[Lieu] Le Domaine d'Averlande

[Galathée]

HRP : je considère que Taliesin a donné son courrier pour Galathée... dans le cas contraire, signale-le moi !

Le cocher s'en fut donc, les laissant à nouveau seuls dans leur petit cottage douillet. Le barde avait désormais le loisir de se changer, s'il le désirait, et d'aller installer ses affaires dans la grande chambre. Il faisait sombre, mais c'était aussi dû au temps : il était probable qu'ils avaient une petite heure devant eux, pour décompresser, avant d'aller au devant des invités du sire d'Averlande. Victor avait quitté son repaire pour musarder dans leur nouveau domaine, ouvrant les tiroirs de toutes les armoires, avant d'aller se goinfrer de biscuits. Baptiste, de son côté, n'émergea pas. Par la porte entrouverte, Taliesin vit qu'il lisait.

[Taliesin]

HRP : Merci. J'ai édité mon précédent message pour corriger cet oubli.

Le barde décida de ne pas le déranger. Non qu'il veuille se montrer distant - il lui ferait, au contraire, des ouvertures dans les heures et les jours à venir pour lui montrer qu'il était à sa disposition s'il souhait parler. Mais il préférait, en l'occurrence, le laisser digérer cette prime rencontre avec son père.
Il allait donc... lire, également, n'ayant rien de mieux à faire. A moins que Victor ne veuille bavarder ou jouer à quelque chose. Victor qu'il garderait de toute façon à l’œil, histoire d'éviter qu'il ne se coupe l'appétit avant un repas plus si éloigné que ça.

[Galathée]

Victor se tint plus tranquille qu'on n'eut pu l'imaginer venant de lui... Il s'installa devant le feu et l'observa avec fascination, puis joua à y rajouter des bûches — prudemment — et les regarda se consumer les unes après les autres. Baptiste finit par abandonner son livre pour changer de chemise et se recoiffer. Ensuite, Victor nourrit son fulcifer en traquant les bestioles qui avaient trouvé refuge à l'intérieur. Au dehors, le temps se dégrada, comme l'avait annoncé Ginevra. Le vent se mit à siffler et la pluie à tomber en rideaux serrés devant leur fenêtre. On avait l'impression, un instant, que c'était le déluge.

[Taliesin]

Cela le fit rire.
-Dieux, quel temps pourri !
Il se leva et alla se planter devant la fenêtre, mains dans le dos, pour regarder au dehors.
-Rallier le manoir tout en demeurant présentables va être un défi en soi. Mais il est possible qu'on nous envoie un chariot...
Sacré pluie, tout de même... Alors que du beau temps n'aurait pas été de trop.

[Galathée]

Peu de temps après, on frappa à la porte. Non celle de devant, par laquelle ils étaient arrivés, mais celle de derrière qui, selon les observations de Taliesin, donnait dans un petit jardin qui devait être charmant sous le soleil mais qui était à peine visible sous la pluie. C'était Ginevra, bien emmitouflée dans son manteau, mais parfaitement sèche. Elle tenait une lanterne à la main.
" Bonsoir. Etes-vous prêts ? Les premiers invités sont arrivés..."
Elle jeta un oeil derrière son épaule.
" Nous allons passer par le souterrain. C'est tout à fait praticable, et quasiment sec, mais il y fait très froid, donc ça vaut la peine de mettre une couche supplémentaire. Vous pourrez les laisser au vestiaire en arrivant."

[Taliesin]

Un souterrain ? Voilà qui était surprenant. Mais cela plairait à Victor...
-D'accord. Nous arrivons dans un instant.
Comme ils se tenaient près depuis un moment, ne leur restait plus qu'à enfiler leurs manteaux avant d'emboiter le pas à la jeune femme.

