RP libre : dans le sillage du Barde d'Argent

[Kasumi]

Ce qui avait fait blêmir le rôdeur apparut au reste du groupe dans toute son horreur : des dizaines de corps d’animaux – parfois desquels il ne restait qu’une masse informe de chair - de toutes tailles jonchaient le sol devant une grotte à l’ouverture béante. Un léger mouvement que seuls les aventuriers les plus attentifs purent surprendre se fit sentir juste à la limite de la caverne. Kasumi décocha le trait qu’il avait encoché dans un mouvement souple et une créature s’effondra sur elle-même avant de glisser vers la sortie. Sa peau se mit à grésiller en dégageant une odeur épouvantable dès qu’un rayon de soleil l’eut atteinte. Sans ce guetteur, le groupe mené par le rôdeur put s’approcher jusqu’à l’entrée de la grotte tandis que Première Neige restait dissimulée à l’extérieur pour monter la garde.

[Arnaud de Laincourt]

« Joli tir ! » commenta Brédin.
Arnaud hocha la tête en signe de confirmation, puis il fit un geste et la lame de sa rapière devint aussi lumineuse qu’une torche. Plusieurs d’entre eux ne voyaient pas dans le noir, sans compter que seule une minorité pouvait être discret. Inutile donc de chercher à s’infiltrer sous le couvert des ténèbres souterraines.

Quelques pas en arrière, Lina achevait de vomir. Le spectacle macabre que constituait la pile d’animaux dévorés l’avait un peu secouée. Le nain et le haut elfe avaient également eu une expression de dégoût éloquente. Seul le Barde d’Argent était demeuré sans réaction visible, comme s’il n’avait rien vu, comme si rien ne pouvait l’ébranler.
Son destrier allait rester à l’entrée de la grotte. Moins discret que la louve du rôdeur, il pouvait cependant se défendre de manière honorable. Il était un serviteur céleste né pour la guerre après tout.
« Kasumi, passez en avant si vous l’estimé judicieux. Sinon, je suis d’avis de progresser d’un seul bloque. »

[Kasumi]

Le rôdeur acquiesça et arbora une expression respectueuse à l'égard du noble barde qui ne se laissait pas distraire par la démonstration de pure maléfice et n'hésitait pas à y faire face quitte à se détourner un moment de son objectif. Kasumi avait cru que tous les nobles étaient prétentieux et peu enclins à se soucier des problèmes des autres. Il avait cru que les bardes n'avaient que peu d'honneur. Arnaud lui montrait à quel point il se tromptait, à quel point il avait préjugé de lui.

Kasumi prit la tête de l'expédition - heureusement les cavernes ne formaient pas un réseau étendu - et tua plusieurs monstres par surprise, laissant Arnaud et ses acolytes se charger des autres. Au bout de quelques minutes, toutes les lames étaient maculées de sang noirâtre et une odeur pestilentielle se dégageait de chaque pouce de la grotte. C'est alors qu'ils firent l'odieuse découverte tout au fond de celle-ci : trois corps sans vie - des bûcherons vraisemblablement - gisaient au pied d'u autel maculé de sang séché. Au mur, le symbole maudit d'Orcus avait été tracé avec le sang de certains d'entre eux.

- Voilà qui explique l'origine de ces monstres. Et qui confirme votre hypothèse, Arnaud, murmura le demi-elfe d'un ton froid.

