[Quête] Hauterive

[Féérune]

Là, y a t-il seulement les carottes qui sont cuites ? Les navets aussi... Sylveneige eut tout à coup les pensées encore plus décousues que d'habitude. Bon, ils arrivent, Jolan et mon Streen chéri ? Vais pas m'en sortir, là...

- Gwaric... Gwariiiic... Vous m'en voulez. Vous croyez que je vous mens ?

Un ton doux, presque langoureux. Espérons qu'il n'y ait pas de dame Gwaric.

- Mais dites-moi, Gwaric... Quelle importance... Ce qu'il y a au fond de moi, c'est la revanche à prendre sur l'homme qui m'a trahie. Oui, mon coeur était bon et rempli de désirs nobles - il en reste certainement au fond de moi - mais je lutte contre lui, parce que la traîtrise de celui que j'aimais me porte vers la haine. Croyez-vous que je n'aie pas de mérite à lutter contre mes bons instincts ? Croyez-vous que je ne puisse parvenir à les surmonter, à les tuer même ?

Sylveneige en oubliait de ciller, tant l'angoisse lui étreignait l'esprit. Il y avait certainement une petite chance, minuscule... Mais elle s'y cramponnait avec son énergie habituelle.

[Voyageuse]

L'homme ne put s'empêcher de rire.
" Vous luttez contre la bonté de votre âme ??? Alors ça, c'est bien la première fois que j'entends dire une chose pareille ! Les bons luttent contre les tendances sombres de leur âme, en général. Mais les mauvais, eux, n'ont pas à lutter contre quoi que ce soit ! Ils sont bien au-delà de ça, et ne se préoccupent guère des mouvements de leur âme : ils sont devenus les maîtres de leur conscience, et n'ont de compte à rendre à personne !"
Elle devina qu'il s'approchait.
" Vos paroles vous trahissent bien plus que vous ne l'imaginez, en fait. Le fait même d'affirmer hésiter entre deux voies prouve que vous êtes encore loin du détachement nécessaire pour intégrer notre église. Mais je vais être bon prince et soigner quand même votre cécité. Parce que je veux que vous assistiez... à ce qui va se produire dans les heures et les jours à venir.
Il se mit à incanter, une première fois sans que Sylveneige ne ressente rien, et une seconde fois en s'approchant davantage. Elle sentit un picotement dans ses paupières, et d'un coup, elle recouvra la vue, clignant des yeux dans la lumière pourtant ténue.

[Féérune]

La lumière, même celle adoucie de la pièce, sembla à Sylveneige intense à lui faire reperdre la vue. Elle referma à demi les paupières, réfléchissant à toute vitesse, prenant son temps pour penser à sa prochaine phrase.

- Merci, Gwaric. J'ai eu si peur... Si peur...

Elle tenta un sourire timide.

- Si vous aussi m'aviez trahie... Oh ! je ne sais ce qu'il adviendrait de moi... Gwaric... Pourquoi me parlez-vous si durement ?

L'elfe s'assit précautionneusement dans un des fauteuils.

- Je lutte. Et cela vous déplaît ! tant que ça ? Vous savez, même si je n'ai pas encore le détachement nécessaire, comme vous dites, rien ne vous prouve que je n'y arriverai jamais... Gwaric ? Ne sentez-vous pas quelque chose qui nous lie ? J'ai cru sentir un lien invisible entre nous, fait de haine, de questionnements... Ne le sentez-vous pas ?

Sylveneige ouvrit grand les yeux et se mit à ciller avec frénésie.

[Voyageuse]

L'homme secoua la tête en riant, d'un rire froid.
- Ce n'est pas vraiment comme ça que ça marche, non... mais nous verrons ce que nous réservent -vous réservent- les heures à venir.
Il se dirigea vers la porte.
- Et nous avons capturé le paladin qui nous suivait..., lâcha-t-il comme si c'était une information tout à fait banale.
Mais son regard semblait scruter sa réaction et son ton était empreint de cruauté.

[Féérune]

Sylveneige rit. Le temps de se composer l'attitude qui convenait à cette nouvelle.

- Gwaric, excellent ! vous êtes remarquable, vraiment. Moi je n'avais pas du tout vu que nous étions suivis.

