[Bâtiment] Le Domaine de Diane dÂ’Orlac

[Kededric]

Le pantin était décidément un beau symbole. Une vie trépidante pour lui aussi, depuis qu'il "vivait" dans la demeure de sa maîtresse. Fallait-il y voir une allégorie quelconque derrière cela ? Diane d'Orlac était très certainement bien plus subtile que cela, et ne montrerait pas ainsi ses intentions vis-à-vis de l'assassin. Et puis, pourquoi lui laisser l'occasion de quitter le domaine et prendre le risque qu'il fuît, si elle souhaitait se l'accaparer d'une manière ou d'une autre ?

Évidemment, à l'inverse, elle pouvait tout aussi bien feindre l'aménité pour lui donner confiance... et ensuite dévoiler son vrai visage, si l'on osait dire.

Un peu de réflexion ne lui ferait pas de tort. Et de la distraction, aussi.

"Fort bien, très chère. Ne doutez pas que je revienne rapidement vous faire part de ma décision, dans ce cas." Il effectua une courte révérence, sans exagération, puis ajouta : "Permettez-moi de vous remercier une fois encore pour votre hospitalité bienvenue, ma dame."

Il ne lui restait plus qu'à prendre congé et retrouver les rues de la cité. L'inactivité lui pesait vaguement.

hrp : je pars du principe que Kededric peut sortir sans encombre du domaine

[Kededric]

hrp : je pense qu'il sera plus simple de considérer qu'on fait une ellipse sur les activités de Kededric en dehors du manoir d'Orlac

Sa conversation l'avait laissé songeur. Non, plus que songeur. Déconcerté, bouleversé, subjugué. Cette femme portait en elle une assurance et une puissante aura, un charisme indéniable. Et ses appâts pour l'obliger - le terme n'était pas exagéré - à accepter sa proposition étaient très séduisants. La connaissance, le pouvoir, la vie pleinement vécue... Malgré cela, malgré ce tableau magnifique et enchanteur, Kededric ne pouvait s'empêcher de réfléchir au piège caché. Il y avait forcément une faille.

Que cherchait-elle ? Certes, il était un assassin réputé dans les milieux autorisés de la cité, et sa faconde auprès de la haute société mélandienne était assez connue, mais il n'était certainement pas le seul dans cette position. Il était d'ailleurs bien placé pour savoir que les places étaient chères dans l'aristocratie, de même qu'au sein de la guilde des assassins.

Oh, des nobles tueurs, il y en avait, bien sûr. Qui auraient très bien pu jouer son rôle, se retrouver face à la dame d'Orlac. Pourquoi lui ? Cette question risquait de lui trotter en tête pendant encore de longues heures...

Le lendemain, après une nuit de réflexion malheureusement - mais il fallait s'y attendre - plutôt stérile, il finit par se rendre à l'évidence : il n'aurait aucune réponse à ses questions sans se lancer et accepter la proposition de la transmuteuse. Aussi, calmement en apparence, mais avec un soupçon de nervosité, il alla frapper à la porte du domaine afin de demander une entrevue avec la maîtresse des lieux.

[Diane d'Orlac]

Kededric fut accueillit par un serviteur assez imposant, en costume élégant noir et argent, mais hideusement défiguré. L’individu, placide, se montra très aimable, quand bien même devinait-on qu’il était taillé pour refouler les importuns, peut-être même pour faire taire les dérangeants.

Il conduisit l’assassin jusqu’à la tour de la magicienne, passant pour cela dans de somptueux jardins, du genre de ceux qui nécessitaient une armée de jardiniers au quotidiens pour leur bonne tenue. Pourtant, de jardinier en vue, point un seul. Et, était-ce bien la saison pour autant de fleuraison ? Entre les arbres, les massifs et les parterres, l’air s’embaumaient de mille merveilles. La tour, quant à elle, bâtit dans un roc blanc étincelant, elle avait cette manière bien particulière d’impressionner qu’on les édifices irradiant de sorcellerie. D’ailleurs, pouvait-on vraiment faire tenir à l’intérieur toute les salles qu’on y trouvait ? Rien de moins certains.

Le serviteur fit patienter Kededric dans une coquette antichambre, puis il s’en fut quérir la maîtresse des lieux. Il ne revint pas. à la place, ce fut la charmante servante, vue la veille, qui se présenta et annonça que Madame attendait Monsieur dans la galerie des statues, une galerie qui portait bien son nom puisque bordée, le long de ses murs, de quantité de sculptures. Tantôt splendide, tantôt cauchemardesque, elles semblaient glorifier par leur ensemble contrasté la diversité des formes de vie de Thoril, voir de quelques autres plans d’existence. L’étrange était omniprésent, presque troublant, intimidant.

Diane d’Orlac était belle et bien là, avec une autre tenue, un autre visage, mais impossible de se tromper, c’était elle. Personne d’autre, ici, ne pouvait manifester une telle aura. Ses cheveux étaient noirs, noués en deux longues tresses. Ses yeux étaient d’un vert expressif. Ses courbes suscitaient le désir. Pour finir, sa robe pourpre achevait de souligner sa stature d’exception.

« Ainsi, vous revoici », fit-elle, amusée, tout en se plaisant à contempler la représentation d’un satire joueur de flûte.

