La Couronne de Cuivre

Elle lui souffla : "J'ai ton épée, je te la donnerai en bas. Pas de bruit, maintenant." Elle passa devant et descendit les marches lentement, grimaçant dans l'obscurité la plus totale lorsqu'elle faisait grincer le bois sous ses pas. Lothringen n'avait d'autre choix que de la suivre, en se laissant guider par le bout des doigts. Enfin, au bout d'une longue minute, ils arrivèrent en bas, où le plancher était bien cloué et ne bougeait que très peu.

Il y avait un semblant de clarté, en bas, avec le feu dans l'âtre qui s'achevait de brûler lentement. Le visage de la femme prenait une allure sévère et sinistre, teinté de rouge flamboyant. "Tiens" fit-elle en lui tendant la lame de Mornagest. "Prenons des vivres et de quoi nous protéger. La tempête ne risque pas de se calmer avant un moment. Il faudra espérer les semer... avec un peu de chance", chuchota-t-elle. Ils allèrent dans la cuisine et récupérèrent de la viande froide, des fruits, un pain entier et du fromage. La buanderie, quant à elle, leur offrit de quoi se couvrir face au froid : ils prirent plusieurs couvertures chacun.

"Des questions urgentes ? Dehors, on ne pourra pas se parler, avec ce vent..."

Il se sentit rassuré dès qu'il eut à nouveau la garde en main : une partie de lui se demandait encore s'il s'agissait d'un piège, et si les autres n'allaient pas surgir en ricanant de lui avoir donné de faux espoirs avant sa mise à mort.

Tandis qu'il le pouvait encore, il prit le temps de la dévisager. Elle avait les traits durs, lui semblait-il, aussi durs que sa voix. Depuis qu'il s'était laissé surprendre et capturer par son groupe, cette femme avait fait preuve d'un sang-froid dans la dissimulation, la trahison et le meurtre qui pouvait susciter l'admiration ou l'effroi, selon la façon dont on voulait le considérer. Pourquoi aidait-elle Mornagest ? Si elle ne prenait pas le temps de le lui expliquer, c'est qu'il était censé déjà le savoir - ils devaient être amants. Et s'ils ne l'étaient pas, il paraissait censé de supposer qu'elle en pinçait pour lui. Elle faisait des choix lourds de conséquences, et elle non plus, elle n'aurait plus de retour possible... Qu'attendait-elle de lui ? Elle ne paraissait pas du genre à se perdre en épanchements, alors, cela l'arrangeait aussi bien. Difficile de s'immiscer en cours de route dans une relation dont on ne sait rien.

« Une idée d'endroit où s'abriter à quelques heures d'ici ? » souffla-t-il en souriant à demi. « La neige effacera nos traces, mais elle pourrait aussi bien nous tuer si la tempête se prolonge. »

Il ne parlait pas pour lui-même – il imaginait le corps de Mornagest taillé pour les rigueurs climatiques de ce genre, et en dépit de son épuisement dû à la sous-alimentation et au manque de sommeil, il se sentait prêt. Mais elle, tiendrait-elle aussi bien le choc ?

Elle parut quelque peu étonnée par la question, mais finit par répondre : "Tu connais le coin, non ? Peut-être pas tout... enfin. Il y a pas mal de grottes, dans les collines. Ils ne pourront pas toutes les fouiller dans l'espoir de nous retrouver. On se cachera là le temps que le blizzard s'arrête. Ensuite... on verra." Tout en chuchotant, elle venait de voir des paires de raquettes en assez bon état pour être utilisables. Voilà qui pourrait les aider grandement ! Elle s'empara d'une paire, les tendit à Lothringen, et entreprit d'en chausser une autre. Un système de cordages permettait de les attacher solidement à des bottes. Quelques minutes plus tard, ils étaient prêts, autant que les conditions le permettaient, du moins. Elle passa devant et ôta la barre qui scellait la porte de l'auberge.

Tout était impraticable pour un cheval. Évidemment, leurs poursuivants éventuels souffriraient du même désavantage, ce qui équilibrait les choses... Dehors, le vent mugissait, envoyant des paquets de neige s'accumuler le long des façades déjà à moitié couvertes, faisant tourbillonner les flocons dans tous les sens, menaçant de geler les parties du corps non protégées par le froid glacé qu'il charriait avec lui. Ils s'étaient équipés, et finalement, le plus difficile était de progresser dans la neige épaisse sans se faire renverser par une rafale plus violente que les autres. Mais ils purent avancer, en silence, car effectivement, le bruit du vent soufflant dans leurs oreilles empêchait toute discussion autre que par signes.

Lothringen ne ressentait qu'assez peu la morsure du froid, les couvertures aidant, mais aussi son corps d'emprunt, habitué à ces rigueurs autochtones. Seul son visage se crispait régulièrement lorsqu'un souffle particulièrement froid venait lui mordre la chair. Ils n'avaient rien trouvé pour protéger leur figure, malheureusement.