[Arnaud de Laincourt]

Si Arnaud avait retrouvé son côté barde durant la macabre progression dans cette grotte souillée, diluant par quelques rimes tantôt comiques, tantôt galvanisante, l’inquiétude de ses compagnons, la découverte de l’autel le fit changer d’attitude. L’argent liquide de son étrange regard parût s’enflammer et une sainte colère marqua ses traits. Malgré ses dires, peut-être n’aurait-il pas fait un si mauvais paladin...
Il acquiesça d’un signe de tête à la remarque de Kasumi puis, sa rapière lumineuse toujours au poing, il s’approcha de l’autel. Un coup de lame envoya se briser au sol les quelques objets rituels qui s’y trouvaient, baignés du sang des sacrifiés. Puis, dans la belle langue des célestes, il eut quelques mots à l’intention, le rôdeur clerc en fut certain, du prince démon. Il s’agissait du genre d’amabilités que s’échangeaient les agents du paradis envers leurs ennemis ataviques. Un tel conflit dépassait le monde matériel. C’était une lutte cosmique qui jamais ne prendrait fin. Arnaud savait qu’il était appelé à poursuivre ce combat lorsqu’il aurait poussé son dernier soupir en tant que mortel. Il le savait car tel était son destin, destin qu’il voyait en rêve, que l’ange Tibérias lui avait révélé.
Mais pour l’instant, il était encore de ce monde et cela le dérangeait de trop s’en détacher. La vue des bûcherons ne le laissait pas indifférent. Si au moins il avait s’agit de guerriers, si au moins ils avaient eu une chance de se défendre...

« Transportez les corps de ces pauvres bougres hors d’ici. Jamais ils ne trouveront le repos s’ils ne peuvent revoir le soleil. Je vais m’occuper de nettoyer cet endroit. Ce ne sera pas long. »

[Kasumi]

Kasumi acquiesça sombrement et se tourna vers les aventuriers pour se joindre à leurs efforts. Il ajouta qu’il allait procéder au sacrement des dépouilles pour s’assurer que les bougres puissent entamer leur dernier voyage vers d’autres cieux. C’est le moins qu’un prêtre pouvait faire. Creuser une tombe serait long et difficile dans cet entrelacs forestier aussi le demi-elfe proposa de dresser un cairn avec les pierres de la source la proche.

[Arnaud de Laincourt]

Alors que les aventuriers, accompagnés de Kasumi, se trouvait de retour à l’air libre, les corps des trois bûcheron amenés là où ils allaient reposer en paix, le fond de la grotte fut soudainement illuminé d’une lueur solaire. Personne ne vit exactement ce qui se passa, mais voilà la silhouette du barde qui émergeait de cette lumière et s’avançait vers la sortie. Derrière lui, la lumière s’estompa.

Il ne fit aucun commentaire et se contenta de respecter le silence des autres alors que le gardien du bosquet endossait son rôle de clerc. Il l’observait, préférant penser à ce vivant prometteur plutôt qu’aux trois existences gâchées par la folie des abysses. Les prières achevées, le Barde d’Argent aida à la construction du cairn. Cela fait, il ne fut pas long à reprendre la bride de son destrier. Ils en avaient terminés...

[Kasumi]

C'était un petit îlot de noirceur de plus banni au moins temporairement et peut-être un environnement favorable à la renaissance de ce que la forêt n'aurait jamais dû cesser d'être. Kasumi était fier d'y avoir participé à son échelle mais il n'était pas dupe du fait que l'essentiel du mérite en revenait à son allié du moment et aux personnes qu'il avait su mobiliser à sa suite. Le demi-elfe n'avait quasiment plus aucun doute sur les bienfaits directs et indirects que l'implantation du barde aurait sur la région. Il en était d'autant plus motivé pour apporter son concours aux affaires d'Arnaud : elles serviraient ses propres projets et le cycle naturel des choses, c'était donc la bonne chose à faire que de se détourner quelques jours de son bosquet et de sa famille pour mener à bien cette petite croisade contre un bastion du mal.

[Arnaud de Laincourt]

Le voyage reprit donc comme il avait débuté. Kasumi devant, les autres le suivant.
La Forêt Maudite ne révéla plus au groupe d’autres mauvaise surprise et c’est ainsi qu’il atteignit, en fin de soirée, la petite baronnie de Laincourt.