[Kededric]

Sa première impression, de la veille, ne l'avait pas trompé : Diane d'Orlac était une femme imposante, non en terme de stature, mais de présence. Elle semblait davantage taillée pour commander un bataillon de soldats plutôt que pour admirer une simple - mais néanmoins précise - statue de satyre au regard si ouvertement gourmand. Bien que son physique pouvait être modifié à l'envi, sa prestance demeurait. Comme si, même sans mot dire ni geste à faire, elle pouvait ordonner. Kededric était réellement impressionné par cette femme si étrange, aux desseins mystérieux.

Après lui avoir adressé une brève révérence, l'assassin hocha la tête. "Si fait, ma dame. Ce serait mentir que d'affirmer que votre proposition ne m'a pas empêché de trouver le sommeil. Bien que je ne pouvais refuser une telle offre, j'ai préféré laisser mûrir ma réflexion, et viens donc vous rendre ma décision ce matin. J'accepte pleinement, très chère."

Sans ambages. De toute manière, la magicienne connaissait déjà la réponse, et tergiverser devant elle n'avait aucun sens. Même s'il ne pensait pas qu'elle fût capable de lire dans les pensées, son expérience certaine des gens lui permettait de comprendre les intentions de ses prochains. Et Kededric n'avait fait que peu d'efforts pour masquer ses émotions durant leur entrevue de la veille. L'admiration qu'il lui vouait ne souffrait pratiquement aucune faille, et il aurait été incompréhensible de refuser de travailler pour elle. Et encore moins avec elle.

[Diane d'Orlac]

Diane se détourna du satyre de marbre afin d’adresser un sourire satisfait à Kededric.
« Vous êtes comme je me suis plu à l’espérer. Vos services me seront précieux et le soutiens que je pourrai vous prodiguer en échange, tout autant, si ce n’est davantage. Je ne suis point ingrate avec mes collaborateurs estimés. »
Elle fit claquer ses mains l’une contre l’autre, l’air de quelqu’un qui prend une décision ou, à défaut, veut marquer cette dernière comme il se doit.
« Mais Cessons là les convenances. J’ai une première mission pour vous. Je sais que vous vous êtes approché d’un homme singulier, le Capitaine Griscieux. J’ignore la nature exact de vos relations avec lui, mais vous avez pu entrer et sortir de la Dame Rouge en toute quiétude, ce qui est plutôt signe de collaboration. »
Elle marqua une pause, s’approcha de quelques pas.
« Les Griscieux sont des gens dangereux que nous tenons à l’œil. Il semble que leur lignée soit souillée par les abysses. Le capitaine ne fait pas exception, mais au moins a-t-il l’atout de s’être émancipé des coutumes familiales. Au cours de ses voyages, il a mis la main sur un certain objet, avant que mes sbires n’y parviennent. Frustrant. J’ai hésité à le lui dérober mais vous ouvrez une perspective nouvelle. Le capitaine a de bonnes raisons de se méfier des grandes institutions Melandiennes, quand bien même se bat-il en leur noms sur les mers. Il se méfiera donc de moi ou de mes agents officiels. Je veux que vous l’ameniez à accepter de me rencontrer, ici même, en mon domaine. J’ai une affaire à lui proposer. Cela vous semble-t-il faisable ? »

[Kededric]

Le pacte était donc conclu. Leur travail en commun promettait d'être intéressant, et Diane d'Orlac ne le déçut pas lorsqu'elle évoqua le capitaine Griscieux. Un homme très intrigant, qu'il ne connaissait que depuis quelques jours seulement. Quelques jours... une éternité semblait être passée depuis sa rencontre avec Guilem, le capitaine Griscieux, Blasius Orchandelle...

Kededric haussa un sourcil lorsque la magicienne parla d'une souillure démoniaque. Le capitaine semblait bien s'en accommoder et le masquer, car l'assassin savait que des créatures même hybrides dégageaient en général une aura maléfique assez forte. Peut-être son héritage s'était-il dilué avec les générations.

Il fut cependant rassuré quant à l'objet de la mission ; il aurait peu apprécié de devoir supprimer ce cher Griscieux, avec lequel il avait eu de si intéressantes conversations. L'amener simplement à venir deviser avec Diane d'Orlac était bien plus satisfaisant. Si tout se passait bien, évidemment.

"Sans aller jusqu'à prétendre bien connaître le capitaine, j'ai pu m'entretenir avec lui à quelques reprises. Il a un caractère bien trempé, mais je crois pouvoir parvenir à le convaincre de vous rencontrer. Cependant, il ne viendra peut-être pas seul... il souhaitera probablement une escorte personnelle. Cela n'interférera-t-il pas avec votre souhait ?"

[Diane d'Orlac]

« Nullement, assura Diane. Qu’il vienne avec qui il veut. Vous pouvez lui assurer, quoi qu’il en soit, que si le piéger était en mes intentions, j’aurais bien d’autres manières de procéder, ne serait-ce qu’en vous chargeant de lui planter une dague dans le cœur. »
Elle glissa une main dans les plies de sa robe et en extirpa une petite lettre. Elle la tendit à l’assassin.
« Un message, à lui remettre. Vous pouvez le lire. Vous aurez d’ailleurs tort de ne pas le faire, je gage qu’il attisera votre curiosité. »
Elle se recula.
« S’il vient... ce pourrait être le début d’une palpitante histoire, pour lui, pour moi et... pour vous. Cela vous changera des affaires politiques, vous verrez. »

[Kededric]

L'argument semblait pertinent, et le capitaine pourrait s'en accommoder. Et il était du genre aventureux, même s'il était méfiant depuis quelque temps, si les souvenirs de Kededric étaient bons. La curiosité serait sans doute la plus forte, et il n'avait pas de raison particulière de se défier de lui.

