La Couronne de Cuivre

Quête: Les chemins de Luménis

La rue qu'elle longeait tout comme les ruelles transversales, étaient complètement désertes. Mais par les fenêtres ouvertes, Eldrina apercevait des familles attablées, et humait des odeurs de soupe ou de ragouts. Elle entendait des éclats de voix, des rires, des appels. C'était l'heure du dîner, et nul ne prêtait attention à la silhouette qui avançait dans la semi-obscurité de la rue.

Du grand bâtiment de pierre blanche, en revanche, aucun son ne filtrait. Les hautes fenêtres donnaient apparemment sur une pièce vide, malgré une lueur de bougie. Mais Eldrina comprit rapidement que ce n'était pas un bâtiment comme les autres. Non seulement ses fenêtres étaient vitrées, mais il arborait, nettement visible, le symbole de Lathandre sur la droite du portail principal.
Celui-ci était fermé. En revanche, une petite porte sur le côté laissait filtrer un rai de lumière et des bruits de voix.

Quête: Les chemins de Luménis

La rôdeuse hésita. Est-ce qu’elle devait frapper à la petite porte pour se renseigner, ou chercher ailleurs ? Apparemment, il n’y avait pas d’auberge dans le village. Elle n’en espérait pas tant de toute façon et était habituée à dormir de manière fruste. Mais elle hésitait à aller s’inviter chez des inconnus pour leur poser des questions, a fortiori si ces inconnus se trouvaient loger dans un édifice religieux…

Elle décida finalement d’aller toquer à la porte. Après tout, il lui faudrait bien parler à des gens un jour ou l’autre, se dit-elle en souriant. Autant commencer dans un lieu plus ou moins « officiel » plutôt que d’aller dans une maison, plus privée.

Quête : Les chemins de Luménis.

La conversation à l'intérieur s'interrompit brusquement.Puis un bruit de pas légers, un peu précipités, se fit entendre et la porte s'ouvrit.
Une femme d'âge mûr la dévisagea, interloquée. Derrière elle, une deuxième femme plus âgée était en train de terminer de laver le sol d'une petite pièce servant visiblement de cuisine et de salle à manger. Toute la pièce était rutilante, signe qu'un ménage complet venait d'être fait.
- Oh... Je pensais que c'était notre clerc. C'est vrai qu'il ne rentre que demain, normalement, mais il aurait pu être en avance... Vous êtes une amie à lui ?
- Voyons, Lucia, c'est peut-être simplement une voyageuse de passage en nos murs. Aïdan leur ouvre parfois sa porte...Qu'est-ce qui vous amène par ici, jeune demoiselle? Etes-vous en quête de l'assistance d'un prêtre ?

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« Un prêtre ? Non, certainement pas ! Je… » Eldrina réalisa qu’elle était encore en train de paniquer et prit une grande inspiration. Les deux femmes semblaient amicales et elles ne pensaient certainement pas à mal en lui parlant du prêtre.

Mais oui ! A trop stresser, elle en oubliait de réfléchir. De toute évidence, c’étaient les locaux de cet Aïdan lui-même. Certes, c'était un religieux humain; mais elle n'en était pas au point où elle les haïssait et refusait de leur parler. Simplement, elle se méfiait d'eux.

Et au moins, elle avait trouvé des gens disposés à lui parler malgré la pluie battante; alors autant se lancer.

« Eh bien, en fait, je suis juste de passage et je cherchais des renseignements. Je n’ai pas vu d’auberge ; comment logez-vous les voyageurs ? »

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- Des voyageurs ? On n'en a quasiment jamais ! Qui viendrait se perdre ici ? répliqua avec véhémence la plus jeune.
- Lucia, tu exagères... On a parfois de petits groupes d'aventuriers partis traquer les monstres de la forêt maudite, et ils font comme vous : ils frappent à la porte d'Aïdan. Il a bon coeur, malgré les apparences, et il leur trouve généralement une petite place.
- D'ailleurs c'est bien sa faute si on a tant de souci avec ces nomades, s'il ne les avait pas si bien accueillis...
- Lucia...
La vieille femme secoua la tête d'un air désapprobateur.
- On a déjà eu cette discussion au moins vingt fois, et notre visiteuse a autre choseà faire que d'entendre nos querelles. C'est rare de voir une voyageuse isolée dans la région, mademoiselle, poursuivit-elle à l'adresse d'Eldrina. Si ce n'est pas trop indiscret, vous comptez aller vers l'est, vers les bois ?
- Vous ne faites tout de même pas partie de cette tribu, ceux qui se présentent comme le "peuple libre" ?
- Ca m'étonnerait, vu ses vêtements... Mais laisse-la donc répondre !

