La Couronne de Cuivre

Ces recommandations allaient de soi et Kasumi avait l’intention de toutes les appliquer. Il valait bien mieux ménager des étapes moins longues mais régulières avec de nombreuses pauses que de se retrouver à devoir soigner ou abandonner une monture malade à mi-chemin et perdre au final bien plus de temps. De surcroît, son intention était de rester dans les plaines de la Trouée, un terrain bien moins éprouvant pour les chevaux que s’ils avaient dû traverser montagnes et forêts. Quant au prix des chevaux, il pouvait en outre espérer les revendre à Luménis pour éventuellement racheter un seul cheval pour Sylvia.

Mais avant de concrétiser de tels plans, il souhaitait examiner les trois animaux de plus près et obtenir l’avis de la rôdeuse. Il répondit donc au dénommé Marco :

- Ne vous inquiétez pas pour vos animaux : j’ai pour l’habitude de ménager mes montures et je vous remercie pour vos conseils. Est-ce que nous pouvons nous les voir de plus près pour savoir si le courant passe bien entre nous ?

Il serait ensuite temps de parler de prix, et peut-être de négocier l’achat d’un harnachement léger et de grain pour la route dans son budget. Il avait prévu de dépenser au maximum 80 pièces d’or pour le tout afin de se laisser un tout petit peu de marge de manœuvre pour payer leur ravitaillement personnel et quelques auberges abordables sur la route.

" Bien sûr, vous pouvez entrer dans le pré, et les monter un moment, si vous le souhaitez. Je peux vous mettre à disposition tout le matériel nécessaire. Jules ?
- Je vais chercher des selles", acquiesça l'adolescent en se dirigeant vers l'écurie.
Il en ressortit quelques instants plus tard avec trois selles, et laissa à Kasumi le soin de les fixer, lui permettant ainsi de se rendre compte par lui-même de l'état des montures. Certes, celles-ci accusaient les années, mais elles étaient toutes les trois en bonne santé, bien nourries, le poil brillant. Étant consacrées à la reproduction, il était cependant probable qu'elles manquent d'endurance.
La jument rousse se révéla d'un caractère doux et placide, la jument noire un peu plus nerveuse, vaguement méfiante. L'étalon, quant à lui, avait de l'énergie à revendre et brûlait d'envie de galoper.

Kasumi avait pris le temps de faire le tour des animaux, examinant principalement leurs membres et leurs articulations, la courbe de leur hanches, le lustre de leurs poils puis finalement l'état de leur bouche. Après ces observations, il en vint à penser qu'ils étaient tous les trois plus que convenables mais qu'il fallait sans doute privilégier l'homogénéité de leurs montures : la rousse pourrait très bien convenir à Sylvia, encore débutante tandis que l'autre jument morelle pourrait lui allait à merveille. En optant pour les deux femelles, ils éviteraient en outre des problèmes si la jument devait éprouver des chaleurs au cours de leur périple. Toutefois, il souhaitait confirmer ce choix par quelques essais de monte avant de recueillir les impressions de la rôdeuse.

Sylvia, d'emblée, choisit la plus placide des juments, qui se laissa enfourcher sans bouger d'un iota, et obéit ensuite parfaitement à ses ordres. La jument sombre était plus nerveuse, elle fit un écart lorsque Kasumi l'enfourcha, et il dut faire preuve de patience et de douceur pour s'en faire obéir. Malgré ses efforts, elle demeurait craintive et semblait assez têtue. L'étalon, quant à lui, se révéla être parfaitement dressé, suivant les moindres injonctions du rôdeur, passant du trot au galop sans rechigner. Une belle bête, assurément. Son âge l'empêcherait de tenir l'allure sur une grande distance, cependant, bien qu'il soit sans conteste la meilleure des trois montures.
" Il valait plus de cent pièces d'or quant il était plus jeune, expliqua l'éleveur tandis que Kasumi démontait. Maintenant, vu son âge, je pense le céder pour cinquante-cinq pièces d'or. pas en-dessous. Quant aux juments... Je dirais qu'elles valent dans les trente-cinq ou quarante pièces d'or. Quarante pour la rousse, qui est un peu plus jeune, vous devez le voir à l'état de sa dentition, et trente-cinq pour l'autre. Bien sûr, je peux vous fournir un harnachement également, compris dans le prix..."

