La Couronne de Cuivre

Titoeil, fasciné par la conteuse hocha la tête avant de se souvenir qu'on lui avait demandé quelque chose.

Pardon, j'étais distrait. Elle est douée n'est-ce pas ? Une tarte aux pommes, bien sûr que j'en ai. Accompagnée d'un petit coulis de framboise dont vous me direz des nouvelles."

Eliessan, finissant son histoire fut copieusement applaudie.

"Hé bien, dit-elle avec un sourire, y a-t-il quelqu'un qui veuille prendre la suite le temps que je désaltère mon gosier assoiffé ?"

Eliessan avait relevé la tête avec un grand sourire. La voix était douce, agréable, et assez jeune. Elle semblait venir d'un peu bas. Une petite personne ou un enfant. Qu'importe. Point besoin d'être grand pour conter.

"Merveilleux, dit elle sans se départir de son sourire, je vous laisse la place. Juste avant de commencer, pouvez-vous, gentil conteur nous dire qui vous-êtes ?"

Ce disant, elle se leva et attrapa sa canne à tâtons.

"Quand vous-même aurez le gosier sec, permettez-moi de vous offrir une pinte de hâle. Elle fait partie des meilleures que je connaisse."

Titoeil rosit de plaisir.

Amaryllis sourit à la proposition.

"Avec plaisir !"

Elle songea que ce serait sans doute là l'occasion de deviser sur quelques anecdotes. Les bardes voyageaient beaucoup, ils avaient toujours quelque chose à raconter, et c'était généralement des personnes avec qui il était agréable de discuter. Sans se départir de son sourire, la jeune halfeline grimpa sur la chaise, posa ses pieds sur le barreau et ouvrit le livre devant elle. Puis, levant les yeux vers la conteuse et vers le reste de la salle, elle s'éclaircit la voix et commença :

"Je m'appelle Amaryllis Gandépine. Je vais vous raconter l'histoire d'un voyage, qui mena jusqu'à la lune."

Joignant le geste à la parole, elle baissa les yeux et commença à lire. D'abord avec application, puis elle rentra peu à peu dans l'histoire, et bientôt, elle n'eut plus besoin de texte pour conter l'aventure, comme si elle-même l'avait vécue, en compagnie de ses deux héros.

"... à jamais gravé dans leurs mémoires."

Amaryllis referma le livre, et leva ses yeux encore plein d’étoiles vers les clients. Le silence dura une poignée de secondes, puis quelques applaudissements épars vinrent le rompre, chassant l’expression rêveuse de la jeune halfeline, faisant monter le rouge à ses joues.

"Je suis contente qu’il vous ait plu."

Un sourire aux lèvres, elle se tourna vers la barde. Sa bouche était sèche d’avoir tant parlé et elle songeait que si l’invitation tenait toujours, elle l’accepterait avec joie. Elle aperçut alors les larmes s’échapper des yeux aveugles de la conteuse pour s’écouler le long de ses joues. Elle rangea rapidement son livre dans son sac, sauta sur ses pieds, puis elle s’approcha d'elle.

"Pourquoi pleurez-vous ?"

Son histoire ne lui semblait pourtant pas si triste. D’autant moins qu’elle se terminait somme toute plutôt bien pour les deux héros. Mais peut-être un détail avait-il rappelé à la jeune femme...Soudain prise d’un doute affreux, l'halfeline ajouta :

"Oh, j’espère que je n’ai pas réveillé de souvenirs difficiles avec mon histoire !"

HRP: suite du retour de Ela à Manost

[en provenance de la cordonnerie]

Ela marcha tranquillement vers le Loyal Paladin, elle avait besoin de réfléchir. Pourquoi ce rendez-vous ? Théoden savait qu’elle n’affectionnait pas particulièrement les auberges, il devait avoir une bonne raison pour la faire venir autre que celle de fêter leur retour à Manost autour d’une bière avec ses amis paladin.