La rôdeuse examinait son carquois. Manquerait plus que je l'ai abîmé, en tapant sur ce monstre, songeait-elle.

- Et alors ? Vous allez en faire quoi, de ce paladin ? De la bouillie pour chat édenté ?

[Voyageuse]

- Ce serait une idée... On y songera, peut-être, dans quelques jours. Mais pas tout de suite. On va d'abord vérifier à quel point la foi Lathandrite est fragile, et combien il est facile d'amener un homme au fond du désespoir...
Il sourit, toujours aussi froidement.
- Peut-être, d'ailleurs... voudriez-vous y assister, voire... nous y aider ?

[Féérune]

Gagner du temps.

- Pour le moment, mon cher ami, j'ai surtout faim. Les petits jeux de vilain sur un paladin peuvent attendre une petite heure, non ? Je mangerais un chevreuil entier, moi.

Et probablement quelques minutes pour se soulager quelque part, c'est à dire se donner le temps de voir où est Jolan et comment le sauver. Vraiment idiot, de la part d'un paladin, de s'être fait prendre.

- On y va ?

[Voyageuse]

Le clerc haussa les épaules.
- Décidément, vous êtes insatiable ! Je ne savais pas que les elfes avaient un tel appétit... Vous avez pourtant mangé avant de quitter la taverne !...
Il jeta un coup d'oeil à la fenêtre.
- Cela dit, le jour ne va pas tarder à se lever, donc il faudra qu'on prenne le temps de déjeuner... Mais le lever du jour, quand on a un paladin Lathandrite prisonnier... C'est une occasion de torture à ne pas manquer ! Donc pour ma part, je déjeûnerai plus tard ! Mais si vraiment vous avez faim, la cuisine est au rez-de-chaussée... Par contre, je vous suggère d'éviter de vous approcher de l'endroit où sera mon frère, enfin sauf si vous aimez assister à des scènes violentes...

[Féérune]

Sylveneige secoua la tête.

- Manger... Manger... Si vous appelez ça manger ! deux petites assiettes, excellentes certes, mais petites. Un barde mange peu, afin de garder un certain confort pour chanter sans gêne. Et puis le voyage a été long, au grand air, et ça, ça creuse.

L'elfe prit ses affaires.

- Donc vous allez découper le paladin en rondelles ? Mais ça ne sert pas à grand chose, vous savez. Les paladins, surtout ceux de Lathandre, tirent leur courage de leur foi profonde. Il n'aura pas peur de la torture physique...

La rôdeuse cilla avec lenteur.

- Torturer un paladin de Lathandre, c'est agir sur sa foi... La seule torture qui l'effraie vraiment, c'est une torture mentale.

Et là, ça le maintiendra au moins intact physiquement, pensa Sylveneige.

[Voyageuse]

- Et bien, je vois que vous avez une bonne réflexion sur ce sujet. Effectivement, ce qui est le pire pour un paladin c'est une torture mentale. Et effectivement, il tient son courage de sa foi. Et le torturer c'est agir sur sa foi, tout à fait...
Il sourit de toutes ses dents.
- L'objectif n'est donc pas de le découper en rondelles, mais de lui faire perdre sa foi en Lathandre. C'est un travail de longue haleine, mais il y a des techniques éprouvées. Nos confrères ont réussi à faire perdre la foi à Albérich Megrall, qui était l'aubemestre du temple de Luménis jusqu'à... il y a un an et demi je dirais. Et qui passait pour avoir la foi la plus forte de tout Hélonna. Donc à côté de ça, amener un paladin au désespoir, et le transformer en une coquille vide... c'est presque facile.
Il se dirigea vers la porte.
- Mais tout cela passe... par l'aube et la lumière du soleil, et surtout par l'impuissance de son Dieu à l'aider, à le sauver. Il suffit de faire en sorte que l'aube ne soit plus un signe d'espoir, mais de crainte, puis de terreur... puis de désespoir. Il finira par haïr la lumière et son dieu. Nous le relâcherons quand il sera une coquille vide... ou, mieux, plein de rancoeur et de haine envers Lathandre. Nous sommes certains d'y arriver. la seule inconnue, c'est le temps qu'il nous faudra.
Il l'entraîna dans l'escalier.
- Mais prenez le temps de manger un bout. La cuisine est ici, fit-il en lui ouvrant la porte, affable. Derrière se trouvait une pièce plutôt petite, mais relativement bien équipée. plusieurs placards contenaient sans doute de la vaisselle et quelques réserves de nourriture. Et une porte donnait probablement sur la cave ou le cellier. En revanche, personne n'avait songé à allumer le feu.