Il avait incontestablement de meilleures sensations avec l'étalon qu'avec la jument morelle mais son prix associé à celui de la rousse dépassait ce qu'il était tout à fait raisonnable de se permettre. 95 pièces d'or en plus de leur ravitaillement et du prix d'une nuit à l'auberge menaceraient leurs finances, ne leur laissant qu'une quinzaine de pièces en tout et pour tout pour le restant du voyage. Et pourtant, ils s'économiseraient ainsi le trajet en diligence et la liberté de pouvoir aller à leur rythme pourrait leur permettre de chasser un peu en chemin voire de monnayer leurs services à la campagne. Le rôdeur savait qu'il serait peut-être plus raisonnable d'opter pour les deux juments et de suivre sa première idée mais il chercha toutefois à négocier un peu le prix, se doutant qu'il y avait toujours une petite marge de manœuvre :

- Cela fait un peu cher... Vous nous rendez service mais je vous propose de vous délester de deux de vos animaux. Je vous propose 80 pièces d'or pour l'étalon et la jument rousse. Je suis prêt à monter mon offre à 85 si vous nous fournissez un peu de grain pour la première veille de voyage.

En réalité, avec la nourriture, il serait envisageable de céder 5 pièces de plus mais il préférait se réserver à lui aussi une petite marge de négociation en cas de refus catégorique.

L'éleveur grimaça.
" Quatre-vingt pièces d'or ? Ça me ferait vendre l'étalon au prix d'une jument ! Vous n'êtes pas sérieux... Non, je reste sur le prix que je vous ai annoncé. Mais je peux vous faire cadeau du grain pour une veille de voyage, ou même pour les deux veilles si vous le voulez. C'est une race qui est habituée à vivre en semi-liberté, et donc à se nourrir principalement d'herbe. Si vous les laisser faire suffisamment de pauses, ils sauront sélectionner les végétaux dont ils ont besoin, et la quantité de grain nécessaire en complément sera tout à fait minime. Donc je vous les laisse pour quatre-vingt-quinze pièces d'or, harnachement et grain compris. Et franchement, puisque vous allez sans doute les revendre une fois là-bas, probablement au même prix, surtout si vous les avez bien traités, vous ne perdrez rien ! Je peux même vous donner le nom d'un cousin à moi qui sera certainement d'accord pour les racheter, si vous dites qu'ils viennent de chez moi. Il habite à mi-chemin entre Rohan et Luménis."

Cela restait honnête mais Kasumi grimaça néanmoins. Pour mieux jouer le jeu, il fit quelques pas comme s'il était plongé dans ces réflexions avant de répondre d'un ton pensif :

- Le grain et le nom d'un cousin sont des arguments auxquels je ne suis pas insensible mais payer le prix que vous demandez nous laisserait dans le besoin pour notre ravitaillement. Je veux bien consentir un effort supplémentaire et vous en offrir quatre-vingt dix pièces d'or. Mais je ne peux malheureusement pas faire davantage...

L'éleveur haussa un sourcil.
" Vous seriez dans le besoin pour votre ravitaillement ? Allons donc ! Cet argument me parait peu crédible, puisque vous vous prétendez rôdeurs ! En cette saison, la nature pourvoira à tous vos besoins en viande, fruits et légumes, et la Trouée est suffisamment peu peuplée pour que vous puissiez facilement trouver des endroits où camper en relative sécurité."
Il soupira.
" Je veux bien baisser de deux pièces d'or, parce que j'estime que c'est à peu près la somme que vous serez forcés de dépenser pour acheter de l'huile, de la farine, du sel et autres denrées que vous ne pourrez pas trouver par vous-mêmes. Mais sachant que vous revendrez les bêtes le même prix... Non, vraiment, baisser davantage serait me faire arnaquer."