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Eldrina serra les dents. La situation entre les villageois et le Peuple Libre était donc bien ce qu’elle avait cru comprendre… Cette Lucia lui était bien antipathique, à juger ainsi des gens que de toute évidence elle ne connaissait même pas, vu qu’elle l’avait prise pour une des leurs. Elle retint difficilement les répliques agressives qui lui montaient à l’esprit et se concentra sur la vieille femme qui semblait plus sympathique.

« Je viens de la forêt où j’ai croisé des gens serviables qui m’ont indiqué le chemin de ce village, dit-elle. Ils venaient du Peuple Libre », ne put-elle s’empêcher d’ajouter pour l’autre femme, qui lui rappelait les enfants de son orphelinat, obtus et stupides.

« Moi en revanche je viens de plus loin ; en fait je cherche à rejoindre la grande ville qui s’appelle…Luménis… je crois. Est-ce que je pourrais loger ici pour la nuit ? »

Elle était plutôt contente d’elle, pour une fois. Son animosité à l’égard de Lucia lui avait fait oublier toute timidité et elle considéra qu’elle s’était très bien exprimée.

HRP: suis de retour !

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Lucia eut une moue dédaigneuse à la mention du Peuple Libre, mais laissa Eldrina terminer ses explications. Sa compagne plus âgée acquiesça à sa demande, après une légère hésitation.
- Oui, bien sûr, vous pouvez dormir ici. C'est ce qu'Aïdan aurait proposé en tout cas. Qu'est-ce que tu en penses, Lucia ? On peut l'installer dans la petite chambre à l'étage ?
- Oui, je suppose que c'est ce qu'Aïdan aurait fait, finit par acquiescer sa compagne, comme à regret.
Puis elle se tourna vers la demi-elfe.
- Vérifiez quand même bien si ces maudits vagabonds vous ont pas volé votre argent. Ils sont très doués pour ça...
- Lucia...
- Ben quoi, c'est une elfe, ils ont dû croire qu'elle était riche, comme tous les elfes !
La vieille femme soupira, mais préféra se taire et se tourner à nouveau vers Eldrina, changeant volontairement de sujet.
- Avez-vous dîné, au fait ?

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La rôdeuse se contenait de plus en plus difficilement. Ainsi les elfes avaient la réputation d’être riches ? Elle retint son envie de pouffer, et répondit à la vieille femme :

« Eh bien, non, je n’ai pas dîné. Si vous pouviez… » Elle s’interrompit et réfléchit. Politesse et amabilité. C’était cela. Politesse et amabilité. « Allez, on recommence » se dit-elle.

« Enfin, je ne suis pas non plus affamée et je… Je ne voudrais pas abuser de votre hospitalité, surtout en l’absence du propriétaire. Je n’ai pas beaucoup d’argent, je ne veux pas m’imposer ! »

Elle esquissa un sourire pour la vieille femme ; elle évitait de regarder Lucia pour être certaine de rester polie.

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La vieille femme lui sourit en retour, puis échangea un regard avec Lucia. Celle-ci parut hésiter, puis prit la parole.
- Vous pouvez venir dîner à la maison si vous voulez, nous habitons juste à côté. Je n'ose pas vous dire de vous servir dans les provisions d'Aïdan en son absence. Mais il n'y a aucun souci pour que vous vous joignez à nous : la soupe est déjà en train de cuire, et il y en a bien assez pour une personne de plus. Maman, ajouta-t-elle à l'adresse de sa compagne, ça ne te dérange pas de finir toute seule ? Il faut que je prévienne Jolan...
- C'était presque fini de toute façon. Je vais montrer la chambre à cette jeune personne. Suivez-moi, ajouta-t-elle à l'adresse d'Eldrina en se dirigeant vers une porte à l'arrière de la pièce, tandis que Lucia - sa fille, donc - enfilait sa cape pour sortir sous la pluie.