[Galathée]

Taliesin ne s'était pas trompé : Victor était ravi. L'entrée du souterrain se trouvait juste sous le porche dans le jardin : c'était une grande trappe qui s'ouvrait sur un escalier. Ginevra passa la première avec sa lanterne, puis se retourna vers Taliesin.
" Vu que vous voyez dans le noir, vous pouvez peut-être fermer la marche ?"
Elle s'engagea ensuite dans l'escalier, Victor sur les talons. Baptiste décocha un regard interloqué, mais aussi amusé, à Taliesin, l'air de dire "mais c'est quoi ce bazar ?". Ils furent rapidement sous terre et le barde put refermer la trappe derrière lui. Le couloir de pierre n'était pas très profondément enfoui. Il paraissait taillé à même la roche. De temps en temps, un peu de terre affleurait sur les parois, mais elle était minoritaire dans cet environnement de pierre humide. Le couloir était cependant bien régulier, il y avait des socles pour placer des torches tous les quelques mètres (vides, cependant) et le sol était égal. Ils marchèrent quelques minutes puis Victor se mit à tester l'écho, qui était assez formidable. Ginevra ne fit aucun commentaire et Baptiste finit par se joindre à lui en une cacophonie de vocalises infinies. On n'y voyait goutte : toute la lumière provenait de la lanterne. Après quelques minutes supplémentaires, Taliesin dépassa une première bifurcation, sur la droite, mais qui était barrée par des planches. Encore deux minutes plus tard, et ils étaient arrivés. Le souterrain débouchait cette fois directement dans un mur, fermé d'une porte de bois rustique. Ils l'empruntèrent pour déboucher dans une cave où s'empilaient des caisses en bois.
" C'était trop bien ! s'exclama Victor. On y retourne ?"

[Taliesin]

Il sourit.
-Pas maintenant, bonhomme : nous sommes attendus. Mais je pense que les occasions d'y retourner ne manqueront pas.
Le souterrain avait piqué sa curiosité : il se demandait, notamment, où menaient ses ramifications.
Mais l'heure n'était pas à l'exploration - ce qui ne l'ennuyait en rien, la soirée promettant d'être intéressante.

[Galathée]

Une fois débarrassés de leurs manteaux, ils furent guidés par Ginevra jusqu'à l'étage supérieur. Ils débouchèrent dans un couloir qui jouxtait les cuisines et elle les ramena jusqu'au hall principal. Ils y arrivèrent exactement en même temps qu'un duo de halfelins, apparemment mari et femme, qui se dépouillaient de leurs vêtements mouillés avec l'aide du majordome, Cormack, et d'un homme plus jeune, lui aussi en livrée.
" Quel temps pourri, Cormack, mon ami, c'est vraiment le pire Eleinte depuis vingt ans. Je parie que vous le sentez dans vos os, pas vrai ? disait le halfelin, un petit bonhomme ventripotent aux favoris gris fer et à la tenue d'un vert étincelant.
— Vous avez raison, Maître Saugeverte.
— Vous devriez prendre du vin de Sent-Bon, intervint la halfeline, une petite dame à la robe jaune presque luminescente. Je vous en ferai porter.
— C'est trop aimable, Madame..."
L'attention se reporta alors sur le groupe qui venait de faire son apparition. Les serviteurs parurent un peu embarrassés, car ils n'avaient certainement pas prévu de faire les présentations. Ils s'entreregardèrent d'ailleurs sans savoir qui prendrait la parole. Maître Saugeverte prit finalement les devants.
" Voici donc nos invités de la capitale ! s'exclama-t-il joyeusement. Bienvenue en Averlande !"
Il se dirigea vers Taliesin, la main tendue.

[Taliesin]

Etant habitué aux réceptions, que ce soit en tant que barde ou qu'invité, Taliesin évoluait en terrain connu. Il ne lui était guère difficile, dès lors, de se sentir à l'aise et d'adopter l'attitude adéquate. Sans compter que dans pareil contexte, et par pareil temps, la bonne compagnie était des plus bienvenues.
Il serra donc la main tendue du halfelin et lui sourit aimablement.
-Merci. Je me nomme Taliesin et voici Victor et Baptiste.
Il n'en dirait pas plus : une certaine ressemblance ferait le reste.

