La Couronne de Cuivre

" Il a vraiment très fort disparu, dit Titus. Et je crois qu'il est capable, oui. Je ne le connais pas encore très bien, mais je crois qu'il est capable de tout."
Baptiste, les yeux plissés, essayait de comprendre, mais ses notions de sylvestre n'étaient certainement pas suffisantes pour comprendre.
" Après, s'il a trouvé quelque chose d'intéressant au hasard de sa grimpette, il a aussi pu changer d'idée. J'ai l'impression que c'est aussi son genre."

-Croisons les doigts pour que tu aies vu juste.
Lui-même n'y croyait guère : aussi intéressante soit-elle, une découverte n'aurait pas retenu Victor toute une nuit...
-Je vais gagner les hauteurs, histoire de voir si je ne m'inquiète pas pour rien.
Il répéta la phrase en commun puis s'en fut grimper à la corde.

Lorsqu'il atteignit la plateforme, Wilmarin s'y trouvait déjà, la mine concentrée. Manifestement, le pixie avait devancé le barde et expliqué au maître des lieux la teneur de sa visite.
" Il semblerait que vous ayez perdu l'un de vos enfants, si je suis bien. Je vais interroger les arbres. Mais j'ai le sentiment qu'ils m'auraient prévenu si un intrus avait élu domicile dans les hauteurs. Les oiseaux, les insectes... Tout l'équilibre des lieux serait perturbé. Ce n'est pas le cas et j'en déduis que votre gamin a pris la poudre d'escampette. Mais nous pouvons vérifier, bien sûr."

-Je préférerais que nous vérifiions, oui. Du moins si cela ne vous dérange pas trop, répondit-il d'un ton découragé.
Car même s'il tenait à vérifier, il pensait connaître la réponse. Et il songeait déjà à tout ce qu'elle impliquait : il allait devoir se ruer sur les traces du môme à travers la Lorien, en croisant les doigts pour qu'il n'ait pas été tué par une bête sauvage ou par les elfes ; si ce n'était pas le cas, si ces derniers ne l'avaient pas non plus capturé, c'est la Vallée fertile qu'il devrait passer au peigne fin, avec tous les risques que cela impliquait.
La démence de Victor allait-elle le conduire jusqu'à la forteresse, à nouveau, où il aurait toutes les chances d'être abattu ? Ou il n'aurait d'autre chiox que de se rendre, si son fils avait été pris ? C'était malheureusement probable.
Maudit mioche. Trois fois maudit.
Et si contre toute attente l'histoire se finissait bien, une chose était certaine : ça allait chauffer pour le matricule du jeune Desmoulins.
Sacrément chauffer.

Maître Wilmarin se porta jusqu'au tronc du chêne et posa les mains à plat sur l'écorce. Il ne murmura que quelques mots, à voix basse, il n'y eut ni lumière, ni fumée, ni grandes incantations. Il demeura immobile quelques secondes, et le seul indice que quelque chose de magique était en train de se dérouler fut que ses mains devinrent un instant brunes et parcheminées, comme si elles appartenaient à l'arbre. Puis elles reprirent leur couleur normale et le vieil elfe recula.
" Il est passé, il est parti."
Il ne paraissait pas le moins du monde surpris.

-Merci : au moins, à présent, je sais avec certitude ce qu'il en est.
Le barde soupira.
-Et il ne me reste donc plus qu'à me lancer à sa recherche.
Il se sentait à la fois furieux, inquiet et découragé. Mais au moins n'avait-il pas de questions à se poser quant à la suite des opérations.

" Vous auriez dû me laisser les pétrifier, remarqua Wilmarin. Les petits humains sont... parmi les créatures les plus butées de Toril, et même des Plans réunis. Enfin, ce qui est fait, est fait. Si vous partez... Qu'allez-vous faire des trois autres ? Ai-je la permission de les... canaliser, cette fois ? Ou bien allez-vous les emmener avec vous ?"

