La Couronne de Cuivre

Plusieurs des clients de l'auberge finirent par battre la mesure en battant des mains. ils avaient bu plus que de raison et semblaient avoir l'alcool plutôt gai. Il n'y a guère que le barde qui jouait juste à côté qui trouva à redire à sa prestation. Il faut bien admettre que la chanson de Sylveneige, bien qu'entraînante, n'allait pas du tout au même rythme que sa musique endiablée, et que l'ensemble faisait une cacophonie assez étrange...
- Dites, mademoiselle... Je suis embauché pour mettre de l'ambiance ce soir, donc j'aimerais autant ne pas avoir d'interférence... Ou alors, si vous voulez qu'on se partage le temps de prestation, pourquoi pas, ça peut se discuter. Mais je vous préviens, je ne partage pas ma paye ! Si vous voulez du fric, faudra voir avec la patronne...
La gigantesque patronne, du reste, s'approchait à son tour.
- Prometteur, même si ça ne vaut pas un barde... je peux peut-être vous embaucher un soir de carence, mais pas ce soir... je n'ai pas les moyens de financer deux bardes par soir.
- Nous on veut l'elfette et ses chansons, on aime pas danser !
- Vos gueules, nous on veut danser, on veut un vrai barde !

- Oh sorri ! dit Sylveneige dans le patois halruaan qu'elle aimait beaucoup. Oui, je comprends... D'ailleurs je vais vous écouter, j'aime beaucoup la gaieté de votre musique !

L'elfe se tourna toute heureuse vers la patronne.

- C'est une bonne idée... J'aimerais qu'on en parle, une petite prestation de temps en temps, ça me mettrait du beurre dans les blettes.

La rôdeuse leva les yeux vers le visage de la demi-ogresse, réalisant qu'elle venait de s'adresser à sa formidable poitrine, mise en valeur par un corsage pigeonnant.

La demi-ogresse sembla réfléchir, fronçant les sourcils, plissant ses petits yeux.
- Si je ne m'abuse, vous êtes absent après-demain ? fit-elle en se tournant vers le barde.
- Oui. Et le jour d'après aussi. Navré...
- Et bien si vous êtes disponible à l'une de ces deux dates, vous pouvez venir tenter votre chance... Si les clients sont satisfaits, je vous donne une pièce d'or, plus le repas gratuit. Si les clients vous ignorent, vous n'aurez que le repas, rien d'autre. Et s'ils vous huent, si c'est vraiment trop déplorable, je vous fiche moi-même dehors par la peau des fesses... c'est à vous de voir si vous prenez le risque !

hrp : tu devrais jumeler ta rôdeuse avec barde, au prochain gain de niveau... une rôdeuse-barde, ça sortirait de l'ordinaire...

[HRP : oh que oui !!! magique, je pensais te poser une question en ce sens !]

Sylveneige était ravie. Elle avait un talent jusque là modeste, mais un peu de travail vocal développerait sans nul doute ce talent. C'était son goût pour les forêts et les courses folles qui était passé avant l'étude de la musique ; mais ici à Lumenis, pourquoi ne pas renouer avec le chant ? Son pipeau était resté dans sa chambre à l'Ombre de l'Arbre, mais elle s'entraînerait tous les soirs. Elle se le promit.

Evidemment elle gagnerait peu, mais l'aubergiste lui donnait la chance de se faire connaître, qui plus est dans une ambiance unique. Rustique, certes, mais tellement attrayante !

- Oh oui !

L'affirmation partit comme une flèche, la rôdeuse enthousiaste ne s'encombra d'aucun scrupule, n'imagina aucune impossibilité. Après tout, qu'elle intègre la secte ne serait pas un obstacle à sa prestation... D'autant plus que le recrutement d'autres adeptes à la taverne pourrait alors sembler plus aisé par son entremise.

Et qui sait ? Peut-être par ses rimes pourrait-elle proposer à la secte non de faire passer un message militant, mais plutôt de chanter des vers qui pousseraient les personnes ayant du vague à l'âme dans les bras ouverts des deux frères.

Noté : à la fin de la quête, tu passes rôdeuse-barde. Ça correspondra bien à ce que tu joues...