Ce haut lieu de Manost n’avait pas mauvaise réputation, son ambiance chaleureuse et la qualité de ses services n'était plus à faire. Comme dans toute taverne digne de ce nom, l’alcool est y largement consommée surtout en soirée. Ela se sentait très mal à l'aise dans ce genre de situation en raison des effets de ces boissons euphorisantes qui délient les langues et embarquent leurs consommateurs dans des conversations inhabituelles. Ce malaise était suremment du à son jeune âge et son manque d'expérience en la matière.

Une fois la porte franchie, Ela scruta rapidement la salle, et se dirigea droit vers la table de Théoden.

Théoden accuillit Ela avec un grnad sourrire:


"Bonsoir Elanor, comment vont tes parents?"


"Fidèles à eux même et en parfaite santé Maitre."


Ela n'osait pas lui poser la question qui lui brulait les lèvres et attendait, avec impatience, qu'il poursuive la conversation.

Théoden poursuivit.

"Il est heureux qu'ils aillent bien, avec un léger sourire, tous les pieds de Manost dépendent d'eux. Comme nous dépendons de tous les paladins pour maintenir l'ordre et la paix dans notre belle ville."

Il se tut quelques instants, le temps de laisser Elanor peser ses paroles.

"Et aujourd'hui, je pense que tu en as l'étoffe. C'est pour cela que j'ai décidé de te présenter au Coeur Radieux. Mais ne vas pas trop vite en besogne. Ils ont pour coutume de tester le courage et la loyauté de leur recrues au moyen d'épreuves. J'ignore quelle sera la tienne. Mais je pense que tu en viendras à bout ..."

Ela resta sans voix. Elle n’en croyait pas ces oreilles, l’ordre du cœur radieux, l’illustre confrérie des paladins réputée pour son rôle majeur dans le maintient de la paix aux siens des différents royaumes de Toril. Quelle que soit cette épreuve, elle se sentait prête à l’affronter.
Son maître la fixait avec un sourire amusé, attendant sa réponse.

« C’est un honneur pour moi Maître, je vous remercies d’avoir soumis ma candidature et je vous promets d’être digne de votre confiance. »

Enfin, elle allait se voir confier une mission digne de ce nom. Quel serait ces compagnons, Théoden en ferait il partie ou devrait-elle exécuter cette épreuve seule ? Elle était impatiente d’en savoir plus.

Elie avait séché ses larmes d'un revers de la main. Un geste plutôt gracieux, presque aérien. Au son de sa voix, elle avait reconnu la jeune conteuse, mais aussi un soupçon d'inquiétude. Elle se morigéna pour n'avoir pas caché ses larmes. En pleurant, elle lui gâchait son plaisir. Mais elle ne savait que trop répondre. La jeune femme lui était étrangère. Et elle n'allait pas l'encombrer avec ses fantômes.

"Ne vous en faites pas, dit-elle avec un léger sourire, ce n'étaient que quelques larmes, rien qui vaille la peine qu'on s'en encombre. Quant à vous, vous êtes une excellente conteuse. Voulez-vous vous installer avec moi pour déguster votre hâle ?"

**

A coté d'eux, Théoden souriait toujours. La détermination de sa jeune novice faisait plaisir à voir. Mais il ne s'en étonnait pas. Depuis le début, elle avait toujours été ainsi. Et il l'épaulerait autant qu'il le pourrait.

"Mais avant, dit-il, même les meilleurs paladins commencent leur journée par un solide déjeuner. Qu'en dis-tu ? Ainsi, je pourrai te parler de tout ce que je sais sur les épreuves "

L’admiration qu’elle lisait en cet instant dans les yeux de son maître la fit rougir jusqu’à la racine des cheveux. Théoden était un maître attentif et bienveillant, leur rapport avait toujours été franc et chaleureux, tel père et fille. Elle éprouvait pour lui une confiance sans borne.

« Un bon déjeuner ne serait pas superflu je crois »

Jusque là Ela avait fixé son attention sur la raison de ce rendez-vous, ignorant les protestations de son estomac. Théoden fit signe à l’aubergiste pour passer commande.