Kededric plaça soigneusement la lettre dans une poche de sa veste, puis hocha brièvement la tête.

"Fort bien, dans ce cas. Je vais de ce pas lui demander une entrevue afin de m'acquitter de ma tâche. S'il est à bord de son vaisseau, cela ne devrait pas prendre trop de temps."

Quant à lire la missive... la tentation était présente, et la dame le poussait un peu au crime. Mais il avait presque envie de la surprendre en résistant. Ne serait-ce que pour voir si elle pouvait l'apprendre, d'une manière ou d'une autre.

L'assassin salua courtoisement Diane d'Orlac puis prit congé. Tout cela paraissait fort simple.

hrp : sauf, bien sûr, si elle souhaite ajouter quelque chose

[Diane d'Orlac]

Diane lui adressa un sourire satisfait puis s’en retourna à la contemplation attentive du satyre. Il ne semblait pas qu’elle s’adonnait à cette activité juste pour la mise en scène. Non, il y avait une réelle implication.

Kededric fut mené par la servante qu’il avait déjà croisé à plusieurs reprises jusqu’à la sortie du splendide domaine de la magicienne. Les jardins, la tour blanche, non, vraiment, l’endroit ne manquait pas de classe. L’assassin put débuter son chemin vers le port. Rien ne vint lui mettre des bâtons dans les roues...

En route vers le port

HRP : je te laisse poster dans le sujet du navire. Je ne sais plus vraiment où on l’avait mis. Fais-moi signe sur le compte de Manfred quand ce sera fait.

[Diane d'Orlac]

Le trajet depuis la Dame Rouge se fit sans encombre et voilà le capitaine Griscieux, ses deux gardes du corps, son mousse, Guilem, ainsi que Kededric, l’entremetteur, devant les grilles du splendide domaine d’Orlac. La tour blanche s’élevait, gracieuse et imposante, au bout de son allée alambiquée contraignant à l’errance dans le parc verdoyant. Les hommes de la magicienne s’effacèrent et l’assassin put bientôt constaté que le parc devait prendre plaisir à modifier le tracer des chemins car, sans guide, aucun point de repaire ne semblait vouloir fonctionner. Ce fut l’occasion de découvrir fontaines et statues sous un soleil de milieu d’après-midi apte à rendre honneur au travail des sculpteurs et des jardiniers. Des oiseaux, par dizaines, faisaient ruisseler leurs trilles joyeuses. Au détour d’un énième virage, après un massif fleuri, le groupe parvint à une place non loin de la tour. À peu près circulaire, ceinturée de hauts arbres et de haies, comme pour en garantir l’intimité, une table de marbre trônait en son centre. Derrière cette table : Diane.

La grande magicienne, une fois de plus, avait revêtit une nouvelle apparence. Mais en dépit de ses cheveux de feu et de son visage d’une pâleur aristocrate, en dépit de son maquillage provoquant et de sa robre noire intimidante, en dépit de ses bijoux ostentatoires et de la baguette ayant remplacée le bâton, on devinait en elle l’aura de pouvoir qui l’identifiait.
« Capitaine, je suis heureuse que vous soyez venu ! »
Elle se leva, tendit sa main gantée de soie. Le capitaine, ne se pliant pas aux convenances mondaines, décida de serrer la main plutôt que d’y déposer un baisé.
« Il se pourrait que je reparte très vite », répliqua-t-il, poli mais distant.

[Kededric]

Kededric avait pu admirer une partie du jardin depuis les fenêtres de la demeure, mais il n'avait pas encore eu l'occasion de le découvrir de l'intérieur. Une splendeur, et un chef-d'œuvre de tortuosité. Le moindre chemin semblait se diviser à plusieurs reprises pour être rejoint par d'autres allées, formant un labyrinthe des plus inextricables. Et bien sûr, impensable de passer à travers les fourrés : non seulement, la maîtresse des lieux aurait très probablement réprimé pareil comportement, mais aussi, il paraissait difficile de franchir les arbustes sans s'y écorcher sérieusement, voire simplement y rester coincé et se voir obligé de faire demi-tour.

Les sculptures et les massifs floraux n'étaient pas en reste ; moult variétés étaient d'ailleurs inconnues de l'assassin, qui confessait sans peine une inculture assez large en la matière, mais tout de même... ces fleurs paraissaient trop étranges pour être naturelles. Il n'aurait pas été étonné de savoir que Diane d'Orlac les avait elle-même créées de toutes pièces.

Enfin, ils rencontrèrent la magicienne. Celle-ci aborda le capitaine de manière chaleureuse, mais la réponse fut plus sèche. Griscieux se méfiait, et ne souhaitait certainement pas montrer qu'il entamerait la discussion sur un ton dégagé.

Kededric se contenta de tirer sa révérence à la dame, sans mot dire. Après tout, il n'était qu'un intermédiaire dans cette petite affaire. Pour l'instant. Il espérait que les choses en resteraient là, voire s'arrangeraient éventuellement ; la dame était inquiétante mais passionnante, et le capitaine très sympathique à ses yeux. Dommage d'imaginer devoir en éliminer un pour sauver l'autre...