Ils marchèrent vers le nord.

Dans ce perpétuel tourbillon de neige et d'encre, le sifflement du vent était assourdissant et la visibilité quasi nulle ; c'est à peine si Lothringen eut conscience du moment où ils dépassèrent les dernières bâtisses pour quitter Nardovan et tracer une piste éphémère dans la montagne. Le semi-drow se tendait dans l'effort, penché vers l'avant, replié sur lui-même, concentré sur sa marche et la préservation de sa propre chaleur. Les questions sans réponses, pour leur part, étaient restées à la porte de l'auberge, car assurer la position de la raquette au moment où elle rencontrait le sol requérait toute son attention : un faux mouvement, une torsion de cheville, et il s'enfoncerait jusqu'à mi-cuisse dans une neige déjà prêt à le couvrir comme un linceul. A chaque erreur, il fallait lutter pour s'extirper de ce piège, s'épuiser un peu plus ; reprendre.

Pourtant, qu'elle était belle, cette neige que le rêve lui imposait encore. Mais mortelle. Et glacée. Pouvait-on vivre ici ?

Il songeait à la canopée interminable du Téthyr, à la voûte constellée de gemmes de Shanatar, au spectacle miroitant des soirées manostiennes, quand le soleil enflé se noyait écarlate dans l'océan. Même les vents de poussière sèche de Melandis lui semblaient préférables à ce combat perpétuel contre les éléments... Pourquoi vouloir vivre ici ?

La folie des hommes expliquait peut-être cette volonté insensée de s'installer partout dans le monde, quel que soit le danger ou le climat. En ces termes, cette région regroupait les deux aspects à surmonter, car cette tempête aurait pu les emporter plusieurs fois, en les perdant au beau milieu de nulle part, ou les congelant sur place...

Fort heureusement, si Lothringen ne connaissait absolument pas la région, sa compagne de fuite semblait à l'aise avec la géographie locale. Elle avançait pratiquement sans regarder autour, autant à cause de la neige qui sinon lui fouettait le visage que parce qu'elle n'avait pas réellement besoin de se repérer.

Le temps passait lentement, très lentement selon le référentiel de Lothringen. Depuis quand étaient-ils partis ? La nuit était toujours noire, mais il lui sembla que la tempête se calmait quelque peu depuis quelques minutes. Ou quelques heures ? Où étaient-ils ? La femme lui toucha le bras et indiqua un passage sur la gauche, entre deux pans de rochers qui constituaient les contreforts des montagnes alentours.

Ils se dirigèrent de ce côté et ne tardèrent pas à s'arrêter devant une paroi rocheuse entièrement couverte. Prestement, la femme dégagea la neige avec les bras, et découvrit une ouverture dans la roche. Une grotte. Voilà qui leur donnerait un abri. Ils entrèrent et le semi-drow savoura le silence presque trop soudain, lors que le vent cessait de siffler dans ses oreilles. Quelle épouvantable région... Elle extirpa une petite lanterne de sa besace et entreprit de l'allumer, puis elle s'affaira à rassembler un tas de neige devant l'entrée afin de masquer le passage.

"La tempête va s'arrêter. Il vaut mieux se reposer maintenant. Je suis vidée... je sais que tu es fort, mais j'avoue que je ne sais pas comment tu fais pour tenir AUSSI longtemps !" fit-elle, un léger sourire sur son visage exténué. Elle se débarrassa de ses couvertures excédentaires et se secoua afin de faire tomber la neige accrochée sur elle. À nouveau, elle apparut à la lueur d'une faible clarté, et Lothringen put observer ses traits, rudes mais réguliers. Ses cheveux presque aussi blonds que ceux de Mornagest étaient attachés afin d'éviter de lui tomber sur le visage. Elle avait des yeux clairs, mais impossible de savoir s'ils étaient verts ou bleus. Son visage semblait avoir été témoin de bien des choses...

Lothringen avait dissimulé un sourire en entendant la réflexion de la femme. Son propre corps n'aurait soutenu qu'à grand peine cette marche harassante, et uniquement à force de volonté et de tension nerveuse ; aussitôt parvenu dans cet abri, il se serait effondré d'épuisement avant de s'endormir presque instantanément. Alors que là... c'était à peine s'il ressentait un peu de fatigue. Et un très grand appétit.

Il se débarrassa à son tour de ses épaisseurs excédentaires, qu'il disposa autour de lui en un semblant de lit confortable, et plongea dans les réserves de nourriture dérobées en cuisine, qu'il étala sur une des couvertures en invitant la femme blonde à se servir.

« Le secret, c'est de reprendre des forces dès qu'on en a l'occasion. »

Voilà, il l'espérait, une attitude et une réflexion que le vrai Mornagest n'aurait pas désapprouvées. Il observait son interlocutrice à la dérobée. Qui était-elle vraiment, comment avait-elle connu son compagnon ? Il n'en savait rien, ne pouvait pas le demander, et craignait de commettre un impair à chaque mot qu'il disait.