Amaryllis hocha gravement la tête mais n’ajouta rien au sujet de ces larmes. Elle ne voulait surtout pas paraître impolie en insistant, ou, pire, rendre la conteuse plus triste qu’elle ne pouvait déjà l’être. L’occasion ne lui en fut de toute façon pas donnée. Le compliment la fit rougir de plus belle et la ramena à son histoire, puis au verre promis.

"Oh, bien sûr, avec grand plaisir. Et je ne sais pas vous, mais je l'accompagnerais volontiers d'une part de tarte aux pommes..."

Sans se départir d’un sourire fraîchement éclot sur son visage, elle grimpa sur la chaise la plus proche. Elle croisa ses bras sur la table, sans seulement sembler réaliser qu'ils lui arrivaient à hauteur de visage, et leva les yeux vers la conteuse. Une expression apaisée avait remplacé ses larmes, rassurant du même coup la jeune halfeline qui en profita pour reprendre la parole :

"Vous êtes une barde, n'est-ce pas ? Vous devez connaître énormément d'histoires alors..."

Théoden avait fait signe à Titoeil qui s'était approché, un grand sourire aux lèvres. Il aimait bien voir les nouveaux venus dans sa taverne. Et qu'ils soient paladins ne gâchait rien du tout. Bien au contraire. Et la jeune fille qui accompagnait le paladin était bien jolie.

"Alors, qu'est-ce que ce sera ?, demanda-t-il avec un sourire, si mes yeux ne me trompent pas, vous êtes paladins ? Et mademoiselle est nouvelle venue dans l'ordre ? Moi aussi, j'ai failli entrer au coeur radieux, mais ils n'ont pas voulu de moi. Ils craignaient que je fasse de l'ombre à leurs paladins."

**

Elie avait hoché lentement la tête.

"Du temps où je voyais, je lisais énormément. Et puis, j'ai fini par me lancer, conter mes propres histoires. J'y ajoutais quelques chansons. Et je crois que le public aimait. Aujourd'hui, j'avoue, les mots ne me viennent presque plus. Inventer est difficile. Je raconterais d'abord pour mes enfants. Aujourd'hui, j'ai perdu ma motivation."

Elle soupira.

"Oh, vous avez des enfants ?"

Si tel était les cas, ça n’avait pas l’air de la rendre très heureuse. Elle paraissait même plutôt mélancolique. Un instant, la jeune halfeline se demanda si elle avait bien fait de poser la question, elle songea que peut-être, ces enfants étaient partis et, surtout, qu’ils lui manquaient. Mais une autre idée lui traversa l’esprit, éclipsant la première.

"Vous savez, j’arrive d’un endroit, très loin d’ici, il doit bien y exister des contes que vous n’avez jamais entendus. Si vous voulez, je pourrai vous les raconter. Peut-être que cela vous remotivera ou vous fournira un regain d’inspiration pour inventer de nouvelles histoires ?"

Elie avait ouvert la bouche pour répondre mais s'était interrompue. Non, parler de ses enfants n'était pas facile. Elle n'avait toujours pas accepté, surtout de leur survivre. C'est d'elle qu'ils auraient dû se souvenir bien des années plus tard, et non l'inverse. Mais heureusement, elle n'avait aucun sang elfique. Sa vie s'éteindrait, et ses souvenirs avec. Elle répondit lentement, cherchant ses mots

"J'avais deux enfants. Un garçon et une fille. Mais ils sont ... partis si loin qu'aucune histoire ne les retrouvera jamais. Sans eux, la vie est devenue difficile. Je n'ai plus vraiment l'envie. Je raconte des histoires mais je n'en ai plus le goût. Pardonnez-moi, je suis pitoyable."