[Diane d'Orlac]

« Ho, Capitaine, fidèle à votre réputation ! répondit Diane, pas indisposée le moins du monde, en tout cas le semblait-il. Ce qui s’annonce va être passionnant ! Oui, passionnant ! »
Son regard passa sur Kededric et elle lui adressa un sourire satisfait. Il avait mine de rien accompli sa première mission pour elle, une mission à priori banale mais qui ne l’était pas. Pousser Greed de Griscieux à pénétrer dans le domaine d’une espionne de l’empereur et imminente personnalité du Nécronomicon n’était pas une mince affaire. Les yeux de la magicienne passèrent sur les deux gardes du corps sans s’y attarder une seconde avant de tomber sur Guilem.
« Ho, comme c’est aimable à vous de m’avoir amené un rat-garou naturel ! Cela me touche ! »
Reconnaitre un lycanthrope d’un simple coup d’œil était une belle prouesse. Disposait-elle d’un moyen magique pour l’aider ?
« Je connais votre affection pour tout ce qui change de forme, répondit le capitaine, toujours distant. Mais vous faites erreur, cette jeune personne était humaine il y a encore peu. »
Le visage de la magicienne exprima de la perplexité.
« Vous vous moquez ? Les traits anguleux, la courbure du nez, les tiques de lèvres, les yeux qui ne tiennent pas en place, il faut une bonne dizaine d’années de lycanthropie pour qu’un infecté montre de tels signes.
- Là, il a suffit de deux veilles. Un rat-garou a pénétré mon navire, a mordu le mousse et j’y ai vu l’occasion de tester un sortilège tiré de l’ouvrage qui vous intéresse. »
Guilem, intimidé d’être ainsi devenu le centre de l’attention, donnait l’impression de vouloir disparaître.

[Kededric]

Tiens, donc. Kededric n'avait pas assez de connaissances sur la lycanthropie pour différencier un "naturel" d'un infecté, mais il semblait que le cas de Guilem fût particulier. Pourquoi avait-il subi des modifications physiques si rapides ? À cause de ce sortilège dont parlait Griscieux ? Était-ce là l'intérêt de Diane d'Orlac pour le capitaine ? Peu probable, à moins que son récit des origines de Griscieux ne fût qu'un prétexte pour détourner l'attention. Mais pourquoi... Non, ça ne tenait pas la route. L'attention que portait la magicienne pour Guilem était passagère et soudaine, voilà tout.

Le mousse se montrait mal à l'aise. Il avait bien flairé le coup en craignant de venir ici : il se retrouvait momentanément au milieu de la scène, et ce n'était pas dans ses habitudes.

Peu désireux d'intervenir dans la conversation, l'assassin se contenta de le regarder et de lui faire un petit sourire, histoire de le détendre quelque peu. Après tout, ce n'était qu'un mauvais moment à passer. Le sujet premier de cette rencontre allait arriver sur la table.

[Diane d'Orlac]

« Ainsi, les écrits de Vartang Alec seraient véridiques, poursuivit Diane. Et vous m’avez envoyé ce gamin pour me le prouver. Où est l’ouvrage ?
- En sécurité, répondit Griscieux, égal à lui-même.
- Je me réjouis d’avance de la discussion qu’on va avoir, cher Capitaine. »
La magicienne agita la main et un buisson de roses à proximité se redressa, arracha du sol ses racines et s’approcha. Observateur, Kededric remarqua que le végétal avait une forme vaguement humanoïde. Sans doute l’une des créations d’Orlac, à l’instar du pantin danseur et des étranges variétés de plantes croisées dans le parc. Greed ne broncha pas mais ses gardes du corps et Guilem, eux, ouvrirent des yeux grands comme des soucoupes.
« Le mousse peut rester, mais vos brutes, elles, vont devoir attendre plus loin. Bellerose, ici présent, va les conduire là où elles pourront s’installer sans nous importuner. »
Le capitaine donna son assentiment d’un signe et voilà les deux imposants marins qui s’éloignaient dans le sillage du rosier marcheur. Diane prit place à la table. Un autre rosier était en train de disposer des verres et de les remplir. Il restait deux chaises de libres.
« Je vous en prie, installez-vous, mettez-vous à l’aise », dit Diane en jetant un regard à Kededric.
Guilem allait rester debout et ce n’était pas pour lui déplaire. Il pourrait ainsi rester en retrait.

[Kededric]

Encore une petite démonstration des talents magiques de Diane d'Orlac. Elle voulait probablement bien faire comprendre au capitaine qu'elle maîtrisait son domaine... ou simplement se faire plaisir, ce qui était son droit le plus strict. Du reste, ses créations étaient esthétiques, contrairement aux sinistres morts-vivants habituellement animés par les nécromanciens.

Il répondit à l'invitation de la magicienne par un petit signe de la tête, puis s'assit de bonne grâce. Discuter assis lui était agréable, et il n'avait pas, comme Guilem, de crainte à avoir dans l'immédiat.

Le lycanthrope intéressait donc d'Orlac. Kededric restait surpris qu'elle n'ait pas simplement demandé au capitaine de lui envoyer le mousse pour qu'elle puisse l'étudier. À moins qu'il n'eût vraiment peur d'elle et de ce qu'elle aurait pu lui faire ?