Comme la situation le mettait singulièrement mal à l'aise, le semi-drow se tira d'embarras en mordant de bon appétit dans une hâtive association de fromage et de pain.

"Bonne idée", fit-elle en s'installant ensuite pour imiter Lothringen. Ils manquaient de sommeil et venaient de parcourir une distance certes courte mais dans des conditions épouvantables, aussi, leur repas fut consistant : ils mangèrent la miche complète de pain et la moitié de leur fromage, et mangèrent également quelques fruits. Il leur en resterait pour le lendemain, ainsi que la viande. Le climat avait cet avantage que les denrées ne craignaient pas un faisandage prématuré.

Le semi-drow mangea comme s'il était réellement Mornagest. Il avait certes un appétit correct, d'ordinaire, mais il n'avait jamais imaginé pouvoir engloutir tout ce qu'il dévora ce soir-là.

Ils étaient tous les deux trop exténués pour parler. Les paupières closes, la femme savourait ce moment de repos bienvenu, et rapidement, sa respiration se fit régulière et profonde. Elle était à moitié allongée sur ses couvertures.

La lanterne continuait d'éclairer la caverne, guère plus spacieuse qu'une chambre, et certainement moins confortable. Toutefois, ils étaient à l'abri : leurs traces étaient déjà probablement entièrement effacées par le vent, et avant que leurs poursuivants ne trouvassent la bonne direction à prendre, et débusquer cette grotte en particulier... ils pouvaient terminer leur nuit sans risques.

Pour la seconde fois, Lothringen s'apprêta à sombrer dans le sommeil, alors même qu'il se savait déjà endormi à Graëlon, piégé loin de son corps, et ici dans celui d'un autre... Cette épreuve du Rêve semblait devoir se prolonger davantage que les précédentes, et son sens lui échappait toujours. Il avait d'abord cru qu'on voulait le faire payer pour les fautes de son amant, pour tout lui avoir pardonné sans en avoir le droit ; à présent, il lui semblait avoir fait fausse route. Quoi qu'il en soit, il en apprenait davantage sur la région natale de Mornagest et sur son passé, et sa curiosité était piquée au vif. Habiter son corps s'avérait une expérience surprenante, du reste : il se sentait plus lourd, plus endurant, plus malhabile également, et semblait n'avoir aucune peine à en imposer. Mais l'essentiel était ailleurs. Comment tout cela était-il censé finir ?

Il s'allongea le plus confortablement qu'il put, soupira, et ferma les yeux. Pour l'heure, ils étaient poursuivis, et seul le rude climat local lui était étranger. Pour le reste, la fuite, la peur, la cavale, et le sentiment d'être l'ennemi public numéro un, la mort aux trousses – voilà, à l'exception de trop brefs répits, ce qu'il avait lui-même vécu durant cinq années, sur Féerune, et qu'il ne connaissait que trop bien. Peut-être ne s'étaient-ils pas trouvés par hasard, somme toute.

Un sommeil étrange vint. Il rêvait, et rêvait qu'il rêvait... De quoi rêvait-il, durant cette nuit dans la grotte ? D'un autre rêve ? Cette boucle était-elle infinie ? Avait-elle quelque once de logique, de raison d'être ? Peut-être pas plus, finalement, que le fait de se retrouver tous dans cette clairière aux piliers...

Il n'avait pas l'impression de s'être beaucoup reposé lorsqu'il s'éveilla. L'obscurité la plus totale régnait dans la grotte, de même qu'un silence glacé. En tendant l'oreille, Lothringen distingua la respiration de la femme, qui s'agita alors. Elle n'allait pas tarder à se réveiller, elle aussi.

Quelle heure pouvait-il être ? Impossible de savoir sans pointer le nez dehors.

La femme grogna, puis s'agita un peu plus, baîlla.

Etait-ce lui qui venait de la réveiller ? Il avait pourtant à peine bougé... Et lui-même, pourquoi reprenait-il déjà conscience, alors qu'il se sentait encore pataud, et trop peu reposé ? Il continua de tendre l'oreille, au cas où ce serait un bruit étranger qui l'aurait tiré si tôt du sommeil - une bête sauvage, un poursuivant - mais il n'entendait plus rien pour l'instant. Se redressant, il se rapprocha de l'entrée de la grotte, cherchant à distinguer le jour à travers l'épaisseur de la neige.

