La Couronne de Cuivre

"Vous êtes courageuse." Une nouvelle fois la réponse avait été spontanée, en rien calculée dans un quelconque but que de révéler une impression sincère.

- Entrons dans ce cas : si nous pouvions commencer par la salle des archives... C'est là où j'ai le plus de chances de m'être rendu, non ? Je ne crois pas être paladin pour avoir eu la chance de visiter les autres parties de votre confrérie...

La salle des archives, en dehors des dortoirs, avait hélas été une des parties les plus touchées par les ravages des flammes.

Non, elle n'était pas courageuse et évitait de trop crisper sa main sur son bras. Marches après marches, elle l'aida à descendre. Puis il furent devant la porte de la salle.

"Voila, c'est ici que nous avons trouvé le document. Souhaitez-vous entrer dans la salle ?"

Elle parlait calmement, pour pallier tout mauvais souvenir ressurgi inopinément.

L'homme tendit timidement une main pour la poser délicatement sur la porte, paume en avant. Il ferma les yeux comme si - au contraire d'Angèle - il essayait de puiser dans des souvenirs fuyants, douce ironie. Sans un mot, il poussa le lourd battant de bois qui s'ouvrit sans effort.

- Je me souviens de dizaines d'étagères : maître Malorne et Malika en étaient fous de curiosité. Je... Non, plus rien. La vision s'est estompée. Je croyais la tenir. Mais cet endroit n'est plus celui dont je me souviens. Je suis désolé. Ne restons pas là Angèle...

Il en avait pourtant saisi une partie. S'en était-il seulement rendu compte ?

"Vous avez parlé d'une certaine Malika. Peut-être est-ce le prénom de la jeune femme qui vous accompagnait ? Tout n'est pas perdu. S'il vous plaît, ne baissez pas les bras comme ça. Marchez un peu dans la salle sans penser à rien. Avec un peu de chance, les souvenirs afflueront d'eux-mêmes. Vous en êtes tout près, j'en suis certaine."

L'homme tourna vers Angèle un regard désormais attristé :

- Ce n'est pas ce dont je ne me souviens pas dont j'ai maintenant peur. Je sais que des milliers de documents précieux se trouvaient ici. Ont-ils tous été détruit par l'incendie ? Je ne sais pas pourquoi mais cette perspective m'ait tout bonnement terrifiante. Peut-être était-ce lié à ma profession ou à autre chose mais tout ce savoir perdu, c'est tellement difficile à envisager...

Angèle lui répondit calmement, pour l'apaiser.

"Alors ce n'est pas ce lieu. Nous avons des documents mais pas des milliers de livres. Vous vous souvenez sûrement d'une grande bibliothèque. Or, il n'y en a pas à Manost. Tout à l'heure, vous avez parlé de la neige, du froid ..."

Elle s'interrompit soudain. Et si ...

"Le nom de Cojum vous évoque-t-il quelque chose ?"

Le regard d'Amélie se mit à briller à cette mention tandis que l'homme sans nom s'exclamait d'un ton un rien incertain :

- Cojum ? Cette sonorité ne m'est pas inconnue... Elle m'évoque des livres oui. Mais pas seulement. N'y aurait-il pas une sorte de festival des vendanges ? Non, forcément qu'il y en a un : il y en a partout à l'ouest.

- Peut être mais aucun ne vaut celui de Cojum ! Pas sur ce continent en tous cas. Je suis certaine que vous y êtes allé !

C'est cette fois la barde qui avait jugé bon d'intervenir sans parvenir à contenir son enthousiasme à évoquer sa terre natale.

Angèle sourit. Leur recherche prenait un tour pour le moins inattendu mais devenait de plus en plus concrète. Cojum, la cité du savoir qu'elle n'avait jamais pu visiter. Qu'elle rêvait de connaître et qu'elle croyait éloignée à jamais avec la mort de Morgan.

"Peut-être devrions-nous nous rendre à Cojum. Bien sûr, il est exclu de faire le chemin dans votre état. Par contre, nous pourrions nous faire téléporter ..."

Non, il ne fallait pas qu'elle s'emballe. Le patient était encore fragile.

"Il nous faudra sûrement attendre quelque jour. Le temps que vous vous rétablissiez un peu plus ..."