[Diane d'Orlac]

Diane, après avoir pris sa coupe pour y mouiller ses lèvres, fut prompte à reprendre la parole.
« Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est probablement nécessaire que Kededric, ici présent, comprenne quel est ledit sujet. Voici l’histoire... »
Nouvelle petite gorgée. La magicienne travaillait ses effets, elle avait le sens de la mise en scène.
« Vartang Alec fut, de son vivant, un mage de grand talent, mais bien peu connu. Il explora des facettes singulières de la magie, osant puiser dans des forces tumultueuses que sont celles des abysses et du chaos primordial. Il brisa bien des interdits et, surtout, accomplit bien des choses prétendument impossibles. Comme vous le devinez, cher assassin, Alec n’est pas mort de vieillesse dans son lit, mais emporté par une de ses expériences un rien trop téméraire. Mais avant sa disparition, il a mit par écrit l’essentiel de son savoir. Cela doit bien faire dix ans que je cherche à mettre la main sur ce livre. Le capitaine Griscieux a été plus rapide que moi et s’en est emparé, allant pour cela sur une charmante petite île pleine d’anthropophage. »
Elle sourit au capitaine, qui demeura de marbre. Elle poursuivit :
« Si les écrits d’Alec sont utilisables, alors mon imagination s’enflamme. Mais pour expérimenter pareil pouvoir, il faut quelqu’un comme moi à la barre. Et il faut des gens comme vous pour me seconder.
- Très intéressant, fit Greed. Mais, Comtesse d’Orlac, pour que marcher il y ait, il faut que chacun y gagne.
- Marcher sur les traces d’Alec, c’est explorer les mondes qu’il a foulé. C’est aussi mettre la main sur ses trésors. Certains d’entre eux feraient la joie d’un assassin ou d’un pirate. Vous pourriez mener une vie d’aventure sans ne serait-ce qu’approcher ce que les écrits d’Alec peuvent offrir. »

[Kededric]

Tiens, donc. Un marché... un ouvrage ancien, lié à des magies primaires et brutes ? Voilà qui provoqua instantanément un haussement de sourcils presque exagéré chez Kededric. Il ne savait pas ce qui le tenterait le plus : l'assistance envers la magicienne, les trésors qu'elle évoquait afin de les appâter, ou la puissance magique qu'on pouvait tirer d'un tel recueil, pour peu qu'il existât réellement. À ce sujet, le capitaine ne semblait pas démentir le fait qu'il l'avait en sa possession. Quant à savoir s'il était si précieux que cela...

"Tout cela paraît bien alléchant, certes. Et soulève beaucoup de questions, si je puis me permettre. Pourquoi avoir besoin de notre aide, par exemple ? Hormis, bien sûr, la coopération du capitaine en ce qui concerne la propriété de l'ouvrage." Il ponctua sa remarque d'un petit sourire narquois.

[Diane d'Orlac]

« On ne peut entreprendre pareille aventure seul, répondit Diane, sans se départir de son sourire. On me dit certes égocentrique mais je suis consciente de mes limites, ce qui ne m’empêche pas de chercher à les faire reculer, cela va sans dire. Quoi qu’il en soit, si je veux m’embarquer dans cette histoire, il me faut bien sûr le livre et des gens pour me seconder. Pourquoi vous ? Pourquoi un assassin et un pirate plutôt que la cohorte de sbires que me fournit l’école du Nécronomicon ? Pour deux raisons. La première, j’agis ici dans le cadre de mes activités personnels, pas en tant que représentante du Nécronomicon. Ensuite parce que ceux qui m’entourent ont une fâcheuse habitude d’être trop... académiques. Nous allons aller là où bien peu de monde s’est aventuré. Nous ferons face à l’inconnu et cela demande des qualités que vous avez. Être un aventurier, ça ne s’apprend pas dans les livres. »
Greed reposa son verre, vide, puis eut un raclement de gorge.
« Vous me déconcertez, Comtesse. Nous ne sommes pas exactement des alliés, encore moins des amis, seriez-vous capable de vous embarquer dans une expédition de ce genre sans craindre de fâcheux retournements de situations ? »
Diane d’Orlac rit.
« Allons, Capitaine, je pense que je ne vous surprends pas tant que ça. Et puis d’ailleurs, vous-mêmes, avez à plusieurs reprises dû vous en tenir à la parole ou aux actes de personnes incertaines. Des fois, on n’a pas le choix. Là, j’ai le choix. Je pourrais vous tuer, prendre le livre de force. Je pourrais utiliser ce cher Kededric à d’autres fins. Mais... j’ai la conviction que ce n’est pas ainsi que ça doit se passer. »

[Kededric]

Elle marquait un point, même si tout cela pouvait n'être qu'un écran de fumée destiné à endormir leur méfiance - qui perdurerait, quoiqu'il arrivât. Diane d'Orlac était suffisamment puissante et influente pour se débarrasser d'eux deux sans la moindre gêne ni de risque pour sa position au sein de l'école de magie, ou de la haute société mélandienne. Au contraire, elle pourrait même y gagner en présentant les choses habilement.

Kededric opina donc du chef. Voilà une entreprise qui ne laisserait pas de l'étonner et de lui plaire, à coup sûr.

"Vous parlez d'une expédition... au sens propre. Y a-t-il d'autres objets dont vous avez besoin pour votre projet ? C'est là que nous vous aiderions au mieux, je présume ?" Il s'imaginait des explorations souterraines, extra-planaires, sur d'autres continents, aux confins de ce monde... lequel de ces fantasmes serait le bon ?