« Et bien, vous voilà de retour chez vous ! » déclara, tout fier, Brédin, alors que les arbres s’écartaient pour révéler des fermes, un moulin, un village plus loin et, au sommet d’une colline encore distante, un château.
Le Barde d’Argent ne répondit rien. Il semblait absorbé, presque inquiet. Le gardien du bosquet crut comprendre pourquoi. En effet, en fixant la silhouette du château se découpant sur le crépuscule, Kasumi eut une sale appréhension.

[Kasumi]

Kasumi se tourna vers Brédin et déclara d'une voix grave mais décidée :

- Pas tout à fait encore : le Barde d'Argent sera bien de retour chez lui sous peu mais nous devons encore l'aider à récupérer ce qui lui appartient. Nous devrions interroger les villageois pour savoir ce qui nous attend là haut.

[Arnaud de Laincourt]

« Tout juste, Kasumi, répondit Arnaud en émergeant de ses sombres réflexions. Nous nous rendons au village. »
Il se tourna vers son destrier et sortit de ses fontes un manteau de voyage usé. Il le revêtit à la place de sa belle redingote et de son ample chapeau qui, tout deux, rejoignirent les fontes. Puis, d’un murmure, le barde fit se volatiliser Vaillant.
« Il est préférable qu’on ne me sache pas de retour. Appelez moi Gontran Loriot. On s’est croisé sur la route, je me rends à Lumenis. »
Il rabattit le capuchon du manteau sur son visage, masquant son regard d’argent liquide.
« Selon mes souvenirs, il y a une auberge, nous y passerons la nuit. N’oubliez pas que nous avons laissé filer un nécromancien. Peut-être se trouve-t-il dans les parages. La prudence est de rigueur. »

[Kasumi]

Kasumi approuva la prudence du barde : leur groupe était déjà bien assez inhabituel sans qu’il soit besoin de s’annoncer encore en plus en grande pompe. Si le château était occupé par les séides du prêtre noir, il était plus que probable qu’il ait disséminé des espions ou des collaborateurs dans le village. Et la taverne serait certainement l’endroit le plus susceptible d’être surveillé.

- Première Neige va rester en dehors du village, près de la route qui mène au château. Elle m’avertira s’il se passe quelque-chose d’inhabituel.

Il transmit ensuite cette instruction à la louve tout en l’enjoignant à la plus grande prudence.

[Arnaud de Laincourt]

Tout le monde se mit ensuite en route vers un village qui s’avéra plutôt morne. Tout le monde put, même à la chiche lueur du crépuscule, deviner que ce lieu avait connu des jours meilleurs. L’influence délétère de la Forêt maudite se faisait plus que jamais sentir.
Personne ne trainait dans les rues et l’on se méfiait à priori des voyageurs.
L’auberge, sur la place centrale, fut aisée à reconnaître. C’était le seul bâtiment d’où émergeait un peu de bruit et de chaleur. La musique guillerette d’un luth conjurait les craintes de la nuit venante. Les aventuriers, le seuil franchi, furent happé par la chaleur d’un feu et les odeurs de rôti.
« Par Moradin, qu’est-ce que j’ai faim ! » s’exclama Brédin.
La tenancière était une grosse matrone au visage sévère, mais qui inspirait la franchise. Elle était secondé par un petit homme à la moustache grisonnante. Était-ce son mari ? Elle semblait pouvoir le briser en deux rien qu’en lui faisant une accolade. Dans le coin, le joueur de luth s’avérait être sans surprise un barde.

[Kasumi]

Peut-être était-il risqué d’exposer Arnaud en lui confiant la responsabilité de prendre en charge leur hébergement aussi Kasumi prit-il l’initiative de s’approcher du comptoir pendant que le nain leur choisissait une table centrale qui leur permettrait d’observer et d’écouter, de se faire une meilleure idée de la situation.

- Bonsoir, nous souhaitons réserver pour la nuit : vous reste-t-il des chambres ?