[Galathée]

" Ah, le fils prodigue. Ce n'est pas difficile de savoir lequel des deux c'est !" s'exclama joyeusement le halfelin.
Baptiste rougit et ne s'en dissimula que davantage derrière Taliesin.
" Je suis Bernard Saugeverte et voici mon épouse..."
La halfeline s'était approchée.
" Ancolie."
Elle sourit puis se pencha pour essayer d'apercevoir Baptiste. Maurin d'Averlande surgit alors, sur les traces de Ginevra qui l'avait sans doute appelé à la rescousse.
" Ah ! Vous avez fait connaissance ! Parfait ! Entrez donc !"
C'était la diversion bienvenue.
" Maurin, mon cher ! Vous avez l'air en pleine forme !"
Le seigneur des lieux prit le bras de la halfeline puis entraîna toute la petite troupe vers la pièce du fond, qui s'avéra être un vaste salon. Des tables étaient disposées contre le mur du fond et couvertes de mets divers. C'était apparemment un buffet. Il y avait une table ordinaire, munie de huit places, une autre basse, entre six fauteuils, mais il y avait aussi moyen de profiter d'une commode ou du manteau de la cheminée. Près de celle-ci se trouvaient déjà deux femmes qui conversaient. La première, petite et frêle, était vêtue tout de noir, avec de longs cheveux de la même couleur, un teint très pâle, et un maquillage violet des plus saisissants. Elle avait l'air d'une sorcière de conte de fée, même si elle avait des traits plutôt avenants. La seconde, rousse, était demi-elfe, beaucoup plus grande, mince et distinguée. Elle portait une robe somptueuse, de velours vert et gris. Sur l'un des fauteuils se trouvait une jeune fille qui ne devait pas avoir plus de quatorze ou quinze ans et semblait s'ennuyer à mourir. Elle était apparentée à la demi-elfe, sans doute une soeur (mais elle n'avait pas les mêmes traits elfiques) ou une fille.
" Mes amis, je vous présente mes invités de Luménis. Messire Taliesin, son fils Victor et... son fils Baptiste."
La rousse haussa les sourcils spectaculairement, avec un sourire moqueur, mais ne dit rien.
" Voici Dame Georgina Tempest..."
Il désigna la sorcière.
" Dame Elsa Brummory."
La rousse inclina la tête, sans cesser de sourire.
" Et sa fille Miranda."
Celle-ci poussa un léger soupir.
" Et comme d'habitude, Elstephann arrive le dernier ! Décidément, ce garçon le fait exprès !" s'exclama Ancolie Saugeverte.

[Taliesin]

Quelque peu décontenancé par la manière dont leur hôte avait présenté Baptiste - souhaitait-il le ménager ? voulait-il maintenir encore un moment un secret de façade ? il n'aurait su dire -, Taliesin se ressaisit aussitôt et salua courtoisement les membres de la petite assemblée.
Sans doute agirait-il comme il le faisait souvent en ce genre d'occasion, répondant aux questions qu'on lui posait mais commençant surtout par beaucoup écouter avant, enfin, de se montrer plus dissert, lorsqu'il aurait pu un peu mieux cerner ses interlocuteurs.

[Galathée]

Mais ses interlocuteurs n'avaient pas décidé de le bombarder de questions. Peut-être étaient-ils un peu impressionnés par la présence d'étrangers venus de Luménis. Maurin ne put servir d'intermédiaire car il fut rappelé dans le couloir par son majordome. Ginevra vint distribuer des verres d'apéritif pour les adultes et du jus de fruits pour les enfants. Victor alla immédiatement musarder autour du buffet tandis que Baptiste, incertain, restait dans l'ombre de Taliesin. Les deux halfelins s'installèrent sur les fauteuils et firent signe au barde de les rejoindre.
" C'est votre première fois dans la région ?" demanda finalement la halfeline, consciente que quelqu'un devait prendre les devants.