Et pendant ce temps là quelques tables plus loin:

« Je suis Théoden Bienveillant, paladin du cœur radieux et voici mon élève, Elanor Alfirin »

« Cette jeune damoiselle ne va pas tarder à passer les épreuves de sélection, si je ne m’abuse ? » demanda Titoeil en faisant un clin d’œil à Elanor.

« Vous devinez fort bien, je viens de proposer mon apprentis à mes supérieurs » lui répondit Théoden avec un sourire entendu.

Elanor écoutait patiemment la conversation, oscillant entre la sympathie que lui inspirait l’aubergiste et son impatience à vouloir poursuivre sa conversation avec son maître. Il lui tardait de savoir en quoi consiste ces épreuves du cœur radieux.

"Alfirin, ce nom ne m'est pas inconnu?"

"Les parents de ma protégée ont une cordonnerie dans le quartier des Arcanes"

" Forcement, où avais-je la tête, Mr Alfirin fabrique les meilleurs bottes de Manost. Je discute, je discute, quel bavard je fais, vous devez être affamé, avez-vous choisi ou souhaitez vous un conseil ? "continua Titoeil

« Nous prendrons deux portions de ragoût, deux chopes de votre meilleur bière ainsi que deux part de tarte au pomme si vous en avez. » demanda Théoden.

« Très bien, je vous apporte tout ça » dit l’aubergiste en s’éloignant.

Enfin Ela allait pouvoir reprendre la conversation avec Théoden

« Parlez moi des épreuves du cœur radieux maître. A quoi devrais-je m’attendre ? »

Théoden hocha la tête, soudain pensif.

"En général, ils ne font rien qui mette en danger la vie de leurs aspirants, sauf cas de force majeure. De mon coté, j'ai été associé à une troupe de paladins aguerris pour combattre une horde de druides noirs. C'était il y a longtemps. Mais ne t'inquiète pas, il n'y a plus aucune invasion depuis longtemps. Souvent, aussi, ils veulent que les novices acquièrent aussi en méditation et spiritualité. Et aussi, qu'ils apprennent à rester courageux et dignes face à la peur."

"Oh non, vous n'êtes pas pitoyable !"

Amaryllis avait prononcé ces mots avec conviction. La réalité du drame qu'avait du vivre la conteuse l'avait frappée. Une ombre passa dans son regard. L'espace d'un instant, elle fut assaillie par une très désagréable impression de déjà-vu. Le temps d'un battement de cil, l'impression disparut, remplacée par un écho lointain qui s'estomperait aussi rapidement qu'il était venu. Comme si de rien n'était, la jeune halfeline leva les yeux, toute son attention reportée vers son interlocutrice.

"On dit que tout passe, avec le temps, que même les blessures les plus profondes se referment."

La phrase était banale, passe-partout. Elle l'avait entendue maintes fois et, sans en être parfaitement convaincue, sentait qu'elle avait sa place dans cette situation. Alors qu'elle attendait une réponse, ou du moins une réaction de la conteuse, son estomac se rappela à son bon souvenir par l'intermédiaire d'un gargouillis assez peu discret. Sentant ses joues s'empourprer, elle baissa les yeux vers la table et balbutia un mot d'excuse, espérant malgré elle que la part de tarte ne se ferait plus trop attendre.

Elie avait sourit, nullement dérangée par les vociférations de l'estomac de sa jeune interlocutrice. Au contraire, avec un petit sourire, elle fit signe à Titoeil et commanda une autre part de tarte. La faim était une bonne maladie.

"Vous avez raison, les blessures se referment, finit-il par dire d'une petite voix, mais chaque nuit, je crois entendre la voix de ma fille, avant que je plonge dans le sommeil. Et même la nuit. Je sais que ce n'est qu'une hallucination. Mais elle me fait trop mal."

La conteuse venait de finir de parler lorsque l'aubergiste revint avec deux parts de tarte aux pommes. Amaryllis regarda la sienne d'un oeil gourmand. Les pommes étaient dorées à point, légèrement caramélisées. La pâte, tout aussi dorée, paraissait délicieusement croustillante, et le coulis de framboise, très parfumé, dessinait de jolis et appétissants filaments roses sur toute la surface de la tarte. Elle en avait l’eau à la bouche et du faire un effort presque surhumain pour répondre à la conteuse avant de commencer à manger.