- Marché conclu, en ce cas, répondit l'aubergiste avec un large sourire - qui laissait voir quelques impressionnantes dents jaunies. Venez après-demain, ou le soir d'après...
Derrière elles, les joueurs étaient retournés à leurs paris. Le "gorille" n'avait pas quitté son poste, près de la porte donnant sur l'arrière-boutique. Le barde se remit à jouer ses airs entraînant, et quelques jeunes se ruèrent sur la piste de danse. Ça parlait trop fort, ça buvait trop, ça renversait des pintes de bières, ça gueulait, ça ricanait. Une ambiance ordinaire de taverne de quartier populaire. mais les deux sharites étaient toujours absents. Étant déjà passé en fin d'après-midi, il n'était pas certain qu'ils aient prévu de revenir...

[Oh ouiiiiii ! j'ai d'ailleurs commencé à écrire son répertoire !]

Sylveneige fit un bond enthousiaste et gracieux en direction du plafond, qu'elle ne toucha heureusement pas. Un sourire béat barrait son visage rosi par une joie sans nom. Elle resta plantée quelques minutes, toute à son bonheur, tandis que l'animation de la taverne avait repris, plus intense que jamais.

Petit à petit la rôdeuse descendit de son nuage. Et retourna s'asseoir. Et se prit la tête dans ses mains.

Réfléchir. Que faire, maintenant ? Les frères n'arrivaient toujours pas... Devait-elle attendre le retour du choupinou ? Etait-ce vraiment utile ? En se remémorant la dernière promesse du gars, Sylveneige décida que non.

Après tout, l'important était le résultat... Si le choupinou avait bien travaillé, les vitraux du temple de Lathandre étaient maintenant noirs de suie, d'eau boueuse ou de toute autre matière. Ourgh... Non, pas celle-là. Le dieu ne lui pardonnerait jamais.

Restait à espérer que les deux frères seraient en vadrouille près du temple... C'était assez probable, ils devaient surveiller - au moins de loin - que quelque oeuvre malsaine ait été faite sur les vitraux...

Bon sang ! comment en être sûre ?

Sylveneige sauta sur ses pieds et se dirigea vers la sortie.

Elle hésita un instant : une chose était certaine. Elle devait absolument avoir un alibi. Effectivement, ayant raconté à l'aubemestre Alaric comment procéder pour souiller les vitraux, elle serait sans nul doute soupçonnée du sacrilège. Quel meilleur alibi que traîner dans une auberge en buvant plus que de raison ?

Mais outre qu'une soirée de beuverie grillerait tout son crédit auprès des lathandrites, les risques de raconter ce qu'il faut taire étaient grands... L'elfe se savait le vin gai, et risquait fort de narrer ses exploits à voix hurlée dans toute la taverne.

Elle envisagea d'acheter un plat du frichti de la patronne et d'aller le partager avec la famille de Shaun et Akul. Ce qui lui parut une excellente idée.

[Voya, dis-moi si ma rôdeuse peut aller retrouver cette famille ? Si pas judicieux, je la fais changer d'avis.]

hrp : pas de souci, tu peux y aller ! Mais tu peux rester dans ce topic pour poster

La patronne n'avait pas vraiment l'habitude de faire dans la vente à emporter. Ce n'était pas les us de la maison. Les gens d'ici venaient pour boire, avant tout, et la nourriture ne semblait qu'un prétexte pour boire davantage : on consommait donc sur place, exclusivement. D'ailleurs, elle n'avait rien pour emballer ce que sa cliente projetait d'emporter. Elle insista sur le fait que sa vaisselle était de la véritable porcelaine d'Antelucha - copie, en réalité de la célébrissime porcelaine d'Antelucas. Elle ne voulait pas laisser quelqu'un partir avec deux magnifiques assiettes... Ni, bien sûr, avec la gamelle dans laquelle elle cuisinait, vous n'y pensez pas ? Avec quoi cuisinerait-elle le lendemain ?
Il fallut à Sylveneige une bonne dose de diplomatie et de patience pour qu'enfin on lui vende, au prix fort qui plus est, une portion "familiale" du frichtis en question, servie dans un grand plat creux en terre cuite. Bien sûr, elle dut promettre expressément de le rapporter le surlendemain en venant chanter.

