fait, pour que le coeur recouvre sa liberté. Angèle, je vais vous demander d'évoquer Morgan dans votre esprit. Essayez de vous en former une image physique... Vous devez la voir comme si elle se trouvait devant vous. Vous devez sentir son parfum, la texture de sa peau, de ses cheveux. Vous devez l'avoir avec vous."

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Un souvenir par petites touches. Des couleurs multiples. Le vert d'abord. Un vert vif et brillant. Et un liseré ocre entourant la pupille. Des longs cils très noirs. Il n'était pas étonnant que ses yeux s'imposent en premier à son esprit. Une peau claire, quelques rides de sourire aux coins des yeux. Un nez droit. Des pommettes hautes. Des boucles couleur d'automne, presque cuivrées. Un menton en fossette. Une silhouette haute, et élancée. Morgan était une des rares femmes qui la dépassait en taille. Des solides épaules mais féminines. Des longues mains. Des seins petits et ronds. Des jambes longues. Des pieds petits : elle se demandait comment une femme de sa taille arrivait à tenir debout ...

Elle revit ses gestes, toujours vifs et rapides. La grâce presque féline de ses mouvements. La façon qu'elle avait de se tenir, une jambe repliée en avant. Elle ne se tenait presque jamais droite. Elle revit son sourire qui partait de sa bouche jusqu'à ses yeux. Puis naturellement, elle l'entendit rire, de l'autre coté du temps. Un rire franc et vif, à l'image de celui de Devlin ou de Théodora. Elle entendit de nouveau sa voix claire et grave, matinée de l'accent de Lumenis. Presque rauque lorsqu'elle chantait. La façon de dissiper les soucis d'un haussement d'épaule. Elle l'entendait encore prononcer sempiternellement : "ça ira mieux demain" ...

Elle sentit de nouveau l'empreinte de ses gestes, de ses bras qui l'entouraient. Des boucles qui retombaient sur son visage quand elle la serrait dans ses bras. Elle sentait la menthe et le feu de bois. Elle se souvint d'autres impressions fugitives. Le contact des ses pieds froids. Sa manie qu'elle avait de parler à ses roses, son chapeau de paille enfoncé sur ses yeux, son sécateur en main. Les yeux levés, son expression songeuse, la plume à la main. La façon dont elle dodelinait de la tête quand elle jouait du luth.

Impressions douces et fugitives. Elle se sentit sourire.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

La silhouette qui cheminait dans les méandres de son esprit, à l'intérieur de ses paupières, se mit alors en mouvement. Angèle la suivit sans avoir besoin de bouger. Morgan marchait dans une rue qu'elle connaissait bien, puis le long d'un chemin, passait sous un arbre, saluait un passant invisible, ouvrait une porte, et elle se retrouva dans la chambre qu'elles avaient partagée. Imprécise, cependant, comme floue, fragile, et la paladine eut la conviction que c'était à elle d'injecter la vie dans cet endroit qui se brouillait par moments, qui devenait ombre ou brouillard, mirage tremblant, intangible. Seule Morgan restait stoïque, solide, mais Angèle sentait que si le décor s'estompait, s'il perdait couleur et forme, alors l'être aimé serait avalé lui aussi. Et puis il fallait qu'elle y cherche quelque chose... Quoi par contre, il était trop tôt pour le savoir. D'abord, rendre à ce refuge formidable toute la force qu'il avait possédée...

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Le Clos des Roses ... Morgan dans son décor. Décor dont elle voyait avec effroi l'image se brouiller. Non, ce n'était pas possible. Il fallait qu'elle réveille le décor, apporte de la vie aux couleurs sur le point de se ternir et redonne des formes aux contours estompés. Le grand lit de bois clair, contre le mur. Un édredon de plumes. Des draps blancs l'été. Une malle au pied du lit. Une étagère contre le mur. Un secrétaire encombré de parchemins et de divers objets, une chaise devant. Une chandelle. La cheminée flanquée de deux fauteuils. Un bouquet de fleurs séchées pendu au chambranle de la porte. Le luth souvent posé au pied du lit. Des livres entassés, jamais tombés en dépit des lois élémentaires de la physique. Le plancher érodé par les pas et les temps dont une des lattes grinçait éternellement. Une psyché dans un coin dont le miroir disparaissait derrière une tenue une tenue de jardinage et un chapeau de paille. Une insolite canne à pêche dans un coin. Le plafond voûté avec sa tâche d'encre en forme de pas - Morgan ne s'était jamais remise de la plaisanterie.