Kasumi n'était certes pas aussi habile négociateur que son père mais il sentait le point de rupture de son adversaire et ne voulait pas tenter le diable. L'éleveur avait fait un dernier geste, signifiant qu'il s'en sortait plutôt bien avec le harnachement, le grain, le nom du contact et la légère remise. C'est pourquoi, le demi-elfe esquissa un sourire et tendit aussitôt la main pour sceller l'accord de vente :

- C'est donc entendu pour quatre-vingt treize pièces d'or.

Le vieil homme sourit et serra la main tendue.
" Et bien c'est parfait. Jules, va chercher du grain pour les deux bêtes, pour deux veilles. Tu prends un sac dans la réserve, cela suffira... Pour ce qui est des selles, elles sont déjà en place. Est-ce qu'il vous faut des fontes ? Si vous étiez à pied jusque-là, j'imagine que vous voyagez léger... Si c'est nécessaire, je me permets de vous conseiller de charger plutôt Eclair, l'étalon, il est plus résistant. Mais vous l'avez certainement remarqué. Je ne suis pas sûr qu'il soit sage de charger Rousse de fontes sur une si longue distance."

A dire vrai, leurs affaires tenaient dans deux grands sacs à dos aussi les fontes n'étaient-elles pas absolument nécessaires quoiqu'un peu plus d'espace de stockage puisse tout de même les délester et éventuellement les dépanner en route. Le rôdeur répondit d'un ton aimable à la proposition :

- Nous ne sommes pas très chargés mais des fontes pour Eclair nous dépanneraient tout de même bien sur la route.

Ce faisant, il sortait déjà sa bourse pour y prélever la somme demandée qui la laisserait plutôt plate. La matinée avait tout de même était fructueuse et il espérait pouvoir se permettre de manger une dernière fois en ville après avoir payé l'auberge et les quelques achats qui leur seraient nécessaires pour le voyage.

L'éleveur prit l'argent avec des remerciements, tandis que son fils préparait les deux montures. L'étalon, devinant qu'il se tramait quelque chose, piaffait d'impatience, alors que la jument était d'un calme imperturbable.
Les fontes étaient usées, tout comme les selles, mais c'était du matériel de bonne qualité, conçu pour durer, et il ne fallait tout de même pas attendre qu'on les équipe de neuf pour ce prix-là. Il y mit aussitôt la réserve de grains, que l'adolescent divisa obligeamment en deux sacs pour qu'il puisse en répartir le poids.
" Mon cousin s'appelle Jonas. Il tient les derniers haras de la Trouée en direction de Luménis, un peu avant de franchir le grand pont sur la Lézarde... à une demi-journée, tout de même. Il faut quitter la route principale, s'éloigner d'une bonne lieue vers le nord. Mais demandez Jonas, n'importe qui vous l'indiquera ! Enfin, n'importe qui de la Trouée, j'entends... Ah, par contre, en passant du côté de Bortheïas, évitez d'aller montrer mes montures au Fier Coursier. C'est le plus gros éleveur de la trouée, et j'avais refusé de lui vendre l'étalon, il y a quelques années, il l'avait mal pris... Cela dit, il vous en offrirait peut-être un bon prix !"

Kasumi n'avait aucune espèce d'envie de se frotter de près à quelque seigneur local de la Trouée ou d'ailleurs s'il pouvait l'éviter aussi s'empressa-t-il de remercier l'éleveur pour le bon conseil ainsi que pour les renseignements. Quand tout fut prêt pour le départ, il le salua une nouvelle fois chaleureusement lui et son fils avant d'enfourcher à nouveau l'étalon.

Dès qu'ils se furent un peu éloigné de la ferme, il approcha sa monture de celle de Sylvia pour s'adresser à la jeune-femme :

- Votre monture est divinement assortie à votre belle chevelure, dame cavalière ! Je suis content que l'on puisse voyager de cette façon plutôt que dans une boîte sur roues !

