La Couronne de Cuivre

Le jeune chevalier était déjà sur le pied de guerre, de même que son équipe. Équipe qu'il avait judicieusement constituée : trois éclaireurs, dont l'un des chefs de groupe désignés par Conrad, et une poignée de soldats aguerris, avec un sous-officier à leur tête. Le tout formait une escouade de petite taille, certes, mais qui devrait, selon toute vraisemblance, se révéler efficace et adéquate pour la tâche envisagée. Quant à Gaspard, il se tenait évidemment à la disposition d'Hubert au cas où celui-ci veuille lui donner quelques conseils ou consignes supplémentaires.

Hormis l'enjoindre à la plus extrême prudence, Hubert n'avait pas réellement de conseils. Il lui semblait crucial d'éviter la confrontation, histoire de laisser l'ennemi dans le doute quant à leurs intentions et ne pas risquer de représailles sur les prisonniers. Pour le reste, il faisait parfaitement confiance au jeune homme et à son équipe pour remplir la mission qui était là leur.
Il alla donc réveiller Albérich qui émergea de son sommeil avec une mine vaseuse, mais retrouva rapidement sourire et allant. Ensemble, ils purent donc rejoindre les profondeurs et présider au départ de l'escouade.

Laquelle s'éloigna sans un regard en arrière.
Pas de risque qu'elle se perde : les éclaireurs savaient se repérer dans les tunnels et, par acquis de conscience, Gaspard avait vérifié l'itinéraire sur le plan trouvé à la bibliothèque.
Bientôt, la lueur de leurs torches disparut, l'écho de leur pas s'atténua pour devenir inaudible...
Hubert et Albérich étaient seuls devant les portes de leur refuge.