Amélie comme l'homme firent les yeux ronds en entendant la proposition de Cojum et ce fut la barde qui se montra étonnamment raisonnable en intervenant la première :

- Mais, c'est à plusieurs semaines de marche d'ici ! Bien sûr ça me ferait plaisir mais la téléportation n'est pas donnée. Bon, il est toujours possible que Sambre se propose de payer les frais de voyage mais nous avons intérêt à trouver un passé tyrite à ce jeune homme dans ce cas. Ou à le convertir tiens !

L'intéressé esquissa un sourire avant de poursuivre :

- Je ne peux pas accepter que vous vous donniez tout ce mal pour m'aider : d'autant que vous l'avez déjà fait considérablement ! Grâce à vous j'ai de sérieuses pistes à suivre, des noms à chercher. Et je crois même pouvoir vous attribuer d'aller déjà beaucoup mieux. Non, je ne peux pas vous demander de m'accompagner là-bas. et si ça ne donnait rien ?

Elle croisa les bras, presque effrayée de s'être laissée à ce point emporter.

"Vous avez raison tous les deux et nous devons être sûrs de nous. Mais comment savoir sans se rendre là-bas sans téléportation ? Et il serait risqué de vous laisser partir seul."

Elle était bien placée pour savoir que le trajet pouvait s'avérer dangereux.

"Alors, il faut chercher des pistes tangibles à Manost. Déjà, nous pourrions retourner au Loyal Paladin et voir si quelqu'un à part le tavernier vous reconnaît."

L’homme lui répondit d’un ton calme et paisible :

- Oui, c’est une bonne idée : je ne voudrais pas vous lancer à la chasse aux chimères dès qu’une piste devient prometteuse. Prenons le temps de voir ce que nous apporterons les pistes locales et d’étayer nos hypothèses. Après, si vous avez toujours le désir de m’accompagner à Cojum, j’accepterai votre compagnie avec joie. Mais nous n’en sommes pas encore là.

Il tourna la tête vers la porte avant d’ajouter d’un ton serein :

- Je crois vraiment être déjà venu par ici. Peut-être que si nous marchions un peu dans les rues limitrophes… Il doit être encore bien trop tôt pour le généreux dîner auquel vous m’avez invité.

Angèle hocha la tête, gagnée par le calme de l'inconnu.

"Nous sommes en plein centre ville où ont été construits la plupart des temples et commanderies. Ici se trouvent le temple de tyr, celui de Helm et le bâtiment du Coeur Radieux. L'un de ses noms vous évoque-t-il quelque chose ? Ensuite, nous pourrons élargir nos recherches aux autres quartiers."

Il resta silencieux pendant un instant - le temps d'y songer et de fouiller dans ses bribes de souvenirs sans doute - puis finit par répondre d'un ton toujours aussi incertain quand il abordait ses impressions et intuitions :

- Ces dieux me sont connus évidemment. Mais je n'ai pas l'impression de me sentir intime avec l'un d'eux. Et le nom du Cœur Radieux ne me dit rien non. Frère Gontrand disait que j'avais dessiné un symbole tyrite cela dit... Alors je ne sais pas trop à quel point je peux compter sur mes souvenirs.

"En effet. Mais peut-être le souvenir de Tyr est concomitant avec les documents à la commanderie. Nous pouvons nous rendre au temple afin de voir si les souvenirs remontent à la surface."

Elle ne s'était rendue dans l'édifice religieux qu'une seule fois. Plaider lui avait permis de renouer avec son dieu, mais elle se sentait pourtant bien loin de lui.

hrp : si tu veux, on continue au temple de Tyr

Le convalescent n'y voyait aucune objection : ils avaient encore largement le temps d'explorer plusieurs pistes avant que ne sonne l'heure de se rendre au Loyal Paladin pour apaiser leurs estomacs et il fallait profiter de la proximité géographique du dit temple pour économiser son énergie encore limitée.

- Aurais-je droit à quelques-uns de vos commentaires ? Vous devez bien connaître l'édifice, non ?

HRP : tu es chez toi : montre-moi le chemin

Les abords de la commanderieétaient déserts. Il faut dire que le bâtiment au toit calciné gisant comme une épave n'était pas pour attirer les foules. Peut-être pensait-on que trop s'en approcher convoquait Beshaba. Un instant, ils crurent que le lieu était inoccupé jusqu'à ce que Gaspard aperçoive la lueur d'une bougie à travers la vitre d'une des pièces épargnées par les flammes.

"Si je me souviens bien, c'est le bureau de Sambre d'Estaing. A mon avis, elle n'a pas voulu abandonner l'endroit malgré ce qu'il s'est passé."