-Compte tenu de la situation dans la vallée, y retourner est quasiment du suicide : je ne peux donc pas leur faire courir un tel risque. Pour le reste...
Il secoua la tête.
-Si Victor était le seul humain que je connaissais, je partagerais sans doute votre avis sur sa race, même s'il a des circonstances atténuantes. Cependant, tous ne sont pas comme ça. Baptiste, par exemple, dont je suis certain qu'il ne vous a causé aucun tracas, est un garçon calme, obéissant, patient... Presque trop, en fait. Marius, je le connais à peine, mais je pense que sa peur des elfes suffira à le faire tenir tranquille. Quant à Titus... Et bien, ce n'est pas un humain.
Il pinça les lèvres.
-Vous avez déjà fait beaucoup pour moi en acceptant de garder les enfants en votre domaine, et je comprends que la perspective de les garder encore vous ennuie, surtout en ne les soumettant à aucun sortilège. Mais peut-être pourrions-nous discuter d'une compensation : je ne suis pas un ingrat et si je suis en mesure de vous rendre quelque service, je le ferai volontiers.

Wilmarin secoua la tête.
" Honnêtement, ils peuvent rester, mais je pense que vous vous fourrez le doigt dans l'oeil si vous pensez que les autres, surtout le plus grand, vont vous laisser repartir en acceptant de rester assis sur une souche d'arbre pendant trois jours ou trois veilles. Qu'il y ait des humains calmes et posés, je ne le nie pas, j'en ai connu de nombreux au fil des ans. Mais il restera toujours en eux quelque chose d'indocile, c'est ainsi. Ils ne savent pas attendre, et c'est normal : ils n'en ont pas le temps."

-C'est sûr que Baptiste va finir par s'ennuyer... Ne serait-il pas envisageable que je vous achète ou que je vous loue un livre ? Mon fils adore la lecture et, plus largement, il a soif de connaissances : il apprend déjà le sylvestre grâce à Titus et n'a pas manqué une occasion de se familiariser avec l'elfique... Avec un livre entre les mains, il serait ravi. Et je précise qu'il est particulièrement soigneux...
L'idée de les pétrifier, lui et les autres, ne lui plaisait vraiment pas.

" Je ne vous parle pas de bouquin, bon sang ! Par les flèches de Corellon, vous êtes certain que vous connaissez vraiment les êtres humains ?"
Wilmarin leva les yeux au ciel.
" Des bouquins. Prenez le bouquin que vous voulez, ça m'est égal. Enfin, sauf s'il vibre d'énergie ou qu'il luit bizarrement. Ceux-là, il vaut mieux ne pas les toucher... Mais vous ne viendrez pas dire ensuite que je ne vous avais pas prévenu."

Lui aussi avait levé les yeux au ciel.
-Ce que je voulais dire, c'est que si je lui fournis de quoi s'occuper utilement, il n'aura pas l'impression de perdre son temps et acceptera donc peut-être plus facilement de rester ici en attendant que j'aie sauvé son frère. Ce serait également un moyen pour lui de tromper en partie son inquiétude. Or, il adore lire, adore s'instruire... Mais je vais en parler avec lui auparavant.
Ah, évidemment, Victor ne s'était pas un seul instant préoccupé des complications - et des craintes - que susciteraient sa fuite stupide.

" Bonne chance, dit Wilmarin, sans ironie. Tenez-moi au courant du nombre qu'il faut surveiller. La babysitter pourrait se lasser."
Il y eut du mouvement dans les feuilles, mais c'était impossible de dire s'il s'agissait du vent ou du pixie. Ce dernier, s'il était encore présent, demeurait silencieux.
Le vieil elfe battit en retraite vers sa cabane, laissant tout le loisir à Taliesin de regagner le plancher des vaches, de retrouver les enfants et de choisir ses mots.

Furieux contre Victor et en même temps très inquiet pour lui, Taliesin s'efforça d'adopter une attitude posée lorsqu'il rejoignit la marmaille. Néanmoins, il choisit de ne pas tourner autour du pot.
-Victor s'est bel et bien enfui et je vais devoir le rattraper, annonça-t-il d'un ton calme. Malheureusement, cela signifie aussi qu'il va vous falloir demeurer ici jusqu'à notre retour.

Aucun des trois enfants ne parut surpris à cette nouvelle.
" Je viens avec toi ! s'exclama Baptiste d'un ton presque belliqueux, signe clair qu'il s'attendait à ce qu'on le lui interdise.
— Moi aussi !" dit Marius avec enthousiasme.
Titus les dévisagea avec une grimace incrédule puis haussa les épaules.
" Alors moi aussi."