Les deux hommes ne s’éternisèrent pas dans le couloir et regagnèrent les replis protégés du palais. Ils avaient probablement deux bonnes heures devant eux, le temps de faire mille et une choses encore. Hubert avisa le tonneau qui lui avait servi de siège plus tôt dans la journée et s’y jucha. Albérich resta debout, incertain.
« Tu vas attendre ici ?
— Attendre ici ou là, ma foi… Je commence à avoir mes petites habitudes. »
Le Luménien sourit et posa une main sur son épaule.
« Ne t’en fais pas, nous allons trouver une solution. Les instituteurs travaillent dur au décryptage des symboles… Ils finiront par identifier celui de ces portes.
— Et nous serons alors vulnérables. Non, j’aimerais mieux que les Paludiers qui rentrent, ou Marthe, aient aussi le sang qu’il faut.
— Les aasimars sont relativement rares.
— Mais ils existent.
— Bien sûr. »
Il n’y avait pas place pour deux personnes sur le tonneau, mais Albérich prit l’initiative tout à fait cavalière de poser les fesses sur le genou du paladin. Celui-ci grimaça de surprise, puis l’enserra de ses bras et posa la joue contre son dos. Aussitôt les battements tranquilles du cœur de son ami retentirent dans son oreille et il se sentit apaisé.
« Hier soir, commença Albérich, j’ai été… visité… par Lathandre. »
Hubert se raidit mais ne dit rien.
« Je ne m’en suis pas rendu compte d’emblée, et j’ai eu des propos sombres et durs… peut-être sacrilèges… Je pensais parler à Thibault. »
Il haussa les épaules, Hubert demeura muet.
« J’ai été rappelé à l’ordre. Mais encouragé aussi. Notre dieu a foi en notre entreprise, en nous, en la victoire que nous allons remporter sur l’ombre. C’est un message que je dois diffuser et une conviction qui doit guider ma main et mon esprit. Cela ne signifie pas que nous allons prévaloir quoi qu’il arrive. Nous sommes les instruments du Seigneur de l’Aube, toi, moi, Gabriel, mais aussi chacun des membres de la communauté lorsqu’il œuvre pour la lumière. »
Le Luménien se retourna légèrement pour regarder le paladin dans les yeux, et lui toucha le visage.
« J’ai vraiment retrouvé Lathandre, désormais. En pouvoir et en âme. »
Hubert acquiesça et ils s’embrassèrent du bout des lèvres.
« Et j’ai un peu trouvé Sunie aussi, sans doute. » ajouta le Luménien sur un ton facétieux.
Le paladin rit doucement, puis serra le clerc plus étroitement. Giovanni avait eu raison : Albérich avait fait une expérience mystique. Il n’en était que plus heureux que son ami ait décidé de lui en parler.
« Lathandre… t’a-t-il dit ce qu’il convenait de faire ?
— Voyons, Hubert… C’est le propre des dieux de nous inciter sans nous contraindre. Nous sommes des agents, pas des marionnettes. »
Son sourire se fit mutin.
« Mais je crois que Lathandre verrait d’un bon œil que nous allions visiter la salle voisine. »
Il se leva et entraîna le paladin à sa suite. Celui-ci ne comprit où il voulait en venir que lorsque, une fois le seuil franchi, Albérich se pressa contre lui pour l’embrasser avec fièvre.
« Est-ce bien raisonnable ? demanda le paladin tandis que le Luménien glissait les mains sous les pans de sa chemise.
— Etre raisonnable n’est pas lathandrite. Il faut rêver, oser, risquer ! » rétorqua le clerc.
C’était une justification aussi bonne qu’une autre et Hubert ne chercha plus à parlementer. Depuis l’attaque de la forteresse, ils avaient dû limiter leurs étreintes et le paladin ne fut pas surpris de sentir son corps réagir à la proximité de son aimé avec la violence d’un torrent libéré du gel. Ses sens s’embrasèrent au contact de la peau tiède du Luménien, le désir s’épanouit dans son ventre, et il succomba avec joie à son élan. Sous ses doigts, il avait l’impression qu’Albérich vibrait d’une énergie formidable, qui attendait d’être sublimée. Il repoussa sa chemise, souleva la tunique de son amant, leurs poitrines s’épousèrent et leurs souffles se mêlèrent, bouche à bouche, dans le creux de la gorge, de l’oreille, lèvres contre nuque puis épaule, il faisait froid pourtant, mais ça n’avait aucune importance, car le feu bruissait dans leurs organismes, impérieux.
Hubert prit conscience — indistinctement — que les choses pourraient aller plus loin que d’ordinaire. Une part de lui voulut s’en défier, Albérich n’était pas prêt, il ne fallait pas brusquer les choses. Mais l’autre était emportée par le merveilleux mouvement de leur étreinte, et son corps ne lui répondait qu’à moitié, exigeant de toucher, d’embrasser, de prendre ce qui lui était dû, ce dont il avait rêvé depuis des mois, sans pouvoir rien en faire sinon se résigner, gémir, espérer. Il abandonna la lutte. Albérich ne résistait pas, l’invitait au contraire, s’offrait sans mesure, peut-être inconscient de l’endroit où il les emmenait.