Gaspard à sa suite, il se fraya un chemin entre les décombres jusqu'à parvenir à une porte encore debout à laquelle il frappa avec précaution. Une femme vint lui ouvrir. De haute taille, les yeux bleu pâle, les cheveux et les sourcils d'un blond proche du blanc, le teint étrangement pâle. Lothar Strode avait oublié de préciser que la grande prêtresse de Tyr était albinos.

Elle posa un regard morne sur les deux arrivants.

"Que voulez-vous ?", demanda-t-elle sans amabilité aucune.

Gaspard, loin de se formaliser pour cet accueil, interrogea Lothar d’un regard afin d’être certain d’avoir à faire à la bonne personne. Puis il répondit sur son ton sec mais poli trahissant sans mal son immersion dans le monde militaire.

« Parler diplomatie, stratégie, justice, avenir. »

Droit et massif dans son armure lourde, l’imposant prêtre avait la mine grave. Il était de nature à rebuter les joyeux lurons mais peut-être que cette attitude si ferme conviendrait à une Tyrite.

Sambre d'Estaing - car c'était bien d'elle qu'il s'agissait - fut manifestement sensible à la prestance de Gaspard. Ou tout du moins, ses paroles avaient porté. Elle se redressa à son tour avant de s'effacer pour les laisser rentrer.

"Alors, nous serons mieux ici qu'en pleine rue. Si vous voulez bien excuser la ... décoration ... Nous avons subi un incendie il y a quelques veilles et nous manquons de main d'oeuvre pour la faire reconstruire."

Ils pénétrèrent dans un minuscule bureau aux étagères ployant sous d'immenses volumes que Gaspard identifia comme des livres de droit. Le reste consistait en un bureau et deux chaises dont la vétusté laissait à penser qu'elles avaient dû massacrer bien des dos. Elle leur fit signe de s'asseoir.

"Si vous me parliez plus en détail du but de votre visite."

Gaspard considéra la pièce d’un regard attentif, sans laisser paraitre de jugement sur son visage buriné. Puis il prit place. La chaise protesta sous son poids. Il répondit à la grande prêtresse sur le même ton martial :

« Vous n’êtes pas sans savoir que les choses bougent dans la cité bénie. J’ai hélas l’impression que l’incendie qui a frappé ici en est une conséquence. Helm n’est plus. La guerre s’est achevée et Manost a perdu. Les troubles se multiplient en ville. Beaucoup convoitent le pouvoir. Les conflits d’intérêts risquent de nous ronger de l’intérieur. Nous sommes là pour mettre bonne ordre dans ce chaos. Voici Lothar Strode. Je suis Gaspard Hurlegloire. Nous parlons au nom du culte de la Cavalière Rouge et nous avons espoir de nous accorder sur une stratégie commune pour le bien de Manost. »

Sambre d'Estaing prit le temps de méditer les paroles de Gaspard avant de répondre.

"Vous ne faites peut-être pas équipe avec les bonnes personnes compte tenu de ce que notre dieu a fait subir à Helm. Nous ne sommes plus vraiment en odeur de sainteté à Manost. Mais pourquoi pas ... Après tout, vous et moi nous entendons sur les mêmes principes. Et quand nous parlons de chaos ... Voyez ce que l'on a fait de notre commanderie. Et ce n'est pas tout : à peine une veille plus tard quelqu'un a mis le feu à un entrepôt puis l'un des témoins de l'incendie de notre commanderie a été brûlé vif. Il y a aussi cette affaire de poison. Manost a besoin de calme et je crois qu'elle n'acceptera personne à sa tête avant qu'on ait mis bon ordre à ces troubles."

« Oui, Tyr a tué Helm. Oui, la plèbe n’est pas prête à vous le pardonner. Et je gage qu’on ne manquera pas de vous le rappeler plus que de raison. Mais les Tyrites sont droits, justes et prêt à tout pour leur conviction. Ceux qui n’ont pas compris le rôle capital que vous occupez sont des imbéciles. Ceux qui vont chercher à vous écarter autant que faire ce peut vont nuire à Manost. Dans ce sac de crabes qu’est devenue cette ville, vous restez les alliés les plus fiables. »

Gaspard n’avait en vérité que faire de l’avis des petites gens. Une armée fonctionnait parce que les soldats obéissaient à leurs généraux. Si l’on se mettait à céder aux caprices des soldats, la machinerie se grippait. Si le capitaine Hurlegloire pouvait avoir son mot à dire, il ferait en sorte que la cité bénie fonctionne sur le même modèle, car celui-ci avait fait ses preuves. L’ordre était la clé. Et les Tyrithes participaient à l’ordre.

