La Couronne de Cuivre

La jeune-femme ne voulait pas souligner que Colin ne lui serait certainement d'aucune utilité si elle venait à rencontrer des problèmes à l'intérieur du domaine. Sans doute manquait-elle de prévoyance comme ce n'était pas son fort mais il lui semblait important d'avoir l'esprit libéré. une chose impossible si elle savait Arthur inquiet de ne pas la voir revenir à l'heure de leur rendez-vous.

- Colin, vous n'avez rien à craindre d'Arthur : c'est un jeune paladin très compréhensif. Dites-lui simplement que je mon cœur me pousse à aider quelqu'un dans le besoin et que je reviendrai aussi vite que possible.

" Quelqu'un dans le besoin..."
Il n'avait pas l'air de comprendre qu'il s'agissait de lui.
" Bon, d'accord. Les cuisines sont dans l'aile ouest. On y entre par un portail doré, sur la droite. Le type qui surveille la grille s'appelle Max. Il a pas un gramme d'humour, alors faites pas n'importe quoi. Si vous êtes pas rentrée à la nuit... Je saurai que tout est fichu... et vous me retrouverez dans le port, d'ici un jour ou deux, à moitié bouffé par les poissons. Mais ce sera pas votre faute."

Chandara se serait bien passée de ce genre d'encouragement et elle fut à deux doigts de secouer le jeune-homme et de lui dire ses quatre vérités. Mais elle le soupçonnait parfaitement hermétique à ce genre de remontrances, surtout dans l'état psychologique dans lequel il se trouvait.

- Souhaitez-moi bonne chance et je suis certaine que tout se passera bien : je n'ai pas prévu de prendre un nouveau bain dans le port pour aller vous y chercher !

Sur ces derniers mots, elle se dirigea vers l'entrée indiquée et le dénommée Max, le premier des nombreux défis qu'elle devait surmonter. Comment faire pour paraître assurée alors qu'elle crevait de trouille - un comble pour une ancienne paladine : elle avait vraiment perdu la main dirait-on !

Colin la regarda s'éloigner, la mine incertaine, puis finit par détaler comme un attelage richement décoré arrivait bon train dans la rue et le forçait à s'esquiver. De son côté, Chandara contourna l'imposante propriété pour arriver devant le portail dont lui avait parlé le jeune homme. Il y avait effectivement un garde qui surveillait la rue, un vétéran d'une quarantaine d'années, la mine revêche barrée d'une large cicatrice, imposant et un peu ventru, la main sur le pommeau de son épée. Il regarda Chandara sans aménité, comme s'il la défiait d'oser s'approcher de lui.

La jeune-femme dut réunir tout son courage pour ne pas hésiter plus qu'un instant avant d'approcher, cherchant déjà les mots qui seraient susceptibles de lui permettre d'entrer sans pour autant désavouer jusqu'au dernier de ses vœux... Elle hâta le pas vers le mercenaire, n'ayant aucun effort à faire pour paraître au bord de la panique et s'adressa à lui avant qu'il ait eu l'occasion de le faire :

- Par les cieux, ne me dites pas que j'arrive trop tard ! Est-ce que damoiselle Helmut est toujours là ? Ah... Je suis certaine que je suis en retard !

HRP : 2000 ! Cela se fête, non ?

Le garde plissa le front, interloqué, et lui barra le passage sans s'émouvoir de sa mine.
" On se calme ma p'tite dame. C'est quoi c'charabia ? Damoiselle Helmut ? Vous vous fichez de moi ? Messire Helmut, c'est pas une damoiselle. Qu'est-ce que vous avez bu ? Vous avez comme une p'tite odeur, là... "

Argh, voilà qu'elle avait commis une bévue. Encore un mauvais tour de ses coutumes étrangères ! La jeune-femme ne se démonta pas pour autant et répondit au garde en prenant un air intimidé :

- Je voulais dire que je venais porter une livraison pour la fille de Messire Helmut, damoiselle Victoria je crois... Quant à l'odeur, c'est la raison de mon retard : un idiot de pêcheur m'a éclaboussé avec sa cargaison puante et je ne voulais pas offenser la damoiselle. Est-ce que vous voulez bien me laisser passer ? Ce n'est peut-être pas grand chose mais je risque tout de même mon emploi, d'autant que je suis encore à l'essai...