Pfffou ! ce qu'il fallait négocier, tout de même ! quoi qu'il en soit, Sylveneige était ravie de pouvoir offrir quelque chose à la famille, qui ne roulait pas sur l'or.

Elle courut jusqu'à la petite maison, frappa à la porte et fut accueillie chaleureusement par la grand-mère des garçons. La rôdeuse proposa d'emblée un repas ensemble et sa suggestion fut accueillie avec grand plaisir.

- C'est un peu épicé, mais un peu de crème devrait adoucir et rendre le plat encore meilleur.

Akul et Shaun mirent la table, l'un avec enthousiasme, l'autre avec sa méfiance habituelle. Méfiance dont il se départit peu à peu au cours du dîner.

Sylveneige n'avait pas très faim, ayant mangé à peine deux heures auparavant, mais personne ne sembla s'en apercevoir : la tablée était joyeuse, les plaisanteries fusaient et Sylveneige chanta quelques chansons qui eurent un joli petit succès, parmi lesquelles la superbe chanson extraite de la pièce "le Chanteur de Lumenis" :

J’ai vu danser les Fééruniennes
Toutes les belles filles du Cormyr
Pourtant aucune n’est restée mienne
Malgré tout, tous leurs soupirs
Je repars vers mes amours :
Lumenis ! Lumeni-hiiiiiiiis
Si belle avec ses ly-y-y-yyys !
Ses roses ses lauriers
Ses rues ses taverniers
Ô Lumenis !

Les chansons eurent le succès escompté. Les adultes applaudirent, les enfants plus vivement encore, quoique leurs yeux trop brillants trahissent leur fatigue. Il était tard...
- Et vous savez raconter des histoires, aussi ? questionna Akul.
- Par exemple le genre d'histoire qu'on raconte pour envoyer les enfants au lit... compléta sa grand-mère.
- Heu... et bien, non, ce n'est pas exactement ce à quoi je pensais...

hrp : pas la moindre idée des couleurs dans lesquelles ils s'expriment... donc désolée si c'est pas les bonnes. Pas le temps d'aller chercher. Je corrigerai + tard.

[HRP : les couleurs des garçons : COLOR="#FFD700" : Shaun ; COLOR="#EE82EE" : Akul ]

Il commençait effectivement à être bien tard ; la nuit était tombée depuis quelque temps déjà.

Sylveneige prit les deux garçons par la main et les mena jusqu'à leur petite chambrette. La grand-mère avait aménagé une petite pièce pour eux, et chacun bénéficiait d'un lit propre à la courtepointe aux couleurs vives ainsi que d'un coffre pour y cacher leurs trésors. L'elfe se demanda ce que Shaun avait bien pu faire comme chapardage, mais résista à l'envie de regarder dans son coffre.

Lorsqu'il furent couchés, elle se cala entre les deux lits et commença une histoire.

- Il était une fois, dans une belle petite ville perdue au fond de sombres bois, une famille au coeur pur comme le plus beau des diamants. Ils habitaient une jolie chaumière aux portes de la petite ville, un peu en retrait des autres maisons.

Un soir d'hiver, un triste soir, une troupe de bandits arriva en lisière de la petite cité et choisit la chaumière comme repaire avant d'attaquer la ville.

Ils terrorisèrent la famille... Le père eut juste le temps de cacher sa fille aînée, Bella, surnommée "plus-que-belle". Les bandits dévalisèrent la maison et finirent par trouver la jeune fille. La mère les supplia de la laisser, les jeunes frères - deux très jeunes frères, de votre âge - se blottirent contre leur soeur pour la protéger.

Les brigands repoussèrent les deux frères, la mère et le père. Les garçons luttaient bravement, mais que pouvaient deux enfants face à une troupe barbare ?

Ici Sylveneige se posa l'espace d'un instant la question de savoir si son récit convenait bien à de si jeunes garçons. Ce n'était pas sûr.

- Trois des bandits s'emparèrent de la jeune fille et disparurent dans la grange attenante... La famille, sur l'injonction du père, se mit à prier ardemment leur déesse, espérant un miracle. Pendant ce temps, les autres bandits buvaient les bouteilles qu'ils avaient trouvées dans les placards, chantaient et hurlaient d'ignobles plaisanteries.