" Oui, moi aussi, je préfère nettement !, répondit Sylvia en riant. Je crois que je n'aurais pas supporté ça longtemps. Mais tout de même, ça fait une coquette somme. Tu es sacrément riche..."
Elle caressait machinalement le cou de sa jument, qui paraissait toujours aussi calme, comme si une promenade matinal hors des haras lui était tout à fait habituelle.
" Comment tu as pu gagner autant d'argent ? C'est les missions dont tu parlais pour la ville, j'imagine ? Parce que je ne t'imagine pas vraiment en bandit de grand chemin... donc c'est la seule option qui reste. Mais je ne pensais pas qu'on puisse gagner autant en si peu de temps !"

Kasumi était un peu gêné d'étaler ainsi son argent et il espérait sincèrement que la suite du voyage soit moins coûteuse sinon il allait finir sur la paille... Il répondit calmement aux interrogations bien légitime de celle qui partageait désormais sa vie :

- En fait, il ne m'en reste plus tant que ça : j'avais emporté une bonne somme pour couvrir les frais du voyage mais nous allons maintenant devoir faire attention avant de pouvoir passer par Luménis où j'ai laissé le reste. Et rassures-toi : tout cet argent a été gagné honnêtement : en escortes de convoi et en récompense pour ces services que j'ai rendu à la ville.

" Mais je n'ai jamais voulu dire que tu ne l'avais pas gagné honnêtement!, se défendit la rôdeuse en riant. Juste que tu était bien plus riche que moi ! Mais j'imagine que c'est indispensable pour vivre en ville. Une raison de plus pour préférer la campagne," conclut-elle avec un sourire.
L'étalon de Kasumi brûlait d'envie de se dérouiller les jambes, aussi piquèrent-ils un petit galop durant quelques minutes. Ils n'étaient plus très loin de la ville, et ils avaient le temps, avant la fin de la matinée, d'acheter tout le nécessaire pour le voyage à venir. Sauf s'ils décidaient de ne partir que le lendemain.

Kasumi avait bien l'intention de se mettre en route sitôt après le déjeuner afin d'économiser une nuit d'auberge dispensable mais aussi parce qu'il était désormais impatient de se remettre en route. Il les dirigea donc vers le marché où ils se contenteraient d'acheter quelques denrées de base introuvables dans la nature puis ils retourneraient à l'auberge pour récupérer leurs affaires, manger une dernière fois puis payer la note et enfin filer vers la route de l'ouest.

Ils eurent tôt fait d'acheter le matériel et surtout les vivres nécessaires pour leur voyage, et revinrent à l'auberge. La tenancière, les voyant arriver sur leurs montures, sourit.
" Vu votre équipement, j'imagine que vous partez par vos propres moyens ? Et dès aujourd'hui probablement ?"
Sylvia lui confirma ce qu'elle avait deviné, et elle hocha la tête.
" Je présume que vous avez déjà une carte de la Trouée, ou d'Hélonna ? N'hésitez pas, sinon, à en consulter un exemplaire à la bibliothèque. Vous me direz, ce n'est pas difficile, il suffit de suivre la route principale, mais il vaut mieux avoir une idée des étapes principales. Bref... je vais déjà vous laisser récupérer vos affaires là-haut. Le prix pour deux personnes, pour la nuit, le dîner et le petit déjeuner, est d'une pièce d'or et deux d'argent. Déjeunerez-vous ici à midi également, pour quatre pièces d'argent supplémentaires ?"

Cela n'était pas donné mais le prix de la chambre et du souper était moins onéreux qu'il ne l'avait craint. Il laissa donc le choix à Sylvia en lui demandant d'un ton doux :

- Tu préfères emporter un petit encas ou profiter d'un dernier repas de luxe avant de nous mettre en route ?

