La Couronne de Cuivre

Baptiste acquiesça.
" C'est difficile de lire à une main, remarqua-t-il, sans émotion particulière. Il me faudrait aussi une sorte de pince pour bloquer les pages ensemble."
Pour le reste, la plupart des librairies se trouvaient au nord de la ville, autour de l'université et de la bibliothèque. Ils pouvaient toujours fouiner dans le quartier commerçant, ou interroger les badauds pour en trouver une plus proche, mais c'était sans garantie.

L'elfe réfléchit quelques instants.
-On a qu'à faire un tour dans les boutiques du quartier, pour voir si on trouve sinon une pince, au moins de quoi en bricoler une. Puis on fera un saut à l'Ombre de l'Arbre, au cas où Victor y soit revenu, et on enchaînera par le quartier de l'université. Enfin, si ce programme te va.
De quoi occuper une bonne partie de l'après-midi.

" D'accord, dit Baptiste. Mais tu imagines aller chercher une pince chez qui, au juste ?"
Il était interdit.
" Je dois avouer que je n'ai pas d'idée très claire, sinon j'aurais déjà parlé de ça à la ferme..."
Ils avaient atteint l'esplanade, toujours aussi encombrée et bruyante, et de là, pouvaient aisément s'engager dans le quartier des commerces du port...

HRP : tu peux faire la transition dans le sujet ad hoc

Arrivant de l'Ombre de l'Arbre en compagnie de Victor, Taliesin reprit le même itinéraire qu'au cours de l'après-midi en direction du quai où était amarré le Redoutable, navire sur lequel ils devaient embarquer et dont ils souhaitaient rencontrer le capitaine. L'elfe espérait que ce serait quelqu'un d'agréable et de relativement coulant : cela rendrait la traversée plus simple, surtout pour les enfants. Enfin, en particulier pour celui qui était pour l'heure à ses côtés.

Lorsqu'ils arrivèrent au pied du Redoutable, il n'y avait plus personne sur le quai, mais la passerelle était toujours déployée et il leur suffit de crier pour attirer l'attention de quelqu'un à bord. Un jeune homme en bras de chemise, la peau brunie par le soleil, descendit à leur rencontre et écouta leur requête.
" Oh, le capitaine... Il n'est pas à bord à cette heure. Il rentre beaucoup plus tard que ça, en général... Mais je peux passer le message que vous êtes venus.. Vous aviez quelque chose à lui demander en particulier ?"

Il secoua la tête.
-Non non, rien de spécial : la personne avec qui je me suis entretenu cet après-midi et qui nous a permis de réserver nos places à bord m'avait simplement conseillé de revenir dans la soirée pour faire la connaissance du capitaine. Mais peut-être pourriez-vous m'indiquer un horaire auquel j'aurai plus de chances de le croiser ?

Le jeune homme grimaça.
" En général, quand on est à quai, il est peu à bord... Il profite de Luménis, vous voyez..."
Il jeta un oeil à Victor, puis sourit.
" Je pense que c'est aussi bien si vous le rencontrez quand on part."

Le barde, qui avait suivi le regard du marin, fronça les sourcils.
-J'espère qu'il n'a rien contre les enfants, car il y en a deux, avec moi... Et je ne pourrai leur demander de rester en permanence dans notre cabine : à leur âge, ils ont besoin de bouger.
Peut-être s'était-il mépris mais, au cas où, il valait mieux se renseigner.

" Tant qu'ils se tiennent à carreau pendant les manoeuvres et qu'ils n'essaient pas de s'introduire dans les quartiers privés des marins, il n'y aura pas de problèmes. Ce n'est pas la première fois qu'on transporte des enfants... et notre mousse n'a pas treize ans, c'est presqu'un gosse."
Il sourit.
" En plus, c'est la belle saison : la mer devrait être tranquille. Les tempêtes n'arriveront pas avant deux bonnes veilles... Ça pourra vous gêner si vous redescendez vers Luménis plus tard dans la saison, mais pas pour ce voyage."