[Diane d'Orlac]

« Oui, une expédition au sens propre du terme, répondit Diane. Plusieurs en vérité. Alec a vu, apprit et possédé des choses qu’on pourra retrouver en suivant ses traces. Certaines m’intéressent au plus haut point. D’autres vont vous intéresser. Il en faut pour tous les goûts, n’est-ce pas ? »
La magicienne observa ses deux invités.
« Qu’en pensez-vous capitaine ? N’est-ce pas une affaire en or ?
- J’en pense que je vais devoir y réfléchir. Le simple fait de vous confier le livre vous apporte beaucoup, sans rien m’apporter, à moi.
- Je vous retrouve bien là. Je suppose que je vais devoir vous l’acheter. Mais avant que je vous propose un prix, j’ai besoin de m’ôter d’un doute... »
Ses yeux se tournèrent vers Guilem.
« Les écrits d’Alec sont sujet à controverses et fantasmes. Qui me dit que le livre n’a pas la moindre valeur, que ce n’est qu’un tissu de mensonges écrits par un habile affabulateur ? Vous auriez pu m’amener un simple rat-garou naturel et prétendre à une transformation miraculeuse. »
Le capitaine ne broncha pas. Le mousse, si.
« Vous ne voyez aucune objection à ce que je fouille sa mémoire ?
- Je veux 10 000 pièces d’or pour le livre.
- Je vais prendre ça pour un oui. »

[Kededric]

Les négociations commençaient. Kededric n'était pas vraiment concerné ; il avait tout à gagner dans cette affaire, sauf bien entendu s'il s'agissait d'un piège ou d'une épopée trop dangereuse. Mais les dangers, c'était aussi cela qui lui donnait l'envie de se lancer dans de telles aventures.

L'assassin fut surpris de constater que Diane d'Orlac pouvait sonder la mémoire d'autrui. Du bluff ? Il n'aimait pas tellement cette idée, en tout cas. Cela pouvait le mettre personnellement en danger, si elle venait à l'essayer sur lui et découvrir des faits bien cachés... il se sentit soudain mal à l'aise. Allons, ça se passerait bien... il se força à observer Guilem pour détourner son attention de cette idée, et voir comment il réagirait au procédé. En tout cas, il n'avait pas l'air enchanté par la perspective d'être examiné, mais Griscieux n'en avait apparemment cure.

[Diane d'Orlac]

Diane d’Orlac était une spécialiste de la transmutation mais, arrivée à son niveau, elle devait assurément se débrouiller plus qu’honorablement dans tous les autres domaines de la magie. Pour quelqu’un faisant de nombreuses recherches, la divination avait ses avantages. Elle fit signe au garçon de s’approcher, lui souriant aimablement.
« Allons, tu n’as rien à craindre, ça ne fait pas mal. »
Guilem n’avait toujours pas l’air rassuré, mais il s’approcha tout de même. Diane, alors, fit des gestes, prononça des mots et lança un sortilège. Le gamin eut comme un vertige. La dame, elle, ferma les yeux, se concentra. Cela dura une petite dizaine de secondes avant qu’elle ne rouvre les yeux et semble cesser d’exercer son emprise sur l’esprit de Guilem.
« Intéressant, murmura-t-elle. Intéressant. Adopte ta forme hybride. »
Le gamin, troublé, ne chercha pas à discuter. La métamorphose fut rapide, aisée. Forcément, sa tenue vestimentaire ne lui alla plus vraiment. Pas forcément trop petite ou trop grande, on la devinait toutefois fort inadaptée, surtout en ce qui concernait le bas. Les chaussures, elles, furent massacrées. Le gamin, de manière assez amusante, en fut ennuyé. Peut-être craignait-il qu’on lui en fasse la reproche. C’est qu’ils n’étaient pas donnés, ces souliers.
Diane éclata de rire.
« Tu es très beau. À vrai dire, je te préfère comme ça. »
Elle se tourna vers Griscieux, qui demeurait de marbre, puis ajouta :
« 10000 pièces. Je pense que ça les vaut. »

[Kededric]

Dix mille pièces d'or, ce n'était pas une somme dérisoire, bien au contraire. Que pouvait donc contenir ce manuscrit pour valoir autant ? Il se demanda si Griscieux aurait osé en demander encore davantage, vu l'empressement que Diane d'Orlac mettait à accepter l'offre. Venait-il de brader l'ouvrage ? Le mystère planait sur toute cette affaire, et Kededric se sentait de plus en plus curieux à ce sujet. Participer à cette chasse au trésor permettrait sans doute d'en savoir davantage... ou d'épaissir encore plus ce mystère.

Guilem paraissait contrarié par l'expérience. Il n'avait sans doute pas envie de se métamorphoser devant la magicienne, mais on eût dit qu'il n'avait pas eu le choix. L'hybride était plutôt repoussant ; la plupart des autres lycanthropes devaient avoir une forme plus harmonieuse, mais les rats-garous... Kededric eut un bref sourire avant de retrouver son sérieux.

Les négociations étaient-elles terminées ? Ou d'autres "objets" étaient-ils encore sur la balance ? Il se le demanda.

[Diane d'Orlac]

HRP : par rapport au prix, c’est vrai que tu ne peux pas le deviner, mais je ne suis pas les ordres de grandeurs totalement irréalistes de D&D. Pour moi, 10 000 pièces d’or, c’est une énorme somme, pas une broutille que quelques aventuriers peuvent trouver par hasard sur le corps d’un rat. Ok, j’exagère, sauf si le rat est un rat-garou voleur ultra expérimenté. En même temps, s’il était vraiment ultra expérimenté, pourquoi est-il mort ? Hum, je m’égare !

Laid ou pas, il semblait que la comtesse préfère vraiment le gamin sous ses traits semi animaux. Elle avait maintenant pour lui ce même regard qu’elle avait eut pour le pantin de bois ou les rosiers ambulants, et même... envers Kededric. Elle connaissait la nature de ce dernier après tout et elle devait avoir un amour particulier pour les change-forme. Logique pour une transmutatrice, enfin, dans un certain sens.

Pour les écrits d’Alec, il semblait que les tractations soient terminées. Pour le reste également. Certes, lorsque la magicienne déclara l’affaire entendue, le capitaine Griscieux argua avec sa froide neutralité qu’il devait encore y réfléchir, mais Diane lui sourit et avança qu’elle savait qu’il ferait partie de cette aventure, que si cela ne l’avait pas intéressé, il aurait cessé les échanges depuis un moment.
Le capitaine ne répondit pas.

La suite de la discussion devint très terre à terre, et ne concernait pas l’assassin. Griscieux et Orlac se mettaient d’accord sur les modalités de la transactions. Vint le moment de se séparer, temporairement car bien sûr, Diane allait mettre sous peu du concret dans ce qu’elle avait proposée, à savoir fixer une date de départ, une destination.

« Cher Kededric, fit Diane, pourquoi ne resteriez-vous pas en mon domaine, ce soir ? J’y donne une réception. Capitaine, vous êtes également le bienvenu et... Guilem aussi. »

[Kededric]

HRP : bien noté, j'édite mon précédent message pour coller au contexte, dans ce cas

L'assassin n'avait aucun doute quant à la volonté du capitaine. Une telle offre pouvait se refuser, mais... Griscieux n'était pas homme à se dérober sans une excellente raison. Or, il ne semblait guère en avoir, car sinon, il l'aurait exposée depuis bien longtemps. Après tout, il savait de quoi lui parlerait Diane d'Orlac en venant ici, et il aurait très bien pu décliner l'entrevue.

Ainsi fut donc fait, et l'idée d'une expédition se précisait davantage dans l'esprit de Kededric. Tandis que les deux "commerçaient" et discutaient de modalités, il imaginait tranquillement la liste des objets qu'il aurait à prendre, les dangers qu'ils auraient à affronter, les comportements à adopter selon la situation... et, au bout du compte, une récompense, sous quelque forme qu'elle serait. Même si la perspective d'un périple de ce genre était déjà une récompense en soi. Kededric n'avait plus vécu ce genre de choses depuis des années, maintenant. Cela lui remémorerait de bons souvenirs.

À la question de la maîtresse des lieux, l'assassin ne put répondre que par l'affirmative.

"J'en serais honoré, ma Dame.", déclara-t-il. Guilem serait présent... le pauvre ne devait pas apprécier cette mise en lumière de sa personne.

[Diane d'Orlac]

Guilem était effectivement mal à l’aise. Lui qui n’avait guère l’habitude de ce genre de contexte, tout ici le déroutait, Diane plus que tout le reste. Cependant, il ne perdait pas totalement pied. Mine de rien, il était habitué à l’étrange. L’équipage de Griscieux, à lui seul, aurait fait fuir plus d’un homme alors que le mousse y évoluait naturellement.

Greed prit congé avec ses brutes, laissant le petit garou derrière lui. à son sujet, il avait simplement dit à la magicienne : « j’y tiens ». Il devait revenir quelques heures plus tard, avec le livre. Diane d’Orlac invita alors Guilem à visiter son domaine, ce qui était en fait plus ou moins un ordre, et elle attendit qu’il ait disparu à l’angle d’une haie pour s’adresser à Kededric.

« Il y aura du beau monde, ce soir. Changez d’apparence, je vous présenterai comme un noble de province, un de mes associés. J’ai fait porté dans votre chambre plusieurs tenues appropriées. Vous devriez y trouver votre bonheur. »

[Kededric]

Il s'inclina pour marquer son assentiment.

"Ma Dame, vous êtes la prévoyance même."Intérieurement, il s'inquiétait. Que savait-elle d'autre sur lui ? Ses propres pouvoirs ne pouvaient rivaliser avec la puissance que la magicienne était capable de mettre en œuvre. Il était pieds et poings liés, et il ne s'en rendait que trop bien compte. Comment pourrait-il prendre ses distances sans craindre que ses secrets fussent révélés au grand jour ? Cela signifierait la fin de ses ambitions en ville, l'exil forcé, voire éventuellement des conséquences bien plus désagréables comme la mise au pilori et l'exécution...

Il se dit que Guilem ne serait pas le seul à se sentir mal, aujourd'hui. Mais cela ne suffit pas à le rassurer.