Ils étaient nus, désormais, toujours debout, et la fièvre les avait emportés l’un et l’autre. Albérich s’était intégralement livré au plaisir de ses sens, sans plus réfléchir à rien d’autre qu’à ce qui lui venait d’instinct. Il avait l’impression d’entrer dans un monde qu’il avait toujours cherché sans le savoir, et chacune des sensations qui le secouait était parfaite, inouïe, presque nécessaire. Hubert le guidait avec douceur et urgence, le caressait en des lieux interdits, révélant des secrets dont le Luménien n’avait jamais eu conscience, et qu’il espérait ne jamais oublier. Il se livra sans la moindre crainte, répondit aux sollicitations sans frémir, sut sans vraiment le mesurer que l’instant critique était sur le point de se produire.
Puis la souffrance se mêla brusquement à l’extase et il étouffa un cri dans le creux de son coude. Mille choses explosèrent en même temps, son cœur s’arrêta un instant, reprit sa course folle, il frémit des orteils au crâne, prisonnier volontaire des bras du paladin. La respiration d’Hubert était rauque, plus ample, il se retourna contre lui et ils se laissèrent glisser jusqu’au sol, où ils s’assirent, dos au mur. Plusieurs spasmes animèrent encore le clerc, il posa la tête sur l’épaule de son compagnon, et celui-ci le serra avec force.
« Je suis désolé, souffla finalement Hubert.
— Désolé, pourquoi ? » demanda Albérich.
Tout son corps lui semblait engourdi. Il devinait que la douleur reviendrait, mais pour l’heure, c’était une sensation qui lui était complètement étrangère. Il embrassa le paladin dans le cou.
« Je… je n'avais pas prévu ça comme ça… C’était un peu… brutal… pour une première fois…
— C’était formidable, surtout ne t’excuse de rien. »
Le paladin rit doucement.
« Tu ne manques pas de fougue, en fait. »
Albérich rit en retour.
« Tu m’imaginais coincé et pudibond ?
— Je t’imaginais parfait. Et tu es parfait. Je suis comblé comme je ne l’ai jamais été. »
La déclaration du paladin laissa le clerc silencieux une seconde, puis il se redressa légèrement pour l’embrasser. Ils s’enlacèrent et demeurèrent l’un contre l’autre un long moment, avant de se détacher. Albérich lui sourit doucement.
« Ce n’est que l’aube. » murmura-t-il.
Hubert acquiesça, manifestement ému. Ils s’embrassèrent une seconde fois puis se relevèrent à regret. Raisonnable n’était pas lathandrite, mais un certain temps avait déjà dû s’écouler, et ils devaient revenir à la réalité. Aussi se rhabillèrent-ils rapidement et regagnèrent-ils le couloir. Sans doute serait-il bientôt nécessaire de contacter Marthe pour savoir si les deux groupes s'étaient retrouvés.

Pour l'heure, en tout cas, le couloir était désert.
Désert et silencieux.
Si désert et si silencieux qu'Albérich et Hubert auraient pu se croire seuls au monde, perdus au milieu de ruines millénaires depuis longtemps désertées des vivants...
Ce n'était qu'une impression, bien sûr : le reste de la Communauté n'était pas loin.
C'était une impression tenace, néanmoins.

" Je vais aller voir Thibault pour lui demander s'il lui reste des sortilèges de communication... Je ne voudrais pas griller mon dernier trop tôt, dit le Luménien. Est-ce que j'ai une mine acceptable ?"
Disant cela, il tenta d'aplatir ses cheveux. En face de lui, Hubert rougit spectaculairement. Il s'éclaircit ensuite la gorge.
" La mine, ça va. Mais... hum... l'odeur, par contre... Avec un expert comme Thibault... Tu ferais peut-être mieux de commencer par un rapide passage aux thermes..."
Le Luménien s'empourpra à son tour.
" Ah... Je n'avais pas pensé à ça... Oui... Je vais faire ça."
Avec un sourire pétri d'embarras, il repartit rapidement vers les étages.

Il trouva les thermes déserts et la salle commune silencieuse.
Tout le monde ne dormait pas, mais ceux qui souhaitaient veiller pour bavarder encore un peu s'étaient déplacés vers des salles proches, afin de ne pas déranger les dormeurs.
Les dormeurs, Thibault en faisait partie, si bien que le clerc dut le secouer doucement par l'épaule.
-Je fais des efforts pour me caler sur le rythme lathandrite et donc me coucher plus tôt... et voilà que tu me réveilles au beau milieu de la nuit... grommela le Sunite. Ça confine au sadisme...

" Désolé, murmura Albérich. J'aurais dû penser à te parler avant que tu te couches. Je me demandais s'il te restait encore un sortilège de communication à distance en mémoire... Je voudrais contacter Marthe, mais je veux être certain que nous avons de quoi le faire une seconde fois s'il y avait un problème ensuite..."