[Arnaud de Laincourt]

L’imposante tenancière eut un rire blasé.
« Des chambres ? Bien sûr qu’il m’en reste. J’ai même que ça, figurez-vous. »
Elle se retourna, décrocha cinq clefs d’un panneau où elles s’alignaient, puis les déposa sur le comptoir avant de réclamer 15 pièces d’argent. La transaction effectuée, Kasumi put récupérer les clefs. De son côté, Brédin s’était lancé dans une discussion allègre sur les alcools régionaux avec le petit vieux malingre mais vivace. Ils furent rejoint par deux autres clients avides de bavardages.

Il ne devait y avoir ici que des habitués du village. Personne n’avait la dégaine de voyageur. Difficile donc de ne pas remarquer les nouveaux venus. Le barde local, celui jouant du luth, fixait déjà avec intérêt ce groupe de probable aventurier. Une autre personne semblait particulièrement s’intéresser à eux, un type à l’apparence de banal paysan assis à une table d’angle et ne touchant guère à sa chope de bière.

Arnaud et Lina s’étaient installés sans dire mot, aussi effacés l’un que l’autre. Le mage elfe ne semblait également pas très intéressé d’interagir en un lieu aussi modeste. En fait, jusqu’à présent, seul le nain et le rôdeur clerc agissaient.

[Kasumi]

Kasumi rejoignit ses compagnons - s'installer à une autre table pour se mêler aux conversations aurait paru suspect - mais il nota la présence du paysan dissimulé dans l'ombre. En voilà bien un qu'il avait l'intention de garder à l'oeil. Voire même suivre discrètement quand il quitterait la taverne si l'occasion lui en était donnée. Il était peu probable qu'il trahisse volontairement une information intéressante dans la salle commune de l'établissement mais peut-être pourrait-il le conduire à certains de ses complices. Si toutefois il faisait partie du complot contre le Barde d'Argent comme il le soupçonnait.

[Arnaud de Laincourt]

Le groupe d’aventurier eut bientôt de quoi boire et manger. Ce qu’on servait ici était rustique mais tout à fait convenable et on ne peut plus roboratif. Brédin, chope en main, resta au bar à discuter avec le petit vieux, puis bientôt avec le barde local. Si quelqu’un pouvait laisser échapper une indiscrétion, il semblait que ce soit le nain. Mais il tenait bien l’alcool et n’était pas dépourvu de bon sens, au contraire. Ses questions détournées, pouvant fort bien passer pour de la légitime curiosité de voyageur, permirent de savoir que les temps étaient durs. Le domaine Laincourt vivait des heures sombres depuis la mort de monsieur le Baron, le père d’Arnaud. Et il se murmurait que sa femme le suivrait bientôt dans l’au-delà. Kasumi eut l’impression que le petit vieux du bar en savait d’avantage, mais en dépit des efforts du nain, il se refusait à évoquer le fond de sa pensée.
L’ambiance dans l’auberge était étrange également. Il y régnait un certain malaise.
Et voilà que le paysan, celui repéré par le rôdeur, se levait, visiblement décidé à partir...

[Kasumi]

Kasumi contacta immédiatement sa louve pour l'enjoindre à se tenir prête. Elle devait se rapprocher discrètement pour repérer l'homme qui allait sous peu sortir du plus grand bâtiment du village. Il ne souhaitait pas qu'elle le suive longtemps, juste le temps de visualiser sa piste et isoler son odeur. Il la rejoindrait plus tard pour qu'ils remontent cette dernière ensemble pour confirmer ses soupçons.

[Arnaud de Laincourt]

La louve n’eut aucun mal à suivre les instructions de Kasumi. Le paysan ne s’attendait pas à être pisté de la sorte.
Pendant ce temps, à l’auberge, le nain continuait ses joyeux bavardages, mettant même un peu d’ambiance. C’était un bon vivant, assurément.
Arnaud, de son côté, écoutait, observait, mais sinon il se contentait de se restaurer. Il ne fut également pas long, une fois le repas terminé, à se lever, à saluer et à monter se coucher. Il avait l’intuition que demain serait une journée harassante.

