La Couronne de Cuivre

Une femme qu'on énerve ? De son expérience une femme énervée était parfois plus violente qu'une homme. L'affirmation de la maquerelle ne le surprenait pas plus que cela donc.

- Je n'en doute pas un seul instant. Je vais d'abord porter mon attentions sur ces messieurs, ces dame devront attendre...

Mortis ajouta avec un peu d'humour :

- J’espère que vous ne méjugerait pas ce manque de galanterie de ma part...

Il était inutile d’en attendre plus, venant d'elle, tout du moins pour l'instant.

- Si vous n'avez rien d'autre à ajouter Madame...

Il lui fallait maintenant se renseigner sur ces cinq hommes...

Un homme attaché à son hygiène à n'en point douter, un peu de sang par ci, de la crasse sous les ongles, un monsieur qui n'a pas peur de se salir les mains dans tout les sens du terme... Potentiellement l'homme qu'il recherchait, après il fallait lui parler...

Comment parvenir à dialoguer avec ce qui aux yeux de Mortis était vraisemblablement un grosse brute ? Si le barde lui demandait directement s'il avait tuées pleins de personnes récemment dans les quartiers pauvres de la cité, il n’était pas certain qu'il apprécie... il fallait être plus subtile, et avant toute chose, le mieux était de trouver une approche qui permette de lancer une conversation.

- Hey ! Fait attention à ne pas te couper l'ami.

Une approche pertinente compte tenu du contexte, qui le fera sans doute réagir.

L'homme n'avait même pas sursauté. Au contraire. Son visage se fendit d'un sourire auquel il manquait - il fallait bien le dire - un bon nombre de dents. Dans tous les cas, l'humour de Mortis avait fait mouche. Il toisa les nouveaux venus d'un air plutôt bonhomme (vu sa carrure, il n'avait pas besoin de se montrer agressif) et demanda.

"Qu'est-ce que je peux faire pour toi, l'ami ?"

En ignorant sciemment Ruth.

L'approche avait fonctionné, Mortis constata que entre le gaillard et son associée le courant ne passait pas du tout, en dehors du fait qu'il était pas exactement un gars beau, neuf et propre, il y avait peut-être une autre raison... Peu importe... Ils n’étaient pas là pour se faire des amis, et il questionnerait Ruth à ce sujet plus tard...

La suite devait être un peu plus subtile que de simplement lui demander s'il aime trancher les gens de la pègre et leur famille à coup de haches en laissant une petit carte à jouer derrière lui, peu de chance qu'il réponde positivement si tel était le cas, et dans l'autre cas il y avait de forte chance qu'il ne goute que peu à la plaisanterie...

- Je cherche quelques informations... Dis voir, tu connais bien les autres videurs ici ?

Demander à chacun s'il a des informations sur les autres et utiliser le recoupement des témoignages pour arriver à trouver un suspect. Le responsable donnera sans doutes de fausse information sur son emploi du temps. Sans doute allait-il falloir passer à la caisse, mais dans le fond ce n’était qu'un simple investissement... pouvoir se débarrasser des obstacles valait bien quelques pièces d'or en moins n'est ce pas...

Le bonhomme hocha la tête, visiblement content de lui.

"Bien sur, c'est un peu moi leur patron. Enfin, après Ninon, bien sûr. C'est moi qui contrôle les entrées et les sorties ici. Tu vois ? Rien ne se passe sans que je le voie. Donc ici, c'est un peu moi le cerveau des opérations."

A coté de Mortis, Ruth retint un éclat de rire. Heureusement, il n'eut pas l'air de le remarquer et continua.

"Donc tu peux me demander ce que tu veux."

Il est parfois nécessaire de jouer les imbéciles et les crédules, pour obtenir ce que l'on veut... Mortis adopta un ton aimable.

- Quelle chance j'ai alors de t'avoir rencontrer en premier l'ami.

La flatterie était toujours utile avec les vantards car ils veulent être reconnus, on leurs fait entendre ce qu'ils veulent...

- Je cherche un gars costaud qui bosse ici qui est passionné de jeux de carte et qui s'est offet quelques petites sorties ces derniers temps.