-Nous avons déjà connu quelques tempêtes en mer et, même si c'est une expérience, nous privilégierons la voie de terre pou notre retour.
Il sourit.
-Mais nous n'allons pas davantage abuser de votre temps. Je vous remercie pour ces renseignements et je vous souhaite une bonne soirée.
Et, à moins que le marin ne souhaite ajouter quelque chose, il se retirerait.

" Bonne soirée à vous et au plaisir de vous accueillir à bord."
Puis il disparut, vaquer à ses occupations. Victor se tourna vers Taliesin en trépignant.
" Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? On va au Parc ? On se trouve un bal ou un endroit où il y a de la musique ? Juste une terrasse pour boire un thé glacé ? Le marché nocturne ?"

Le barde secoua la tête.
[color=#FFFFF66]-Il est trop tard : nous allons plutôt rentrer à l'auberge, cela vaut mieux.[/color]
Mais déjà, il souriait.
-Mais non, ce serait bête de ne pas en profiter. Et comme je n'ai pas d'idées particulières... On fait ce que tu veux.

" Un barde qui n'a pas d'idées, s'exclama Victor en riant. Heureusement que tu changes de métier."
Son regard pétillait.
" On va aller au Parc. En cette saison, il y aura fatalement de tout... et plus encore ! J'espère que tu as pris des sous..."
Il se faufilait déjà parmi les voyageurs qui circulaient sur les quais, s'apprêtant à traverser l'esplanade où le marché battait encore son plein, en direction, plus loin, des rues puis du parc...

Après une fin d'après-midi au parc et un ultime crochet par l'Ombre de l'Arbre, Taliesin, Victor et Baptiste parvinrent en vue du Redoutable, le bâtiment qui devait les conduire à proximité d'Erhedun. Il faisait encore jour, si bien qu'ils auraient pu davantage s'attarder en ville ; toutefois, précautionneux et souhaitant ne pas devoir faire les choses dans l'urgence, l'elfe avait préféré qu'ils embarquent assez tôt. Ainsi auraient-ils le temps de prendre leurs marques avant que ne tombe la nuit.

Il régnait une certaine effervescence à bord du navire, signe que le départ était proche. Ils furent accueillis à bord par un homme d'une quarantaine d'années, l'air déjà complètement dépassé.
" Bienvenue à bord du Redoutable. Je suis Vasco, je suis le responsable des passagers, c'est donc par moi que vous devez passer pour toute question, réclamation, et je ne sais quoi d'autre encore, pendant la traversée. C'est moi aussi qui vous informerai de ce qu'il faut savoir, et si nous faisions naufrage, c'est moi qui vous guiderai vers les chaloupes. Je suis, en d'autres mots, votre référent. Si vous voulez bien me suivre..."
Il les guida sous le pont, dans une coursive bien éclairée.
" Vos cabines sont la 5 et la 6. Il y a deux couchettes dans chacune... et la 6 est à partager avec un autre voyageur. Je ne sais pas comment vous voulez vous organiser..."

Formidable...
-Les garçons prendront la cinq et j'occuperai la couchette disponible dans la six, répondit-il simplement, d'un ton neutre.
De toute façon, il n'y avait pas d'autre alternative viable : il n'allait pas faire cohabiter l'un des mômes avec un parfait inconnu.
Cela lui incomberait donc, ce qui ne lui plaisait qu'à moitié. Et il aurait bien aimé qu'on l'informe de ce genre de choses au préalable...
Enfin, cela ne durerait que dix jours...

Peut-être aurait-il dû songer à poser la question...
Les cabines étaient petites mais propres et chacun était dotée d'un hublot. Baptiste parut sensible au malaise de Taliesin, Victor beaucoup moins, et ils déposèrent leurs affaires chacun sur une couchette, lesquelles se faisaient face. Il y avait un coffre tout prêt à accueillir leurs affaires.
" Je vous montrerai la salle à manger quand vous serez installés, dit le dénommé Vasco. Il y a aussi une sorte de salon, où vous pourrez vous installer quand il fait trop mauvais pour rester sur le pont ou que nous sommes en manoeuvres."
La cabine de Taliesin était identique à celle des garçons et située juste en face. Pour l'heure, son compagnon de voyage n'était pas encore arrivé.