« Je comprends, sans excuser, les motivations qui auraient pu pousser des gens à mettre le feu à votre commanderie. Mais visiblement, il y a autre chose là-dessous. On fera notre possible pour ramener le calme. Nous en avons les moyens. La Cavalière Rouge, et par extension l’ordre de Tempus, contrôle une bonne partie de l’armée. Ce qui nous manque, ce sont des informations. Pouvons-nous compter sur vous pour nous transmettre le moindre indice utile ? »

HRP : tu me dis si je prends trop de liberté. J’essaie de me baser sur les informations que tu m’as donnés au court des RP ou par MP. Actuellement, j’ai l’impression que puisque la Cavalière Rouge a tout fait pour convertir des gens bien placés dans l’armée, et qu’en plus elle est associée de base à Tempus, elle doit en fait contrôler une force non négligeable, des régiments entiers. Avoir une idée des forces en jeu aide à se situer.

Hrp : Même si tu avais pris trop de liberté (là non, et je trouve que tu as résumé parfaitement la situation à Manost), ton personnage a tellement bien parlé que j'aurais adhéré. Bienvenue en ville, Gaspard Hurlegloire.

Sambre d'Estaing sourit. Ce n'était pas un immense sourire vu que seules les commissures de ses lèvres avaient bougé. Et elle avait hoché avec conviction la tête. Derrière lui, Gaspard entendit Lothar articuler un "Bien parlé". Puis elle prit la parole.

"Enfin quelqu'un qui se rend compte du problème manostien depuis la mort de Helm. Et je crois que sans le recul imposé nous ne nous serions rendu compte de rien. Nous allons être au coeur d'une intense lutte de pouvoir. Et tant qu'elle ne sera pas réglé, Manost n'avancera pas. Votre proposition d'alliance me semble donc on ne peut plus appropriée."

Elle se tut quelques secondes.

"Lors de l'incendie de notre commanderie, un témoin a vu un mage sortir sous forme de brume puis se rematérialiser derrière la porte alors que tout flambé. Ce témoin fut ensuite aspergé de liquide inflammable et brûlé. L'entrepôt près des quais a ensuite brûlé. Les mages ont trouvé sur le sol de notre commanderie le liquide inflammable. Ils l'ont prélevé pour l'analyser. Je ne suis pas au courant de l'avancement de leurs recherches mais j'ai le pressentiment que la commanderie tyrite et l'entrepôt n'étaient que des coups d'essai pour un dessein plus gros."

A la mention du produit inflammable, Gaspard jeta un regard à Lothar. Il ne fit bien sûr pas mention de la tentative d’assassina dont ce dernier avait été victime. Cependant, il était manifeste qu’il tenait une piste.

« Qui sont exactement ces mages qui ont pratiqué les analyses ? Ils nous faut ces résultats. »

Le colosse passa une main pensive dans sa barbe. S’ils pouvaient remonter jusqu’aux criminels et les exhiber face à la foule, le bénéfice serait significatif. Que pourraient les Tormites, contre eux ? Que valait l’appui du grand prélat face au fait d’avoir évité la débâcle militaire et avoir ramené la paix en ville ? La Cavalière Rouge avait beau être un culte mineur vivant dans l’ombre de celui de Tempus, il disposait d’atouts énormes. Ne restait qu’à les faire fructifier et ils pourraient se tailler la part du lion dans le conseil.

Sambre réfléchit avant de répondre.

"J'ai quelque peu de mal à me mêler aux mages mais si je me souviens bien, celui qui est venu prélever se nomme Kieran. Il est un tantinet excentrique mais certains murmurent qu'il est aussi assez doué pour que l'on se méfie de lui. Comme vous avez dû l'entendre, la magie profane n'est pas très bien vue à Manost. Les arcanes sont confinés dans une tour et n'en sortent qu'en cas exceptionnel. Un bon nombre est parti pour la guerre et je ne me trompe peut-être pas en affirmant que la plupart d'entre eux est revenue contrairement aux helmites."