La chambre qu'on lui présenta, en haut d'une étroite échelle de meunier, était minuscule. Un lit, une table de chevet, une petite étagère au-dessus du lit sur laquelle se trouvaient draps et couvertures. Apparemment, c'était une simple cellule de moine.
- Installez-vous, faites comme chez vous. Il y a un puits dans la petite cour de derrière, à côté du jardin, vous pourrez tirer de l'eau pour votre toilette. Je vous aurais bien proposé de vous l'amener, mais ce n'est plus tout à fait de mon âge, s'excusa-t-elle. Je vais aller terminer le ménage en bas, pendant que vous vous installez. Puis je vous guiderai jusqu'à la maison.
Elle sourit.
- Et ne faites pas attention à ma fille, elle a toujours été d'un naturel bougon, et les tensions actuelles n'arrangent rien.

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Eldrina observa la chambre quelques instants, et sourit. Cela faisait une éternité qu’elle n’avait pas dormi dans un lit, et ironiquement elle se trouvait à présent chez un prêtre, comme auparavant. Mais le fait d’avoir vécu dans la forêt si longtemps avait un avantage certain : sa vision du confort était très limitée, et cette chambre lui semblait parfaite.

Elle déposa ses quelques affaires, se défit de la longue épée dans son dos, et après une hésitation elle se sépara également de l’épée courte gravée à son nom, pour ne conserver qu’un petit poignard. « Il ne faudrait pas offenser mes hôtesses, songea-elle, et je serai suffisamment en sécurité, après tout. » Mais elle ne put s’empêcher de penser que si Lucia cherchait les ennuis, elle serait la bienvenue… « Allez, pas de pensées pareilles alors que ces femmes ont l’amabilité de m’accueillir ! Elle doit bien avoir ses raisons pour parler ainsi. Pas besoin d’être agressive inutilement. »

Elle descendit ensuite tirer de l’eau au puits, puis elle s’allongea sur le lit en attendant le retour de la vieille femme.

Quête : les chemins de Luménis.

La vieille femme ne se fit guère attendre. Quelques minutes plus tard, elles ressortaient toutes deux sous la pluie.
La maison vers laquelle elle conduisit Eldrina se situait tout près du petit temple. Elle ne différait guère des autres : habitation au rez-de-chaussée, grenier à foin au-dessus, un petit appentis sur le côté pour abriter la réserve de bois, un petit carré d'herbe où quelques poules s'ébattaient devant la maison.
Une voix d'homme s'élevait à l'intérieur, répondant à la voix plus aigrelette de Lucia. Ils s'interrompirent lorsque les deux femmes entrèrent.
- Bonjour, jeune dame. Soyez la bienvenue dans notre foyer. Lucia vient de m'avertir que vous allez dîner avec nous. Je suis Jolan Delapierre, vous connaissez déjà ma femme et ma belle-mère...Et voici notre petite famille....
L'homme qui venait de parler était plutôt trapu, et sa barbe lui donnait l'air bourru, mais son ton était amical. Accueillant à défaut d'être pleinement chaleureux. Sa femme était penchée sur une grande marmite de soupe, et leur "petite famille", comme il l'avait nommée, finissait de mettre la table. La petite famille en question était tout sauf petite, d'ailleurs : cinq enfants - des filles uniquement, dont la plus âgée était adolescente, et la plus jeune ne devait pas avoir plus de cinq ans. Elle ouvrit d'ailleurs des yeux ronds en voyant Eldrina.
- Hey, t'as vu, c'est une elfe! souffla-t-elle à l'une de ses grandes soeurs, laquelle la rembarra aussitôt.

Quête: Les chemins de Luménis

La rôdeuse se sentait assez mal à l’aise, d’abord d’être ainsi entourée d’autant d’inconnus à qui elle allait de toute évidence devoir parler, mais surtout de s’immiscer ainsi dans leur vie. L’homme qui semblait être le maître de maison avait l'air sympathique, mais elle se dit qu’il aurait sans doute préféré être seul avec sa famille…

Lorsque la petite parla, Eldrina ne put réprimer un frisson convulsif. Mais le fait était que cette petite n’avait que 5 ans, alors elle se sentait plus capable de s’adresser à elle qu’aux adultes autour. Elle lui sourit, un peu crispée, et tenta une réponse : « En fait, si tu veux tout savoir, je ne suis pas réellement une elfe ; je suis une demi-elfe, tu vois ? Alors je suis un peu humaine aussi. Mais j’ai quand même les oreilles pointues ! »

Elle ajouta sa dernière phrase sur un ton de plaisanterie, mais en son for intérieur elle n’en menait pas large. « Qu’est-ce qui m’a pris de parler de ça ? » se dit-elle.