-Bien sûr que j'ai des sortilèges de communication en réserve : j'en garde sous le coude au cas où et puisque tu n'as pas voulu que je contacte ma hiérarchie...
Il le fixa un instant, fronça les sourcils.
-Et... Depuis quand fréquentes-tu les thermes en pleine nuit ? Tu avais peur que je te taquine sur le peu de soin que tu prends de toi ?

Albérich vira au pivoine. Heureusement, il faisait sombre.
" J'ai eu... une journée chargée... Je prends le temps quand je le trouve." se défendit-il.
Il se sentait encore tout à fait bizarre, comme si les fibres de son corps refusaient de retrouver leur place originelle. Et curieusement, il ne ressentait toujours aucune douleur. Le pouvoir du bonheur était décidément immense.
" Mais tu peux te rendormir. Je viendrai te chercher si nous avons besoin de toi."

-Me rendormir en sachant qu'il y a un risque que je me fasse à nouveau arracher au sommeil ? Hors de question : ce serait par trop désagréable.
Il sourit.
-Je vais bien trouver une façon de m'occuper jusqu'à ce que cette histoire soit réglée. Et même si je suis complètement vanné demain matin... Bah, il existe des méthodes pour palier à pareils désagréments.

" Comme tu voudras, dit le Luménien. Je pense cependant que les chances que tu sois encore dérangé sont maigres. Il n'y a pas de raison que les choses se gâtent : Marthe est bien entourée et Gaspard sait ce qu'il a à faire..."
Il souhaita ensuite bonne nuit au Sunite et regagna les profondeurs pour faire une sortie dans le couloir, Hubert sur les talons, et lancer son sortilège. Avec un peu de chance, la jonction entre les deux groupes aurait déjà eu lieu.

La contact ne tarda pas à être noué.
Et, cette fois, Marthe fut d'emblée moins avarde en mots.
Aucun incident à signaler : nous avons rejoint l'autre groupe et nous progressons dans les tunnels. Nous serons bientôt là.

Formidable. Restez vigilants. Nous vous attendons.
Il se tourna ensuite vers Hubert.
" Ils sont en route."
Le paladin acquiesça.
" Autant rester dans le couloir." proposa ce dernier.
Ils demeurèrent silencieux quelques secondes.
" Tu es toujours inquiet de la revoir ?"
Albérich sourit dans un soupir.
" Oui. Même en faisant abstraction des conditions dans lesquelles nous nous sommes quittés... Tant de choses ont changé, depuis."
Il haussa lentement les épaules.
" En même temps... Nous sommes désormais dans l'urgence. Nous serons capables de remiser le passé pour aller de l'avant et faire le nécessaire."
Il se tourna vers les ténèbres du couloir et se tut. Hubert n'ajouta rien et ils demeurèrent en attente, aux aguets.

Les minutes succédèrent aux minutes, interminables.
Toujours ce silence profond, toujours ce sentiment d'isolement...
Puis, tout à coup, Albérich vit quelque chose luire dans les ténèbres, au-delà du halo de lumière projeté par la torche.
Deux yeux luisants qui les fixaient intensément.
Si la vision pouvait paraître inquiétante, ça n'était nullement le cas pour Hubert qui, grâce à ses étranges capacités, pouvait également voir leur propriétaire.
Il s'agissait du lynx de Varamyr, qui s'était faufilé jusqu'à eux sans qu'ils l'entendent venir.

Albérich fit un pas en arrière mais Hubert posa une main tranquille sur son épaule.
" Ils sont là. C'est le lynx de Varamyr."
Le Luménien relâcha sa respiration.
" Ouvrons tout de suite le passage. Il est inutile de traîner dans le couloir."
Le paladin s'exécuta aussitôt.