"Et vous êtes...sure, que ce n’est qu’une hallucination ? Peut-être que vous entendez quelqu’un dont la voix ressemble à celle de votre fille. Ou alors..."

Une pensée venait de lui traverser l’esprit. Et s’il s’agissait d’un...esprit ? Elle se revit, pendant une seconde, de nombreuses années en arrière, lorsque ses frères lui racontaient des histoires de fantômes pour lui faire peur. A chaque fois, ça marchait, et pendant plusieurs nuits, elle dormait mal, se réveillant en sursaut au moindre bruit...

Mais c’était que des histoires...

"Non, rien...Dites, je sais pas si vous avez entendu, mais l’aubergiste nous a apporté nos parts de tarte. Et elles ont l’air délicieuses..."

Pendant ce temps, Elanor réfléchissait à ce qu’elle devrait affronter. Etait-elle vraiment prête ?Depuis qu’elle était rentrée au service de son maître au temple, elle avait pu développer sa spiritualité et s’adonner à la médiation. Elle s’était aussi montrée courageuse dans tout ce qu’elle avait entrepris donc pour elle, il lui restait plus qu’à affronter la peur et surtout voir comment elle gérerait un combat contre de vraies ennemis. Elle avait hâte de tester ces capacités : passer à l’action et mettre en pratique ces années d’études.

L’aubergiste revenait vers eux avec un plateau bien garni. Il déposa devant eux deux assiettes de ragoût fumant et deux chopes de bière.

« Bon appétit Mr’s dame » leur dit Titoeil. Les voyants en pleine conversation, il vaqua à ces autres occupations.

« Quand devait vous me présenter à l’ordre du cœur radieux ? »

Le visage d'Elie s'était fait anxieux. Elle aussi avait envisagé toutes les hypothèses, même celle que sa fille était vivante et n'osait pas venir lui parler autrement que la nuit. Qu'elle était plus morte que vivante et attendait là, tapie dans l'ombre que le soleil se couche. Elle avait guetté chaque bruit, de longues nuits durant. Mais sa fille ne semblait venir lui parler que lorsqu'elle sombrait dans le sommeil.

"C'est peut-être juste un rêve", dit-elle doucement.

**

Théoden eut un sourire ému. Cet empressement, cette vivacité. C'était lui au même âge. Plein d'espoir et d'idéaux. Il pria intérieurement pour que la jeune femme qu'il avait en face de lui conserve sa fraîcheur le plus longtemps possible. En suite, l'usure et la routine viendraient, accompagnées de désillusions. Pourvu que ce ne soit pas encore.

"Hé bien, ils nous attendent demain en fin d'après midi. En attendant, j'aimerais que tu te recueilles et que tu prennes du repos. Même si je le sais, ça ne sera pas facile."

"Peut-être oui..."

Son ton était songeur. L’air anxieux de la barde lui avait presque fait oublier sa part de tarte. Sa fille devait vraiment beaucoup lui manquer, si elle en rêvait ainsi toutes les nuits. La jeune halfeline réalisa que la conteuse n’avait fait aucune mention de son fils, et la question qu’elle se posa alors franchit ses lèvres avant qu’elle ait eu le temps d’y réfléchir :

"Vous n’entendez jamais votre fils avant de dormir ?"

Elle se la reprocha aussitôt et rougit jusqu’aux oreilles, songeant que si la barde n'en avait pas parlé, peut-être n’était-ce pas juste un oubli, peut-être qu'elle n'avait juste pas envie d'aborder le sujet...