[Kasumi]

Kasumi demeura un moment encore dans la salle commune puis prétexta de vouloir prendre l'air quelques minutes pour sortir discrètement. S'il n'était ni observé ni suivi, il avait en fait l'intention de rejoindre Première Neige et la piste du paysan qui les avait observés. Peut-être était-ce simplement un curieux vis-à-vis du groupe d'étrangers mais autant en avoir le coeur net.

[Arnaud de Laincourt]

La piste que Première Neige fit suivre à Kasumi s’éloignait rapidement pour monter directement en direction du château des Laincourt. La bâtisse, vieille et quelque peu décrépite, transmit au rôdeur clerc le même sentiment de malaise que lorsqu’il l’avait aperçut au crépuscule.
La nuit, désormais, était tombée. Une lune pâlichonne éclairait la campagne d’une lueur fantomatique. La Forêt maudite, si proche, se dressait, semblant vouloir cerner la baronnie, vouloir l’étouffer. Un hibou hulula. Le vent lui répondit.
La piste évitait l’entrée principale, préférant s’arrêter à une porte arrière, sans doute dévolue aux serviteurs.

[Kasumi]

Voilà qui venait parfaitement confirmer ses soupçons. Mais il aurait été bien trop dangereux et donc stupide de poursuivre seul. Kasumi préféra donc rebrousser chemin non sans s'être assuré qu'il n'était pas repéré ni suivi. Ils avaient désormais connaissance d'un des sbires de celui qui tenait cette région sous son emprise. Et cette porte secondaire serait très certainement moins gardée que la principale. Cependant, il relativisa la portée de cette information : Arnaud la connaissait forcément et pourrait éventuellement leur en indiquer de plus secrètes encore quand il s'agirait de s'infiltrer dans le fort.

[Arnaud de Laincourt]

La nuit passa, sans autre incident.
Et voilà un nouveau jour qui tentait d’égayer le petit bourg maussade. Un soleil étincelant, point de nuage, fallait-il y voir un signe ?
Arnaud, une fois tout le monde levé, amena la petite troupe au pieds de la colline, hors du village. Il fixait pensivement le château de sa faille. Kasumi avait fait part de sa découverte. Le barde n’avait pas parût spécialement surpris, mais peut-être un brin attristé de constater l’influence du malin sur ses propres terres.

À présent, il refit face à ses compagnons, un sourire aux lèvres et ses yeux d’argent luisant de détermination.
« Je ne vais pas me cacher. Je vais me faire annoncer, entrerait par la grande porte. Messires nain et maître haut-elfe, vous m’accompagnerez. Je vous présenterai comme des compagnons d’aventures ce qui n’est pas faut. Kasumi, Lina, passez par la porte arrière. Si vous croisez des gardes, neutralisez-les, je ne veux pas de mort dans la mesure du possible. Localisez le mal et venez m’en avertir, si je ne l’ai pas trouvé avant. Ce plan convient-il à tout le monde ? »

[Kasumi]

Kasumi prit le temps d'y réfléchir et finit par acquiescer : les deux groupes prendraient des risques à leur façon, celui d'être séparés n'étant pas le moindre. Mais Arnaud avait su faire état des domaines de compétence de chacunet ce plan avait donc des chances de fonctionner. Le demi-elfe prit le temps de confirmer qu'il n'aimait pas non plus tuer et qu'il l'éviterait si cela était possible : même les coupables avaient droit à un jugement équitable.

