[Lieu] Les hauts plateaux

[Kasumi]

Kasumi ne manqua pas de le féliciter pour son habileté mais la partie de chasse se poursuivit bien au-delà avec Première Neige qui revint pour son activité favorite à savoir jouer le rôle de rabatteur pour le gibier. L'arc de Sylvia leur permit d'ajouter un autre lièvre à leur tableau de chasse puis Jeannot parvint à toucher une perdrix. Bon joueur, le demi-elfe déclara que la partie de chasse était finie car ils avaient largement de quoi agrémenter leurs prochains repas. Et comme il n'avait rien abattu, il se proposa pour aller ramasser quelques herbes et aussi pour préparer le repas ce que personne ne lui contesta.

[Voyageuse]

Personne ne lui contesta non plus le rôle de cuisinier, dans lequel il excellait. Jeannot avoua ne pas savoir cuisiner autre chose que des oeufs ou de la viande grillée, mais puisque le second plat était justement leur menu de la soirée, il fut mis à contribution pour surveiller la cuisson.

Le voyage se poursuivit ainsi, plutôt sereinement. Jeannot était un compagnon joyeux, parlant un peu trop et riant souvent, de tout et de rien, vivant au jour le jour sans songer davantage aux démarches qui l'attendaient à l'arrivée. Ils chassaient un jour sur deux, cueillaient ce qu'ils trouvaient, ramassaient quelques oeufs. Ils passèrent quelques nuits à la belle étoile, d'autres dans des granges : les hameaux se faisaient plus nombreux, il approchaient de Luménis et laissaient le gros des montagnes en arrière, peu à peu. Ils se trouvaient désormais à la hauteur de la Forêt Maudite, masse sombre et boisée qu'ils apercevaient à l'horizon, sur leur gauche. Ils n'étaient peut-être pas très loin de l'un des hameaux qu'ils avaient repéré sur la carte étudiée à Lunaros, mais s'y rendre les détournerait notablement de leur route, et ils n'étaient sûrs de rien. Jeannot, lui, n'avait aucune envie d'aller se frotter aux nombreuses créatures dont on lui avait conté l'existence.

Ils avaient maintenu le cap à l'ouest, suivant des sentiers lorsqu'il y en avait, coupant parfois à travers d'interminables prairies. ils avançaient bon train, et leurs montures, peu à peu, s'habituaient à ce rythme. Rousse n'avait plus mal à son mollet, Eclair galopait avec entrain. Un peu moins d'une veille et demie après leur départ de Lunaros, ils rejoignirent, pour la première fois, une véritable route pavée. Et alors que le soir s'annonçait, ils furent en vue d'un village, avec, luxe suprême, une auberge.

[Kasumi]

Retrouver le confort exceptionnel d'un lit n'était pas pour déplaire au rôdeur d'autant que leurs finances le permettaient : depuis Lunaros, ils avaient en effet vécu sur leurs réserves et le produit de leur chasse et de leur cueillette. Et ils approchaient maintenant de leur destination où il pourrait récupérer un peu d'or pour la suite du séjour. C'est donc vers ce bâtiment que le demi-elfe dirigea sa monture. Alors que Première Neige s'éloignait d'eux pour contourner le village, il lança joyeusement à Jeannot et Sylvia :

- J'espère que personne n'est contre l'idée d'un lit et d'un repas bien chauds pour ce soir ?

[Voyageuse]

On lui répondit avec enthousiasme que non, ça ne serait pas de refus. Sylvia semblait quelque peu intimidée, mais Jeannot, lui, paraissait plutôt à l'aise dans ce village typique de la Trouée, assez semblable, en plus grand, à celui dans lequel vivait sa grand-mère.
Beaucoup de regards convergeaient vers les visiteurs, sans doute parce que les voyageurs étaient relativement rares sur cette route un peu excentrée. Kasumi nota que la plupart des gens qu'ils croisaient semblaient surtout s'intéresser à Sylvia, l'observant de façon un peu trop insistante tandis qu'ils s'approchaient de l'auberge, puis démontaient.

[Kasumi]

Kasumi ne pouvait s'empêcher de se demander dans quelle mesure c'était la beauté de Sylvia qui attirait les regards et à quel point c'était plutôt Rousse et le symbole qu'elle représentait. Dans l'un ou l'autre des cas, ils auraient peut-être à faire face à des ennuis mais ils avaient heureusement les moyens de les affronter. Le demi-elfe, protecteur, s'était rapproché un peu de la rôdeuse et de sa monture pour dissuader les importuns bien qu'il doute que cela suffise. Il fallait espérer que les écuries de l'auberge étaient bien protégées ou que les habitants n'étaient pas malhonnêtes.

[Voyageuse]

Un palefrenier attendait sous le porche de l'auberge, prêt à prendre en charge leurs montures. Ses yeux s'écarquillèrent en voyant Rousse.
" Oh... Vous... vous voulez la mettre à l'écurie ? Je veux dire.... comme ça, sans surveillance ?"
C'était un jeune garçon d'une quinzaine d'année à l'air naïf.

[Kasumi]

Voilà qui confirmait ses craintes concernant la jument de Sylvia... Et qui enterrait quelque peu son projet de profiter enfin d'un bon lit pour la nuit. Car à moins de trouver un vendeur intéressé dans la bourgade - ce qui était peu probable à moins de brader Rousse bien en-dessous de sa valeur - l'un d'entre eux au moins allait devoir rester dans l'écurie pour la surveiller toute la nuit. Une perspective plutôt déprimante.

- J'imagine qu'il n'y a pas vraiment d'autre choix en ville, demanda-t-il au palefrenier avant de se tourner vers Sylvia et d'ajouter d'un ton désolé :
- Je crois que je ferais mieux de rester avec elle...

[Voyageuse]

Déjà, un petit attroupement se faisait autour d'eux. Comme dans tout village de la Trouée, ils étaient tous juchés sur une monture : personne ne semblait jamais aller à pied dans cette région. Mais contrairement à ce qu'imaginait Kasumi, il semblait y avoir des acheteurs potentiels dans le lot...
" Votre jument, elle est à vendre ? Vous en demanderiez combien ?
- Je suis sûre que le Pelé, il l'échangerait contre deux de ses jeunes poulains ! intervint une femme à l'allure imposante.
- Moi, en tout cas, je vous l'échange contre deux juments jeunes et en pleine santé, si vous voulez, proposa un homme au gilet de cuir.
- Et moi, contre deux étalons !" intervint un autre.
L'aubergiste, attiré par le bruit, sortit sur le pas de la porte et embrassa la scène du regard avec une grimace. Il fit signe à Sylvia de se pencher, et lui souffla quelques mots à l'oreille, que Kasumi parvint à peine à entendre. Il comprit néanmoins que l'aubergiste ne pouvait pas garantir la sécurité de la jument dans ses écuries. Il lui conseillait, si elle ne voulait pas risquer de se la faire voler, de la vendre... ou de se faire héberger chez le plus important éleveur du village, où personne n'irait lui chercher des noises.
Mais autour d'eux, la foule était toujours dense.

[Kasumi]

Comme ils ne pouvaient décemment pas savoir quel était le prix réel d'une monture de la félicité et qu'il n'était pas enclin à provoquer une émeute, Kasumi se demanda s'il ne devait pas suivre le conseil de l'aubergiste et aller consulter l'éleveur en question. En outre, il était probable qu'il leur propose un bon prix pour Rousse qui devenait une gêne eu égard aux coutumes étranges des natifs de la trouée. A condition que Sylvia consente à s'en séparer : peut-être s'y était-elle attaché au cours du voyage. Il y avait aussi à prendre en compte que le cousin de l'éleveur de Lunaros ne devait plus habiter très loin désormais. Il échangea donc quelques mots à voix basse avec sa fiancée pour lui demander son avis sur la question.

[Voyageuse]

" Hey, c'est quoi, ces petits secrets qu'ils échangent !
- Ben ils vont faire monter les enchères peut-être....
- Allons, laissez-les un moment, intervint l'aubergiste. Une monture de la félicité, ça ne se vend pas comme ça à la criée !
- Attendez, si ce qu'ils veulent c'est une offre écrite, donne-nous du parchemin !
Et tandis que l'aubergiste faisait passer plume et parchemin, Sylvia put enfin répondre à Kasumi qu'elle ne voyait aucune objection à se séparer de sa monture, mais qu'elle ignorait elle aussi ce qu'elle pouvait en tirer. Jeannot, qui les entendait, donna son avis sur la question, expliquant qu'il fallait vendre Rousse au plus offrant.

Ils se retrouvèrent au bout du compte avec deux offres sur le parchemin : un dénommé Duvelin leur proposait d'échanger Rousse contre deux jeunes juments. Un autre, un certain Lagarde, leur proposait deux étalons d'un an. Evidemment, sans voir les bêtes en question, il était difficile de choisir la meilleure offre. Ils pouvaient également s'enquérir de ce "Pelé", qui était, aux dires de l'aubergiste, l'un des plus gros éleveurs de la trouée, et dont le hara se trouvait à une bonne demi-heure de chevauchée.

[Kasumi]

Kasumi remercia les villageois mais il lui paraissait effectivement extrêmement aléatoire de vendre Rousse en se basant sur les dires des acheteurs uniquement. De plus, s'il fallait assurément remplacer la jument par une meilleure monture pour le restant du voyage et aussi au-delà, avoir encore plus de chevaux à s'occuper n'était pas vraiment dans ses plans pour la suite. C'est donc vers la solution de faire appel à l'éleveur que le demi-elfe choisit finalement de recourir. Peut-être serait-il encore temps, ensuite, de revenir dormir à l'auberge même si les villageois n'apprécieraient peut-être pas son refus.

[Voyageuse]

L'aubergiste leur indiqua la route à suivre -droit vers le nord- et leur indiqua qu'il y aurait de la place dans l'auberge, même s'ils revenaient un peu tard. Le soleil était en effet sur le point de se coucher, et même en galopant tout au long du chemin, ils seraient de retour bien après nuit tombée. Heureusement que le ciel serait claire et que les montures y voyaient à peu près dans l'obscurité...

Ils trouvèrent sans difficulté le domaine du "Pelé" -dont nul n'avait cru bon de leur donner le véritable nom-, un ensemble de bâtiments de plein pied, granges, écuries et habitations. Un homme portant une livrée dans les tons ocre et noir -les couleurs de la maison probablement- vint à leur rencontre.
" Hola, voyageurs ! Il est bien tard pour chevaucher dans la campagne !"

[Kasumi]

Kasumi s'avança le premier vers l'homme qui les avait interpelé. Il le salua avant d'entrer directement dans le vif du sujet : il était tard en effet alors autant ne pas faire perdre de temps à ses interlocuteurs :

- En effet, il commence à se faire tard mais nous avons préféré poursuivre notre route car les villageois nous ont recommandé de venir vous trouver. Nous souhaiterions négocier une affaire ou demander asile s'il est trop tard pour cela.

[Voyageuse]

" Demander asile, alors qu'il y a une bonne auberge au village ?" s'étonna l'homme.
Puis son regard se posa sur Rousse et il fronça les sourcils.
" Ah, je crois que je comprends. Attendez une minute, je vais voir ce qu'en pense mon patron... Mais vous pouvez entrer dans la cour."
Ils passèrent le portail pour pénétrer dans une immense cour carrée qu'encadraient les différents bâtiments du domaine. A peine avaient-ils mis pied à terre que l'employé ressortit, accompagné d'un homme grand, d'âge mûr, au crâne quasiment chauve, qui leur tendit une main avenante.
" Jules me dit que vous souhaitez parler affaire ? Au sujet de cette jument, je suppose ? Mais il est bien tard... Pourquoi ne pas avoir attendu demain ?"

[Kasumi]

Kasumi saisit la main tendue et répondit aux salutations par un sourire franc.

- Disons pour faire simple que nous ne tenions pas à tenter le diable : nous avons failli nous faire voler nos chevaux pendant la traversée des hauts plateaux aussi nous ne voulions pas tenter les éventuels voleurs en laissant Rousse sans surveillance cette nuit. Mais vous avez raison, il se fait certainement trop tard pour que nous puissions conclure une affaire ce soir : vous ne pourriez pas vraiment examiner avec soin la qualité de nos montures.

[Voyageuse]

" C'est exact. Il vaut mieux pour cela attendre demain matin, nous y verrons tous plus clair. La Monture de la Félicité a une description très précise, il faut que je sache si la vôtre y correspond en tout point. Cela dit, si vous craignez un vol à l'auberge, je peux trouver une place pour vos montures dans mes écuries, et même vous héberger pour la nuit. Néanmoins, selon moi, le risque est faible : les juments rousses ne sont pas excessivement rares, il est relativement aisé d'en trouver, d'en acheter, à des prix à peu près raisonnables, et mes concitoyens sont dans l'ensemble d'honnêtes gens. Non, le principal problème que vous risquez de rencontrer, c'est d'être harcelé à tout moment par une nuée de curieux ou d'acheteurs potentiels.
- Sans compter l'Hippogriffe", intervint son employé.
Le Pelé grimaça, mais préféra changer de sujet.
" Va donc conduire les chevaux à l'écurie, toi. J'imagine que votre jeune apprenti veut l'accompagner pour décharger les fontes ?", ajouta-t-il, faisant allusion à Jeannot.

[Kasumi]

La référence à cet "hippogriffe" n'avait pas échappé au rôdeur mais le sujet semblait sensible aussi préférait-il interroger le jeune palefrenier s'il le rencontrait loin de son maître. Quant à la mention de Jeannot, elle le fit sourire car elle lui rappela étrangement sa dernière conversation avec Hef. Toutefois, il entreprit aussitôt de démentir pour ne pas risquer de vexer le jeune natif de la Trouée :

- Jeannot n'est pas mon apprenti : c'est un voyageur que nous accompagnons à Luménis. Mais je ne me suis pas présenté : mon nom est Kasumi et ma compagne s'appelle Sylvia. C'est vraiment très urbain à vous de nous accueillir pour la nuit.

[Voyageuse]

" Je ne vais pas laisser passer l'occasion de faire peut-être une bonne affaire... Mais entrez donc !"
Il les précéda dans le hall d'entrée, les invitant à y laisser leurs armes.
"Maryse ? lança-t-il à la jeune servante qui les accueillit. Va préparer deux chambre pour ces messieurs-dames. Vous avez dîné ?
- Non, avoua Sylvia.
- Et bien venez donc partager notre repas. Nous avions déjà commencé, mais à peine, et il y a sûrement suffisamment de soupe pour tous. Entrez jusqu'au bout..."
Il les conduisit dans une salle à manger où la jeune servante, de retour, ajouta aussitôt deux couverts. A table se trouvait son épouse, son fils et ses deux filles adolescentes, dont l'aînée adressa à Jeannot un sourire charmeur. Il faut dire que l'adolescent, avec son regard bleu clair et ses cheveux dorés attachés en queue, semblait plutôt séduisant de prime abord.

[Kasumi]

Après avoir remis ses armes, le demi-elfe se sentait un peu nu et démuni mais la maison de l'éleveur semblait paisible en tous points. Pendant le repas, Kasumi sentit venir les difficultés d'une direction qu'il n'avait pas anticipé mais il ne pouvait décemment pas se mettre en travers de cette préoccupation qui était tout à fait de leur âge. Il garderait cependant un œil discret sur eux tout en appréciant le repas généreusement offert.

[Voyageuse]

Les nouveaux venus furent l'objet de toute l'attention de la tablée et la discussion ne tarda pas à s'engager. On parla de chevaux, de voyages, des coutumes de la Trouée, de tout et de rien, et surtout pas de l'affaire qu'ils traiteraient le lendemain. L'éleveur mentionna cependant la présence d'une Monture de la Félicité dans leurs écuries, faisant briller les yeux de ses enfants : ce simple fait était sensé porter chance, apparemment, pour les veilles à venir.
L'aînée des adolescentes n'avait d'yeux que pour Jeannot, l'encourageant à parler de leur voyage, et l'adolescent, subitement gauche et intimidé, se montra nettement moins bavard qu'à l'accoutumée. Ce silence ne faisait apparemment qu'augmenter son charme aux yeux de la jeune fille qui, quant à elle, parlait tant et si bien qu'elle se fit rappeler à l'ordre par son père. Il envoya au lit de bonne heure toute la fratrie, et encouragea fortement Jeannot à faire de même, tandis qu'il offrait un dernier verre de gnôle à ses invités. Le jeune homme, docile, obtempéra sans discuter, et la jeune adolescente se fit bien sûr un plaisir de le guider jusqu'à sa chambre.
Resté seul avec Sylvia et Kasumi, l'éleveur les questionna.
" Vous semblez au courant de nos coutumes, du moins de celle concernant la Monture de la Félicité. Seriez-vous en réalité originaires de la Trouée ? Et est-ce le pur hasard qui vous a fait posséder cette monture ?"

[Kasumi]

Kasumi compatit à la maladresse du pauvre Jeannot et espéra que l'adolescent n'aurait pas à souffrir du séjour improvisé chez l'éleveur. L'adolescente qui avait jeté son dévolu sur lui semblait en effet avoir de la suite dans les idées. Cependant, il n'était pas le père du jeune-homme aussi n'avait-il pas l'intention de s'immiscer dans sa vie privée à moins que la démarche ne vienne de lui. Il répondit donc avec plaisir à l'invitation de boire un verre de plus :

- Nous sommes tous les deux natifs de Féérune et plus précisément de Haute-Forêt. Nous avons acheté Rousse purement par hasard à Lunaros avant que la nouvelle ne soit connue probablement. En tous cas, nous n'avons appris que bien plus tard cette coutume de la Monture de la Félicité.

[Voyageuse]

" Et bien, on peut dire que vous avez eu de la chance ! Comme quoi, cette histoire de monture porte-bonheur n'est pas qu'une légende, la preuve ! Mais trêve de plaisanterie. Sachez que je ne dépenserai pas une somme excessive pour l'avoir, parce qu'en, cette saison, mes caisses ne sont pas particulièrement pleines. Peut-être peut-on envisager plutôt un troc, nous verrons. Je sais en tout cas que ce type de jument n'est pas très rare, et je pourrai toujours en acheter une plus tard, sans attendre que les prix montent trop. Ils s'envoleront peut-être l'hiver prochain, dans l'attente de l'équinoxe, sauf s'il y en a trop, auquel cas la spéculation retombera comme un soufflé. Difficile à prévoir... Mais nous en parlerons demain, une fois que je l'aurai vue."
Tout en parlant, il leur avait servi à chacun un petit verre d'eau-de-vie de prune.
" Buvons à la Trouée et à ses coutumes," proposa-t-il.

[Kasumi]

Kasumi surenchérit en ajoutant qu'il buvait aussi aux habitants de la trouée et à leur accueil chaleureux pour les voyageurs. L'eau de vie était forte mais tout de même fruitée et il se promit de ne pas en abuser pour garder les idées à peu près claires. Quant à leur affaire, le demi-elfe n'avait aucune intention de spéculer quitte à prendre des risques. Non, si le prix que proposait l'éleveur était raisonnable et leur permettait de couvrir les dépenses qu'ils avaient engagées, il signerait sans difficultés. Pour l'heure, il n'aspirait plus qu'à un bon lit, luxe que Sylvia et lui ne s'étaient plus permis depuis Lunaros.

[Voyageuse]

S'avisant de leur fatigue visible, leur hôte ne prolongea guère la veillée, et chargea son employée de les conduire à leur chambre.
Celle-ci était un peu exiguë, mais le lit était confortable. Ils apprirent que Jeannot se trouvait dans la pièce voisine, d'où ne s'échappait aucun bruit sinon celui d'une respiration un peu forte, et régulière. Apparemment, la fille de l'éleveur n'avait pas poussé l'insistance jusqu'à s'immiscer dans sa chambre.
Une fois seuls, Sylvia lui sourit avec tendresse.
" Mon amour... J'ai l'impression qu'il y a une éternité qu'on ne s'est pas retrouvés en tête à tête ! Humm... Il faut fêter ça, qu'en dis-tu ?", ajouta-t-elle avec un clin d'oeil suggestif.
Elle veillait néanmoins à ne pas parler trop fort.

[Kasumi]

Kasumi n'avait évidemment rien contre cette idée bien au contraire : il fallait simplement veiller à ne pas faire trop de bruit. En réponse à l'invitation de la rôdeuse, il l'embrassa avec tendresse avant de la débarrasser avec douceur de sa tunique et de l'entraîner vers le lit à grand renfort de baisers et de caresses sensuelles. Non, il n'était pas fatigué, pas encore...

[Voyageuse]

La soirée fut tendre et passionnée, et la nuit parfaitement reposante. Le lit était confortable, le matelas moelleux, il régnait un calme aussi profond qu'en pleine nature -les petits crissements des insectes en moins.
Le lendemain matin, on leur servit un petit déjeuner succulent, à base de lait, de miel et de fruits. Bien sûr, l'aînée des filles avait tenu à être présente, et faisait la conversation à Jeannot que la situation semblait un peu embarrasser. Ses joues avaient pris une couleur rose foncée du plus bel effet.
Leur hôte -dont ils ignoraient toujours le nom, mais que tout le monde semblait désigner par son surnom- fit son apparition alors qu'ils terminaient de déjeuner.
" J'ai vu vos bêtes, annonça-t-il sans préambule. Elles ne sont plus toutes jeunes, mais elles sont d'une race robuste. Et votre jument correspond effectivement au portrait de la Monture de la Félicité de l'année. Je ne sais pas si elle vous a porté chance, mais elle va assurément attirer les regards et les convoitises ! Cela dit, vous n'aurez bientôt plus à vous en soucier, puisque dans deux jours vous aurez quitté la Trouée.
- Déjà ? s'exclama Sylvia. Je ne rendais pas comte que nous avions autant avancé...
- Vous êtes à moins d'une demi-veille de Luménis, avec de bonnes montures. Mais donc, si vous voulez vendre votre jument à un prix avantageux, c'est le moment où jamais. Une fois à Luménis, on ne vous en accordera certainement pas un aussi bon prix !"

[Kasumi]

Kasumi avait bien l’intention de vendre Rousse plutôt que de tenter le diable pour un profit bien minime. Restait toutefois à savoir quelle offre l’éleveur était susceptible de leur faire. Si celle-ci lui paraissait honnête, il ne perdrait que peu de temps à marchander mais il ne pouvait pas savoir dans quel état d’esprit était Pelé. Il ne dévoila donc pas son jeu en répondant simplement et d’un ton neutre :

- Comme vous avez eu l’amabilité de nous héberger pour la nuit, il me parait convenable de vous laisser nous faire une offre.

[Voyageuse]

" Comme je vous l'ai dit, je ne vais pas vous faire une offre mirobolante sous prétexte que c'est une Monture de la Félicité. Certes, cela va faire monter les cours, mais tout de même pas de façon astronomique."
Il réfléchit un instant.
" Je pourrais vous l'échanger contre un jeune étalon de bonne race et rajouter vingt pièces d'or. Ou contre une jument, et ajouter trente pièces d'or. Il vous faudra bien une monture pour terminer votre périple, non ?"

[Kasumi]

L’offre n’était pas vraiment mirobolante mais il y avait sans doute moyen de tirer bénéfice de la rencontre s’ils s’y prenaient bien. Il avait prévu de revendre Eclair quand il aurait récupéré Ombrage à Luménis mais ils auraient encore besoin d’un bon cheval pour Sylvia. Echanger Rousse contre une monture robuste et un peu d’or pour couvrir une partie de leurs frais jusqu’ici n’était donc pas une si mauvaise affaire. Il se tourna donc vers la rôdeuse et lui adressa un sourire :

- Nous allons choisir le cheval qui te plaira et nous verrons quelle compensation financière nous pouvons avoir en plus. Il faut bien que tu gardes la même liberté de mouvement que moi après tout !

[Voyageuse]

Sylvia paraissait ravie de la proposition. L'éleveur les accompagna au-dehors, les guidant jusqu'à un vaste pré. Une douzaine de chevaux s'y ébattaient, étalons et juments. Dans un autre pré à côté, plus petit, se trouvaient de tous jeunes poulains avec leur mère. La journée s'annonçait radieuse, et les bêtes, curieuses de voir de nouveaux visiteurs, se pressèrent contre la barrière.
L'intérêt de Sylvia se porta immédiatement sur deux bêtes : une jument noire à la crinière argent, et une autre, alezan, aux crins assortis à sa robe. Les deux paraissaient en pleine santé, et l'éleveur précisa que la première avait trois ans, et la seconde tout juste deux ans. Il devina, à sa réaction, que celle jument-ci était de tout premier choix.