"Enfin...je veux dire...si vous ne vous voulez pas en parler, je comprends très bien... "

Le sourire ému de Théoden la fit rougir, « demain après midi » ces mots raisonnaient dans sa tête tel un éco. Elle n’aurait pas à attendre longtemps, et ce délai allait lui permettre de faire une bonne nuit de sommeil pour avoir l’esprit clair.
Titoeil revient vers eux pour ramasser les assiettes et leur apporter deux grosses parts de tartes au pomme. Ils continuèrent leur conversation tout en dégustant leur déssert.

«J’allais complètement oublier de vous parler de la dernière trouvailles de mon père »

« Ton père est un génie dans son domaine, qu’a-t-il mis au point cette fois ? » dit Théoden, intrigué.

« Des bottes de bataille à pointes rétractiles, j’ai pensé que ça pourrait nous être utile »

« Il faudra que je passe commande. Il est tant pour moi de vaquer à mes occupations et pour toi d’aller méditer sur ton avenir et de te reposer avant l’entrevue de demain »

Théoden se leva et voyant Elanor sortir sa bourse, se tourna vers elle : « laisse c’est pour moi, allez file ».

« merci maître, à demain »

Elle sortit en sifflot. Elle prit instinctivement le chemin de la maison familiale afin de leur annoncer la bonne nouvelle.

Elie s'était renfermée, l'espace de quelques instants. Non, elle n'entendait pas son fils. Quand elle rêvait de lui, elle essayait de le poursuivre pour voir son visage. Mais il se dérobait sans cesse. Elle courait derrière lui, l'appelait. Mais il fuyait toujours devant, refusant de se montrer. Son image lui semblait chaque jour plus floue.

Son petit bonhomme, son lutin. Comme il lui manquait ...

"Non, dit-elle doucement, je n'entends jamais mon fils."

"Une troisième part de tarte ?", tenta d'ironiser Elie.

Mais la bonne humeur n'y était pas. La jeune femme avait les sourcils froncés, et une fossette inquiète marquait le coin de sa joue. Son interlocutrice avait un je ne sais quoi dans sa voix quand elle parlait de son frère ... Il avait changé.

Et, au son de la voix de la jeune fille, ce n'était pas pour du mieux. Quelque chose en lui l'avait fait fuir.

"J'espère qu'il n'a pas été méchant avec vous. Qu'il ne vous recherche pas pour vous faire du mal", finit-elle par dire gravement.

Elle se tut un long moment, comme elle en avait l'habitude.

"A-t-il disparu à un moment donné ? En quoi vous a-t-il paru changé ?"

Elie avait senti la panique dans la voix d'Amaryllis. Elle l'avait entendue bouger, une once de panique dans la voix. Son frère était-il la pour la persécuter encore ? Que lui avait il fait pour l'effrayer ainsi ?

Elle avait essayé de la tranquilliser, sa voix s'était faite douce. C'était plus fort qu'elle. En dépit de ce qu'elle s'était imposé. Même si l'histoire ne la concernait pas, elle la faisait sienne. Elle voulait aider. N'avait-elle pas assez avec ses problèmes ? Non, il fallait qu'elle s'en mêle.

"Dans tous les cas, vous êtes en sécurité à Manost, s'entendit-elle dire, si votre frère tentait de vous faire quoi que ce soit, je vous protégerai."

Elle saisit la portée de ses mots.

"Je sais, il y a mieux, mais je suis sincère."

"Idiote, Elie, idiote", se morigénait-elle intérieurement.

Etait-ce seulement possible, que son frère l'aie poursuivie jusqu'à Manost ? Elle ne savait trop qui croire, de sa peur ou de sa raison, mais les paroles de la conteuse la touchèrent. A n'en pas douter, c'était quelqu'un de bien, et son infirmité rendait son geste d'autant plus beau, courageux.

"C'est vraiment très gentil. J'aimerais rencontrer plus de gens comme vous..."

Et ce n'était pas pure politesse de sa part, elle était sincère. Elle la connaissait à peine, mais elle l'admirait déjà.

"Je ne peux pas vous proposer grand-chose, en retour. Mais si vous avez besoin de moi, je serai là, soyez-en sûre."