[Arnaud de Laincourt]

Ainsi les aventuriers se séparèrent-ils.
Kasumi, secondé par la discrète et efficace Lina, parvinrent sans difficulté à infiltrer le château par la petite porte précédemment repérée. Ce fut d’autant plus facile que la bâtisse seigneuriale semblait à moitié déserte. Seule une poignée de gardes en assurait la défense, garnison ridicule et exsangue à laquelle s’ajoutait une autre poignée de domestiques mornes, pour ne pas dire apathiques.
Ce château était malade, mourant même, chaque pierre suintait de ce constat. Le furtif duo n’eut donc aucun mal à évolué au gré de couloirs mal éclairés et de salles poussiéreuses. Quelques rats avides déguerpirent à leur approche. De temps en temps, des voix s’élevaient, permettant de savoir qu’Arnaud, de son côté, provoquait la stupéfaction de tous par son retour miraculeux. Son père était mort, sa mère était sur le point de s’éteindre également et l’étrange conseillé, entré depuis peu au service de la famille, provoquait des sueurs froides aux pauvres gens voyant la situation se nécroser inexorablement.

Puis il y eut une piste à suivre...
Une piste sous la forme d’un valet qui marchait d’un pas pressé et que le rôdeur et la roublarde suivirent telles des ombres. Le valet, après avoir descendu quelques escaliers, entra dans une pièce, non sans avoir respectueusement frappé à la porte. Il fut possible d’écouter à cette porte et d’entendre un échange digne d’intérêt.
« Le retour du fils prodigue, ricana une voix désagréable mais qui, étrangement, n’était pas totalement étrangère à Kasumi. Je vous avait dit, seigneur, que c’était lui.
- Combien était-ils, déjà ? demanda une seconde voix, inconnue et particulièrement désagréable, comme imprégnée de malveillance.
- Cinq, reprit la première. Le groupe de trois transportant l’objet et les deux fameux aventuriers surgis inopinément.
- Cinq... comme à l’auberge, hier soir. Le fermier l’a confirmé. Or, ils ne sont que trois à s’être présentés, fit observer le valet.
- Nous avons deux rats fureteurs. Ils savent, ont des doutes au minimum. Il est fort possible que cette histoire ne se règle pas de manière aussi subtile que je l’escomptais », conclut la voix particulièrement désagréable.

[Kasumi]

Cette voix servile et désagréable lui disait quelque-chose... Il l'avait entendue récemment. Kasumi fouilla frénétiquement sa mémoire et en vint à former une hypothèse : peut-être s'agissait-il du nécromancien qu'ils avaient mis en fuite lors de sa rencontre avec le Barde d'Argent. Et il était donc sous les ordres d'un homme encore plus puissant. Peut-être ce grand prêtre d'Orcus. Après cette longue course et compte tenu de la nature si particulière d'Arnaud, cela n'étonnait pas le demi-elfe qu'il ait pu s'attirer la haine de tels ennemis. Il convenait maintenant de prévenir au plus vite le barde et ses alliés. Kasumi s'éloigna de la porte de quelques pas, par prudence, avant de souffler à l'oreille de Lina d'aller discrètement faire part de leur découverte. Lui-même resterait ici à garder la porte : peut-être pouvait-il déterminer s'il y avait plus de trois personnes dans la pièce suivante. Et si le valet ressortait, il serait sans doute possible de le capturer pour l'interroger et déterminer s'il y avait d'autres issues.

[Arnaud de Laincourt]

Lina hocha la tête et s’effaça dans les ombres fébriles de la demeure décrépite. En provenance de la pièce, il y eut encore quelques échanges. La voix poisseuse de malveillance donna ses ordres :
« Trouvez les rats, tuez-les. Je me charge de l’Aasimar. »
La porte s’ouvrit. Le domestique sortit, suivit... du nécromancien. Kasumi avait vu juste. Ni l’un, ni l’autre ne semblèrent repérer le rôdeur et, après avoir refermé la porte, ils commencèrent à s’éloigner dans le couloir.