Puis, ne voyant pas revenir leurs compagnons, déjà ivres, ils décidèrent d'aller dans la grange. La famille, tremblante, priait toujours. La belle déesse Sunie les défendrait-elle ?

Le silence. Ce fut le silence qui les frappa. Les deux garçons tirèrent leurs parents vers la grange. Ils y entrèrent.

Là, il n'y avait personne. Personne ! juste quelques traces fumantes et de la poussière dorée... Les bandits avaient disparu. La jeune Bella n'était plus là non plus.

On ne la revit pas. Mais la ville était sauve, la famille aussi. Et sur la place de la petite ville, une superbe statue était apparue. La statue de la déesse Sunie.

La famille éprouvée s'approcha de la statue magnifique, dont les traits étaient ceux de leur fille disparue. Et les garçons jurèrent que la statue leur souriait.

Au lieu du pillage, de la haine, de l'effroi, l'Amour était arrivé dans la petite ville.

Shaun et Akul s'endormirent enfin, un sourire aux lèvres.

Sylveneige quitta la chambrette sur la pointe des pieds. La grand-mère des garçons l'attendait devant une bouilloire fumante et deux bols contenant quelques pincées de feuilles de tilleul.

Que faire ensuite ? La logique voudrait qu'elle file à l'auberge de l'Ombre de l'Arbre, mais elle risquait d'être vue par la garde et conséquemment accusée du barbouillage sacrilège des vitraux du temple de Lathandre - si choupinou avait réussi sa mission, bien sûr.

La rôdeuse doutait qu'il fût judicieux de quitter la petite maison.

La grand-mère dut percevoir son hésitation tandis qu'elle sirotait paisiblement son infusion.
Mais elle se méprit sur la cause.
- Les rues sont sûres, même à cette heure-ci, ne vous en faites pas pour votre trajet de retour. La garde veille.
Elle sourit.
- Mais si vous êtes trop fatiguée pour retraverser la ville, vous pouvez bien sûr rester ici pour la nuit. Simplement... nous n'avons pas de lit supplémentaire. Vous pouvez prendre le mien, cela dit. Ou alors, il y a un vieux fauteuil dans le salon...

Sylveneige sauta sur l'occasion.

- Eh bien, je dois me lever assez tôt, et j'avoue que je préférerais ne pas cavaler... Savez-vous que dormir dans un fauteuil est excellent pour la santé ? Il faut dormir à demi assis de temps à autre, cela stimule le système nerveux... Ou le système limbique... Euh...

La rôdeuse était décidément fatiguée, incapable de raconter un truc qui tienne la route. Lamentable.

- Enfin peu importe, j'apprécierais de dormir dans votre grand fauteuil ! et j'irai acheter le pain du petit-déjeuner, ainsi que des petits fromages frais !

Et demain, il faudrait juste filer tout droit au temple de Lathandre, sans passer par la taverne. Histoire d'éviter le choupinou dans un premier temps, et de vérifier s'il avait bien travaillé.

Ensuite, on pourrait envisager de faire un tour à l'Ombre de l'Arbre, pour retrouver le Streenounet. Il devrait être rapidement libéré, probablement aux petites heures du matin - ce qui évitait la dépense du petit-déjeuner aux autorités.

Sylveneige s'éveilla à l'aube, fraiche et dispose. Dans une chambre, quelque part, elle entendait des pas, sans doute la grand-mère qui s'habillait. Celle-ci descendit très rapidement, sourit à la jeune elfe, et se mit à ranimer le feu avant de faire bouillir l'eau. de simples gestes quotidiens du matin, répétés jour après jour depuis des années. Les garçons dormaient encore, sans doute, et Sylveneige eut tout le temps d'aller chercher des croissants.
Le petit déjeuner finit par réunir tout le monde, autour d'une table tout juste assez grande. Et toute la famille remercia encore une fois la rôdeuse pour sa visite.

Il ne lui restait plus qu'à se rendre, soit au temple, soit à l'auberge de l'ombre de l'arbre, pour voir si son plan avait fonctionné et retrouver son compagnon.