Quête : Les chemins de Luménis

La petite fille hocha la tête, une lueur decompréhension dans les yeux. Mais Eldrina crut entendre un vague reniflement méprisant venant de Lucia, à la mention du mot "demi-elfe". Comme si elle venait encore de perdre un peu de prestige. Néanmoins, la villageoise se redressa comme si de rien n'était, les poings sur les hanches, s'adressant à ses filles.
- Maria, prend donc la veste de la dame et accroche-la à la patère, ne reste pas plantée là voyons ! Asna, occupe-toi de ta petite soeur, tu la mets couchée dès qu'elle a fini sa soupe ! Sania et Lana, finissez donc de mettre la table au lieu de rester là comme des bécasses à bailler aux corneilles ! Maman, je te laisse faire asseoir notre invitée ?
Il sembla assitôt qu'une nuée d'insecte était à l'oeuvre. La dénommée Maria s'empara d'autorité de la veste d'Eldrina, tandis que sa grand-mère accrochait elle-même la sienne. Les autres s'empressaient de vaquer à leurs tâches, sous le regard vigileant de leur mère, toujours plantée les poings sur les hanches. Elle menait sa maisonnée d'une main de fer, apparemment. Même son époux Jolan se contenta de ployer les épaules avant de s'installer en bout de table.

La grand-mère eut un sourire plein de douceur à l'adresse d'Eldrina, et la conduisit à la place d'honneur, à droite du chef de maison. Elle s'installa juste à côté d'elle, et Lucia se trouva en face. Jolan marmonna quelques paroles de bénédiction du repas, et la soupe fut servie, d'abord aux adultes, ensuite aux enfants. Et le repas commença dans un silence religieux. Qui devint même pesat au fur et à mesure que les minutes s'égrenaient.
Heureusement, les gamines, dès que leur mère se tourna à nouveau vers ses fourneaux, se mirent à échanger des signes étranges avec leurs doigts. Dans un véritable langage apparemment. Et elles souriaient gaiement en se tournant à tour de rôle vers la demi-elfe. Celle-ci semblait être au centre de leur conversation muette. La grand-mère observait le tout d'un oeil amusé, et le père fronça les sourcil, se raclant la gorge... mais lui aussi semblait amusé. A se demander ce qu'elles pouvaient bien se dire ainsi.

Quête: Les chemins de Luménis

Eldrina se sentait mal à l’aise dans le silence ambiant, et elle finit par décider que si elle souhaitait communiquer avec ses hôtes, c’était à elle d’engager la conversation. Elle s’apprêtait à dire quelque chose au sujet du village, quand elle remarqua l’étrange manège des enfants.

Elle les observa quelques instants, puis se tortilla sur sa chaise, intriguée. Elle se demandait ce que tous ces signes pouvaient bien signifier, mais elle n’osait pas poser la question. Elle attendit quelques secondes pour voir si quelqu’un lui donnerait une explication, puis elle se rendit compte que ses hôtes ne pouvaient deviner qu’elle souhaitait en savoir plus.

Elle se tordit de plus en plus, puis n’y tint plus et risqua une phrase, qu’elle adressa à la grand-mère, celle qui lui était la plus sympathique, pour se rassurer :
« Je vois que vos petites-filles se sont créé un langage à elles toutes seules ? Amusant, hum, elles sont... très charmantes! »

Elle eut un sourire un peu hésitant, consciente que sa phrase était un peu plate.

Quête: les chemins de Luménis.

Lucia sursauta en entendant les mots de la demi-elfe, et se retourna brusquement vers ses filles.
- Combien de fois faudra-t-il vous dire que c'est très malpoli de parler ainsi en présence d'invités ?
Les filles avaient baissé la tête avant même qu'elle ne prononce un mot, contrites.
- Faut-il que je vous envoie toute au lit sans finir de souper pour vous apprendre la politesse?
- Oh, non, maman...
- On expliquait juste à Lana...
- Je ne veux pas le savoir ! Que je ne vous y reprenne plus !
Elles baissèrent la tête. Lucia parut satisfaite et retouna à ses fourneaux, d'où émanait une délicieuse odeur de ragoût.