-Les gars...
Il allait falloir être diplomate. Très diplomate. Mais au moins, avec eux, peut-être cela avait-il une chance de marcher.
-La vallée est désormais un endroit extrêmement dangereux. Peut-être même les gens y sont-ils sur le pied de guerre : si l'incident à l'abbaye a été présenté comme une attaque des elfes, ils doivent en redouter d'autres et seront encore plus méfiants qu'à l'ordinaire vis-à-vis des étrangers. Et nous ne pourrons y compter sur l'aide de personne : impossible de savoir comment nous recevraient Mona et Yann si nous nous présentions chez eux, et le demi-elfe de Champsdor qui nous as soutenus... Il n'est pas impossible qu'on l'ait déjà arrêté ou, au moins, qu'on le surveille, ce qui veut dire que notre arrivée chez lui risquerait de lui attirer de sérieux ennuis.
Il répéta sa tirade en sylvestre, pour que le petit faune puisse la comprendre. Puis il reprit en commun :
-Baptiste, pas mal de gens t'ont déjà vu en ma compagnie : si tu es reconnu, ça tournera mal. Et c'est encore pire pour toi, Marius : les faux Chauntéens te connaissent et feront tout pour te capturer à nouveau, afin d'éviter que tu révèles ce que tu sais de leurs méfaits. Quant à toi, Titus... Tu as déjà constaté les réactions de certains habitants quand ils te rencontrent.
Nouvelle traduction.
-Aller là-bas sera dangereux pour moi. Cependant, j'ai un anneau qui me permet de changer d'apparence, je peux aussi me rendre invisible, sans compter les autres sortilèges à ma disposition : je devrais donc réussir à m'en tirer, à passer inaperçu. Mais vous ? Non, il vaut vraiment mieux que vous restiez ici, conclut-il dans les deux langues.

" C'est justement parce que tu ne peux compter sur personne qu'il faut que je vienne avec toi, dit Baptiste, sans s'en laisser compter. Tout seul, à quoi vas-tu arriver, sinon à te faire tuer ? Moi je suis un gosse. Personne fait attention aux gosses. Et en plus, ce n'est pas comme si on retournait dans le village de Yann et Mona. En fait, je devrais y aller sans toi, c'est ça qui serait le plus raisonnable. Toi tu es un elfe que tout le monde recherche. Moi je suis juste un enfant. Je ne risque rien. Je suis d'accord pour Titus. Marius, je ne peux pas juger. Mais moi ? Je te serai utile."
Marius croisa les bras.
" Je peux me déguiser aussi. Et je suis plus silencieux que lui. Et ils ne m'ont attrapé que parce que je voulais bien. Je pensais qu'ils étaient gentils. Puis je connais déjà bien les lieux, moi. C'est aussi pratique. Et puis de toute façon, je reste pas dans cette forêt d'elfes sans toi. Ils vont me bouffer."

Peut-être n'aurait-il d'autre choix, au final, que de les faire pétrifier. Mais cette idée lui déplaisait tant qu'il refusa d'abandonner aussitôt la voie de la diplomatie.
-Marius, les elfes de la Lorien ne mangent pas davantage les enfants que moi-même : ils interdisent simplement aux humains d'entrer dans leur forêt. Mais en l'occurrence, tu as la permission de rester dans la chênaie de maître Wilmarin et tant que tu y demeureras, aucun mal ne te sera fait, je te le jure. Victor, Baptiste et Titus ne sont-ils pas indemnes alors même qu'ils ont séjourné ici plusieurs jours ? Par ailleurs, il est vraiment important que tu restes à l'abri car, grâce aux informations que tu détiens, nous avons une chance de faire condamner les personnes malveillantes qui résident à l'abbaye. C'est pourquoi je compte te présenter à mon ami des services secrets luméniens : ton témoignage est irremplaçable et l'aide que tu leur apporteras pourrait bien faire de toi une sorte de héros. Si tu retournes dans la vallée, en revanche... Les faux Chauntéens ont toute les chances de te capturer à nouveau, aussi discret puisses-tu être : ils ont une puissante magie à leur disposition et n'hésiteront pas à s'en servir pour te retrouver, justement pour t'empêcher de témoigner.