Dans le décor, un objet qui ne lui appartenait pas. Morgan était du genre à avoir souvent les mains occupées et à poser ce qui l'encombrait sur le premier endroit qui se présentait à elle. Ce qui expliquait que son secrétaire était une exposition permanente d'objets hétéroclites. Elle se concentra, espérant que ce qu'elle cherchait serait là ...

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

La pièce avait retrouvé son existence, Angèle percevait l'air tout autour d'elle, chargé des senteurs printanières d'un jardin en éveil. Morgan était sortie sans qu'elle s'en rende compte, mais elle entendait sa voix rauque, chantant tandis qu'elle musardait dans des massifs de fleurs invisibles. Toute proche, là sans l'être, la paladine n'avait pas besoin d'aller à la fenêtre pour être rassurée car son amie aurait pu être juste à côté d'elle que cela n'aurait rien changé à son sentiment de plénitude. Pourtant, une autre part d'elle était consciente qu'il ne s'agissait là que d'un repli de son imagination et de sa mémoire, unis dans une danse intime, capables d'évoquer, de rendre vie, même, à un temps révolu. Non. Eternel. Il lui suffisait de prendre le temps et les choses reviendraient, elle pourrait s'y glisser, échanger, partager, comme autrefois, si seulement elle osait...
L'amour est force, l'amour est vie, disait une voix lointaine, à peine perceptible, mais émanant pourtant du coeur d'elle-même.
A présent que Morgan était sortie, qu'elle avait sa bénédiction, Angèle pouvait chercher l'objet étranger. Il serait petit, discret, quasiment invisible. Mais pourtant de trop. Beau mais discordant. Il fallait le trouver, le toucher, et puis l'emporter.

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Un temps, elle crut l'avoir perdue et sentit poindre en elle une détresse incommensurable. Puis elle l'entendit chanter. Souvenir familier, inaltérable. Sa voix rauque qu'elle aurait reconnue entre toutes. Elle identifia sans mal une ritournelle que Morgan avait l'habitude de fredonner. Elle sentit son coeur battre, elle se sentit pleurer. Puis elle se rendit compte qu'elle se trouvait elle-même dans la chambre. Lieu entre tous où leurs liens s'étaient noués. Elle repensa au tout premier matin, quand elle s'était réveillée seule. Le chant de Morgan lui était parvenu par la fenêtre ouverte. Comme aujourd'hui, elle était restée immobile, ne s'était pas montrée. Simplement pour le plaisir d'entendre sa voix. Encore et pour toujours. Elle se sentit comme si rien n'avait cessé. Morgan vivait encore dans cette chambre, dans son jardin, dans le secret de son coeur. Toujours et à jamais.

L'amour est force, l'amour est vie, entendit-elle. L'amour était éternité. Elle sourit au présent, observa ce décor familier. Parenthèse d'illusion mais pourtant si douce. Elle s'attendait presque à ce que Morgan repasse la porte, à sa rencontre. Comme si tout à jamais pouvait recommencer. La serrer dans ses bras et se perdre dans la forêt de ses boucles brunes. Lui dire à nouveau qu'elle l'aimait.