Il mettait ici cet homme en position de leader, le forçant s'il voulait ne pas perdre la face, devait donner des informations... même s'il n’était pas évidement le chef, il devait au moins connaitre un peu les allées et venues des gros bras de ce bouïc.

Le bonhomme prit du temps pour réfléchir avant de secouer la tête.

"Des sorties ? Mais personne n'a besoin de sortir d'ici. On s'amuse bien chez Madame Ninon. On a tout à disposition ici. On est nourris, logés et blanchis. Alors pourquoi sortir ? Elle veille sur nous. C'est une des rares qui nous a tendu la main quand nous sommes sortis de prison. Pour ce qui est des cartes, on aime tous bien. Mais jamais avec les clients. C'est la règle."

Elle avait embaucher des anciens détenus... la maitresses des lieux n’était pas bête, dans une ville comme celle ci, trouver du travail après un passage en prison, ne devait pas être chose facile, de plus elle leur fournissait la plupart des choses qu'un homme désirait... Elle conservait donc un puissant contrôle sur ses hommes. Intéressant... Mais visiblement ce contrôle n’était pas aussi puissant que cela...

- Peut-être pouvoir jouer avec d'autres personnes justement ? Ou avec des connaissances de l'extérieur ?

Si l'homme était une créature rationnelle, cela se saurait... même comblé il est toujours tenter d'aller voir ailleurs, ou d'avoir plus que ce dont il a effectivement besoin.

L'homme secoua la tête et le regarda comme s'il était fou. Visiblement, la question de Mortis l'avait choqué.

"La patronne a dit non, c'est non. Nous sommes attendus au tournant. Si nous gagnons, on nous accusera d'avoir triché et l'établissement en prendra un sacré coup. Et aucun de nous ne veut faire ça à la patronne, ça non. On ne joue pas avec les clients. C'est tout."

Soit il était meilleur comédien qu'il n'en avait soit effectivement il n'imaginait pas lui même trahir sa patronne... Mieux valait prendre un autre angle d'attaque, Mortis le compris sans trop de mal...

- Parmi les gens qui travaillent ici en qui avez vous le plus confiance ?

Lui demander de trahir ses petits camarades n’était pas la meilleure, mieux valait demander ceux qu'il ne soupçonnait pas... s'il voulait dénoncer ses petites camarades il le ferrait sans doute de lui même...

L'homme eut un grand sourire.

"Moi, j'ai confiance en Ninon. Et puis en tous les autres. Comme je vous l'ai dit, nous formons une famille. C'est difficile à croire mais c'est vrai. Nous sommes loyaux entre nous. Ce sont mes amis et mes frères. Et je suis sure que peu d'entre vous peuvent en dire autant."

(HRP : désolé ce n'était pas ma période )

Pour Mortis ce genre de discours était pathétique, la "confiance" devait être basé sur la concordance d’intérêts, sur des considérations rationnelles, pas sur du sentimentalisme... Il lui paraissait inutile de continuer plus longtemps...

- Je vois... Merci de votre aide l'ami.

Le Barde salua l'homme d'un signe de la main, et se demanda ou se rendre pour trouver le prochain homme à aller interroger.

Il avait le choix. Un homme ventripotent derrière un comptoir approvisionnait les clients en boisson, un autre était occupé à tourner une roulette. Mortis entrevit aussi le gnome illusionniste qui avait assuré le spectacle. Celui-ci eut un geste dans sa direction.

"Peut-être qu'il veut te faire embrasser une autre vieille dame", s'amusa Ruth en le poussant du coude.

Mortis sourit en entendant la réflexion de sa partenaire... le gnome prestidigitateur vu plus tôt... Mortis s’était prêté assez facilement au jeu, et avais fait mine d'embrasser langoureusement la vieille dame... après tout lorsque l'on a été un bouffon, un satiriste ou un humoriste, se prendre soudain au sérieux et manquer d'humour c'est risqué...

- Haha ! ça aurait pu être pire : il aurait pu me demander de l'embrasser lui... ma foi je m'estime relativement chanceux...

Il fit signe à Ruth de le suivre et s'approcha du gnome... en espérant que la discussion se révèle intéressante, ou tout du moins source d'informations utiles...