Il ne connaissait pas la région et n'avait pas vraiment idée de la distance effectivement parcourue depuis leur fuite, mais il lui semblait plus prudent d'attendre la nuit, voire de nouvelles intempéries, pour se remettre en route. Ils étaient sans doute encore très près de la cité, et d'après ce que la femme lui avait dit, l’endroit où ils s'étaient réfugiés était prévisible. A la place d'éventuels poursuivants, il se serait donc choisi un point d'observation en surplomb de ces grottes, prêt à les cueillir dès qu'ils en sortiraient, petites tâches noires et mobiles si facilement repérables sur les grandes étendues blanches. Evidemment son raisonnement tombait à l'eau si ce point d'observation n'existait pas, ou s'il suffisait de quelques heures pour rejoindre cet endroit et faire le tour des grottes... mais cela, son guide le savait mieux que lui.

Soit il faisait encore nuit, soit la lumière était totalement occultée par la couche de neige à l'entrée. La femme entreprit d'en creuser un peu, puis, voyant qu'il n'y avait toujours rien à voir... continua. Au bout d'un mètre de neige entassée par le vent, elle atteignit l'air extérieur. Le soleil perçait très timidement un couvert de nuages bas et menaçants. La neige n'était pas loin... la nuit, si.

"On a le choix. On peut rester ici jusqu'à la nuit, mais ça nous fera perdre du temps, ou alors on repart maintenant. À mon avis, ça va encore tomber..."

Au moins, avoir un peu de lumière naturelle avait quelque chose de réconfortant. Pour l'heure, cette grotte n'était qu'une prison de plus, finalement.

Lothringen finit par comprendre pourquoi il s'était réveillé : il avait mal partout. Les courbatures étaient légères, mais sa position pour dormir était franchement inconfortable, et il le ressentait à présent.

Au-dehors, pas âme qui vivait. Le blanc était omniprésent, sauf dans le ciel gris.

Le repos n'avait pas été aussi réparateur qu'il l'aurait voulu et n'incitait pas à s'attarder en cet endroit inconfortable, aveugle et légèrement oppressant, profondément enfoui sous la neige ; aussi le semi-drow avait-il envie de repartir, désormais, d'autant que le temps leur était, de son point de vue, plutôt favorable : des chutes de neige qui décourageraient d'éventuels poursuivants ; une visibilité limitée qui reporterait les recherches. Il se sentait capable de marcher, encore et encore, même à travers le brouillard blanc et même en dépit de sa mauvaise nuit. Cependant, il commençait à s'inquiéter de la durée de leur fuite. Leurs réserves de nourriture n'étaient pas infinies et il doutait que la femme ait autant d'endurance que lui. Sans compter que, contrairement à Mornagest, il ne connaissait rien des environs... il n'avait ainsi pas d'autre choix que de se fier à l'inconnue.

« Alors, repartons. Mais il ne faudra pas attendre l'épuisement pour songer à s'abriter. »

Il avait choisi une tournure impersonnelle destinée à éviter de froisser son interlocutrice, dont il savait fort peu de choses, somme toute, y compris pour ce qui était du caractère.

Elle hocha la tête. "Bonne idée. Avec un peu de chance, la piste sera complètement brouillée, et nous serons tranquilles." Pour que faire ensuite, la question restait ouverte.

"On peut pousser jusqu'à Val-de-Givre. Ça nous fait obliquer vers l'ouest, mais si on marche bien, ce soir, nous y serons... Dans mes souvenirs, il y avait moyen de loger chez l'habitant. J'ai quelques pièces... et très faim, aussi."

Il leur restait des fruits et la viande, qu'il leur faudrait économiser sur la journée afin de ne prendre aucun risque. Elle en préleva une partie qu'elle partagea en deux pour Lothringen et elle-même.

"Toujours aussi bavard, hein ?" fit-elle, un sourire en coin tandis qu'elle mâchait un morceau de bœuf.

Coucher chez l'habitant, c'était tentant, à condition que l'habitant en question n'ait pas la langue trop bien pendue ; sinon, c'était laisser un signe beaucoup trop évident de leur passage... Lothringen en était là de ses réflexions, dans un silence masticatoire, quand la femme lui fit cette remarque sur son mutisme. Il sourit à son tour. Il fallait reconnaître qu’en l'occurrence, ce trait de caractère de son compagnon le servait bien.

« Hé bien, d'ici à ma prochaine incarnation, je doute que cela change beaucoup... »

Si seulement elle avait pu savoir à quel point il disait vrai. Mais il s'interrompit bientôt de lui-même, embarrassé.

« Je ne t'ai même pas remerciée de m'avoir tiré de là... Ce quotidien de fuite, je ne le souhaite à personne. »

Il espérait qu'elle ferait un ou deux commentaires susceptibles d'éclairer sa lanterne.

Elle avala sa bouchée, puis sourit : "Pas de quoi. Tu sais... ç'aurait pu être moi, à ta place. Je pense que j'aurais fait la même chose. Je suppose. Finalement, tu n'as fait que te défendre..." Son sourire disparut, et elle sembla songer aux événements passés, dont Lothringen ignorait à peu près tout - mais elle n'était évidemment pas censée le savoir.