« Bien. Je devine la situation de votre ordre précaire. Seriez-vous disposée à nous donner un peu plus de détail sur les effectifs qu’il vous reste ? Estimez-vous avoir besoin de protection ? »

S’il fallait protéger les Tyrites, il faudrait être discret. C’était un allié nécessaire mais embarrassant. Quiconque s’approchait trop d’eux risquait de pâtir de leur réputation. Pas de quoi effacer la popularité de la Cavalière Rouge, mais tout de même, mieux valait éviter de trop s’exposer. Quoi qu’il en soit, la prochaine étape pour le capitaine, c’était la tour de mage, si toutefois il avait encore le temps de s’y rendre.

Sambre ne tarda pas à répondre.

"Je ne saura vous dire notre effectif exact en ville. Certains d'entre nous sont revenus de la guerre, d'autres non. Et d'autres encore ont préféré fuir la ville suite à la mort du dieu tutélaire. Ceux qui restent se font discrets. Mais je ne pensent pas que nous ayons besoin de protection plus que les autres citoyens en ville. Nous avons malheureusement vécu ce qu'il y avait de pire. La mort de certains novices et des nos prêtres les plus âgés a été une prise de conscience pour la population. Quant aux incendiaires ... Nous sommes sur le qui-vive."

En effet, Sambre d'Estaing avait l'air de ne pas avoir fermé l'oeil depuis bien des jours.

"M'autoriserez-vous à vous accompagner à la tour des mages si vous avez l'intention de vous y rendre. Je n'aime pas rester les bras croisés."

La question de Sambre d'Estaing sonna étrangement dans la tête de Gaspard. Une grande prêtresse lui demandait, en ces termes, une permission ? C’était bien à lui qu’elle la demandait puisque Lothar ne disait presque mot. C’était lui qui au final menait toute la discussion. Certes, le culte de Tyr était terriblement affaibli. Certes l’imposant prêtre avait été promu capitaine. Certes, il était aussi héros de guerre au cœur d’un ordre en pleine expansion. Certes, il était très proche du dirigeant de cet ordre. En fait, cela faisait beaucoup de certes. Il n’en avait pas encore pris conscience. Il avait peut-être sous-estimé sa propre importance dans cette histoire. Il n’en éprouva nulle fierté. Il était juste nécessaire de savoir à quoi s’en tenir.
« Non. J’ai peur que nous devions éviter d’être vu ensembles, au moins pour l’instant. Vous devinez pourquoi, j’en suis sûr. Mais ne vous méprenez pas, nous n’avons pas honte de faire alliance avec vous. Seulement, pour que nous puissions aider Manost, nous allons devoir gagner le bras de fer qui se joue actuellement. Or, dans ce bras de fer, l’opinion de la plèbe compte. »
Le clerc se leva. Il ajouta encore :
« Je déteste la politique. Au moins, sur le champ de bataille, les adversaires ont le courage de se montrer. Ici, ils se cachent derrière des sourires. Mais ce sont les règles. Chaque guerre à les siennes. A nous de les suivre sous peine d’être broyé. Un mauvais moment à passer. Après, il sera grand temps de donner un coup de balai dans ce foutoir. »

"Ou un grand coup de code civil, compléta Sambre avec un léger sourire, je comprends aisément vos réticences sur le fait que je vous accompagne et vous donne raison. Mais je n'aime pas être dépourvue de nez et d'oreilles. Si cela ne vous dérange pas, j'aimerais que l'un de nos adeptes vienne avec vous. Je pense plus précisément à une de nos anciennes prêtresses devenue tormite à la mort de Helm. Étrangement, elle est toujours sensible à notre cause même si elle a renié son dieu. Elle présente le double avantage de ne pas éveiller les soupçons et celui d'avoir assisté au meurtre du témoin sans pouvoir intervenir. Elle est aussi une juriste implacable.
- Et une avocate redoutable, compléta Lothar, du moins, si elle n'a pas changé depuis le temps."

Sambre se rangea rapidement à son opinion.

"Alors il me reste Dimitri Auzimour. C'est un juriste plutôt discret mais honnête et tyrite jusqu'au bout des ongles. Il connaît bien les instances de la ville et saura aisèment vous guider dans Manost. Je vous le fais chercher."

Sans attendre d'avantage, elle hêla un novice errant dans le couloir qui partit aussitôt. Quelques minutes plus tard, un homme d'une trentaine d'années fit son apparition dans la pièce.Châtain de sourcils et de cheveux il était vêtue selon la mode discrète de chaque bon manostien. Il posa sur Lothar et Gaspard un air bienveillant mais toutefois interrogateur.

"Vous m'avez fait demander ?"