- Votre mère a raison, expliqua leur père d'une voix un peu plus douce. C'est très mal poli de parler des gens derrière leur dos.
Le grand-mère se tourna vers Eldrina.
- Lana est... elle n'entend pas et ne parle pas. Alors ses soeurs ont inventé un langage pour communiquer avec elle.
Les filles hochèrent la tête en silence, puis l'une d'elle releva la tête.
- Mais on disait pas du mal... enfin...
Le léger froncement de sourcil de leur père suffit pour que Sania plonge à nouveau le nez dans son assiette. Apparemment, il n'était pas tout à fait d'accord sur ce point.
- Je vous prie de les excuser, fit-il en se tournant vers Eldrina. Elles sont parfois un peu effrontées...

Quête: Les chemins de Luménis

La jeune femme se mordit les lèvres. Tout ce qu’elle avait réussi à faire, c’est attirer des ennuis aux petites filles. Elle répondit à Jolan, essayant de se rattraper :
« Non, non, ne vous inquiétez pas ! Si elles veulent communiquer entre elles, ce n’est pas moi que ça dérangera. »

Elle s’interrompit et se demanda si cette phrase pouvait être interprétée comme une critique envers Lucia, soupira, et se dit qu’il valait mieux ne pas penser à ce genre de choses si elle voulait continuer à parler avec ses hôtes.
« C’est très bien qu’elles aient trouvé un autre moyen de communiquer, vos filles sont très débrouillardes. »

Eldrina songea qu’il valait mieux s’arrêter avant de s’aventurer sur ce sujet, et tenta une autre approche :
« Et sinon, comment vont les choses à Respelm ces temps-ci ? Le village me semble assez paisible, non ? »

Quête : les chemins de Luménis

Lucia ne parut pas relever la critique indirecte de la jeune demi-elfe. Elle s'approcha de la table avec son ragoût, et en servit de généreuses portions aux adultes - un peu plus maigres aux enfants.
Elle était bonne cuisinière, et savait marier les herbes et les épices. Le ragoût était délicieux.

Jolan hochait la tête, songeur, à la question d'Eldrina.
- Oui, oui, on peut dire que le village est paisible. Il n'y a pas grand-monde qui vient par ici, vous savez, c'est la routine...
- Ce serait bien plus paisible sans ces voleurs de bétail....
- Lucia...
- Inutile de les défendre, on ne peut pas nier que depuis qu'ils sont dans les parages les vols de bétails ont augmenté !

- Ma femme parle du Peuple Libre, expliqua bien inutilement Jolan à la rôdeuse, une tribu semi-nomade qui s'est installée dans la forêt. C'est vrai qu'ils avaint tendance à se servir un peu sans payer... Mais Aïdan était intervenu, il avait fait appel à un rôdeur de Luménis, Kasumi, et ils avaient conclu un accord avec eux. Tout s'est réglé, maintenant ils nous échangent bois et gibier contre tout ce qu'on fabrique...

- Non, tout n'est pas réglé. Tu n'as pas entendu parler des vols chez Marius ? Et des moutons disparus ? Ca recommence... Et ils en profitent parce qu'Aïdan n'est pas là en ce moment ! Mais là ils vont trop loin, moi je dis que l'accord ne tient plus !

Jolan poussa un soupir, mais préféra visiblement ne pas argumenter davantage.
- Rien de bien grave, comme vous voyez, le même genre de soucis que bien d'autres villages sans doute. Mais si vous voyagez beaucoup, comme vous en avez l'air, vous devez être coutumière de ce genre de chose ?

La rôdeuse soupira discrètement lorsque Lucia évoqua le Peuple Libre. Le fait d’avoir rencontré certaines personnes de ce peuple influait sans nul doute sa vision des évènements, mais même sans cela elle n’aimait pas la façon qu’avait son hôtesse d’accuser le Peuple Libre sur la base de simples préjugés personnels. Elle aurait sans doute pris leur défense si l’intervention de Jolan ne lui avait pas fait songer qu’il valait peut-être mieux éviter ce genre de sujet, surtout de sa part, elle qui était invitée ferait mieux de ne pas agresser son hôtesse…

Elle nota cependant que le prêtre semblait parti depuis quelques temps et réalisa qu’elle ne savait même pas pourquoi. « Rien de grave, j’espère » se dit-elle.

Elle savoura une nouvelle bouchée du ragoût, qui était réellement délicieux, et décida de remercier son hôtesse pour ses talents de cuisinière. « Merci pour le ragoût, il est excellent. »

Puis Eldrina se rendit compte que Jolan lui avait posé une question et elle réfléchit à sa réponse. A vrai dire, si elle avait passé toute son enfance dans un village semblable à celui-ci, elle n’y avait cependant pas vécu plus d’une nuit depuis des années ; et à l’époque de son enfance elle se désintéressait totalement des villageois qui l’entouraient. Cependant elle avait une idée suffisamment générale de la situation pour saisir ce dont son hôte parlait ; et peut-être valait-il mieux que Lucia ne sache pas qu’elle avait passé des années dans la forêt.