Elle reprit, au bout d'un temps : "Ça risque de durer un petit moment. Mais d'ici quelques jours... ou quelques semaines, au pire, tout ça sera derrière nous, nous serons loin et nous vivrons notre vie tranquillement." Une pause, puis elle poursuivit : "Chacun de notre côté, je suppose."

Elle avait terminé son repas, mais ne montrait pas de signes de vouloir se mettre en route tout de suite. Peut-être le fait que Lothringen parlait un peu lui donnait envie de soutenir la conversation, si laconique était-elle ?

Il se garda bien de rebondir sur ces derniers mots. Dans quelques jours, dans quelques semaines... il espérait bien qu'il ne serait plus dans ce souvenir, et que ce serait au vrai Mornagest de faire les choix. Mais, pour ce qu'il venait d'entendre, il comprenait qu'elle avait pris la décision de l'aider et de tuer ses propres compagnons alors qu'elle le connaissait à peine, simplement par... compassion... ou bien dans l'espoir de se gagner sa reconnaissance ? Comment le guerrier dont il avait pris la place avait-il pu réagir, s'était-il montré à la hauteur ou avait-il simplement profité d'elle ? Lothringen avait un peu pitié d'elle, à présent.

« Je... me sens bien incapable de prévoir mon avenir avec plus de quelques jours d'avance. J'ai été très imprudent, à Nardovan, j'en suis conscient. Je ne souhaite pas avoir la main qui se crispe à chaque fois que j'entre dans une auberge. Je quitterai la région, je crois... »

Elle hocha la tête. "Ça me paraît le plus sage, oui. Même s'ils perdent ta trace, ils risquent de la retrouver, même si ça leur prend des mois. L'argent motive bien du monde..."

Le silence s'installa à nouveau, un peu gênant. Elle finit par ajouter : "Si tu me dis que tu seras plus prudent, je veux bien te croire. Je ne serai pas toujours là pour te secourir au dernier moment..." Elle avait dit cela sur le ton de la plaisanterie, mais son visage trahissait son inquiétude, ou du moins, sa préoccupation. Manifestement, elle ne tenait pas à voir Mornagest retomber dans une situation aussi extrême.

Elle avait une façon de lui parler... un peu protectrice, comme si elle s'inquiétait pour un enfant inconscient. Pour la première fois, il se demanda quel âge elle pouvait bien avoir. Les humains changeaient vite, et il avait remarqué qu'ils savaient à quelques années près deviner l'âge de l'un d'entre eux à quelques signes discrets qui lui échappaient complètement. Elle était plus âgée que Mornagest, c'était certain. Et lui-même, d'ailleurs ? Vingt ans ? Moins, peut-être ? Il ne s'était pas vu une seule fois dans un miroir depuis qu'il était dans la peau de son compagnon, mais il l'imaginait aisément en jeune chien fou, perdu et prêt à mordre quiconque approchait : le guerrier était-il si différent de cela quand ils s'étaient rencontrés...

Il la regarda de nouveau. Il trouvait ses choix discutables. Mais il avait plus ou moins fait les mêmes, et elle lui inspirait le respect.

« Et je ne te le demande pas ! Misère, ça t'a coûté, et tu ne me devais rien. »

Voilà qu'il sortait un peu de son rôle de guerrier sans merci, mais chassez le naturel...

« Je ne veux pas non plus être un poids pour autrui. »

Avant que le silence ne s'installe à nouveau, alourdi de non-dits, il se mit à sourire.

« Nous devrions y aller. »

Elle acquiesça sans mot dire. En quelques instants, leur paquetage fut fait, et ils enfilèrent à nouveau leurs couvertures pour se prémunir du froid glacial du dehors. Puis ils sortirent. La bise s'était arrêtée de souffler, mais le ciel était bas et lourd. Ils pourraient peut-être atteindre le hameau dont la femme parlait tout à l'heure avant la nuit...

Ils marchèrent vers l'ouest, faisant des détours pour éviter les pics les plus escarpés, tout en évitant de suivre ce qui ressemblait le plus à une route. Ou un chemin, à tout le moins. Régulièrement, ils inspectaient les alentours, mais n'y voyaient que des rochers nappés de neige, et de la végétation dévoilant ça et là un bouquet de branches sempiternellement vertes, si caractéristiques des résineux.

La journée fut longue, et l'engourdissement les menaçait malgré leur protection, mais ils tinrent bon. Leurs rares échanges de paroles se bornaient à des mises en garde face à un obstacle quelconque traîtreusement caché sous la poudreuse.

Ils dînèrent rapidement et sans mot dire. L'ambiance n'était pas morose à proprement parler, mais ils étaient trop harassés pour discuter le bout de gras. Ils reprirent rapidement la route, soucieux de se mettre à l'abri et au chaud.