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[Quête : Chercheurs de Sens]

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Streen et Sylveneige, après s'être bien baladés en ville, arrivèrent à la taverne.

La rôdeuse était un peu déçue : elle n'avait pas trouvé d'instrument de musique qui lui plaise suffisamment pour en faire l'acquisition.

- Tu comprends, Streen chéri, mon père a de si beaux instruments ! rhombe, rebec, vielle à roue, cornemuse, téorbe, citole, orpharion, doulcemelle, tympanon... Il a même rapporté des instruments de ses voyages ! as-tu entendu parler du lure, venu des contrées du nord ? De la phorminx créée paraît-il par un dieu lointain ? Du crouth ? Du balafon, venu de pays tellement au sud qu'on n'y croit pas ?

Ce disant, Sylveneige ouvrit la porte de la taverne d'un coup de pied bien ajusté.

L'intérieur de la taverne était assez semblable à ce qu'ils avaient découvert la veille. Les mêmes odeurs, les mêmes vociférations et rires gras. Il était trop tôt pour que le barde soit déjà à pied d'oeuvre, et les premiers joueurs de carte s'étaient installés à l'une des grandes tables, rejoints par des parieurs.
Sylveneige reconnut "le choupinou" parmi eux, ainsi que quelques-uns de ses compagnons de beuverie de la veille. Pour l'heure, il lui tournait le dos, mais ne manquerait pas de la rejoindre, certainement, dès qu'il la verrait.
Et les deux présumés sharites étaient pour le moment invisible, mais il était tôt encore.
La demi-ogresse les repéra aussitôt et s'avança vers la rôdeuse avec un sourire avenant -aussi avenant que possible dans sa figure trop large et trop plate-, s'enquérant de leur commande.

Berk, cette odeur le dégoutait toujours autant. Et l’ambiance encore plus. Lorsqu’il vit la tavernière, il souffla à sa compagne :
-Oh regarde, tu as de la visite de la charmante demi-ogresse. Elle vient sûrement pour te congratuler non ?
Il réalisa que malgré l’ambiance, la musique manquait. Peut être que Sylveneige devait y montrer ses dons.
-Pourquoi ne nous chanterais tu pas un air en attendant les deux idiots de sharites ? Ca nous fera une disctraction. Même sans ton instrument, je suis certain que tu vas nous produire du succès.
Il manqua de pouffer tant la situation paraissait cocasse jusqu’à ce qu’il repère le « choupinou » en question.
-Et puis regarde qui voilà. Je suis certain qu’il va te remercier pour avoir passé une journée gratuitement à l’ombre où il a pu juger du manque de nourriture ainsi que de la beauté des cellules de la prison. A moins qu’il ne te réclame un paiement pour avoir fait son travail et t’entraine dans sa chambre.

Sylveneige, occupée à humer l'odeur de la taverne avec délectation, fronça les sourcils.

Nom d'un kobold, pensa t-elle, il ne va pas recommencer !

Elle sourit largement à la délicieuse demi-ogresse et passa commande.

- Bien le bonjour ! nous prendrons deux bières ambrées, avec quelques rondelles de saucisson pour accompagner, merci !

La rôdeuse s'installa de manière à voir le choupinou sans en être vue.

- Bon, Streen, on va mettre les choses au point. Parce que là, tu me fatigues. Grave.

Sylveneige étendit les doigts, puis les crispa façon chat énervé.

- Alors : un, la tavernière m'a à la bonne et tu ne vas pas gâcher notre bonne entente ; deux, je ne chante pas sur commande sous prétexte qu'il n'y a pas de barde pour l'instant, je suis spontanée et tu le sais très bien ; trois, il est possible que le choupinou nous ait rendu service, donc tu cesses tes réflexions niaises et malsaines immédiatement ; quatre, TU TE CALMES, ou ça va vraiment m'énerver.