Elle regarda autour d'elle à la recherche de l'objet. Une anicroche dans le lieu. Elle suivit sa première idée et regarda sur le secrétaire. Elle ne trouva rien. N'ayant pas l'adresse de Morgan, elle fit tomber les objets. Certains roulèrent sous le lit. C'est là que terminaient les choses ayant sursis aux lois de l'équilibre. Bien sûr ! Elle se pencha à leur suite. Et le vit. Là, sur le parquet ... Un objet sphérique, transparent, si petit. Elle avança la main, le fit rouler dans sa paume. Un grelot de verre. Petit bruit infime, élément de musique dont on entendait à peine le son en prêtant l'oreille. Si insignifiant mais important au possible.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Au moment où elle referma la main sur l'objet, la chambre se mit à trembler. Les contours des meubles, des objets, devinrent indistincts, troublés, comme liquides. Les couleurs s'estompèrent, l'univers se fit grisaille, flétrissure, puis d'un seul coup, il fit noir. Angèle ne percevait plus rien, ni son, ni parfum, ni même la sensation de son propre corps. Seul le grelot froid lui donnait une impression d'existence. Il était dans sa paume, ou bien sur son front. Peut-être sous sa langue, ou contre sa cuisse. Peut-être roulait-il sur son dos, était-il posé dans son nombril, glissait-il entre deux orteils, sur le bout de son nez, ou dans le creux de son coude.
Il y avait sa conscience du rien. Et puis le grelot de verre, partout et nulle part, en et hors d'elle. Mais elle le tenait.
" N'aie pas peur, dit la voix de Morgan, rassurante. Surtout, n'aie pas peur. Je suis là."
Il y avait une lumière verte, un peu plus loin. Mouvante.

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Un monde de flou, intangible où tout venait de s'estomper. Le vide. Mais elle avait deux certitudes auxquelles se raccrocher. Ce petit grelot qu'elle tenait serré si fort que les jointures de ses mains en devenaient blanches. Et la voix de Morgan qui murmurait, qui lui enjoignait de ne pas avoir peur. Parfois elle l'avait entendue prononcer ces mêmes mots, alors qu'elle la serrait contre elle. Jusqu'à ce que les battements de son cœur s’apaisent et qu'elle retrouve un semblant de souffle. Quand elle voyait, dans ses délires d'angoisse la pièce se remplir d'eau lui donnant l'impression de se noyer. Morgan qu'elle entendait toute proche. Elle s'entendit prononcer son prénom. Elle n'avait pas peur. Elle voulait simplement l'entendre de nouveau.

Une lumière verte devant elle. Comme un papillon de nuit, elle s'avança à sa rencontre.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

La lumière vint vers elle, aussi. Elle ondulait, comme un poisson phosphorescent dans une eau noire, profondeurs d'une grotte enfouie, mais il ne faisait ni froid, ni humide. Il ne faisait rien. Angèle aurait pu n'être qu'à l'intérieur d'elle-même. Ou nulle part. Elle vit la forme se rapprocher, en devina les détails petit à petit. C'était une femme qu'elle n'avait jamais vue, à la fois humaine et lumineuse, souriante, les yeux verts, comme sa peau, comme son être, teintes subtiles et mélangées, et pourtant elle ne paraissait pas si étrange dans cet univers obscur. Elle observa Angèle l'invisible, la détaillant sous toutes ses coutures alors même que la paladine ne pouvait se ressentir.
" Tu me le donnes ? demanda-t-elle ensuite, d'un ton très enfantin. J'en prendrai soin, je te le promets."

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Elle observa l'être luminescent. Vert. Elle la regardait sûrement, car elle la voyait. Même si elle ne savait pas l'emplacement de ses propres yeux. Elle l'avait entendue mais ne savait pas si elle avait encore des oreilles. Elle ne savait même pas si elle vivait encore. Si elle respirait. Mais elle resserra sa conscience autour du grelot.

"Je suis désolée mais qui êtes vous ?", s'entendit-elle demander, méfiante.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

La jeune femme parut surprise, et posa une main sur sa poitrine, les yeux légèrement écarquillées.
" Moi ? Mais je suis ton amie !"
Elle eut un petit sourire.
" Bon, on ne se connait pas vraiment, mais... Je suis sûre qu'on pourrait être amies. Pour toujours. Si tu me le donnes."
Son sourire se fit moue boudeuse.
" Tu vas me le donner, non ? Tu ne vas rien en faire, de toute façon, ça ne t'intéresse pas, pas vrai ?"

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

A quoi avait-elle pu s'attendre d'autre ? Elle se resserra autour du grelot. Appela mentalement l'image de Morgan. Espérant trouver une réponse à travers elle. Ou un semblant de réconfort.

"Je ne peux pas. C'est un objet important pour moi. Si tu veux être mon amie comme tu le prétends tu dois savoir cela, non ?"

Elle parlait avec une douceur certaine. Tout en sachant clairement qu'elle ne céderait pas.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

La femme verte secoua la tête, agitant ses longs cheveux lumineux.
" Je sais que c'est important. C'est pour ça que je veux le prendre. Moi je les collectionne, tu vois. Et celui-là, il me plait bien. Je le cajolerai, je te jure ! Tandis que pour toi, c'est un poids. Un fardeau. Comme un nuage noir dans le ciel bleu. Une tulipe fanée dans un bouquet. Tu vas en faire quoi, de toute façon ? Le garder comme ça, stupidement, dans ta paume ? Alors que tu ne sais rien en faire ? Moi je saurais quoi en faire."
Elle eut un petit sourire moqueur.
" Tu pourrais juste leur dire que tu ne l'as pas trouvé... Tu as déjà fait beaucoup, alors que tu ne leur dois rien... Tu ne sais pas ce que Morgan aurait fait, elle, dans cette situation, vu qu'elle ne t'en a jamais parlé... Tout ce que tu sais, c'est qu'elle n'est pas revenue en arrière. Peut-être qu'elle ne voudrait pas, ce que tu es en train de faire. Ce serait dommage de la trahir, non ?"

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Angèle croisa ce qu'elle pensait être ses bras. Une collectionneuse d'objets. Une receleuse de souvenirs. Que venait-elle donc faire dans ce temple ? Ou dans cette dimension de son esprit où elle surnageait. Elle se rendait compte de l'importance de ce petit grelot de verre. Ce qu'elle devait rendre à Devlin, et peut-être la cristallisation de l'amour qu'elle éprouvait pour Morgan. Qu'elle ne devait pas perdre sous peine d'oublier.

"Morgan aimait les nuages noirs dans les ciels bleu ... Elle aurait dit qu'ils les rendaient plus beaux. Pareil pour la tulipe fanée ... Elle disait que chaque imperfection avait son charme."

Elle replia encore sa main autour du grelot.

"Je ne peux pas te le donner. Et qu'importe si je ne sais quoi en faire. J'ai promis de ne pas le laisser. Je trahirais Morgan si je te le donnais."

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Le visage vert se déforma de colère et Angèle eut l'impression de sentir son hostilité dans le néant comme une sorte d'onde nauséabonde, un peu piquante, chaude et froide, désagréable.
" Tu dis n'importe quoi ! s'offusqua la femme, et sa voix lui vrilla les oreilles, douloureuse. Trahir Morgan ?! N'est-ce pas la trahir que d'aller rendre son coeur à cet épouvantable porc qui songe à elle avec concupiscence ?! T'es-tu déjà demandé à quoi il pensait, le soir, avant de s'endormir ? Peux-tu imaginer les images qu'il s'est inventées ? Peux-tu imaginer que si Morgan était revenue à Luménis, il serait probablement passé à l'acte ? Vas-tu récompenser cette vilénie répugnante ? Morgan n'aurait sûrement pas voulu qu'il s'en sorte à si bon compte, après toutes ces années."

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Angèle se recroquevilla sous l'onde de colère. Il était loin le visage avenant. Place à l'hostilité. Elle espéra ne pas avoir à se battre. Elle n'avait ni la force, ni assez conscience de son corps pour pouvoir résister. Mais quand la créature parla, et l'agonit de propos tous plus monstrueux les uns que les autres, elle sentit une vague de colère la gagner à son tour. Elle respira profondément ...

"Que sais-tu de ce que ce que pensais Morgan ? Elle est partie pour l'aider. Puisque tu as l'air de les connaître si bien, elle et Brandon Devlin, tu dois au moins savoir cela. Quant à ce qu'il pense ou fait ... "

Nul besoin de la créature pour en avoir une vague idée qui lui donnait vaguement la nausée.

"Il est temps que cette malédiction cesse."

Elle avait parlé d'une voix sourde, mais presque calme.

"Je vais avancer, prévint-elle, et je crois qu'il vaudrait mieux que tu me laisses."

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

" Donne-le moi ! Donne-le moi !" s'époumona la créature, hurlant à présent à l'intérieur de la jeune femme.
Celle-ci parvint cependant à avancer sans que l'ombre verte ne puisse l'en empêcher ou la toucher. La demoiselle lumineuse l'accompagna cependant, voletant en et autour d'elle, comme une chauve-souris nerveuse.
" Je te couvrirai d'or... Donne-le moi... Je te rendrai ta place à Manost, je frapperai ceux qui te veulent du mal, je forcerai ton frère à s'agenouiller pour implorer ton pardon, je châtierai les Mélandiens qui ont tué la femme que tu aimais, je te la rendrai, elle, belle et vivante et chaude et tendre ! Donne-le moi."
Sa voix s'était faite suppliante, enjôleuse, suave, grinçante...

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Elle avait marché encore, tentant de ne pas entendre les enjôleuses promesses. Des mots stériles, gonflés de vacuité. Et la créature qui les proférait la connaissait bien mal. La richesse n'avait jamais été sa priorité. Elle n'avait pas d'ennemis, du moins pas qu'elle sache. Manost lui manquait mais pas le Coeur Radieux. Et elle n'avait aucune envie de voir son jumeau courber le genou, même pour s'excuser. Et pour Morgan ...

La promesse la fit stopper quelques secondes. Elle hésita, la gorge nouée ... Était-ce possible ? Cette créature pouvait-elle lui rendre sa compagne ? Repartir de nouveau comme si rien ne s'était passé ?

"Tu mens. Tes promesses sont idiotes et cruelles. Seul le pouvoir d'un dieu pourrait ramener Morgan. Si je te donne le grelot je la perdrais tout à fait."

Elle se retourna les poings serrés et recommença à avancer.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

La créature poussa alors un cri de rage et disparut complètement, laissant Angèle dans les ténèbres. Le grelot était toujours là et petit à petit, elle récupéra son corps, puis le sol durcit sous ses pas, et elle eut la sensation de remonter un couloir obscur. Il y avait une vague lumière, loin devant elle, comme une lampe allumée sur un palier lointain et elle progressa de longues minutes, sans parvenir réellement à approcher de sa source. Elle ne se sentait cependant ni inquiète, ni fatiguée, la victoire qu'elle avait remporté sur la femme verte agissant comme un baume réconfortant alors qu'elle errait au milieu de nulle part. L'environnement plus paraissait pourtant tangible, la pierre solide sous ses bottes, l'air tiède entrait et sortait de sa poitrine au rythme d'une respiration qui mobilisait ses muscles. Elle se souvint de la petite Chapelle des Amants, de sa mosaïque, de la prêtresse de Sunie et du clerc tymoran, assis. Y était-elle encore ? Ou plus du tout ? Difficile de le savoir.
Pourtant elle se sentait soutenue. Elle savait qu'elle était sur la bonne route.
La lumière se rapprocha brusquement et Angèle déboucha sur le bord une falaise de pierre rouge. La petite corniche où elle se trouvait surplombait un immense gouffre, au fond invisible. Le chemin se poursuivait de l'autre côté, mais il fallait franchir la crevasse. Accrochée à un piton rocheux, une corde tressée semblait attendre le voyageur. Elle était suspendue dans le vide, elle aussi, car on ne voyait pas le plafond de la salle. En s'y balançant adroitement, il devait être possible de traverser.