La neige se remit à tomber en fin d'après-midi. Ils avaient de la chance : ils avaient bien marché, et leurs traces seraient rapidement effacées. Peut-être la piste serait-elle perdue à jamais... Ils arrivèrent en vue du hameau au détour d'un passage étroit entre deux parois rocheuses. De la fumée sortait des cheminées. Il y avait une quinzaine de maisonnées visibles, toutes concentrées à l'abri des vents dominants du nord. Pas âme qui vivait à cette heure, mais la nuit tombait et les gens devaient être chez eux.

"Enfin", soupira-t-elle. "Je suis épuisée." Elle chancelait presque en marchant, et ce qui devait arriver arriva : elle trébucha sur une pierre et s'affala de fatigue dans la neige sans plus bouger.

Lothringen se précipita pour la ramasser avant qu'elle ne s'étouffe dans la neige. La prenant à bras le corps à travers l'épaisseur des couvertures, il la retourna, puis la redressa tant bien que mal ; les yeux clos, elle semblait à moitié inconsciente. Comme ils étaient en vue des habitations, il jugea inutile de la ranimer avant d'avoir un peu de chaleur et de réconfort à lui proposer. Il lui retira ses raquettes et les remit hâtivement dans son sac. La portant dans ses bras, il accomplit alors laborieusement les derniers cent pas qui le séparaient du premier chalet. Il n'était pas tant gêné par le poids que par les épaisseurs de laine et de neige. Les raquettes enfonçaient profondément à chaque pas, parfois jusqu'à mi-cuisse, et, enveloppés comme ils étaient l'un et l'autre, il lui était difficile de trouver sur elle une prise sûre où sa main ne glisserait pas progressivement. A plusieurs reprises, il dût s'arrêter et la déposer pour changer de position avant de recharger son fardeau.
Il parvint enfin devant la première porte. Comment avait-elle dit que s'appelait ce village ? Val de Givre ? Il fallait espérer qu'elle avait eu raison de croire qu'ils y trouveraient où se loger...

« Hé ho ? » cria-t-il tout en frappant du poing sur la porte. « Nous sommes deux et cherchons où nous loger pour la nuit... » Ne restait plus qu'à compter sur la légendaire hospitalité des montagnards. Hum.

Avec le vacarme qu'il fit, on vint rapidement lui ouvrir. Un autre grand type lui faisait face et le regardait d'un air suspicieux, puis son regard se posa sur la femme, toujours inconsciente. L'homme parla avec un accent similaire à celui de tous ceux que Lothringen avait croisés depuis le début de sa mésaventure.

"Sacrédié ! D'où vous venez comme ça ? Entrez ! Vous allez geler sur place."

Il aida Lothringen à transporter la femme et entrèrent dans une pièce chauffée au poêle à bois. Une délicieuse odeur de soupe emplissait la pièce, et le semi-drow vit une marmite trôner sur ledit poêle. Une femme quelque peu âgée tourna la tête dans leur direction, et comprit qu'elle pourrait se rendre utile en allant chercher de quoi réchauffer la malheureuse.

Installée sur un siège garni d'un épais coussin, débarrassée de ses couvertures gelées et enveloppée dans d'autres bien plus chaudes et propres, elle reprit quelques couleurs, et sa respiration, profonde, indiquait qu'elle sommeillait simplement.

"Vous êtes arrivés à temps. Installez-vous, m'sieur", fit le bonhomme, tout sourire. "J'imagine que vous aviez une bonne raison d'vous promener comme ça dans la neige, mais, par les dieux, c'est pas un coup à r'faire ! Vous vous êtes perdus ?"

La femme paraissait hors de danger ; la chaleur du poêle et la bonne odeur de soupe promettaient également une soirée agréable et une nuit enfin tranquille, en tout cas plus réparatrice que la précédente. Débarrassé par ses nombreuses épaisseurs, le semi-drow se sentait lui-même soulagé. Pour autant, et en dépit des sourires de son hôte, Lothringen restait sur ses gardes. Il ne pouvait pas se fier à grand monde, dans ce rêve, comme sa récente mésaventure de l'auberge venait de le lui rappeler. En outre, la question de l'homme l'embarrassait un peu ; s'il annonçait venir de Nardovan, ce dernier saurait qu'ils avaient déjà passé une nuit dehors, et d'autres questions suivraient. Heureusement, il avait passé un peu de temps à détailler la carte de l'auberge, la veille - un temps qu'il aurait mieux employé à prendre ses jambes à son cou, d'ailleurs, mais ce qui est fait n'est plus à refaire - de sorte qu'il avait en tête un ou deux noms de localités proches qui pourraient faite l'affaire. Sur la grande carte, ce n'étaient que de tout petits points à peine lisibles au milieu des montagnes. Comme Val de Givre, du reste.

"Nous voulions gagner Combeloup depuis Quarante Planes, mais nous nous sommes trompés de piste sur la crête ; tandis que nous rebroussions chemin, la neige s'est remise à tomber et nous nous sommes tout à fait perdus dans le blizzard... Il était temps que nous arrivions, ma compagne était à bout de forces."