Baptiste afficha un air satisfait : que la conversation ait tourné sur Marius semblait parfaitement lui convenir. Ce dernier ne paraissait qu'à moitié convaincu.
" Rester coincé dans une forêt ? Avec rien à faire et à manger des racines et des... des trucs qui viennent des arbres ? Combien de temps ? Sinon tu me laisses juste partir ? Je te suis pas, je te promets. Mais là, franchement... Je parie que c'est un elfe, en plus, ton copain des secrets. Ça me dirait bien d'être un héros, mais je vois pas bien ce que je pourrais dire pour ça. C'est pas comme si j'avais sauvé une princesse."

Il tenta de pousser son avantage.
-Tu sais, transmettre des informations peut être aussi utile qu'agir : c'est d'ailleurs le rôle de bien des agents secrets et, sans eux, bien des missions seraient tout bonnement impossible. Pour le reste, je sais que rester ici n'est pas l'idéal. D'un autre côté, ce ne serait que pour quelques jours. Et puis... Combien d'humains peuvent-ils se vanter d'avoir séjourné dans la Lorien ? Pas beaucoup, crois-m'en.

" Quelques jours ? dit Marius avec une grimace sceptique. Ça va durer bien plus que quelques jours... Et si tu te fais tuer ? Est-ce qu'on pourra partir ?"
Il se tourna vers le faune.
" Lui, il habite ici, et il cause aux insectes. Baptiste, il va aller avec toi. Moi, on s'en fiche, j'ai l'habitude, mais je n'ai pas l'intention de remplacer une prison par une autre."

-C'est justement parce que je me soucie de toi que j'insiste pour que tu demeures ici, en sécurité. Et sois rassuré, tu ne devras pas rester ici plus de quelques jours : au cas où il m'arriverait malheur, je laisserai des consignes à maître Wilmarin afin qu'il vous téléporte dans le sud, Titus et toi, et je vous dirai à qui vous adresser. Mais je reviendrai : je reviens toujours, tu peux demander à Baptiste.
Il soupira.
-Cette situation n'est idéale ni pour moi, ni pour notre hôte, ni pour vous, j'en suis bien conscient. Mais s'il vous plait, pour qu'on puisse sortir de cette mauvaise passe, pour que tout cela se termine bien, j'ai besoin de votre coopération.
Et de repenser à la stupidité de Victor qui les avait mis dans la panade jusqu'au cou.
Comme s'ils avaient eu besoin de cela...

Marius ne paraissait pas convaincu.
" Je veux voir que tu lui demandes, et je veux qu'il le promette, même si je ne sais pas si on peut faire confiance à un elfe... On ne peut déjà pas faire confiance aux adultes de manière générale, alors..."
Baptiste intervint, cette fois.
" Tu peux lui faire confiance, à lui.
— Tu dis ça, mais toi, il va te prendre avec. Alors c'est facile, évidemment."

Ça, ça restait à voir. Mais mieux valait ne pas le dire tout de suite.
-Marius... Je comprends que tu sois méfiant mais est-ce que les faits ne parlent pas en ma faveur ? N'ai-je pas fait preuve de bienveillance à ton égard lorsque nous t'avons croisé pour la première fois sur la route, puis lorsque je t'ai retrouvé, à l'abbaye ? N'ai-je pas laissé mes propres enfants ici, signe que c'est un lieu sûr ? Et si malgré tout, tu n'arrives pas à croire en ma bienveillance, dis-toi simplement que j'ai besoin de toi. S'il devait m'arriver malheur, mon seul réconfort sera que grâce à ton témoignage, les crimes des faux Chauntéens ne resteront pas impunis. Ce qui ne pourra arriver que si j'ai pris des précautions afin que tu sois en mesure de témoigner, donc de partir d'ici.

" Je comprends rien à ton histoire de faux Chauntéens, dit Marius. Et ça change rien au fait que je veux voir l'autre elfe dire qu'il me laissera partir. Tu dis que tu as mis tes enfants en sécurité, mais la sécurité, c'est... ennuyeux, la preuve c'est que Victor est parti. Et tu dis que tu es gentil, mais tu voulais quand même me mettre dans un orphelinat. Donc je suis pas sûr de ce que tu dis. Tu racontes des histoires de Gérard de Berge comme si c'était formidable, mais après, tu veux qu'on reste à s'ennuyer entre les arbres géants. Moi je crois pas que Gérard de Berge aurait été d'accord."
Il croisa les bras et soupira.