Le lynx ni ne rebroussa chemin, ni ne franchit la porte : il les dépassa pour s'avancer plus avant dans le tunnel, sans doute pour vérifier qu'aucun ennemi ne venait de ce côté-là.
Une ou deux minutes plus tard, le reste du groupe faisait son apparition : d'abord Gaspard et une partie de ses hommes, puis l'ambassade des Paludiers, au sein de laquelle Albérich et Hubert eurent bien du mal à distinguer leurs propres plénipotentiaires, tout le monde étant vêtu de la même façon. Enfin, un éclaireur et quelques soldats fermaient la marche.
Personne ne parla, personne ne s'arrêta : on passa l'ouverture, laquelle fut refermée sitôt que le lynx s'y fût à son tour faufilé.

Albérich s'immobilisa dès qu'ils furent en sécurité.
" Bienvenue en nos murs, annonça-t-il, tout en cherchant Marthe du regard. J'aurais aimé que nous puissions vous recevoir sous de meilleurs auspices, mais votre arrivée est assurémentun soulagement pour nous tous."

-Les Landes sont imprévisibles : y voyager est prendre un risque, atteindre sans entrave sa destination une bénédiction et y être accueilli un réconfort.
La réponse était venue d'une femme âgée : le visage ridé, les cheveux blancs comme neige, elle se tenait pourtant bien droite et paraissait encore pleine de vigueur. Marthe était debout à ses côtés : elle avait légèrement maigri, ce qui rendait ses traits plus sévères encore qu'à l'accoutumée. Pour autant, elle paraissait en bonne santé et... on ne peut plus déterminée.
-Albérich, Hubert, je vous présente Freya, membre du conseil des Anciens du clan des Dents Grises. Freya, voici Albérich Megrall et Hubert de Maleval, membres du Conseil de la Communauté, fit la juge, solennelle.

Ignorant quels étaient les us des Paludiers en la matière, Albérich s'inclina poliment, imité par Hubert. Il aurait bien étreint la juge avec chaleur, mais il avait l'impression que cela aurait été déplacé, vu les circonstances.
" Dame, c'est un honneur de vous accueillir parmi nous. Nous sommes reconnaissants au Clan des Dents Grises d'avoir répondu à notre appel." dit sobrement le clerc.
Bien sûr, les circonstances avaient complètement changé, mais leur situation n'était pas beaucoup mieux engagée que quelques veilles plus tôt.

Freya, en guise de salut, s'était contentée d'incliner la tête.
-La survie en ces parages réclame d'entretenir de bonnes relations avec les gens de bonne volonté, répondit-elle. Il s'agit donc d'une démarche dont nos groupes respectifs peuvent potentiellement sortir tous deux renforcés. Pour le reste, appelez-moi par mon prénom : nos mœurs sont simples, de même que notre mode de vie.

" Très bien, dit le Luménien, avec un sourire calme. Vous avez sans doute envie de vous poser et de vous restaurer. Nous pouvons monter au rez de chaussée. Les lieux sont pour le moins... spectaculaires, vous allez le voir... La plupart des gens dorment déjà, mais nous avons suffisamment de salles pour que vous puissiez vous mettre à votre aise. Des thermes aussi, si certains veulent se laver."
Hubert avait pris la tête du cortège et faisait signe à Gaspard d'approcher. Sans doute voulait-il un rapport de l'opération.

Le rapport du jeune chevalier fut fait en peu de mots : ils n'avaient rencontré aucun ennemi, que ce soit aux portes ou durant leurs deux trajets à travers les tunnels, et la mission s'était donc déroulée au mieux, sans la moindre anicroche.
Les splendeurs de l'étage ne laissèrent pas de marbre les Paludiers, Albérich et Hubert le virent bien. Pourtant, ils n'en laissèrent pas paraître grand chose. Même Marthe laissa peu entrevoir ses sentiments à l'égard des lieux.
Lorsque le groupe parvint à proximité de la salle commune, Freya s'enquit d'une salle vide où ses compagnons et elle-même pourraient s'installer. Peut-être ne voulait-elle pas déranger les colons, à moins qu'elle ne veuille rester dans son rôle d'ambassadrice en ne se mêlant pas à eux... Elle demanda également où puiser de l'eau.