[Féérune]

- Pas de feu allumé ? Personne qui s'occupe de la maison, qui est pourtant grande ? Dites-moi, cher Gwaric, vous n'êtes plus que deux, dans votre secte ? Où sont ces confrères dont vous parlez ?

Sylveneige fixait l'homme d'un air candide.

- Si vous n'êtes que deux, il faudrait vraiment songer à recruter. Et ce paladin, on peut probablement le persuader, si vos techniques sont aussi éprouvées que vous le dites.

Et si tu pouvais tourner le dos cinq minutes, je pourrais me débiner et aller voir furtivement où est Jolan, sale brute, songeait l'elfe.

[Voyageuse]

Son souhait fut exaucé de la façon la plus inattendue qui soit. Alors que l'homme lui expliquait, d'un ton docte et patient, qu'il ne cherchait nullement à recruter le paladin, juste à le démolir de l'intérieur, tout éludant soigneusement la question des confrères, il s'interrompit subitement dans un sursaut.
- Sann ! appela-t-il d'une voix forte. On a un autre invité. Au portail !
Des bruits de pas se firent aussitôt entendre depuis l'ecalier qui menait au sous-sol, tandis que Gwaric se dirigeait vers la porte de la cuisine.
- Je vais vous laisser vous débrouiller pour déjeuner.
Il la fixa subitement d'un regard aigu.
- Mais ne vous avisez pas... de faire quoi que ce soit d'autre.
La menace était parfaitement claire dans son regard de glace. Il sortit de la pièce, repoussant le battant derrière lui.

[Féérune]

Sylveneige battit des cils avec virulence.

- Mais enfin, Gwaric ! pour un peu, on croirait que vous vous méfiez de moi !

L'elfe se dirigea tranquillement vers les placards. Dès qu'elle eut la certitude que la porte de la cuisine était bien fermée, elle prit un gros morceau de pain qu'elle coupa vivement en deux et fourra à l'intérieur le maximum du fromage qu'elle avait trouvé. Elle plaça précautionneusement le tout dans une de ses poches, puis courut silencieusement à la porte de la cave. Elle l'ouvrit et pénétra à l'intérieur.

Avec un peu de chance, il y aura une issue au bout et je me retrouverai dans le jardin... Il n'y aura plus qu'à faire le tour de la maison et trouver dans quelle pièce est Jolan. Ensuite... J'improviserai.

[Voyageuse]

La porte donnait sur une vaste pièce encombrée de quelques réserves de nourriture. Au fond se trouvait un escalier qui conduisait à un immense espace plein de vieux tonneaux dont l'un semblait plein -peut-être une cuvée prometteuse, après tout-, de poussière et de toiles d'araignées. Mais aucune issue n'était visible, à part une minuscule fenêtre dans la partie cellier, et un soupirail dans la partie cave, tous deux fermés par des barreaux.

Le seul moyen de retrouver Jolan était donc de passer par l'intérieur de la maison. Vraisemblablement par l'escalier qui menait au sous-sol. Puisque cet autre sous-sol n'était pas une cave, il pouvait fort bien s'agir de cellules, par exemple...
Malheureusement, Gwaric n'avait pas précisé s'il se rendait auprès de Jolan ou auprès du second intrus. Et la fenêtre du cellier, tout comme celle de la cuisine, donnait à l'arrière de la maison, d'où elle ne pouvait pas apercevoir le portail.

[Féérune]

Sylveneige scruta rapidement la cave. Rien d'intéressant, ce n'était qu'une réserve. Une seule sortie, c'est bien ma veine...

Elle revint vers la porte de la cuisine et tenta de regarder par un interstice entre les battants : rien. L'elfe fit jouer le loquet doucement et poussa la porte.

Vite, trouver Jolan... Et l'autre visiteur, est-ce Streen ? Un sentiment de crainte, aigu, lui noua la gorge.

[Voyageuse]

La porte s'ouvrit, et cette fois-ci aucun sort ne se déclencha. Le hall était vide. Juste à droite, une porte menait probablement au sous-sol. Et peut-être à Jolan ?
Elle apercevait, à gauche, la porte d'entrée... et deux immenses fenêtres qui illuminaient le hall en journée, mais pas à cette heure trop nocturne. cependant, le regard d'elfe de Sylveneige perçait facilement la pénombre du petit main. Elle voyait nettement l'allée de gravier, le portail... deux silhouette sombres qui s'en approchaient. Et un homme, immobile, comme paralysé et collé au portail, dont elle ne pouvait distinguer le visage. Il était cependant plus corpulent d’apparence que Streen.
Les deux frères parvinrent jusqu'à lui et lui otèrent son capuchon. Mais il était trop loin pour qu'elle distingue ses traits...

[Féérune]

Sylveneige, ne parvenant pas à distinguer les traits de l'homme, s'en remit à la chance. Elle décida de partir à la recherche de Jolan : une fois libéré, tous deux pourraient à leur tour libérer le nouveau prisonnier... L'elfe ne doutait pas un seul instant que le nouvel arrivant agrémenterait à son tour les fantasmes macabres des deux frères.

Elle courut silencieusement à la porte d'accès au sous-sol et tira très doucement sur la poignée, suspectant un nouveau piège.

[Voyageuse]

Cette fois encore, la chance semblait avec elle. La poignée répondit à sa pression, et la porte s'ouvrit en grinçant légèrement. Mais rien ne se déclencha.
Devant elle s'ouvrait un escalier plongé dans l'obscurité, ce qui, pour une elfe, n'était pas véritablement un problème. Elle le descendit prudemment sans rencontrer le moindre obstacle. Tout semblait parfaitement silencieux...
En bas se trouvait un palier, avec trois portes : une à gauche, une à droite, et une en face d'elle. Il semblait y avoir un peu de lumière derrière celle d'en face... une luminosité évoquant les toutes premières lueurs de l'aube. Comme si la pièce derrière était éclairée. La porte n'était fermée que d'un simple verrou qu'elle pouvait tirer si elle le souhaitait.
Puis, tendant l'oreille, il lui sembla percevoir une respiration, peut-être un mouvement, derrière la porte de droite. Malheureusement, celle-ci était bel et bien fermée à clé... alors que la porte de gauche ne l'était pas.

[Féérune]

Sylveneige leva la main, dans l'idée de frapper doucement sur la porte de droite, puis se ravisa. Après tout, si ce n'était pas Jolan, mais un suppôt des sharites, ou un monstre quelconque ?

Elle négligea la porte centrale, qui lui semblait donner sur le jardin. Mais c'est une bonne chose, nous pourrons fuir par là, pensa t-elle.

La rôdeuse saisit la poignée de la porte de gauche. S'il est possible d'y trouver quelque chose pour crocheter la serrure de la porte fermée ? Allez, on y va, se dit-elle. De toute façon, je suis armée, dans le cas où ce ne serait pas Jolan dans cette pièce verrouillée...

[Voyageuse]

La porte de gauche s'ouvrit sans effort, sur une minuscule réserve de matériel où étaient entreposés divers outils un peu étranges, certains semblant plutôt prévus, à bien y réfléchir, pour des séances de torture. Il y avait aussi des chaînes, des cordes, des fouets dont un criblé de petites piques qui devait être excessivement douloureux. Parmi les outils "ordinaires" se trouvaient des pinces, marteaux, clous, tournevis... De quoi démonter une serrure, ou même une porte, peut-être, à défaut de savoir vraiment la crocheter.
Il y avait également des potions, de différentes couleur. Deux fioles ressemblaient fort à celle qu'avait montré Sann lorsqu'il avait parlé de potion d'invisibilité, mais elle n'avait pas moyen d'en être sûre sans essayer...
Une autre porte, au fond de la petite pièce, s'ouvrit sur une pièce vide, sans fenêtre, avec deux crochets fixés au mur et une couche de paille. Vraisemblablement une cellule.

[Féérune]

Sylveneige prit les outils qui lui paraissaient les plus efficaces pour crocheter une serrure. Après, faudra voir comment on fait... Mais j'y parviendrai bien !