[Kasumi]

Il aurait été simple d'engager le combat contre ces engeances du mal mais Kasumi était trop expérimenté pour gâcher là leur chance à tous. Si ces énergumènes ne l'avaient pas repéré, il était plus que probable qu'ils n'auraient aucune chance de trouver Lina tant qu'elle serait isolée et donc vulnérable. De plus, même s'il pouvait sans doute battre les deux serviteurs en les surprenant ainsi, il se retrouverait ensuite seul face à leur maître qui ne manquerait pas d'entendre le combat si proche de son antre. Non, mieux valait s'en tenir au plan et se regrouper. Le demi-elfe décida donc de faire confiance à ses alliés et de demeurer dans les ombres pour se joindre au combat contre l'ennemi principal dès qu'il en aurait l'opportunité. Et, si c'était nécessaire, il avait les moyens de bloquer cette issue pour que le maître ne se joigne pas à ses sbires...

[Arnaud de Laincourt]

Alors que Kasumi songeait à cette possibilité, la porte de la pièce s’ouvrit à nouveau. Ce fut un homme de grande taille qui en sortit, pas excessivement musclé mais tout de même assez massif. Il portait un grand manteau brun mais l’habit, ouvert, laissait sans mal deviner la cotte de mailles qui se trouvait dessous. À sa ceinture, une étoile du matin dont l’éclat surnaturel trahissait une magie significative. Ses bottes cloutées heurtaient le sol avec une sinistre détermination.
Bien que cette personne ne porte pas en cet instant le symbole impie d’Orcus, Kasumi ressenti assez nettement l’aura délétère qui irradiait de lui. Une aura puissante, presque effrayante. Cet homme au visage blême, au regard mauvais et à la mine concentrée était à coup sûr totalement acquis à la cause du mal. Une âme noire déjà vendue, déjà promise aux tourments éternelles dans les abysses pour prix d’un pouvoir orgueilleux.
Le grand prêtre d’Orcus, ce ne pouvait être que lui, s’arrêta un instant. Avait-il repéré le rôdeur ? Quoi qu’il en soit, il ne fit rien et partit dans une autre direction que celle du nécromancien et du valet.

[Kasumi]

Kasumi n'était pas de taille à affronter seul un grand prêtre : il n'était pas présomptueux au point de le croire. Il était donc heureux que son ennemi le méprise au point de l'ignorer. Il ne faisait pas non plus de doute sur la destination de ce dernier : il cherchait Arnaud. C'est donc dans la même direction que le demi-elfe porta discrètement ses pas, espérant ne pas être démasqué en chemin et pouvoir intervenir dans la bataille désormais inévitable. Seul, il était vulnérable. Attaquant de flanc pour soutenir ses alliés, il leur offrirait un grand avantage. Si tout se passait comme prévu.

[Arnaud de Laincourt]

Il semblait cependant que le grand prêtre ne soit pas en train de chercher Arnaud de Laincourt. Il prit de nouveaux escaliers qui descendaient, menant dans les caves du château, non, dans ses cryptes plutôt. Il y régnait un froid sépulcral et l’atmosphère y était viciée. Cette partie du domaine, sans nul doute, était tombé sous l’influence démoniaque d’Orcus. Les ténèbres y étaient plus sombres, presque huileuses. La poussière semblait presque spectrale... à moins que ce ne soit le fruit de l’imagination du rôdeur.

Quoi qu’il en soit, les pas déterminés du grand prêtre le menèrent jusqu’à une grande salle, haute de plafond, mais dont le sol n’était que de terre battue. L’agent du chaos brandit les mais et des torches s’allumèrent sur les murs, jetant des lueurs incertaines, fébriles. Puis, le grand prêtre commença à psalmodier des prières dans la plus ignobles des langues. Il n’était pas difficile de savoir à qui elles étaient adressées. Et ce qu’elles appelèrent, Kasumi, toujours dissimulé à l’entrée de la salle, put bientôt le voir. La terre remua, des mains de cadavres en jaillirent. Les ombres se condensèrent encore, engendrant des spectres de pure noirceur.