[Taliesin]

-En effet, acquiesça-t-il. J'ai déjà voyagé à plusieurs reprises à travers la Trouée et je me suis demandé, un temps, si je ne serais pas passé près d'Athrey sans le savoir. Mais je suis désormais convaincu que non : la région a une atmosphère bien particulière, bien marquante, et je doute fort qu'on puisse la traverser sans le remarquer.
Il était même certain du contraire.

[Galathée]

" En été et en hiver, c'est moins frappant, dit le halfelin.
— Mais très joli !" contesta son épouse.
Maurin reparut.
" Des nouvelles de notre célébrité ? demanda la rousse.
— Il arrive."
Il s'assit et se tourna vers Taliesin.
" Bernard est écrivain, dit-il en désignant le halfelin. Ancolie peintre. Elsa est musicienne et Georgina poétesse."
Il fit face aux autres.
" Taliesin est barde.
— Oh, polyvalent, alors ? Ça doit être si difficile de maîtriser plusieurs arts à la fois ! Evidemment, vous autres, elfes, avez le temps de vous perfectionner dans presque tout !" s'exclama Ancolie.

[Taliesin]

-D'un autre côté, peut-être progressons-nous plus lentement... avança-t-il. En tout cas, en ce qui me concerne, je suis loin d'être expert en tous les domaines. C'est principalement à la musique que j'ai été formé et c'est surtout celle-ci que je pratique. Mais j'officie également comme conteur et, étrangement, mon activité en ce domaine s'est sensiblement accrue depuis que j'ai des enfants.

[Galathée]

" Un papa qui raconte des histoires, comme c'est mignon !" s'extasia la halfeline.
L'adolescente leva les yeux au ciel, songeant sans doute qu'il n'était pas question que quiconque lui raconte jamais une histoire.
" Il y a quelques recueils de contes assez célèbres, dans le coin, intervint sa mère. Si vous voulez renflouer votre stock. Mais ce sont généralement des contes macabres, de fantômes et autres esprits malins...
— Les dieux de la mort, comme Kelemvor ou Jergal, sont souvent de la partie, ajouta Georgina d'une voix sinistre.
— Et ils finissent très rarement bien. Le protagoniste est retrouvé..."
Le halfelin jeta un oeil aux enfants, puis à Maurin.
" Hum. Le protagoniste ne survit pas. Des horreurs. Je n'écris rien de ce genre, bien sûr. Ma spécialité est le roman champêtre."

[Taliesin]

-Intéressant. Et, si je puis me permettre, surprenant : le cadre d'Athrey ne semble guère propice à inspirer pareils récits. Du moins, en cette saison. Même moi, qui improvise d'ordinaire des histoires d'aventure, j'aurais tendance à y inclure squelettes, fantômes et autres revenants alors même que je ne suis arrivé qu'hier.
Mais l'imagination fertile savait s'abstraire de l'environnement réel...

[Galathée]

" Oh mais c'est parce que vous voyez la lande sous l'orage... et que vous n'avez sans doute pas encore visiter les exploitations et les ruchers, dit Ancolie. Il y a plein de charmants petits cottages, des bergeries et des fromageries, aussi, magnifiques...
— Et il y a toujours du drame, dans mes romans, dit le halfelin. Je ne trouve pas nécessaire de faire appel à des puissances maléfiques et extraordinaires : le coeur des gens, les passions humaines... C'est bien suffisant."
Il jeta un coup d'oeil à son hôte et rougit terriblement. Maurin n'avait rien dit mais parut embarrassé. La musicienne dissimula la bouche derrière sa main tandis que Georgina roulait des yeux. Il y eut un silence inconfortable, qui fut rompu par l'arrivée du majordome.
" Maître Haran est arrivé."

[Taliesin]

Voilà qu'allait entrer le plus célèbre écrivain de la région.
Il se demanda si les autres convives lui témoigneraient de la déférence, s'il aurait en somme un statut particulier, où s'il serait un membre parmi les autres au sein de la petite assemblée.
Il verrait bien.
Il verrait bien, aussi, si l'écrivain survivait à Victor...

[Galathée]

" Je suis désolé !" s'exclama Haran en entrant.
De près, il était comme de loin : grand, blond, souriant, et, à la minute présente, légèrement débraillé. C'était un demi-elfe, aussi, indéniablement.
" A d'autres !" s'exclama Bernard Saugeverte en se levant.
Haran avait sans doute moins de quarante ans. Il portait un pourpoint bleu ciel, mouillé aux épaules et il était, chose remarquable, pieds nus.
" Qu'est-il arrivé à vos chaussures, mon cher Elstephann ? demanda la musicienne.
— Trop crottées. Cormack les a confisquées. Je me suis embourbé."
Il avait serré la main de Maurin, puis embrassa les femmes, l'ado revêche y compris (qui ne s'émut guère de la survenue de la célébrité), puis serra la main du halfelin puis celle de Taliesin.
" Ah, mais nous nous sommes vus hier, non ? A l'auberge ?
— C'était nous, oui ! s'exclama Victor.
— Embourbé ? répéta Ancolie Saugeverte.
— Oui. J'ai été stupide. Je me suis trompé de voiture. J'aurais dû prendre la grosse et j'ai fait le malin, ça arrive.
— Oh oui, ça arrive, remarqua Elsa Brummory à mi-voix.
— Vous auriez pu m'envoyer un messager, je serais passée vous prendre." dit Georgina.

[Taliesin]

Tout semblait indiquer que l'ambiance n'allait pas changer avec l'arrivée du sieur Haran, que celui-ci ne serait pas traité comme un invité d'honneur auquel il fallait témoigner maints égards. C'était assez logique, à bien y réfléchir, puisque tout le monde ici semblait bien se connaître et de longue date. En tout cas, c'était une bonne chose, cela éviterait que la réunion informelle vire à la mondanité guindée. Et cela montrait qu'au moins entre amis, l'écrivain n'était pas du genre à se prendre trop au sérieux : un bon point pour lui !

[Galathée]

Haran se laissa tomber sur le divan à côté de Taliesin et accepta la coupe qu'on lui tendait avec reconnaissance, avant de pousser un profond soupir.
" Diable, Maurin, votre chemin est toujours aussi pourri ! J'espère que pour vous faire pardonner, vous m'avez réservé la Chambre Rouge.
— Bien sûr. Mais je dois avouer que votre obsession pour ce cagibi glacial me déconcerte...
— Ah, la manière dont l'inspiration vous prend est difficile à expliquer... Cet endroit... me parle, c'est tout."
Il haussa les épaules et but un grand coup.
" Et comment se porte Miranda ?"
L'adolescente lui jeta un regard meurtrier.
" Comme d'habitude, je vois."
Il se tourna vers Taliesin.
" Alors, pour votre premier soir à Averlande, Maurin vous a piégé dans un dîner d'artistes locaux. Il est sans pitié, ce garçon. Vous savez combien nous sommes narcissiques, c'est une horreur.
— Parlez pour vous." dit la halfeline.
L'écrivain sourit largement puis chercha Baptiste du regard.
" Et donc voilà le fils caché. Venez donc vous montrer, jeune homme. Ça ne sert à rien de faire le timide : tout le monde est au courant, et ceux qui ne le savent pas ne l'ignoreront pas très longtemps."

[Taliesin]

Cette tirade le laissa pantois.
Le moins qu'on puisse dire du sieur Haran, c'est qu'il était du genre direct. Ou, plutôt, du genre à mettre les pieds dans le plat. Certes, il n'y avait là, assurément, aucune mauvaise intention ; certes, dans l'absolu, ça n'était pas forcément une mauvaise chose de se débarrasser des faux semblants ; mais l'écrivain faisait tout de même montre d'une indélicatesse certaine envers leur hôte, envers Baptiste et envers lui-même, accessoirement.
Il ne dit rien, cependant. Du moins dans l'immédiat. Il se tourna plutôt vers le gamin, guettant sa réaction et se tenant prêt à l'aider en cas de besoin.

[Galathée]

Maurin d'Averlande avait failli s'étrangler dans son verre, Baptiste, lui, avait pâli. Cependant, il fit exactement ce que Haran lui avait suggéré, à savoir avancer de deux pas. L'écrivain lui sourit, manifestement embarrassé.
" J'ai été un peu vite, c'est ça ? demanda-t-il.
— Comme d'habitude." railla l'adolescente.
La musicienne rit doucement.
" C'est normal, quand on passe son temps à écrire sur des cadavres, des fous dangereux et des zombies, de ne plus trop savoir s'y prendre avec les vivants."
Haran revint à Baptiste.
" Je suis désolé. Je pensais que... c'était un pseudo-secret, voilà tout. Hum. Changeons de sujet."
Il parut chercher de l'aide quelque part, sans la trouver, jusqu'à ce que Cormack surgisse à nouveau.
" Le buffet est servi. Les assiettes sont de ce côté, ensuite, vous pouvez vous déplacer vers la gauche..."
Haran se leva aussitôt.
" Excellente idée !"
Maurin d'Averlande croisa le regard de Taliesin et esquissa une grimace désolée.

[Taliesin]

Le barde lui adressa un sourire apaisant.
Certes, il était lui-même encore embarrassé mais il n'en tenait pas rigueur à Haran : les maladresses, cela arrivait à tout le monde, même aux plus diplomates. Et puisqu'il n'y avait eu nulle malice derrière ses propos trop directs, il ne voyait pas de raison d'en faire un drame.
Il espérait toutefois que cela n'avait pas trop ébranlé Baptiste. C'est donc sur lui qu'il reporta son attention. Là encore, il était prêt à le réconforter d'une manière ou d'une autre si cela paraissait nécessaire.

[Galathée]

Baptiste lui décocha un sourire brave tandis que Victor l'attrapait par le coude pour l'attirer vers le buffet. Haran et les halfelins étaient déjà en train de se servir, Maurin d'Averlande leur emboîta le pas. La musicienne surgit juste à côté de Taliesin.
" Je me demande bien comment vous vous êtes retrouvé tuteur du fils caché de Maurin... C'est un mystère que toutes les têtes présentes doivent déjà être en train d'examiner sous tous les angles." dit-elle à mi-voix.

[Taliesin]

Il lui sourit.
-Je le comprends parfaitement. Mais je crains qu'il ne m'appartienne pas d'éclaircir ce mystère : c'est à notre hôte et à Baptise de décider ce qu'ils souhaitent ou non raconter.
Il les observa tour à tour, revint à son interlocutrice.
-Le moment n'est pas forcément simple, pour eux, et je ne voudrais pas commettre d'impair.
Le moment n'était pas simple pour lui non plus : cela faisait un moment qu'il savait qu'il ne serait pas le père de Baptiste, que son rôle finissant était désormais celui d'un simple tuteur. Mais le vivre au travers de la situation, du regard des autres, voilà qui était bien différent. Même si, pour le bien du garçon, il s'efforçait d'en faire abstraction.

[Galathée]

La musicienne rit doucement.
" Les impairs, c'est Haran qui les produits, en général. Ou Ancolie. Méfiez-vous d'elle. C'est une pipelette de première qualité. Il faut bien que son mari trouve matière à ses romans."
Son expression se fit plus résignée.
" De toute façon, si le fils caché n'avait pas existé, il l'aurait inventé sans mal... C'est un ressort classique du drame paysan."

[Taliesin]

Le barde haussa les sourcils, surpris.
-Il comprte s'inspirer de ceci pour écrire un roman ? Eh bien, j'espère qu'il prendra soin de limiter les ressemblances et qu'il ne se pressera pas trop pour le faire publier. Sinon, je crains que cela ne rende la situation encore plus délicate pour eux...
Et ils n'en avaient aucun besoin.