Bon, elle était parvenu à ne pas baisser les yeux plus que de raison. Ni même à vraiment mentir, d'un certain point de vue tout particulier en tous cas...

Le garde eut une grimace.
" Je vais vous laisser entrer dans la cour, mais pas question que vous montiez jusque là. Vous ne croyez quand même pas qu'une inconnue peut monter jusque chez Damoiselle Victoria sans qu'on vérifie ses dires. Le chambellan va vérifier que vous êtes attendue."
Il porta les doigts à sa bouche et siffla deux coups. Un serviteur d'une douzaine d'années, l'air un peu effrayé dans sa livrée cramoisie, surgit alors au portail.
" Finn, va donc prévenir Gilbert qu'une livraison est arrivée.
— Mais, capitaine, vous savez que Sire Gilbert est...
— Grouille-toi, Finn."
Le gosse détala vers l'intérieur sans demander son reste.
" Vous, vous pouvez entrer ici, mais vous ne bougez pas."
La porte des cuisines était à une trentaine de mètres, au delà d'une cour de gravier actuellement très encombrée, par de nombreux chariots de livraison et un personnel manifestement débordé.

Elle allait se faire prendre : c'était maintenant certain ! Et en plus elle s'était jetée dans la gueule du loup en pénétrant docilement dans la cour comme l'y enjoignait le garde. Il y avait de l'agitation et une bonne part de confusion dans la cour et c'était peut-être sa chance mais elle pressentait que le garde la tenait à l'œil et que, de toute façon, tenter de se dissimuler pour pénétrer dans la maison en douce ruinerait ses derniers espoirs de s'en tirer sans dégâts.

Non, mieux valait conserver sa couverture actuelle, même mise à mal, et tenter de négocier avec le prochain serviteur avec lequel elle aurait affaire. Même forte de cette conviction, elle n'en menait en tous cas pas large et ne donnait pas cher de ses chances de ne serait-ce qu'approcher Victoria. Elle devait se souvenir pourquoi elle faisait tout ceci : pour sauver Colin de lui-même et, plus encore, pour sauver un amour qui pouvait peut-être encore l'être.

Pendant une dizaine de minutes, Chandara vit circuler marmitons et servantes, livreurs et femmes de chambre, les gens de la maison marqués par la couleur éclatante de leurs vêtements. Le chariot d'un brasseur se glissa dans la cour, arrivant par une entrée voisine, tandis que le boulanger s'en allait. Un fleuriste déchargeait des gerbes de fleurs rouges et violacées, un quatuor de palefreniers pansaient un quatuor de chevaux gris pommelé, ça criait à gauche et à droite, et les serviteurs passaient plus souvent au pas de course qu'en marchant tranquillement.
Des fenêtres ouvertes du petit palais s'échappaient les notes de musique d'un orchestre en train de répéter.
Enfin, le dénommé Gilbert survint. Son costume cramoisi était déjà marbré de sueur, comme ses tempes grisonnantes. Grand, maigre, sec, il avait l'air de très méchante humeur et fila vers Chandara à grands pas, le gamin sur les talons.
" Bon, vous êtes qui, vous ? Je n'ai franchement pas le temps de ce genre de choses. Les cadeaux s'offrent au cours du banquet, traditionnellement. Qui vous envoie ?"

Je suis celle qui vient pour tenter de gâcher cette fête que tous ces pauvres gens préparent avec tant d'efforts, songea la jeune-femme avec une certaine tristesse tout en cherchant ce qu'elle pouvait bien répondre. Elle avait tourné et retourné des excuses toutes plus farfelues les unes que les autres et avait aussi songé à présenter ses excuses et fuir à toutes jambes à l'arrivée du chef des serviteurs. Mais elle trouva finalement un aplomb dont elle ne se serait pas senti capable :

- Je ne suis personne mais c'est le fiancé de damoiselle Victoria qui m'envoie. Je crois qu'il s'agit d'une petite surprise.

C'était osé. Mais n'était-ce pas ce qui était le plus susceptible de plaire à la Dame ? Et puis, elle n'avait pas précisé de quel fiancé il s'agissait...

HRP : j'ai édité

HRP : Dommage, c'était comique

" Quoi ? Maintenant ? " dit Gilbert avec une grimace interloquée.
Il secoua la tête.
" Vous avez une preuve ? Le sceau du jeune homme, peut-être ?"

La jeune-femme n'eut - une nouvelle fois - pas à beaucoup se forcer pour avoir l'air embarrassé :

- Non, je ne pensais pas que ce serait nécessaire. Ecoutez, vous avez l'air déborde et ça peut se comprendre avec tout un mariage à gérer. Est-ce que vous ne pourriez pas demander à un des serviteurs de m'accompagner : je ne l'acaperai que quelques minutes et ensuite vous n'entendrez plus parler de moi.

Elle ponctua cette dernière remarque d'un sourire conciliant.

" Non, je pense que le mieux est que vous me remettiez ce présent et j'irai le porter moi-même à Dame Victoria. Vous n'êtes pas en tenue pour entrer dans le palais. Si n'importe quel membre de la famille vous croisait, j'aurais de gros ennuis, et vous seriez sans doute jetée dehors." dit le chambellan.
Il secoua la tête.
" On vous a vraiment envoyée ici fagotée comme ça ? J'ai vraiment peine à le croire."

Même s'il était certain qu'elle n'était pas tombé dans un palais au goût le plus raffiné de la ville, Chandara se sentit immédiatement honteuse de se présenter sous un jour aussi défavorable. Sa tenue ne parlait certainement pas pour elle et lui fermait évidemment des portes... Elle répondit, toute piteuse :

- Non, j'ai fait une rencontre désagréable en passant du côté du port et j'ai dû me changer avec ce que j'ai trouvé pour ne pas arriver encore plus en retard.

Quant à remettre le colis au chambellan, elle hésita : il se rendrait immédiatement compte que le présent avait peu de valeur et il y avait un risque non négligeable qu'il tombe sur le mot qu'elle y avait laissé. Comment allait-elle pouvoir entrer en contact avec la jeune-fille si elle ne pouvait pas même la voir ? Mais avait-elle le choix ?

- Vous me promettez que vous allez lui remettre ? Parce que je ne voudrais pas avoir d'ennuis. Et si je déplais à mon nouvel employeur, je devrai rentrer à Manost...

" Bon, je vais voir ce que je peux faire pour vous. Remettez-moi le paquet et je le ferai porter à Dame Victoria. Mais franchement, votre maître aurait pu trouver un meilleur moment. Je ne suis pas certain qu'elle aurait le temps de l'ouvrir avant la cérémonie."
Il soupira.
" Et si vous espérez faire carrière à Luménis, vous feriez mieux d'apprendre rapidement quels sont les itinéraires à emprunter et les itinéraires à éviter."
Il allait faire volte-face quand une matrone surgit à leur côté, engoncée dans une robe fuschia qui ne lui allait pas du tout, mais dont elle semblait très fière.
" Gilbert ! Ça ne va pas du tout ! Cette gourde de Solène est malade ! Je parie que cette débauchée a bu toute la nuit ! Je suis trop court d'une demoiselle d'honneur, maintenant !"
Elle s'interrompit et toisa Chandara de bas en haut, une expression vaguement dégoûtée sur les traits.
" Et vous êtes qui, vous ?"

Chandara avait tendu à Gilbert le paquet contenant les friandises et chocolat ainsi que son mot à destination de Victoria quand une nouvelle venue les interrompit. Elle dut faire un effort pour ne pas grimacer en retour, horrifiée par sa robe au goût immonde. Au moins s'accordait-elle avec la maison mais avait-elle vraiment l'intention de se montrer en public avec ?

En tous cas, il était difficile de ne pas voir un certain coup de pouce du destin dans cette rencontre et dans la nouvelle dont la matrone était porteuse : une demoiselle d'honneur pourrait approcher la future mariée avant qu'il ne soit trop tard ! Avec aplomb et une partie de sa confiance retrouvée, la dorrandine répliqua en faisant un effort pour ne pas paraître arrogante ce qui aurait été rédhibitoire face à ce genre d'engeance :

- Je ne faisais qu'effectuer une livraison mais je peux éventuellement vous dépanner... Si vous avez une robe convenable et plus personne pour la porter.

Et si la robe n'était pas de cette horrible couleur... Porter une tenue de pêcheur était déjà bien assez dramatique pour une seule journée !

Pour le coup, Chandara avait peut-être fait preuve d'un mauvais choix de vocabulaire...
" Une robe convenable, vous vous fichez de moi, jouvencelle ?! s'exclama la matrone avec une grimace de stupeur scandalisée.
— Vous ne manquez pas de toupet, ajouta le chambellan.
— Mais vous n'êtes pas si désagréable à regarder, sous ces... oripeaux."
La matrone parut hésiter.
" Bon, il va falloir vous décrasser, vous maquiller, vous habiller... C'est jouable. Et je n'ai pas le choix. Mais je vous paie dix pièces d'argent, pas plus."

Mais qu'avaient donc tous ces gens à sans cesse mal interpréter ses propos ! Etait-ce encore un mauvais tour à attribuer aux différences culturelles ou les signes qu'elle allait devoir changer pour ne pas se créer d'ennuis à Luménis ? Toujours est-il qu'elle tenta de rectifier le tir :

- Je ne voulais pas vous manquer de respect : je suis certaine que vous me trouverez une très jolie robe et c'est nécessaire vu les horreurs que je porte actuellement. C'est cela que je voulais dire. Et cette somme conviendra parfaitement.

De toute façon, elle n'avait pas l'intention de rester suffisamment pour avoir l'occasion de réclamer son salaire...

La matrone la saisit par le bras et l'entraîna aussitôt vers l'intérieur, sans plus se soucier du chambellan. Les couloirs étaient encombrés de serviteurs courants en tous sens, mais sa nouvelle employeuse savait manifestement où elle allait. Elle prit un couloir transversal, monta une volée d'escaliers, déboucha dans un nouveau corridor, et attrapa une servante par le bras.
" Mina, conduis celle-ci à la salle d'eau. Je vais chercher la robe."
La jeune femme, une petite blonde au minois de souris, parut stupéfaite mais ne protesta pas et l'entraîna trois portes plus loin. C'étaient manifestement une pièce réservée au personnel mais au moins, il y avait des serviettes et du savon. Il restait aussi une eau tiédasse, signe qu'on s'était lavé peu auparavant.

Chandara n'avait d'autre choix que de jouer le jeu pour le moment, ne sachant pas où pouvait bien se trouver Victoria dans ce palais inconnu où elle ne manquerait pas d'être repérée si elle se mettait en tête de la chercher par elle-même.

Elle prit donc son mal en patience d'autant plus facilement qu'elle avait hâte de se débarrasser du reste de zeste désagréable venant de l'eau putride du port et des vêtements plutôt informes que lui avait dégottés Colin. Elle plongea donc sans hésitation dans le baquet après s'être dévêtue et avoir empoigné un pain de savon.

La matrone revint peu après et la somma de quitter son bain au plus vite. Elle avait rapporté une robe turquoise à multiples volants et froufrous, mais sourcilla en voyant Chandara émerger de son baquet.
" Qu'est-ce que vous avez pour les épaules ? Vous déchargez les navires, en temps normal ?"

Chandara sourcilla à son tour, pointant un regard un brin insistant sur la matrone avant de se reprendre : ce n'était pas le moment de tout gâcher parce que cette bique engoncée dans son horrible robe l'avait vexée.

- Excusez-moi : je ne suis pas sûre de comprendre ?

Déjà, elle attrapait une serviette pour se sécher pour pouvoir se rhabiller au plus vite : il n'y avait pas de temps à perdre et se faire épier et détailler par la matrone n'était pas l'activité la plus réjouissante qui soit.

" Vous avez des épaules étranges pour une jeune femme, répéta la matrone. Beaucoup trop... musclées. Ce n'est pas très joli. Mais j'imagine que vous n'avez pas eu le choix, vu d'où vous venez. Et heureusement, la robe n'a pas de manches, vous ne risquez pas de la déchirer."
Elle se détourna un moment, moins par pudeur que par ennui.

Cette mégère ne manquait pas de toupet ! Mais la remarque ne manqua pas la déstabiliser : y avait-il un fond de vérité, après tout ? Elle s'était entraînée durant des années à manier des armes lourdes alors que les paladins du temple Sunite semblaient préférer les armes rapides. Etait-ce pour éviter de développer une musculature trop disgracieuse ? Est-ce que cela déplairait à Arthur ? Ou au sculpteur qui lui avait demandé de poser dans le plus simple appareil ? Avait-elle compromis sa beauté au profit de la force ?

Toute à ces pensées désagréables, Chandara ne répondit pas à la matrone et acheva de se sécher avant d'enfiler ses sous-vêtements puis de regarder la robe de plus près, prête à l'enfiler.

Mais la matrone ne s'était sans doute pas attendue à ce que la jeune femme ose lui répondre, aussi ne s'offusqua-t-elle pas de son silence. Chandara de son côté nota que la robe était à sa taille, même si la couleur, la coupe, le style, tout laissait à désirer. Une fois qu'elle l'eut revêtue, sa nouvelle patronne l'observa d'un air appréciateur quoi qu'un peu méprisant.
" Bon, les cheveux maintenant, et le maquillage, et nous serons parées."
Elle lui montra la sortie et l'accompagna dans les couloirs. Quelques portes plus loin, Chandara fut confiée à une vieille femme toute racornie qui eut tôt fait de l'asseoir sur un tabouret et entreprit de lui peigner les cheveux, tandis que la matrone s'éclipsait à nouveau un moment.

La séance aurait pu être agréable si l'endroit avait été un peu moins sinistre tout comme les femmes auxquelles elle avait affaire. D'ailleurs, à en juger par la robe qu'on lui avait confié, elle s'attendait à moitié à ressortir de cette nouvelle salle avec une coupe à faire peur : par la déesse, elle n'était pas au bout de ses peines. Y avait-il seulement un miroir pour qu'elle puisse mesurer l'ampleur des dégâts ? Mais c'était pour la bonne cause et elle était certaine de pouvoir réparer tout ça dès qu'elle se serait sortie de cet affreux guêpier. D'ailleurs, elle n'en oubliait pas sa mission :

- Pouvez-vous me parler de damoiselle Victoria ? J'imagine qu'elle doit être très excitée à l'idée de la cérémonie, non ?

La vieille lui démêlait les cheveux avec plus de douceur que ne l'aurait pu laisser penser sa mine revêche.
" Bah. Victoria c'est Victoria. Difficile de savoir ce qu'elle pense. Entre ce qu'elle donne à voir et ce qui se passe dans sa jolie caboche, il y a probablement un gouffre."
Chandara entendit le bruit de ciseaux.
" Vous inquiétez pas. J'vais couper un d'mi pouce. Vos cheveux en ont drôlement besoin. Vous devriez en prendre meilleur soin."

La réponse de la vieille femme concernant Victoria pouvait vouloir tout dire et son contraire mais cela ne remettait en tous cas pas en question l'hypothèse de Colin la concernant. Mais elle avait abandonné le cours de cette pensée et légèrement sursauté en entendant le bruit caractéristique des ciseaux : la vieille dame devait l'avoir remarqué.

Et la jeune-femme se rendit à l'évidence : elle avait parfaitement raison et la douceur qu'elle avait manifesté pour les lui peigner incitait à lui faire confiance.

- Vous avez raison : cela fait bien trop longtemps que je ne me suis pas préoccupé de fréquenter un salon... Est-ce que vous êtes proche de la demoiselle ? Enfin, si ça n'est pas indiscret, bien sûr !

Ça l'était certainement mais elle avait demandé cela d'une voix douce et pleine de sollicitude.

La vieille gloussa.
" Je l'ai vue naître, Victoria. Sans rire. C'est moi qui l'ai sortie du trou noir. Rouge écarlate qu'elle était, et braillarde. Une petite horreur toute fripée et en même temps, un sacré miracle. Donc oui, on peut dire que je la connais depuis un petit bout de temps."
Les ciseaux claquèrent et Chandara devina qu'une première mèche de cheveux avait été coupée.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Les habitations du Quartier Ouest