Elle ne s'attarda pas davantage et fila à la porte de droite. Et commença un crochetage prudent, tâtonnant, mais qui lui sembla bientôt efficace. Bon, elle cède, cette serrure ?

[Voyageuse]

Malheureusement, savoir crocheter une serrure avec un bout de fil de fer n'était pas donné à tout le monde. Au bout de plusieurs minutes de vaines tentative, la rôdeuse dut se rendre à l'évidence : elle n'avait pas l'étoffe d'une cambrioleuse. Du moins pas dans ce domaine. Elle devinait le mécanisme, en sentait les différents composants au bout de son outil de fortune, mais ne parvenait pas à faire bouger quoi que ce soit à l'intérieur.
Elle dut se rendre à l'évidence : le seul moyen, pour elle, d'ouvrir cette porte était d'en obtenir la clé... ou éventuellement de réussir à démonter complètement la serrure, voir les gonds. Ce qui était autrement plus long, d'autant que les vis étaient en partie rouillés. Mais elle réussit à dévisser le premier, puis un second, un troisième...
A l'intérieur, elle entendait nettement la personne respirer, et devina qu'elle écoutait attentivement ce qu'elle faisait. Mais sans jamais parler. Peut-être à cause d'un bâillon ?
Puis il y eût un bruit de conversation, ténu, au-dessus. Les frères allaient revenir. Elle n'aurait sans doute pas le temps de finir d'ouvrir la porte. Mais elle avait le temps, peut-être, de remettre en place ce qu'elle avait touché.

[Féérune]

Sylveneige réarranga prestement les pièces qu'elle avait touchées. Bon, dans la pénombre ça devrait passer... Ils ne s'apercevront de rien... Filons.

L'elfe remonta vivement et silencieusement pour se glisser de nouveau dans la cuisine. Elle sortit la tartine de sa poche et s'apprêta à manger. La bouche pleine de sa première bouchée (énorme), elle prononça indistinctement devant la porte ouverte :

- Khwarih, h'est hous ?

[Voyageuse]

- C'est bien moi, en effet...
Elle entendit la porte d'entrée se refermer, et le vit s'approcher d'un pas tranquille.
- Je vois que vous avez pris vos aises, fit-il d'un air affable. Vous avez bien fait... Mais voyez-vous, on a eu un petit... souci au-dehors. Un intrus. Et... je pense qu'il ne sied pas à une demoiselle de votre acabit d'assister au sort qui sera le sien. Mais peut-être que je trompe et que vous souhaitez au contraire participer à... son châtiment ?
Il pénétra dans la cuisine tout en prononçant ces derniers mots, tirant la porte à demi derrière lui.

[Féérune]

- Eh hien...

Le cerveau de Sylveneige fonctionnait à plein régime, tandis que ses mâchoires suivaient le même rythme d'enfer. Bon sang, si j'y vais, pas sûr que je puisse maîtriser les deux frères, pour un peu que le nouveau prisonnier soit rendu complètement incapable de bouger, ou aveugle, que sais-je encore...

Elle réussit enfin à finir l'énorme bouchée.

- Franchement, Gwaric, je vous trouve bien versatile. Il y a un instant, vous vouliez absolument torturer un lathandrite, maintenant un autre homme sous prétexte qu'il vient de débarquer... Décidez-vous, enfin ! mais pour moi, passer d'un prisonnier à l'autre comme cela, c'est un manque de rigueur. Tenez-vous en à ce que vous faisiez... Sinon vous me décevrez, sachez-le.

Sylveneige faillit reprendre une bouchée, mais préféra continuer sur sa lancée.

- Ce type, là, vous pouvez bien le mettre dans une réserve quelconque... Y'a qu'une pièce, dans votre sous-sol ? Comme ça, on s'en occupera après le lathandrite.

La rôdeuse agita sa tartine sous le nez de Gwaric.

- Et faites donc une pause, bon sang ! vous n'avez jamais faim, vous ? Je suis sûre que Sann est déjà mort de faim, avec tout ce que vous lui faites faire !

[Voyageuse]

- Non, il n'a pas faim, répliqua-t-il d'un ton sec.
Il s'autorisa un sourire.
- Et je vous rassure... Je n'abandonne pas l'autre... Simplement, quelle plus belle torture peut-on imaginer, pour un paladin, que de voir torturer son compagnon d'aventure sous ses yeux ?
Il s'approcha de la porte. puis parut hésiter, revenant vers elle.
- Mais par mesure de sécurité... Donnez-moi donc cette belle épée... Simplement pour que je la mette en lieu sûr...