L'homme siffla. "Ça vous fait une sacrée trotte. Enfin, surtout, vous vous êtes bien perdus ! Vous avez dû dévier d'une douzaine de lieues... vous avez eu de la chance, en tout cas. Des morts, par un temps pareil, c'est pas ça qui manque, hélas..." Il jeta instinctivement un regard vers la fenêtre la plus proche, mais les volets étaient évidemment clos depuis belle lurette.

"Un bon repas, une bonne nuit de sommeil, et vous vous sentirez déjà bien mieux ! Demain, on avisera selon le temps.
- Croyez-moi, messire, le soleil sera de la partie dès demain matin", fit la vieille femme. Elle regardait Lothringen, ou en tout cas, dans sa direction, mais ne paraissait pas vraiment le voir. Elle devait avoir des problèmes de vue, sans doute à cause de son âge. Elle irradiait le calme et la sagesse, et son visage parcheminé semblait bienveillant.

Une autre femme, entre deux âges, entra dans la pièce, portant des couverts pour le repas et une grosse miche de pain gris. Elle salua les deux étrangers d'un petit signe de tête assorti d'un timide sourire, puis entreprit de distribuer les assiettes, et alla ensuite chercher la marmite de soupe. Elle servit une généreuse portion d'un épais bouillon de légumes dans lequel mijotaient des lardons. L'odeur était réellement alléchante.

"Vous excuserez ce souper un peu rustique. Dans le village, on n'a pas accès à des choses très raffinées", fit l'homme. Il savait que ses hôtes lui pardonneraient cela sans problème, évidemment.

La compagne de Lothringen ouvrit les yeux et murmura : "Ça sent bon..."

"Et tu te réveilles juste à temps pour y prendre part !" répondit joyeusement Lothringen, soulagé de voir qu'elle ne semblait pas plus atteinte que cela. Suivant le mouvement général, le faux grand guerrier blond prit place à table, attendant que ses hôtes se soient installés à leur tour pour goûter l'appétissant potage. Cependant il jeta un oeil à sa compagne de route, qui émergeait progressivement. Il savait toujours si peu de choses à son sujet, et les évènements se succédaient sans l'éclairer davantage. Saurait-il jamais ce qu'il s'était réellement passé avec ce groupe de mercenaires ? Ou même... son nom ?

"Comment te sens-tu ? Tu es tombée d'un coup dans la neige, et tu ne bougeais plus... Heureusement que nous étions presque arrivés."

Elle sourit faiblement. Son teint était pâle, mais elle paraissait pouvoir au moins tenir assise sans tomber de sa chaise, et elle manquait probablement d'un bon repas et d'une bonne nuit de sommeil pour pouvoir se rétablir pleinement.

"Ça va... ça ira mieux plus tard, je crois." Elle saisit sa cuiller et commença son potage, doucement d'abord car il était vraiment chaud, puis plus avidement ensuite. Elle termina rapidement son assiette, et l'homme lui en resservit une aussi généreuse en arguant qu'elle en avait fichtrement besoin.

Le repas fut tranquille et revigorant. Leurs hôtes ne semblaient pas vouloir les interroger plus avant quant à la raison de leur présence chez eux, au grand soulagement de Lothringen, qui profita lui aussi de cette délicieuse soupe pour se remplir l'estomac plutôt deux fois qu'une. Ils terminaient de saucer leur assiette avec du pain quand la femme alla chercher un flacon en grès et cinq petits gobelets assortis.

"Une p'tite goutte pour vous remettre d'aplomb et aider à digérer tout ça", fit-elle en servant la cantonade. En fait de petite goutte, c'était plutôt une bonne rasade...

Le repas avait été délicieux, ô combien bienvenu après deux jours complets de marche, de froid, de fatigue et de manque de sommeil.

Lorsqu'on leur apporta à boire, Lothringen eut un léger mouvement de recul, vieux réflexe en lui ancré par plusieurs cuites mémorables l'ayant instruit une fois pour toutes de ce qu'il n'avait pas la constitution pour digérer les alcools forts en trop grande quantité. Cette fois, évidemment, dans le corps de Mornagest, c'était différent, et il n'avait pas vraiment à craindre ce genre de déboires, mais il redoutait un peu la gnôle locale - il risquait de dormir d'un sommeil de plomb, alors qu'il leur faudrait sans doute reprendre rapidement la route le lendemain. Néanmoins, il aurait été impoli de refuser, et Lothringen accepta le gobelet sans trop mauvaise grâce. A vue de nez, ça lui réchaufferait les organes internes à coup sûr. Enfin, ceux qui ne seraient pas carbonisés sur place... Quand tout le monde fut servi, il porta un toast à la santé de leurs hôtes.