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

La petite femme verte était partie. Et son corps possédait de nouveau ses limites. Dans sa main, elle tenait le grelot. Trois bonnes nouvelles. Il y avait de nouveau de la lumière, sans qu'elle sache en identifier la source. Elle vaquait encore dans un endroit inconnu. Mais étrangement, elle se sentait sereine. La présence du grelot, poids infime dans le creux de sa paume suffisait à la rassurer. Et l'assurance que l'amour de Morgan serait toujours avec elle.

Devant elle, le sol s'arrêtait. Une falaise de pierres rouges. Et une corde pour passer de l'autre coté. Elle n'était pas du tout versée dans l'escalade. Mais elle n'avait pas le choix si elle voulait continuer. Curieusement, elle ne se sentait pas fatiguée. Comme si son corps avait retrouvé sa vigueur d'avant. Était-ce seulement un rêve ? S'était-elle endormie aux cotés de la sunite et du tymoran ? Elle se sentit le courage et la force d'aller de l'autre coté. Mais avant, elle s'assit.

Elle ne pouvait effectuer quoi que ce fut sans avoir les mains libres ni sans risquer de perdre le grelot. Elle défit sa botte gauche et plaça le grelot dans un repli. Et elle remit sa chaussure en vérifiant qu'il serait bien calé sans qu'elle puisse pour autant l'écraser sans le vouloir. Puis elle adressa à son dieu une prière silencieuse, attrapa la corde et se laissa descendre un peu. Puis, prenant appui sur ses grandes jambes, elle commença à se balancer.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Angèle n'avait pas d'expérience de ce type d'acrobaties, certes, mais elle parvint à franchir la crevasse avec une souplesse et une précision qui la renseignèrent sur la réalité de l'univers qu'elle arpentait : elle n'était sans doute pas complètement revenue dans le monde où l'attendaient Brandon et la Belle Amoureuse. Le grelot, coincé dans sa botte, lui faisait légèrement mal lorsqu'elle marchait, pressant contre sa cheville, lui rappelant sa petite présence saugrenue à chaque pas. Le couloir serpentait à nouveau dans la roche, la guidant sans qu'elle puisse hésiter sur le chemin à emprunter. Puis il s'arrêta dans une pièce ronde, au milieu de laquelle se trouvait un lit.
C'était un lit tout simple, propre, aux draps blancs, à la couverture rouge, à l'oreiller replet. Il n'y avait aucune autre issue dans la salle, et aucune décoration sur les parois, juste une pierre rouge, pleine d'anfractuosités et de fissures, mais sans réelle ouverture.

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Maintenant un lit. Elle l'examina avec une perplexité manifeste. Juste un lit ? Elle regarda autour d'elle. Il n'y avait pas d'ouverture dans la pierre qui délimitait la pièce. Peut-être ce qu'elle cherchait était-il hors de vue. Elle s'approcha du sommier et comme elle en avait pris l'habitude chez Morgan regarda en dessous.

Elle n'était pas vraiment sûre d'elle. Mais on ne savait jamais.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Se penchant, Angèle découvrit quelques petits moutons de poussière cachés dans l'ombre, tout à fait à leur place sous un lit, mais tout à fait déplacés dans cette grotte au milieu de nulle part. Rien d'autre. En se relevant, elle s'appuya sur le matelas qu'elle sentit s'affaisser légèrement sur son sommier. Il avait l'air diablement confortable et, tout bien réfléchi, elle était un peu fatiguée...

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Elle se sentait fatiguée. Il n'y avait rien sous le lit. Ni au dessus. Le lit avait l'air confortable comme un appel au sommeil. Peut-être n'avait-elle d'autre choix que de dormir après tout. Elle défit ses bottes et prit le grelot dans sa main. Et comme quand elle était petite et qu'elle avait un "trésor" à cacher, elle le glissa sous l'oreiller.

Elle hésita encore un peu et finit par s'allonger sur le coté. Elle reprit le grelot dans sa main, sous l'oreiller simplement pour se convaincre de sa présence, et qu'on ne lui volerait pas. Puis elle ferma les yeux et s'endormit.