« Oui, j’ai grandi dans un village qui ressemble beaucoup à Respelm. Je vois bien ce que vous voulez dire ; même si je n’avais encore jamais entendu parler du Peuple libre avant ce matin. Mais je n’ai pas tant voyagé que vous ne le croyez ; c’est la première fois que je m’éloigne autant de la f…du village. »

Etonnamment, elle se surprit à bavarder avec cet homme qu’elle connaissait à peine. Lui et sa famille semblaient sympathiques, après tout.

Quête : les chemins de Luménis

L'homme ne parut pas relever la légère hésitation d'Eldrina. Il hocha la tête, souriant.
- C'est un village proche d'ici ? Comment s'appelle-t-il ? Enfin, si ce n'est pas trop indiscret... Je me disais que si c'est un village des environs, j'ai sans doute eu l'occasion de m'y rendre, et, qui sait, peut-être avons-nous des connaissances communes, peut-être même ai-je croisé vos parents...
- Et pourquoi vous êtes partie ? intervint la cadette des filles d'un ton candide, le regard curieux.

HRP : J’ai inventé un nom pour le village natal d’Eldrina. Si ça pose un problème, dis-le moi et je le remplacerai par un lieu déjà existant.

Lorsque Jolan lui répondit, Eldrina s’aperçut qu’elle ne se souvenait plus du nom de son village. Tandis qu’elle se creusait les méninges, elle réagit intérieurement à la suggestion de son hôte. Il était fort peu probable qu’il ait connu ses parents, vu que personne au village ne savait ni n’avait su de qui elle était née ; et si par le plus grand des hasards il se trouvait qu’il les avait effectivement rencontrés, ce n’était certes pas elle qui pourrait le lui confirmer.

Quant à la question de la petite fille, elle décida de couper au plus court et de simplifier les choses. Pas besoin d’entrer dans des détails qui prendraient des heures à expliquer…
Elle sourit soudain. Elle s’en souvenait, finalement.

« C’est un village à l’orée de le forêt, il s’appelle Lanfairo. Mais je doute que vous ayez pu connaître mes parents, j’ai été élevée par des prêtres à l’orphelinat. D’ailleurs, dit-elle en se tournant vers la petite qui l’avait interrogée, si je suis partie c’est parce que mon père adoptif est mort récemment. N’ayant plus de famille au village, j’ai décidé de me mettre à voyager. »

Et voilà. Ce n’était pas tout à fait la réalité, mais elle ne leur avait pas menti.

HRP: Pas de souci pour le nom du village!

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Jolan parut subitement gêné, évitant le regard de la demi-elfe.
- Oh, je ne savais pas, excusez-moi.... Enfin, je veux dire, pour l'orphelinat, et pour la mort de votre père adoptif...
Les filles semblaient elles aussi subitement mal à l'aise d'avoir peut-être éveillé des souvenirs douloureux.
- Je ne suis jamais allé à Lanfairo... Donc je ne connais sans doute pas votre père adoptif, mais c'était certainement quelqu'un de très bien !
- Je comprends mieux que vous soyez sur les routes. Ce ne devait pas être facile de rester là-bas... ajouta la grand-mère d'un ton plein de compassion.

Lucia choisit ce moment-là pour apporter le dessert, une simple tarte aux pommes à l'arôme appétissant.
- C'est loin, Lanfairo, vous devez être affamée ! Laissez-la donc manger au lieu de l'ennuyer avec toutes vos questions ! Elle a fait un long chemin pour venir ici, il faut qu'elle reprenne des forces !
Lucia paraissait soudain plus amicale, et même un tantinet protectrice envers son invitée. Comme si quelque chose dans ce que celle-ci avait dévoilé l'avait touchée. Elle fusilla du regard l'aînée de ses filles qui s'apprêtait à poser une autre question.
Eldrina entendit celle-ci marmonner à voix basse, veillant à ne pas être entendue par sa mère qui faisait maintenant le tour de la table pour servir tout le monde :
- Moi aussi j'aimerais bien voyager....
Elle coula un regard envieux vers Eldrina. Elle ne devait pas avoir plus de douze ou treize ans.