" Un dernier repas de luxe, ça ne serait pas de refus, proposa Sylvia après avoir hésité un instant. Enfin, si on peut se le permettre financièrement...
- Le déjeuner sera servi dans une bonne demi-heure, précisa l'aubergiste. Cela vous laisse le temps de libérer votre chambre..."
Des clients entraient à leur tour et elle se dirigea vers eux, les laissant seuls.

" Est-ce que tu veux qu'on passe à la bibliothèque consulter ces cartes, une fois nos bagages faits ? proposa Sylvia. Ou est-ce que tu connais suffisamment cette partie de l'île ? Je sais qu'il est peu probable de trouver des informations sur ce hameau de Peygrourde, mais on ne sait jamais..."

Kasumi sourit fièrement à la proposition de la rôdeuse et répondit avec enthousiasme :

- C'est une très bonne idée : nous sommes encore loin de la Forêt Maudite mais il faut bien commencer quelque part et nous aurons peut-être de la chance. Nous nous mettrons en route ensuite pour une courte étape.

Il signala à l'aubergiste qu'ils resteraient déjeuner et paya la somme dû avant d'aller dans leur chambre pour réunir leurs affaires.

Réunir leurs affaires ne leur prit guère de temps : ils étaient habitués à voyager sans cesse d'étape en étape, et tout fut rangé dans leurs sacs en un temps record. Ils avaient donc le temps de se rendre à la bibliothèque, comme l'aubergiste leur avait suggéré.
Un écriteau, à l'entrée, précisait que celle-ci était gratuite pour les citoyens de la commune, et que les personnes venant de l'extérieur pouvaient consulter librement les ouvrages mais que l'emprunt ne leur était pas possible.
" Bonjour, et bienvenue à vous, les accueillit une jeune demi-elfe. Puis-je vous renseigner ? Est-ce que vous recherchez quelque chose de particulier ?

Kasumi prit à nouveau les devants, répondant à la question de la bibliothécaire d'un ton décidé :

- Nous nous rendons à Luménis et nous aurions aimé consulter une carte détaillée de la Trouée pour nous tracer un itinéraire. Nous sommes aussi à la recherche d'une information plus rare : est-ce que le nom Peygrourde vous serait familier ? Ce serait un hameau en bordure de la Forêt Maudite. Je sais que nous sommes loin encore mais peut-être que vous pouvez nous aider tout de même ?

" Notre section cartographie est à l'étage, expliqua la jeune fille d'une voix douce. Je sais qu'elle est assez bien fournie. Du moins pour ce qui concerne la Trouée, bien sûr la côte sud-est, et également la Vallée du nirvana et la Côte de la Lumière, jusqu'en bordure de la Forêt Maudite. Nous manquons de cartes des zones montagneuses, de la forêt maudite elle-même, et de tous les secteurs sous influence naine ou elfique. Mais si l'endroit que vous cherchez est à l'ouest de la Forêt maudite, vous devriez trouver votre bonheur... Toutes les cartes sont roulées, sur des étagères à gauche au fond. N'hésitez pas à demander de l'aide à Maître Alphonse, le bibliothécaire, en cas de nécessité ! "

Voilà qui était bien plus prometteur que prévu et le demi-elfe était maintenant tout sourire, excité à l'idée des découvertes qu'ils pourraient éventuellement faire contre toute attente. Le rôdeur remercia la jeune fille pour son aide et ses informations et se dirigea vers l'étage, à la recherche des fameuses cartes et éventuellement du dénommé Alphonse. Il avait l'intention de chercher les cartes se rapportant à la Forêt Maudite avant de s'intéresser à celles de la Trouée pour identifier les étapes incontournables.