Chacun leva son verre en silence, mais l'atmosphère était suffisamment chaleureuse pour se passer de commentaire. Ils burent, et Lothringen remercia les dieux que son corps eût les bons réflexes : garder l'alcool quelques secondes en bouche avant de l'avaler, sous peine de détruire son tube digestif sur place. L'alcool était fort, piquant, avec un arrière-goût de grain, mais il réchauffait le corps de façon très efficace. Le semi-drow eut les larmes aux yeux, mais il encaissa plus facilement qu'il ne l'aurait pensé la petite gorgée qu'il venait de prendre. Avec circonspection, il en avala une seconde... ça se passait mieux qu'il ne le craignait, heureusement.

Une fois la "goutte" achevée, la conversation reprit tranquillement.

"Si vous comptez arriver à Combeloup demain, vous devrez partir tôt... n'hésitez pas à aller vous coucher dès que vous en aurez envie ! Nous ne le prendrons pas mal !" fit l'homme, un sourire quiet sur le visage. Il fallait dire que la femme qui accompagnait Lothringen depuis le début de sa mésaventure avait le regard un peu éteint. Elle avait les paupières mi-closes, et elle paraissait pouvoir s'endormir même debout...

Lothringen acquiesça, approuvant. Ils étaient vraisemblablement loin d'être au bout de leurs peines et de leurs jours de marche, aussi valait-il mieux ménager sa compagne. La montagne ne pardonnait pas la moindre faiblesse : si elle s'effondrait à nouveau sans village à proximité, elle y resterait, cette fois... Dissimulant au mieux son inquiétude, il se leva de table.

"Je crois le conseil sage, en effet : nous tombons littéralement de fatigue... Où pourrons-nous nous coucher sans trop vous déranger ? Un coin de plancher fera l'affaire - et pour les couvertures, nous sommes équipés."

A vrai dire, le seul fait de dormir au chaud et sur une surface plane représentait un luxe eu égard à leur nuit passée...

La femme protesta. "Mais elles sont trempées ! Elles sécheront près du feu. Vous pourrez dormir dans la pièce, vous pourrez profiter de la chaleur pour la nuit. Nous allons vous trouver quelque chose pour ne pas dormir sur le sol, tout de même..." Elle se leva et alla faire l'inventaire de ce qu'elle pourrait leur prêter.

"Eh. Vous ne l'aurez pas facilement... elle serait capable de vous donner notre lit plutôt que de vous laisser coucher là. Je vais aller l'aider, on a sûrement une paillasse en bon état. Ce sera mieux que rien !" acheva-t-il d'un air joyeux.

Tandis que Lothringen et sa compagne luttaient pour ne pas tomber de sommeil, la vieille femme leur souhaita une bonne nuit et monta se coucher. Elle semblait marcher en suivant un chemin dicté par l'habitude plutôt que par la vue. Impossible de savoir si elle était réellement aveugle ou non. Du reste, elle était restée silencieuse la plupart du temps, se contentant de marmotter de temps à autre des paroles indistinctes.

Le couple revint bientôt, armé d'une solide et large paillasse, d'un traversin et d'une épaisse couverture en laine. "Avec ça, si vous avez froid, c'est que vous êtes allé vous soulager dehors !" fit l'homme en disposant la couche de fortune.

La femme vérifia quelques affaires puis déclara qu'elle s'occuperait du ménage le lendemain afin de laisser leurs hôtes se reposer du mieux qu'ils le pouvaient. Tous deux leur souhaitèrent bonne nuit et les laissèrent seuls dans le salon.

La compagne de Lothringen s'assit sur la paillasse. Ferme, mais solide. Infiniment mieux que la pierre dure et froide, de toute façon. "Quelle journée..." soupira-t-elle. Elle avait les traits tirés, mais son visage paraissait plus détendu. L'accueil de ces gens devait y être pour bonne partie.

Lothringen ne répondit pas tout de suite à ce commentaire. Il commença par étendre méthodiquement les couvertures humides non loin du feu, puis en fit autant de leurs bottes et de leurs bas. Les pieds nus, il se mouvait en silence dans la pièce plongée dans la pénombre, où le crépitement des bûches constituait le principal fond sonore. Ce n'était pas vraiment de la gêne, plutôt un sens pratique bien développé : qui veut voyager loin ménage ses efforts et son matériel. Il finit par s'asseoir à côté de la femme, sur la paillasse, et commença à mettre de l'ordre dans son sac. Voyant qu'elle ne réagissait pas, restant immobile depuis un bon moment, il se tourna vers elle. Elle était si visiblement à bout de forces que son inquiétude de tantôt ne fit que redoubler.

"Tu as marché jusqu'à épuisement aujourd'hui. Que la tempête continue ou non demain, il faudra prévoir un trajet moins long. Si nous n'avions pas été en vue du village, ça aurait pu très mal finir..."

... Surtout qu'il était bien incapable de retrouver son chemin tout seul.

La Couronne de Cuivre

[Ailleurs] Au-delà : troisième pilier - Lothringen