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La réaction de ses hôtes toucha la demi-elfe plus qu’elle ne l’aurait pensé. Elle s’était blindée après la mort de son mentor, pour ne pas sombrer dans la tristesse. Mais c’était la première fois qu’elle l’évoquait avec quelqu’un, et elle était émue de la compassion de la famille. Elle découvrait une autre facette des relations sociales, loin de l’animosité qui avait pu être exprimée auparavant. Elle porta la main à son pendentif qui ne la quittait jamais, et ferma les yeux un instant.

Puis elle les rouvrit, et sourit en voyant la magnifique part de tarte dans son assiette. Rien de mieux pour se réchauffer le cœur ! Elle en avala une bouchée, la savoura, et songea qu’il lui fallait absolument remercier Lucia. Mais le revirement d’attitude de son hôtesse à son égard la perturbait : elle ne savait plus très bien comment se comporter avec elle ; la jeune femme n’oubliait pas les préjugés de Lucia à l’égard du Peuple Libre, et ce que cela lui inspirait.

« Bah, j’aurai bien le temps de me prendre la tête plus tard, pour l’instant j’ai un gâteau à déguster » se dit Eldrina. Elle sourit à l’aînée, songeant qu’avec une telle cuisinière comme mère, la jeune fille aurait bien du mal à se faire aux repas frugaux que partagent ceux qui voyagent sur les routes.

Quête : les chemins de Luménis.

La fin du repas se déroula dans une atmosphère nettement plus conviviale, comme si les quelques confidences d'Eldrina avaient brisé la glace. Lucia, en particulier, se montrait à présent affable et souriante, gardant ses accès d'autorité pour ses filles.
La suje du "Peuple Libre" ne fut plus abordé, et la conversation dévia sur des choses plus anodines. Les filles se risquèrent une fois ou deux à se mêler de la discussion, l'interrogeant sur ce qu'elle connaissait de Luménis, déçues de voir qu'elle n'en savait pas davantage qu'elle-même.
L'aînée emmena la benjamine se coucher de bonne heure, malgré ses protestations - avoir une invitée, de surcroit demi-elfe, était un événement suffisamment rare pour qu'elle se refuse à en manquer une miette ! Mais sa mère finit par piquer une telle colère qu'elle n'eut d'autre choix que d'obéir.

Jolan apporta une liqueur de châtaigne en guise de digestif.
- Vous accepterez bien de la goûter ? C'est nous qui la faisons.
Il n'attendit pas la réponse pour lui en verser d'autorité un petit verre, tandis que Lucia desservait la table avec l'aide de ses filles.
- Je viendrai vous apporter un peu de thé, du pain frais et de la confiture, demain matin, pour le petit déjeuner. J'imagine que vous voudrez dormir un peu tard, vous avez fait un long trajet. Jolan, ce n'est pas raisonnable de servir de l'alcool à une jeune fille si fatiguée ! Mademoiselle, vous n'êtes absolument pas obligée de le boire... Vous ne tiendrez plus debout pour traverser la rue!

Quête: Les chemins de Luménis

Eldrina regarda son verre d’un air songeur. Malgré ce qu’elle aurait pu supposer de prime abord, elle avait beaucoup apprécié ce repas et elle ne voulait pas vexer Jolan. Mais elle n’aimait guère l’alcool ; et les conseils de Lucia n’étaient pas tombés dans l’oreille d’un sourd. Finalement, elle opta pour un compromis.

« Oh, ça m’a l’air délicieux, mais, enfin… Votre épouse a raison, ça ne serait pas raisonnable. Je vais en boire une gorgée, ça semble excellent ; mais j’arrête après cela. »

Elle but quelques gouttes. Elle n’avait pas du tout l’habitude de l’alcool et elle eut tout d’abord le palais en feu ; mais ensuite elle dut reconnaître que c’était excellent. Malgré cela, elle reposa vite son verre et se leva de table pour prendre congé de ses hôtes ; elle tombait de sommeil.

Quête: Les chemins de Luménis

L'alcool était effectivement très fort. De quoi la réchauffer avant de sortir sous la pluie battante...
Seshôtes se levèrent en même temps qu'elle, et la raccompagnèrent jusqu'à la porte.
- J'ai laissé la porte ouverte, de toute façon il n'y a rien à voler, et Aïdan ne ferme jamais. Si vous craignez d'avoir froid, il y a une petite réserve de bois à l'arrière...
Le temps était frais pour la saison, effectivement. Mais pas au point de justifier un feu pour une habituée des nuits dans la nature...
- Bonne nuit !
Ses hôtes lui serrèrent la main avant de la laisser seule dans l'obscurité. La pluie tombait toujours drue, mais l'orage s'était calmé. Il n'y avait toujours personne dans les rues, et de nombreuses maisons étaient déjà plongées dans l'obscurité.