Le bibliothécaire était occupé avec d'autres clients, mais ils repérèrent sans difficulté l'étagère des cartes, soigneusement étiquetées et numérotées, et le classeur qui en faisait l'inventaire. Celui-ci indiquait les références de deux cartes détaillant la côte sud-ouest d'Hélonna, donc le secteur qui les intéressait. Sylvia prit celle du nord, et Kasumi celle du sud. Il y découvrit, le premier, un minuscule point portant le nom de Peyregourde, sur le bord est de sa carte, juste au sud de la rivière formant une boucle -la Ronde. Sylvia, qui continuait à étudier sa propre carte, trouva à son tour un hameau qui portait, lui, le nom à demi-effacé de Peyregorde, un peu au nord de la Lézarde. Il semblait se trouver davantage à l'intérieur de la forêt, mais la carte était trop peu précise pour qu'il en soit sûr. Et les deux noms étaient si proches qu'il était difficile de savoir lequel était le bon... d'autant qu'il pouvait très bien y en avoir encore un autre, tombé dans l'oubli.

Mais dans tous les cas, c'étaient des trouvailles inespérées qui leur donnaient deux pistes à suivre. Qui plus est, les deux références menaient peu ou prou vers la même région. Kasumi embrassa sa compagne pour manifester sa joie devant ces premiers succès. Il récupéra dans son sac de quoi noter toutes les indications utiles : il avait bien l'intention de vérifier les deux endroits si nécessaire, à commencer par le plus accessible.

Peut-être faudrait-il malgré tout passer par Luménis récupérer le reste de ses affaires et de l'or mais ce serait aussi une bonne occasion pour affiner leurs recherches. Par acquis de conscience, il continua à étudia les deux cartes avant de récupérer celles de la Trouée pour définir plusieurs étapes éventuelles : son intention était malgré tout de bivouaquer en rase campagne aussi souvent que possible.

Les cartes de la Trouée étaient plus complètes et plus précises que celles de la Côte de la Lumière. Le relief était clairement indiqué : d'immenses plateaux au sud, en bordure des Montagnes de Fer, qui surplombaient la vallée où courait la route principale reliant Lunaros à Rohan puis Luménis. Le long de cette route, des hameaux et villages relativement nombreux offraient des points de chute réguliers aux voyageurs de passage. Mais s'ils souhaitaient bivouaquer la plupart du temps, ils pouvaient parfaitement longer un moment la Lunatique puis couper par les hauts-plateaux, évitant ainsi les villes principales et surtout le détour par l'agglomération d'Edhoras. En outre, c'était le chemin le plus direct vers le hameau de Peyregorde -le plus au nord des deux.
Kasumi imaginait sans peine le paysage : il y aurait probablement des terres à perte de vue où leurs montures seraient heureuses de galoper, mais, en revanche, peu de bosquets où s'abriter pour bivouaquer. Néanmoins, la région des plateaux n'était pas totalement déserte, comme en témoignait des noms de hameaux épars: ils trouveraient certainement des granges où se faire héberger, de temps à autre.

Kasumi ne se contenta pas de faire ses plans dans sa tête : il partageait ses réflexions sur les possibles itinéraires avec Sylvia, cherchant à recueillir son avis et ses préférences pour affiner ses propres idées. En quittant la bibliothèque, il avait du reste une bonne image de ce que serait leur première veille de voyage mais il savait qu'il faudrait probablement effectuer des ajustements au gré du trajet, ne serait-ce que pour permettre à la rôdeuse de profiter de ce paysage si nouveau pour elle.

Sylvia partageait son avis sur bien des points, et montra clairement sa préférence pour un trajet plus direct à travers les hauts-plateaux de la Trouée. L'itinéraire était donc tout trouvé : ils suivraient durant les deux premiers jours, au choix, la rivière jusqu'à ce qu'elle bifurque, ou la route qu'ils quitteraient un peu avant d'atteindre Bortheïas. Ensuite, ils auraient près d'une veille et demie de voyage en pleine nature. La saison était idéale pour cela.
Ils auraient tout le temps de décider, en fonction de l'état de leurs réserves et des informations qu'ils glaneraient peut-être en route, s'ils décidaient de rejoindre finalement le pont des Trois Sires ou directement la forêt.
Pour l'heure, il était grand temps de rentrer déjeuner -la fin de matinée avait filé plus vite que prévu-, avant de quitter le confort de l'auberge.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Lunaros