Stren poussa un hoquet de surprise. Voilà que Sylveneige se mettait à s’énerver à cause de trois malheureuses répliques mal interprétées à nouveau.
-Allons fit il, ne prends pas mal tout ce que je viens de te dire. Je trouvais simplement la situation comique et je plaisantais seulement. C’était trop tentant.
Puis en poussant un soupir :
-Bon très bien, si tu ne veux pas chanter, c’est ton droit, c’est juste que…je voulais t’entendre. Mais bon tant pis, il n’y a plus qu’à attendre. Espérons qu’ils ne mettront pas trop de temps. Quant à la tavernière, ne t’inquiète pas, je t’ai seulement murmuré et je ne pense pas qu’elle aie entendu.

Sylveneige bondit sur ses pieds et alla coller une gigantesque bise sur le front de Streen.

- Mon Streen chéri, pardon ! mais tu es parfois tellement... tellement...

Elle se rassit.

- Oh n'en parlons plus ! ce qui compte, c'est qu'on fait une superbe équipe et ça personne ne pourra nous l'enlever ! et si le choupinou vient réclamer sa récompense, j'ai de quoi le recevoir... Il a raté sa mission, le pépère. Il ne mérite plus le doux nom de "choupinou".

La rôdeuse se tourna vers le comptoir.

- Nos bières arrivent, on dirait... Tu sais, je crois bien que c'est la meilleure de la ville, cette bière ambrée.

Le "choupinou" ne fut pas long à les repérer. Même si Sylveneige avait veillé à s'installer hors de vue de l'homme, d'autres convives les avaient repérés, et l'un d'eux se précipita, bien sûr, pour dénoncer leur présence..
Il se leva de chaise, le regard déjà légèrement dans le vague -il n'en était pas à sa première bière.
- Ah... mais c'est ma p'tite elfette ! les copains avaient osé dire que tu reviendrais pas... Moi je savais bien que si !
Et sans attendre qu'on l'y invite, il s'assit à leur table. A côté de Sylveneige, bien sûr, enserrant ses épaules d'un bras. Il dédaigna ouvertement Streen, agissant comme s'il ne le voyait pas.
- J'ai rempli ma mission, souffla-t-il avec un sourire gourmand. Je veux ma récompense...

Streen n’était guère surpris en voyant l’homme arriver vers Sylveneige. Cette éventualité paraissait d’une évidence totale. Et voilà qu’il réclamait son dû, comme il l’avait prévu. Il avait averti Sylveneige pourtant mais cela n’avait rien changé. Il l’avait dit d’une manière tellement ironique qu’elle l’avait mal pris. L’homme n’en était pas à sa première boisson étant donné son odeur. Quand à Streen, il répugnait de boire son verre de bière. L’odeur lui paraissait insupportable. Non, il lui tardait de savoir comment Sylveneige allait se débarrasser du choupinou. Peut-être qu’elle allait accepter qu’il l’invite dans sa chambre avant de l’assommer. Ca serait une excellente idée. Quand à l’homme, il fit comme si Streen n’existait pas. D’un coté, cela le rassurait. Un homme à qui on ne faisait pas attention pouvait se montrer très redoutable dans le collecte d’informations et l’espionnage. Puisque le choupinou le dédaignait, il n’allait pas se priver de l’avantage dont il disposait. Vraiment, le soirée promettait. Pour une fois, il ne regrettait pas d’être venu ici.

- Ah ? Alors comme ça tu viens prendre ta récompense... Bien. Bien bien bien.

Sylveneige sortit sa petite bourse.

- Je te dois donc une deuxième pièce d'or... Mais. Mais mais mais.

La rôdeuse regarda dans la bourse, puis la remit posément dans sa poche.

- Mais je crois bien que tu as fantasmé... Un petit souci, je n'ai pas entendu parler de vitraux salopés.

Elle allongea ses jambes sous la table, s'avachissant sur sa chaise, puis croisa les bras.

- Faut pas me raconter d'histoires, choupinou. Pas bien, ça. Et je vais te dire : si les vitraux lathandrites avaient subi des dommages, on ne parlerait que de ça dans toute la ville ! et ce n'est pas le cas.

Sylveneige se redressa d'un bond.

- Alors, tu files ! tu m'as déçue. Et tu me mens. Tu oses ! allez, t'es mignon, mais tu dégages. Tout de suite.