Le gnome accueillit Mortis avec une lueur amusée dans le regard. Il semblait content de trouver un autre interlocuteur que des spectateurs enchantés et des piliers de comptoir. Il accueillit Mortis les bras ouverts et la main tendue en s'exclamant.

"Enfin, un confrère ! Bienvenue très chers. J'espère que vous ne venez pas pour vous plaindre de mon spectacle."

Mortis répondit à l'élan fraternel du gnome par la mimétique, c’était souvent plus simple de suivre le mouvement, et le gnome pourrait avoir quelques informations sur la manière dont s'organisait ce tripot, vu qu'il y faisait quelques représentations...

- Aucunement cher confrère, tout le monde a ri non ? Et puis bon, avoir peur du ridicule c'est mauvais pour les gens de notre métier... N'est-ce pas ?

L’illusionniste eut un grand sourire.

"Bien sûr, tout le monde a ri. Et ce n'est pas négligeable, surtout ici. Vous avez apporté un peu de légèreté à tous ces gens. Ils en ont grand besoin. Et à mon avis, les choses ne vont pas s'améliorer, bien au contraire."

Mortis acquiesça même si le bonheur ou le malheur des autres l'indifféraient complétement, il savait que le rire est le moyen de relâcher la pression parmi le commun. Et dans une cité aussi stricte, relâcher la pression était sans doute salutaire.

- Je ne suis pas là depuis très longtemps, l'ambiance c'est dégradée depuis la guerre je suppose.

Il valait mieux discuté de manière informelle avec le gnome avant de rentrer dans le vif du sujet, et amener doucement la discussion vers ce qu'il l’intéressait lui...

Le gnome hocha la tête.

"Je suis arrivé juste avant la guerre et j'ai vu les conditions de vie des manostiens se détériorer à vue d'oeil. Ces privations de droit, cette milice partout ... Je crois, mon cher ami qu'il est important que nous leur apportions une alternative, un peu de rire, de divertissement. Tout ce qui leur montrera qu'il y a autre chose est bon à prendre."

Le gnome avait mordu... il fallait maintenant doucement le rapprocher de la rive qui nous intéressait...

- Sans doutes oui le rôle cathartiques des arts n'est pas à sous-estimer, c'est un moyen de tenir moralement. Les autorités en semble malheureusement inconsciente ; demander beaucoup de sacrifices à un peuple, mais ne pas lui accorder un espace de liberté, finit fatalement par mener à des extrémités... regrettables : Le désespoir pour certains, la violence pour certains autres. Je ne serai pas surpris que cela fut le cas dernièrement à Manost...

Un peu plus, ne pas se précipiter...

Hrp : désolée pour le retard

Le gnome hocha gravement la tête.

"J'ai entendu ce qui se passait à quelques pas de L'enclos de Ninon. Nous sommes tous effrayés. Le tueur à la hache peut frapper n'importe où, n'importe comment. C'est tout juste si nous ne nous méfions pas les uns des autres. Et vous, avez vous une idée de qui peut être le meurtrier ?"

Mais voilà enfin la discussion prenait une tournure qui l’intéressait vraiment. Il est vrai que l'ambiance devait pâtir assez fortement de la multiplication de meurtres dans certains quartiers de Manost surtout dans une ville aussi austère.

Il murmura tant pour ne pas mettre plus encor une mauvaise ambiance et se faire virer du lieu par un videur trop zélé, que pour ne pas attirer d'oreilles indiscrètes...

- Le peu que j'en ai entendu, me laisse supposer une personne au physique fort... certainement un homme... Mais je ne suis pas des plus au courant de l'affaire...

Montrant l’intérêt classique des barde pour les information et les rumeurs, Mortis releva que le gnome disait avoir entendu ce qu'il se passait non loin des lieux, cela pouvait être par ouï-dire, certes, mais... cela pouvait aussi dire qu'il avait entendu lui même quelque chose d’intéressant. Il prétendait en savoir moins qu'il n'en savait en réalité, pour savoir si le gnome ne comptait pas lui raconter des bobards...

- Vous avez été témoin de quelque chose ?

Le gnome sembla hésiter.

"Je ne sais pas vraiment ... Je ne voudrais pas porter préjudice à un innocent. Mais ..."

Il baissa la voix.