Kededric obéit donc à Diane d'Orlac et se rendit à sa chambre pour y opérer un changement total d'aspect. Les traits plus affirmés, la quarantaine entamée, les cheveux noirs grisonnant aux tempes et le corps svelte et élancé, il se trouva un air aristocrate certain, surtout lorsqu'il enfila une tenue sur laquelle il avait jeté son dévolu. Du noir, du blanc et du pourpre. Sobre mais soigné, et en tissus onéreux. Il pouvait passer pour n'importe quel vicomte sans le moindre doute.

[Diane d'Orlac]

Lorsqu’en début de soirée Kededric se montra, il trouva au hasard des couloirs de la tour un Guilem passablement chiffonné. Et passablement changé également. Il était là, sous sa forme d’homme-rat, mais toujours très propre et portant des atours exotiques adaptés à sa physionomie hybride. Des anneaux d’or perçaient ses oreilles, un entrelacs de chênettes d’or également enveloppait sa queue glabre, un pantalon bouffant de riche étoffe et de vives couleurs, un haut brodé à amples manches, des sortes de mitaines pour les mains et les pieds, une ceinture à boucle ouvragée...
Il devait être ainsi depuis un moment pour ne plus vraiment y faire attention, quoi qu’il ait toujours une drôle de démarche. Non, il semblait perdu.
« Mais comment je peux me retrouver là... c’est pas possible, cette tour se paye ma poire. »
Entendant Kededric, il se retourna. Bien sûr, il ne le reconnu pas et lui adressa un salut amusant de timidité. Et voilà que derrière lui émergeait d’un couloir une belle dame aux cheveux d’un blond platine et aux yeux d’argent, arborant une robe absolument sublime. C’était Diane d’Orlac, derrière un nouveau visage. L’assassin l’identifia à son bâton de magie et plus encore à l’impression qu’elle dégageait, toujours la même, comme une signature.
« Vous êtes superbe, Kededric », dit Diane, le sourire aux lèvres.
Guilem pivota pour découvrir cette dame qu’il ne reconnu également pas.
« Lui, c’est Kededric ? s’étonna-t-il.
- Tout à fait. Et moi, la Comtesse d’Orlac, celle-là même qui t’as mis au défi de trouver la sortie de ma tour, il y a une heure de cela. »
Le rat-garou leva les mains au ciel, dépassé.
« Mais pourquoi tout change ici ! Les lieux, les personnes ! Je vais devenir dingue, moi ! »

[Kededric]

Kededric s'amusa de l'air dépité de Guilem. Les métamorphoses, pourtant, c'était son point fort. Certes, depuis un temps assez limité, mais il semblait avoir pris le contrôle de son corps avec une maîtrise certaine.

L'assassin fit une révérence ostentatoire et exagérée à l'adresse de la "comtesse" d'Orlac. On eût dit deux courtisans au palais impérial.

"Vous n'êtes pas en reste, très chère. L'élégance à l'état pur !" Le beau parleur qui était en lui revenait facilement sur le devant de la scène.

Guilem s'agaçait alors. Le pauvre devait être un peu perdu...

"C'est le propre de la maison. Essaie donc d'imaginer que n'importe qui, et même n'importe quoi, ici, est capable de faire comme toi, mais à un niveau plus poussé." Il arriverait rapidement à la conclusion qu'un labyrinthe vivant était inextricable...

"Vous aimez les défis, ma Dame." commenta-t-il sobrement.

[Diane d'Orlac]

« Oui, confessa Diane. Les défis pimentent la vie. Lorsque cette dernière se fait trop paisible, ne propose pas elle-même ses défis, je trouve de bon ton d’y remédier. Vous-même, je gage que vous aimez cela. »
Elle sourit puis s’engagea dans un escalier qui, peut-être, n’était pas là une seconde plus tôt. Ce détail n’échappa pas à Guilem qui eut un haussement d’épaules résigné. Comment s’y retrouver lorsqu’il fallait douter même des murs et des sols ? Arrivez quasiment au rez-de-chaussée, la magicienne fit signe au rat.
« La sortie est par là. Hâte-toi, elle pourrait filer. »
Il ne se fit pas prier. Le voilà parti. Diane se tourna ensuite vers l’assassin.
« Il va se balader dans les jardins, en compagnie de mes créations et serviteurs. Que des personnes à l’allure autrement plus intéressante que le banal de notre apparente humanité. Mes invités aiment également se balader dans les jardins, quand je le propose. Ça les fait frétiller d’apercevoir certaines des choses bizarres que je cache ici. Mais, ils sont si rares ceux qui, parmi mes invités, osent s’écarter du chemin. Le chemin rassure. Les gens aiment voir le bizarre, mais pas y plonger. Pensez-y quand nous nous baladerons. Pour l’instant, c’est ici que nous sommes attendus. »
Elle mena l’assassin jusqu’à un grand salon où commençaient à se réunir les invités de la soirée. Que du beau monde, Baron, Baronne, Conte, Comtesse, Chevalier, quelques hauts bourgeois aussi et magiciens du Nécronomicon. On se saluait, c’était le monde des mondanités et des sourires faux, Kededric était comme un poisson dans l’eau. Il attira l’attention, bien sûr, Diane le présenta comme Charles de Monfaucon, un associé de province. Greed de Griscieux était là également. Bien qu’il arborait en cet instant une mise aristocrate, et non sa tenue de capitaine pirate, rares étaient ceux qui osaient l’approcher. Il y en avait même certain pour s’offusquer de sa présence, mais Diane adorait cela, offusquer les gens, et certains ne venaient ici que pour être offusqués.