Le choupinou parut absolument stupéfait.
- Mais... mais si, je l'ai fait ! Bon, d'accord, je me suis fait prendre avant d'avoir terminé, mais j'en avais barbouillé au moins trois, dont le plus grand qui donne à l'est ! J'te jure !
Il lui jeta un regard désemparé.
- J'suis sûr qu'ils les ont lavés tout de suite pour pas que ça se sache... C'est sûr, ils voulaient pas admettre qu'on avait trompé leur surveillance... Alors dès que les gardes sont intervenus, ils ont dû se mettre à nettoyer, comme c'était tout frais ça partait facilement... Oh, et puis merde, j'me suis tapé la fin de la nuit en tôle, tout ça pour te faire plaisir, et c'est comme ça que tu m'accueilles ? Non, ça va pas se passer comme ça ! Je veux ma pièce d'or, et mon baiser... un vrai, comme promis ! Et si tu te fais trop prier, ça sera bien plus que je vais te réclamer... acheva-t-il en lui prenant le bras d'une poigne ferme.
Pour le coup, il paraissait vraiment en colère. Menaçant. Et même s'il avait un peu bu, il n'en faisait pas moins près de deux cent livres de muscles...

Gloups, voilà que Sylveneige était en mauvaise posture. Bon bien sûr, avec tout l’alcool ingurgité par le choupinou, elle aurait probablement le dessus. Mais la force et la graisse de ce mastodonte inquiétait un peu Streen. Il s’adressa à Sylveneige en répliquant :
-Je vois demoiselle, vous avez aussi incité cet homme à souiller les vitraux du temple également ? Très bien essayé.
Puis il éclata d’un rire tonitruent qui couvrir la plupart de bruits de la taverne.
-Mais pour en revenir à votre pari, cet homme a le culot de vous réclamer une récompense alors qu’il prétend ne pas avoir achevé son œuvre ;
Il fit semblant de réfléchir avant de reprendre :
-Et puis du coulot également concernant ses exigences. Voyez-vous, il a passé une journée en prison, comme moi. Il était avec moi dans la salle d’interrogatoire et selon le capitaine qui nous a interrogé, il aurait essayé mais il a été capturé avant même de commencer son œuvre. Certes, il s’apprêtait à le faire mais ça s’est arrêté là. Le capitaine peut même témoigner si une confirmation devait avoir lieu.
Puis à l’homme :
-Pari perdu. Je crois que pour le baiser, la pièce d’or ainsi que l’en-cas dans votre chambre, c’est raté.

- Oh, pour l'en-cas dans une chambre, c'était du fantasme pur. Mais je suis bonne fille.

Sylveneige se leva. Là, si c'était pour impressionner son interlocuteur, c'était raté. Non que le choupinou fût très grand... Euh si. Ni si musclé que ça... Euh... Bon. Fallait trouver un truc, et vite.

C'est vrai quoi, songeait l'elfe à grande vitesse, dans un train de pensées dévastateur - train ? grande vitesse ? Y'avait quelque chose là-dedans - faudrait pas se mettre tout à fait à dos le choupinou. Sans compter qu'un esclandre au Fond de la Barique signifierait pour sûr pas de débuts comme barde... Et ça, ce serait archi-super-hyper dommage. (C'était tout de même bizarre, tous ces mots étranges qui semblaient venus d'ailleurs).

Enfin Sylveneige revint à ses moutons.

- Ecoute choupinou, je sens confusément l'accent de la vérité dans ce que tu dis. Mais tu comprends, on ne me la fait pas... Donc si personne n'a vu ton oeuvre, comment veux-tu que je te croie ? Hein ?

La rôdeuse prit sa bourse.

- Franchement, si tu peux me prouver que tu l'as fait, pas de problème tu seras payé. Mais sois gentil, arrête les fantasmes... Bon. Tu as un témoin ? Peut-être y'en aura t-il ce soir, ne te casse pas la tête. Allez, je te donne une pièce pour le dédommagement du fait que tu aies été en prison. Mais tu te calmes.

Elle sourit.

- Et je te promets que si tu as effectivement réussi à montrer à des témoins que tu as barbouillé ces fichus vitraux, tu auras une pièce d'argent par-dessus. Allez, va.