Taliesin ne put réprimer un profond soupir.
Était-il devenu incapable de convaincre qui que ce soit ? Les enfants s'ingéniaient-ils à donner raison aux elfes ?
Il commençait vraiment à se poser la question.
Mais il n'allait pas encore rendre les armes.
-Mais ce sont des histoires, Marius. Elles sont là pour vous distraire, pour vous faire rêver, pas pour vous pousser à vous mettre en danger. De plus, Gérard de Berge est un adulte, non un enfant. Dans un monde bien fait, aucun enfant ne devrait être livré à lui-même, ne devrait être confronté à des monstres ou à des gens malintentionnés. Alors oui, ce monde n'est pas bien fait, mais ça n'empêche qu'il y a quand même des adultes pour se souvenir que leur rôle est de protéger les enfants.
Il se tut quelques instants, cherchant ses mots.
-Si je vous demande de rester ici, ça n'est pas par plaisir, ça n'est pas parce que ça me plait que vous vous ennuyiez : c'est pour vous protéger, c'est parce que c'est le seul endroit sûr aux environs. Alors oui, c'est pénible de devoir rester ientre ces arbres plusieurs jours. Mais est-ce que ça ne vaut pas mieux que d'être dévoré par une bête sauvage, ou capturé par des gens qui te veulent du mal ?

Marius parut hésitant.
" Sans doute que si." dit-il finalement.
Puis il eut un sourire.
" Mais un monde comme tu dis, avec des enfants qui ne sont jamais en danger et qui ne doivent pas se débrouiller, c'est encore plus des histoires que Gérard de Berge. Gérard de Berge, je trouve que c'est très réel, en fait. Je pensais d'ailleurs qu'il existait. Il existe pas ?"

-Ce n'est pas impossible qu'il existe ou qu'il ait existé, même si la légende a forcément embelli et rendu plus épique la réalité.
Il sourit à son tour, désireux de profiter de cet instant de relative détente.
-Ce qui est sûr, c'est que Gérard de Berge et les autres personnes dont on vante les exploits sont des gens bien entraînés, bien préparés et très expérimentés. Car à côté d'eux, il existe une foule d'aventuriers anonymes dont personne n'attendra jamais parler, pour la bonne et simple raison qu'ils ont abandonné ou sont morts trop vite, cela parce qu'ils se sont engagés sur cette voie à la légère, trop précipitamment, sans être prêts... Voilà pourquoi, même si cela paraît plus ennuyeux sur le moment, il est indispensable de faire preuve d'un peu de patience, de prendre le temps de fournir ses armes et ses capacités avant de partir pour de grandes aventures : c'est le meilleur moyen pour en connaître beaucoup et leur survivre.

" En même temps, si on reste chez soi, on n'apprend rien, remarqua Marius. Toi, par exemple, je suppose qu'il a bien fallu que tu commences à un moment ou un autre."
Il haussa les épaules.
" Mais soit. Je veux bien rester. Si je reçois une couverture de plus, qu'on a quelque chose à manger, et qu'il y a quelque chose de prévu si tu ne reviens pas. Sinon, franchement, j'aime autant tenter ma chance tout seul. Jusqu'ici, ça ne m'a pas trop mal réussi."

Enfin, si l'on exceptait sa capture par les gens de l'abbaye...
-Ne t'en fais pas : il y aura quelque chose de prévu au cas où je ne revienne pas. Mais j'ai bien l'intention de revenir, crois-m'en.
Il se tourna alors vers Titus et insista, en sylvestre, sur le fait qu'il prendrait des précautions au cas où les choses devraient mal tourner pour lui.
-Ainhoa t'a confié à moi et je ferai tout pour être digne de sa confiance, conclut-il. Alors ne t'en fais pas : quoi qu'il advienne, tu ne seras pas oublié et on trouvera la meilleure solution possible pour toi.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] La Vallée Fertile