Quête: Les chemins de Luménis

Restée seule, la jeune demi-elfe se tint un instant immobile, laissant la pluie ruisseler sur elle. Elle n’avait décidément pas l’habitude de l’alcool, et bien qu’elle soit suffisamment solide pour tenir après ce verre, elle préférait se détendre un moment avant d’aller se coucher.

Elle en profita pour faire le bilan de cette journée, et elle se dit que finalement, elle s’en était plutôt bien tirée. Peut-être était-ce parce qu’elle s’était sentie en confiance auprès de tous ces enfants et de la grand-mère, puis plus tard avec Lucia et Jolan également, mais elle avait le sentiment d’avoir mené des conversations très sympathiques avec eux.

Elle réprima un bâillement soudain et décida qu’il était temps d’aller se coucher ; elle se mit en chemin, tranquillement, vers sa chambre, où elle comptait bien dormir comme un loir.

Quête : Les chemins de Luménis

Eldrina n'eut aucune difficulté à trouver le sommeil. Certes, la pièce était minuscule, le lit dur et les couvertures un peu rêches. Sans compter la pluie qui tambourinait à la vitre. Mais elle n'avait jamais été spécialement habituée au confort, loin de là !
Elle s'endormit donc effectivement comme un loir. Avant de se réveiller en sursaut...

Des pas montaient l'escalier. Des pas qui ne cherchaient pas à être discrets : le visiteur savait sans douter que le bâtiment était vide. Il faisait aussi sombre que lorsqu'elle s'était endormie, et aurait été bien en peine de savoir si son repos avait duré moins d'une heure, ou beaucoup plus. Une seule certitude : quelqu'un approchait.

Quête: Les chemins de Luménis

Eldrina se redressa aussitôt, aux aguets. Elle passa la main sur son poignard, qu’elle avait gardé sur elle-même pour dormir. Sur le moment, cela lui paraissait exagéré ; mais à présent elle en était bien satisfaite, car il était hors de question pour elle de tirer une épée hors du fourreau si elle ne voulait pas que l’intrus l’entende.

Elle se glissa hors de son lit en silence ; et s’avança jusque dans l’entrebâillement de la porte. Elle se plaça juste à côté de l’ouverture, de sorte que normalement, l’intrus ne pourrait la voir sans entrer dans la pièce. Elle risqua un regard, tentant de l’apercevoir.

Quête : Les chemins de Luménis

La lueur dansante d'une bougie apparut au détour de l'escalier. Un homme grand et robuste, d'âge mûr, au crâne dégarni et à la barbe fournie, se découpa bientôt dans la faible lumière. Il portait des habits amples et confortables, mais secs, et des chaussons de laine. Peut-être avait-il tout simplement laissé ses vêtements humides de pluie au rez-de-chaussée. Il transportait un sac de toile en bandoulière, apparemment plutôt lourd.
Il avançait dans sa direction, mais son pas ne ralentit pas lorsqu'il approcha de sa porte : sa destination était certainement la pièce suivante - c'était la seule autre porte du palier. Et il ne semblait pas s'être aperçu de sa présence.

Quête: Les chemins de Luménis

L’attitude de l’homme rendit la rôdeuse perplexe. Si c’était un quelconque voleur, son comportement était bien étrange. Elle n’avait jamais tenté de s’introduire chez quelqu’un pour lui dérober quelque chose, mais si elle avait dû le faire, elle n’aurait certes pas allumé une bougie avant d’être certaine d’être seule, et n’aurait pas pris le temps de déposer ses vêtements. De plus, elle se demandait ce que le sac pouvait contenir, s’il s’agissait d’un vol, dans la mesure où les lieux étaient plutôt frustes. Peut-être l’inconnu avait-il déjà visité d’autres lieux ?

Cependant, elle était dans un tel doute qu’elle décida de ne rien tenter avant d’avoir vu ce que comptait faire cet homme. Elle se dissimula le plus possible dans le coin de la porte, et attendit qu’il atteigne l’autre pièce.

La Couronne de Cuivre

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