Le choupinou parut hésiter. Mais il prit néanmoins la pièce d'or et lui lâcha le bras.
- J'ai des témoins, argumenta-t-il. Le prêtre qui m'a pris sur le fait et a appelé la garde. Et ceux qui sont venus l'aider à nettoyer, certainement. Et aussi les trois gardes qui m'ont arrêté.
Il se tourna vers Streen.
- Et vous n'êtes qu'un sale menteur, vous devriez avoir honte ! L'officier n'a jamais dit que j'avais été arrêté avant d'avoir eu le temps de commencer ! Tiens, ajouta-t-il à destination de Sylveneige, voilà où il y a une preuve : dans le procès-verbal de mon arrestation ! Donc.. je veux mon baiser !

Streen parut outré par les propos du choupinou :
-Un menteur dîtes vous ? Le capitaine n’a rien précisé lorsque nous étions tous les deux. En revanche lorsque vous êtes reparti dans votre cellule, il m’a certifié que vous n’aviez à peine démarré que vous avez été pris sur le fait. Mais soit, admettons que vous avez coomecné votre travail.
Puis il haussa les épaules :
-De toute façon, vous étiez sensés réussir sans vous faire prendre, pas faire les choses à moitié. Moi aussi j’ai fait le travail à moitié et pour autant, cette demoiselle ne m’a rien donné. Pourquoi serait ce différent pour vous ?
Sacrebleu pensa Streen, son mensonge ne fonctionnera jamais. Pourquoi Sylveneige avait elle promis un baiser ? Pourquoi avait elle envoyé ce gars faire le boulot ?

Bon. Fallait encore intervenir proprement. Sylveneige soupira, cilla, soupira derechef. Ouii are nott ahoutt of' zi inn, songea t-elle en un parfait halruaan.

- On se calme. Et je décide. Oui, moi. Donc la preuve sera simple : si quelqu'un nous parle de vitraux barbouillés, tu auras raison, choupinou. Sinon, c'est mon compagnon qui aura raison.

L'elfe leva les sourcils.

- Choupinou, ton baiser tu l'as eu... Tu l'as déjà volé... Donc on s'en tient à ce que je t'ai dit : une pièce d'argent si tu as réussi, rien si tu n'as pas réussi. Pour ma part, j'espère que c'est bon... Je ne suis pas à une pièce d'argent près.

Ici la rôdeuse commença à réfléchir. Il était tout de même temps qu'elle gagne un peu d'argent, il fallait penser à payer l'auberge et surtout le reste de ce qu'elle devait à Dorian.

Il serait temps que les deux frères sharites arrivent, pensa t-elle, au moins pour que le choupinou daigne nous ficher la paix.

Le choupinou ne semblait pas désireux de faire un esclandre. Pas si tôt dans la soirée, en tout cas : sans doute ne voulait-il pas se faire jeter dehors avant d'avoir éclusé sa ration quotidienne de bière. Il jeta un coup d'oeil à l'aubergiste qui approchait, et baissa un peu la voix.
- On se reverra, de toute façon. Paraît que tu chantes ici dans les jours qui viennent...
Il lui adressa un clin d'oeil et s'éloigna.

Il fallut à Sylveneige et Streen patienter une bonne demi-heure encore, et l'abstinence de Streen commençait à se voir, peut-être même à paraître suspecte, quand, enfin, la porte d'entrée livra passage aux deux sharites présumés. Ils parurent les ignorer complètement, leur regard glissant sur eux sans s'y arrêter, et s'installèrent à la même table que la veille.

Enfin le crétin dégageait. Il ignorait si c’était lui ou Sylveneige qui l’avait convaincu de partir ou les deux mais enfin il les laissait seuls.
-Ouf dit il à Sylveneige quand il fut assuré qu’il était assez loin, j’ai cru qu’il ne partirait jamais. Je t’en prie, ne fais plus de promesses de baisers à quelqu’un d’autre que moi si tu refais un tel coup.
Puis il désigna de la tête les deux frères qui venaient de rentrer une fois qu’ils eurent attendus et vus les deux frères rentrer.
-Bon, je crois que ceux que l’on cherche sont ici. Nous devrions aller les voir.
Il voulut s'approcher d'eux mais préféra laisser sa compagne prendre les devants.

La Couronne de Cuivre

[Commerce] Le fond de la Barique