En ce qui le concernait, l'installation prendrait moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, puisqu'elle consisterait à... poser son sac. En voyageur émérite, il était habitué à ne défaire ses bagages qu'en cas de halte prolongée : cela évitait de perdre du temps en inutiles déballages et remballages.
Bref, il était déjà de retour dans la coursive, se disant que le salon serait un excellent endroit où entrer en rêverie, si le camarade de chambre qu'on lui imposait était du genre à ronfler. Ce qui serait sans doute le cas, vu sa déveine du moment.

La salle à manger était une pièce à la décoration un rien caricaturale, de poissons empaillés et de scènes maritimes, occupée par une unique grande table, où pouvaient s'asseoir vingt convives. Hormis ce mobilier fonctionnel, il ne s'y trouvait rien de bien intéressant, sinon le port, au-delà des hublots. Le salon, en revanche, était organisé autour de quelques tables rondes, d'un âtre éteint, de plusieurs fauteuils d'allure confortable. Il s'y trouvait d'ailleurs plusieurs personnes, des voyageurs probablement, qui saluèrent l'elfe et les enfants au moment de leur apparition, avant qu'une femme d'un certain âge ne mette le grappin sur Vasco pour l'interroger sur le rythme des changements de draps.

Taliesin avait courtoisement répondu aux salutations. Et à présent, il attendait la suite.
Il serait bien parti musarder sur le pont mais il se disait que le sieur Vasco avait peut-être encore des choses à leur dire, des consignes à leur transmettre. Dès lors, se retirer avant qu'il n'ait eu le temps de le faire paraissait tout sauf indiqué.
Alors, il patienterait.

Il n'y avait pas grand chose à ajouter : il y avait deux salles d'eau, à l'avant du navire, deux cabinets à l'arrière, et l'étage inférieur ainsi que le château arrière étaient réservés à l'équipage. Ils appareilleraient à l'aube, le petit déjeuner était servi dans la salle à manger, comme les autres repas. Il leur rappela qu'il était leur interlocuteur privilégié, leur montra la cordelette à secouer quand ils avaient besoin de lui, leur souhaita bon voyage et s'éclipsa, les laissant disposer de leur fin de soirée à leur guise.

Tout bien réfléchi, comme il ne voulait pas paraître trop distant et n'avait rien contre le fait de lier connaissance, si cela se mettait, Taliesin s'attarda dans le salon, en profitant pour demander aux garçons quels étaient leurs projets pour la suite. En ce qui le concernait, il finirait par rallier le pont, mais cela n'était pas particulièrement pressé.

Victor avait envie d'explorer le bateau, tandis que Baptiste avait envie d'aller lire dans sa cabine. Rien de bien spectaculaire à ce niveau. Parmi les passagers présents dans la salle à manger, il y avait un couple de personnes dans la soixantaine, accompagné d'un homme bien mis qui avait l'air d'être leur fils et d'une adolescente d'environ douze ou treize ans, à la mine ennuyée. Il y avait aussi une femme manifestement fatiguée, avec deux enfants d'environ trois ou quatre ans, des jumeaux parfaitement identiques, mais dont il était difficile de dire s'ils étaient de sexe féminin ou masculin. Il y avait un trio d'hommes d'âge moyen, aux vêtements plus pratiques qu'élégants, et une jeune femme seule, qui lisait près d'un hublot.

Le barde n'alla vers aucun d'entre eux, ce qui aurait été trop artificiel à son goût : si des conversations devaient se nouer, cela se ferait de manière plus naturelle. Non, il mit plutôt son projet à exécution et rallia le pont. Mais non sans avoir, au préalable, rappelé à Victor quelles étaient les zones interdites aux passagers : il ne faudrait pas commettre d'impair dès le premier jour...

Victor explorait le pont, lui aussi, et promit de ne pas pousser la très intéressante porte du château arrière. Il y avait de la lumière à l'intérieur, sans doute le capitaine dînait-il ou préparait-il leur trajet du lendemain. Les marins terminaient de ranger voiles et cordages, de transporter le ravitaillement à bord. Vasco guettait de nouveaux passagers, il accompagna d'ailleurs deux nouvelles personnes — deux femmes en aube grise — sous le pont. Il faisait de plus en plus sombre, l'océan grondait, poussant les coques des navires vers les quais, puis les écartant à nouveau. Des mouettes dormaient sur la surface de l'eau, indifférentes à ce mouvement perpétuel. Luménis grouillait de lumière et de vie. A la poupe, l'horizon se parait de couleurs formidables, à la mesure d'un magnifique coucher de soleil.