[Féérune]

Sylveneige posa calmement sa tartine sur la table et fixa Gwaric dans les yeux.

- Gwaric. Je vous le dis une fois, je ne vous le dirai pas deux. Cette épée m'est précieuse. Vous pouvez vous gratter avant de mettre vos pattes, aussi fines et délicates soient-elles, sur mon arme. Filez, vous allez être en retard pour vos gamineries sur les prisonniers. Je vous rejoins dès que j'aurai fini mon repas. La porte d'à côté, je suppose ?

[Voyageuse]

Pendant quelques instants, Gwaric la fixa d'un regard dur. Elle eût la sensation qu'il était prêt à lui prendre son épée de force, peut-être en usant d'un sortilège. Mais finalement, il n'en fit rien. Une expression calculatrice passa sur son visage, avant qu'un vague sourire n'étire ses lèvres -rien que ses lèvres.
Il ouvrit la porte, lança un "Tu peux l'amener !" à la cantonade, et ferma soigneusement la porte derrière lui, empêchant Sylveneige de voir ce qui se passait. Elle ne l'entendit pas s'éloigner : il était probablement resté juste derrière la porte. Peut-être pour être certain qu'elle ne l'ouvrirait pas ?
La rôdeuse entendit le bruit de la porte d'entrée qui s'ouvrait, et des bruits de voix, des exclamations, des rires moqueurs. Ils s'apprêtaient à passer juste devant la porte. Il lui sembla reconnaître la voix de Streen. Plutôt calme.

[Féérune]

Non ? Streen ? Streen prisonnier ? Et Jolan ? Décidément les choses s'annoncent bien mal...

Puis la foudre tomba sur Sylveneige.

Les potions ! j'ai oublié les potions ! nom d'un kobold ! il y avait des potions là en bas et je n'ai même pas pensé à les prendre !

L'elfe se mit à trembler de colère contre elle-même. Puis elle prit rageusement sa tartine, croqua une nouvelle bouchée et mâcha avec fureur, respira à fond et parvint enfin à se calmer.

Bon, réfléchissons... Ouvrir la porte. Furtiver. Descendre au sous-sol. Ouvrir la porte de la réserve où j'ai vu ces fichues potions. Prendre une potion qui fasse un effet génial. Ressortir. Aller dans la pièce où sont les prisonniers. Taper dans le tas.

Ses décisions prises et n'entendant plus les frères, Sylveneige ouvrit la porte de la cuisine.

[Voyageuse]

Son ouïe n'avait pas trompé Sylveneige : le hall était désert, et elle put sans encombre s'approcher de la porte menant au sous-sol. Tendant l'oreille, elle entendit à nouveau des bruits de voix, et dut attendre qu'ils lui semblent plus étouffés avant d'oser ouvrir la porte, précautionneusement.
L'escalier était désert, plongé dans une obscurité relative. Nul ne l'entendit descendre, apparemment. Sur le palier inférieur, un très léger rai de lumière provenait de la porte d'en face, et on devinait la lumière d'une lanterne se glissant sous la porte de droite, celle qui était tout à l'heure fermée à clé et qu'elle avait vainement tentée d'ouvrir. Là où elle supposait que se trouvait Jolan.
La porte de gauche, menant à la petite pièce servant de réserve, s'ouvrit sans difficulté. Elle constata, en revanche, qu'on avait refermé à clé la porte située au fond de la réserve.
Les fioles étaient toujours à leur place, de formes et de couleurs variées. Deux fioles contenant un liquide violacé qui ressemblait à la potion d'invisibilité qu'avait montré Sann. Deux fioles contenant un liquide blanc. une fiole contenant un liquide verdâtre. Deux autres contenant un liquide d'un bleu soutenu. Et bien sûr, les outils étaient toujours à leur place, là où elle les avait reposé en catastrophe, sur les étagères. Il lui sembla qu'ils avaient été touchés, peut-être déplacés, mais il était difficile d'en être certain : elle n'était même pas sûre de les avoir rangés elle-même exactement à leur place.