"La nuit dernière, j'ai entendu le videur de l'établissement pleurer dans sa chambre. Il disait qu'il ne "voulait pas" ... Je ne sais pas quoi, mais cette chose le faisait pleurer. Bien sûr, ça peut-être tout et n'importe quoi."

Un innocent ? Mortis souriait sous son masque... en ce monde il n'y a bien que les nouveaux nés qui peuvent prétendre être innocents...

Ainsi l'un des videurs avait dit quelque chose d'intrigant, tout larmoyant dans sa chambre... Une piste enfin ! "Il ne voulait pas..." il ne voulait pas quoi ? cela pouvait être n'importe quoi en effets, mais en l'absence d'autre piste, suivre celle-ci etait sans doutes le meilleur choix qui s'offrait à lui.

Il ne quittait pas son attitude d’échotier... les gens avaient tendance lorsqu'ils commençaient à parler, de ne pouvoir s’empêcher de donner plus d'informations... ils étaient le centre de l'attention, et chez les artistes... ceci devenait une seconde nature, le gout sucrée de l'orgueil epanouis, les rendaient insatiables de l'attention des autres et généreux en paroles...

- Oh vous m’intriguez cher collègue ! L'un des videurs ? Lequel ?

Le gnome fit signe à Mortis de se baisser avant de lui chuchoter à l'oreille.

"Celui qui est à l'entrée. Le protégé de Madame Ninon. Il est extrêmement attaché à elle, mais si quelqu'un le menace ou le fait chanter. Mais je me trompe sûrement ou tout du moins j'aimerais ..."

Mortis eu un sourire sinistre caché derrière son masque... Évidement, il s'agissait de l'enfant chéri, l'insoupçonnable, l'insoupçonné, le très cher "Emilio"... La maitresse de cette maison avait oublié une chose simple... la trahison viens toujours de ceux en qui on a placé notre confiance, ainsi on est jamais mieux trahi que par ceux en qui on a une confiance aveugle...

- Emilio je crois...

Le barde réfléchit à ce qu'il devait faire ensuite, parler à la maquerelle ? L'affaire n’était pas certaine, il n'y avait là qu'un simple témoignage qui ne donnait que des soupçons, si son cher et tendre Emilio n’était pas coupable, la réputation de Mortis allait en prendre un coup... et puis cette femme était trop sentimentale, elle pourrait nier la réalité. Il fallait confondre le bonhomme... le faire réagir... provoquer chez lui un aveu ou un acte qui signifierai un aveu...

Soudain il lui vint idée... la signature du meurtrier était une carte à jouer... il devait donc en manquer dans le jeu d’où elles venaient... Il pensa d'abord chercher dans la chambre du fils chéri... mais c’était par trop hasardeux... Il eu une autre idée... et demanda au gnome...

- Avez vous un jeu de cartes pour vos numéros ? Si c'est le cas me le prêteriez vous un instant cher collègue ?

Le gnome eut un sourire.

"Bien sûr ... Attendez ..."

En parlant, il serra ses deux poings l'un contre l'autre.

"Je pense que je les ai rangés là."

Quand il rouvrit les mains, elles tenaient un jeu de carte déployé dans chaque mains. Il les rassembla avant de les tendre obligeamment à Mortis.

"Faites en bon usage."

Parfait ! le gnome avait été la personne la plus utile dans cette histoire...

- Je vous remercie de votre aide...

Mortis pris délicatement le paquet de carte, le mis dans l'une de ses poches et s'avança vers le videur, enfant chéri de Madame Ninon... d'un ton aimable il lui adressa la parole, il fallait d'abord lui faire baisser sa garde avant de porter l'estocade...

- Mon ami puis-je vous demandez un instant votre aide ?

L'homme le regarda, du haut de sa grasse carcasse dont il avait l'air de ne pas savoir quoi faire. Il croisa les bras méfiant et inclina la tête comme pour mieux l'entendre.

"Oui. Maman me dit que je dois être serviable. Donc je veux bien. Enfin, si ça ne prend pas trop de temps. Parce que maman dit aussi : "Trop bon, trop ..."

Il eut un grand sourire avant de vérifier que personne ne pouvait l'entendre avant de poursuivre.

"Cornichons, gros nichons."