Le barde, qui caressa un moment l'idée d'aller déambuler sur les quais, demeura finalement accoudé au bastingage, songeur.
Si le voyage risquait d'être ennuyeux pour les garçons, cela serait probablement pareil pour lui, à moins qu'il ne s'entende particulièrement bien avec certains des autres passagers. Toutefois, il serait sans doute possible de s'exercer aux petites heures de la nuit, après ses quatre heures de rêverie. Pas aux armes, car il ne tenait à réveiller personne, mais aux arcanes. Le salon déserté voire le pont feraient sans doute l'affaire.

Au fur et à mesure de la soirée, d'autres passagers rejoignirent le bord, parfois seuls, parfois en groupe. Le soleil flamboya, nimba l'océan de ses lueurs fantastiques, puis disparut, et la nuit engloutit le port. La ville lutta, cependant, à coup de musique, de lumière, d'une énergie qui semblait bien peu se soucier de la disparition de son astre tutélaire.
Petit à petit, les marins terminèrent leurs préparatifs et ils disparurent sous le pont, à l'exception des quelques derniers. La passerelle fut remontée pour la nuit, les appartements du capitaine furent gagnés par l'obscurité. Victor rejoignit le barde en bâillant.
" Je vais me coucher. Bonne nuit."

HRP : En fait, tous les lanceurs de sorts, quelle que soit leur classe, doivent prendre huit heures de repos

Non, non, les elfes ne sont pas SI avantagés

-Bonne nuit, Victor. A demain.
Bon, il allait sans doute falloir qu'il retourne dans sa cabine, histoire de faire connaissance avec celui avec qui il devait la partager et de ne pas le réveiller. Accorder son rythme à celui de cet inconnu promettait d'être pénible, mais ça n'était pas comme s'il avait impérativement besoin d'une couchette pour entrer en rêverie : un fauteuil du salon ferait aussi bien l'affaire.

HRP : En effet. Je prendrai donc désormais soin de signaler qu'après ses quatre heures de rêverie, il passe quatre heures supplémentaires à ne rien faire pour achever son repos. Ceci dit, ces huit heures de repos, c'est juste pour récupérer les emplacements de sorts utilisés. S'il n'en a pas utilisé dans la journée, il peut ne pas se reposer du tout et malgré tout tout conserver pour le jour suivant.

HRP : ok, je n'ai pas lu dans le détail Mais je pense que ce n'est pas forcément ne rien faire... C'est juste se reposer. Il peut aussi décider de dormir à l'ancienne...

Victor décampa et Taliesin lui emboîta le pas peu après. Quand il arriva à hauteur de sa cabine, il nota qu'il y avait encore de la lumière sous la porte des garçons et il les entendit bavarder à mi-voix au travers de la cloison. Il ne parvint pas à les comprendre, cependant.
Son compagnon de cabine n'était pas présent, mais ses affaires étaient là : un paquetage modeste, abandonné sur le lit, ainsi qu'un manteau de belle facture, proprement suspendu à un crochet. Cela permit à Taliesin de supposer que son colocataire était un homme, et non une femme. Il y avait aussi un étui qui, oeil de barde ne ment pas, renfermait plus que probablement un luth, à moins que l'instrument ne soit en vadrouille avec son propriétaire.

A moins qu'il ne s'agisse d'un musicien amateur passionné au point d'amener son instrument partout avec lui, il y avait fort à parier que son camarade de chambrée soit un barde. Et, par conséquent, que leurs rythmes ne soient pas trop différents, ce qui était une bonne nouvelle.
Comme il était un peu tôt pour dormir, et comme il jugeait plus poli d'attendre l'arrivée de l'homme, histoire de le saluer, il s'assit sur sa couchette et procéda à quelques exercices magiques. Puisqu'il murmurait les incantations, il ne devrait déranger personne.

La Couronne de Cuivre

[Structure] Quai d'embarquement