Albérich ne savait pas exactement comment se comporter avec Freya, et il espérait que Marthe pourrait servir de lien entre la communauté et les Paludiers, compte tenu de son expérience les concernant. Il leur dénicha une salle sans difficultés, s'enquit de leurs besoins en nourriture, leur indiqua où trouver de l'eau. Il se demandait quelle serait l'attitude de Marthe, si elle rejoindrait les colons ou si elle s'était désormais intégrée à ses compagnons de route.
De son côté, Hubert se posait sensiblement la même question, mais concernant Varamyr. Le rôdeur avait été un interlocuteur précieux, quoiqu'inquiétant, au fil de la route, et il voulait a minima le saluer.

Tous deux ne tardèrent pas à obtenir une réponse.
Laquelle fut identique.
Après avoir échangé quelques mots à voix basse avec Marthe, Freya souhaita la bonne nuit à ses hôtes puis rejoignit ses compagnons dans la salle qui leur avait été attribuée. La juge demeura en arrière, de même que Varamyr. Celui-ci s'agenouilla devant son lynx et lui parla à l'oreille : sans doute lui donnait-il des consignes ou tentait-il de l'apaiser.
Être enfermé dans un bâtiment n'était probablement pas l'idéal, pour un félin...

" Il y a un jardin, dit Hubert. Si tu veux qu'il puisse... profiter d'un peu d'herbe. Des oiseaux aussi... Je peux te montrer."
Qui ne devaient plus avoir vu de prédateurs depuis des millénaires.
Albérich se sentait complètement gauche, hésitant sur l'attitude à adopter avec la juge.
" Est-ce que... une tasse de thé te tente ?"

Varamyr marqua une nette hésitation.
-Je crois que le mieux est que je le laisse dans les caves : il y causera moins de dégâts que dans les jardins ou que dans ces salles si richement meublées... Demain, si j'en obtiens la permission, je le laisserai se dépenser dans les souterrains : il se trouvera bien un accès discret vers la surface.
Pour sa part, Marthe, qui semblait tout aussi embarrassée que son interlocuteur, n'hésita pas un seul instant.
-Une tasse de thé m'irait très bien. Tu pourras en profiter pour m'expliquer la situation plus en détails.

" Par ici." dit le Luménien en l'invitant à le suivre vers la cuisine.
C'était un endroit vaste et chaleureux, ils pourraient s'installer près de l'âtre pour bavarder. Il devinait qu'Hubert voudrait s'entretenir un moment avec Varamyr... et qu'il ne tenait pas forcément à être présent lors de leurs premiers échanges. Il abandonna donc le paladin avec le paludier et précéda Marthe. Une fois dans la cuisine, il lui tira un tabouret devant les flammes du foyer, puis mit de l'eau à chauffer avant de choisir ses feuilles dans leurs réserves. Il s'assit une minute plus tard, sans que son embarras n'ait réellement diminué.
" Tu es partie il y a si longtemps, je ne sais même pas par où commencer." avoua-t-il finalement.

-Le mieux est sans doute que tu t'en tiennes pour l'heure au présent : quel est cet endroit, qui s'y trouve, qui est mort, qui est prisonnier, de quelles forces et de quels moyens disposent nos adversaires, ce que nous avons à leur opposer... Bref, tout ce qui me permettra de me forger une opinion sur notre situation et sur la façon d'y remédier. Ainsi serai-je en mesure de vous rejoindre au Conseil dès demain et de mener avec vous les négociations avec nos invités.
Elle marqua une pause.
-Mais avant que tu ne commences, j'ai déjà une bonne nouvelle : Ézéchiel et trois de ses éclaireurs s'en sont tirés. Ils sont avec les deux hommes des Dents Grises et observent les mouvements des Ithiliens.

La nouvelle était surprenante et excellente, effectivement. Hubert serait ravi de savoir que le rôdeur avait survécu.
" Comment êtes-vous tombés sur lui ? C'est tout à fait... stupéfiant. Et dis-moi ce qu'il t'a raconté, je comblerai les trous."

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue