[Lieu] Les hauts plateaux

[Kasumi]

HRP : wouah, ce sont encore de toute jeunes pouliches ! Il me semble qu’on ne peut pas monter des chevaux avant qu’ils aient au moins 3 ou 4 ans.

Les deux animaux semblaient tout à fait convenables mais Kasumi opterait naturellement pour celle étant légèrement plus âgée pour éviter de passer de longues semaines à la débourrer par eux-mêmes. Cependant, en ces matières, il valait mieux laisser la logique de côté et faire confiance à Sylvia pour choisir laquelle des deux montures s’entendraient le mieux avec elle. Pendant qu’elle s’en approchait, le demi-elfe demanda discrètement à l’éleveur quel était le prix de ces deux animaux : un paramètre qui devait malheureusement entrer lui aussi en ligne de compte dans une certaine mesure.

[Voyageuse]

L'éleveur secoua la tête en désignant la plus jeune des pouliches.
" Celle-ci est trop jeune pour être montée.
- Ah... je n'y connais rien, avoua Sylvia.
- Celle-là est d'une race de coureurs, elle est déjà débourrée, mais c'est une race qui vit moins longtemps, et elle privilégiera la vitesse à l'endurance. Voyez sa finesse, les muscles de ses jambes arrières... Pour un long trajet, je vous conseillerais plutôt une monture de cinq ou six ans, mais d'une race plus montagnarde peut-être, comme cet étalon, là... ou cette autre jument alezan."
Celle-ci avait la crinière plus claire, et était de plus petite taille. Une race de la Trouée, à n'en pas douter. L'étalon, lui, était aussi blanc que celui de Kasumi.
" Quant à leur prix... Comme je vous l'ai dit, je vous échange votre jument contre l'étalon et vingt pièces d'or, ou contre cette jument et trente pièces d'or. Ou si vous préférez l'autre, la plus rapide, je ne peux peux aller que jusqu'à vingt-cinq pièces d'or. c'est une race très prisée..."

[Kasumi]

Sylvia avait beau faire des progrès fulgurants en équitation mais elle restait encore une débutante et il la voyait mal passer sa vie à cheval elle qui aimait tant l’abri des grands arbres. De plus, leurs besoins allaient davantage vers une monture robuste, agile et endurante que vers un cheval taillé pour la course. En cela, l’étalon blanc et la seconde jument correspondaient bien mieux à leurs besoins. La différence de prix étant somme toute minime, il préféra laisser le choix à la rôdeuse tout en l’orientant vers cette alternative.

[Voyageuse]

La rôdeuse choisit la jument, et l'affaire fut rapidement conclue.
L'éleveur alla chercher les trente pièces d'or, et rendit à la jeune femme le matériel de sellerie qu'on leur avait fourni à Lunaros. La jument semblait docile, curieuse de faire connaissance, et la rôdeuse commença par marcher un peu en la tenant par la bride, lui parlant doucement, avant d'oser la monter.
" Elle est plus grande que l'autre... fut sa seule remarque.
- Oui mais plus costaud, fit remarquer Jeannot. C'est une bonne jument, vous verrez. Elle vous mènera loin... Et je m'y connais !
- A ce point ? railla l'éleveur, un peu moqueur.
- Oui ! Mes deux grands-pères sont des Cavaliers de la Trouée !"
Et il enchaîna en donnant leurs patronymes qui parurent parfaitement connus de l'éleveur.
- Ah, dans ce cas, mes excuses, je n'ai rien dit... Et il me reste à vous souhaiter une bonne route jusqu'à Luménis. Vous devriez arriver au bac d'ici demain soir, si vous ne traînez pas en route... Méfiez-vous, une fois le bac traversé, il faut prendre à droite, légèrement au nord-ouest, pour rejoindre Luménis. La route d'en face rejoint Respelm, et celle de gauche plonge droit vers la forêt maudite, à la hauteur de Peyregorde."

[Kasumi]

Kasumi avait laissé Sylvia faire plus ample connaissance avec sa nouvelle monture dont il s’était contenté de demander le nom à l’éleveur. Il avait aussi apprécié que Jeannot puisse se mettre en valeur et ce de façon tout à fait justifiée : un peu de confiance en lui-même l’aiderait assurément à mieux affronter les embûches que la vie mettrait sur son chemin. Il écouta ensuite attentivement les indications de l’éleveur mais, comme il se retrouvait en terrain un peu plus familier désormais, il avait déjà connaissance de la route à suivre. La mention du hameau de Peyregorde – en revanche – suscita aussitôt son intérêt et il échangea un regard appuyé avec sa compagne.

- Est-ce que vous vous êtes déjà rendu à Peyregorde ? Il se pourrait que ce soit notre prochaine destination car nous cherchons un ancien bosquet druidique qui serait proche d’une localité de ce nom…

[Voyageuse]

L'éleveur secoua la tête.
" Je n'y suis jamais allé moi-même. Vous savez, il y a tellement de rumeurs sur ce qu'on trouve dans la forêt maudite. Nous autres Cavaliers préférons les grands espaces de nos plaines. Mais si vous parlez d'un bosquet druidique... Ecoutez, vous devriez aller voir ma grand-tante. Elle habite la première maison en direction du village, à dix minutes d'ici. Elle est un peu âgée, n'entend pas très bien et dit parfois n'importe quoi, mais elle était rôdeuse, autrefois, et elle a pas mal voyagé, y compris dans le nord de la Forêt Maudite. Et elle saurait peut-être vous renseigner... Dites-lui que le Pelé l'envoie... Et attendez, si vous passez là-bas, je vais vous donner un jambon à lui apporter, ça fait une demi-veille qu'elle l'attend."

[Kasumi]

Cela ne leur coûtait évidemment rien d’accepter, bien au contraire aussi Kasumi s’empressa de confirmer qu’ils lui rendraient effectivement visite. Une ancienne rôdeuse ayant voyagé dans la forêt maudite serait certainement une bien meilleure source d’information que tous les livres de l’université de Luménis : l’opportunité était donc bien trop belle pour être la laisser passer. Finalement, l’excursion chez l’éleveur s’avérait de plus en plus fructueuse ! C’est donc avec un sourire ravi et sincère qu’ils le laisseraient pour se rendre chez sa grande-tante. Avant de prendre congé, néanmoins, Kasumi demanda à titre d’information quel prix l’éleveur serait prêt à mettre pour racheter Eclair : il lui faudrait le revendre après avoir récupéré Ombrage alors autant se poser la question dès maintenant et voir si le déplacement était susceptible d’en valoir la chandelle.

[Voyageuse]

L'éleveur considéra Eclair avec une légère grimace. L'étalon n'était plus tout jeune, bien qu'encore en bonne santé. Il ignorait d'où il venait, ce qu'il avait pu vivre auparavant, ses éventuels traumatismes. Il pourrait peut-être faire un bon reproducteur, s'il n'avait pas de tare à ce niveau-là... mais il avait déjà deux étalons pour la reproduction. Il finit par annoncer un prix de rachat de quarante-cinq à cinquante pièces d'or. Mais ils auraient l'occasion, peut-être, de trouver une meilleure offre, s'ils décidaient plus tard de faire un saut au Pont des Trois Sires jusqu'au cousin de celui qui leur avait vendu les bêtes.

[Kasumi]

Kasumi retint tout de même cette offre qui fournissait tout de même une bonne base de négociation avoisinant le prix qu’ils avaient déboursé chez l’éleveur de Lunaros. Le mieux serait en effet de voir ce qu’en proposeraient les potentiels acheteurs à Luménis et, s’ils ne trouvaient pas d’offres dépassant celle de Pelé, de faire le déplacement jusqu’au Pont-des-Trois-Sires dès que l’occasion se présenterait. Pour l’heure, il était donc temps de se remettre en route et donc de se diriger vers l’aïeule de l’éleveur pour une brève halte avant de reprendre le chemin du bac.

[Voyageuse]

Ils trouvèrent sans peine la demeure de l'aïeule : une maison d'apparence modeste, la seule des environs. La vieille femme se trouvait dans son jardin, en train de biner consciencieusement ses salades. Elle se redressa, une main sur les reins, en les voyant approcher, et leur adressa un sourire édenté.
" Tiens, des voyageurs du Nord... Dites-moi, vous venez de Rohan, ou simplement de chez mon neveu du domaine d'à côté ?

[Kasumi]

Kasumi mit souplement pied à terre mais en restant tout de même à quelques pas de distance en attendant l’invitation de la rôdeuse à s’approcher.

- Nous venons effectivement de chez votre neveu et c’est lui qui nous a recommandé de venir vous rendre visite. Il nous a confié du jambon pour vous mais j’avoue que nous aurions une question à vous poser sur la région de Peyregorde.

[Voyageuse]

La vieille femme sourit, secouant la tête d'un air amusé.
" Peyregorde, Peyregorde... Lequel, de Peyregorde ? Celui des montagnes près des cités naines, celui au nord de Rohan, celui du sud, en bordure de la Ronde, ou bien le plus proche, celui de la forêt maudite près de la Lézarde ? Il doit y en avoir bien d'autres, d'ailleurs, des Peyregorde ou Peyregourde ou Pierregourde... Ca veut dire grosse pierre, vous voyez. C'est assez courant, les grosses pierres... On en trouve dans bien des régions ! Mais donnez-moi ce jambon et venez donc prendre un verre sous la tonnelle."

[Kasumi]

A la lumière de cette information, la recherche du bosquet avait des chances d’être plus compliquée que ce qu’il avait espéré. Cependant, peut-être la vieille rôdeuse allait-elle pouvoir leur donner des indications plus précises et plus fiables. Il accepta donc d’autant plus volontiers l’invitation qu’ils pourraient ainsi en discuter.

- C’est embêtant : le sylvanien vénérable qui nous a guidés n’a pas pu se montrer précis. En fait, nous recherchons un ancien bosquet druidique en bordure de la Forêt maudite et qui se situerait près d’une localité de ce nom-là.

[Voyageuse]

" Ah, un bosquet druidique ! Voilà qui est plus intéressant... Hum... mais pourtant vous n'êtes pas druide ! Enfin, je présume... sinon j'aurais senti quelque chose, une aura, il me semble... Et puis vous sauriez le trouver d'instinct, ce bosquet, si vous étiez druide, non ?"
Tout en parlant, elle les fit asseoir sur de vieilles chaises branlantes et apporta une vieille bouteille au verre vaguement transparent.
" De la poire, précisa-t-elle. Costaude...
- Heu... non, pas pour moi, merci, murmura Sylvia. Je n'ai pas l'habitude..."
Mais la vieille femme devait être un peu dure d'oreille, et elle leur servit à tous deux une bonne rasade avant de poursuivre.
" Les bosquets magiques, c'est plus rare que les grosses pierres ! Surtout en bordure de la Forêt Maudite. Ca ne pousse pas facilement, ces choses-là... J'en ai rencontré, autrefois, mais je les ai rarement cherchés vers cette maudite forêt. Il y en a pourtant, même là-bas, j'en ai vu au moins un... mais je ne me souviens plus où. Je ne sais plus si c'était de ce côté-ci, ou si je confonds... Cela dit, je sais qu'il y avait autrefois une prêtresse de Miellikki, qui vivait justement à Pierregorde. Celle-là des Grosses Pierres qui se trouve de l'autre côté de la Lézarde. Elle saurait, elle, s'il y a un bosquet là-bas. Moi... Ma mémoire me joue des tours, c'est si loin tout ça... Mais elle n'est plus toute jeune, si elle est encore en vie. Elle doit approcher les... oulà... plus de quatre-vingt-dix ans. Peut-être cent, en fait... "
Elle secoua la tête, et s'exclama soudain.
" Mais sinon, je sais où vous pouvez trouver l'information ! Il y a un vieux clerc d'Eldath, que j'ai connu quand j'étais toute jeunette, il est sûrement décédé depuis. Je sais qu'il écrivait un livre recensant les sources sacrées d'Hélonna, du moins toutes celles qu'il avait trouvées. Peut-être qu'ils en ont une copie à la bibliothèque de Luménis. Sinon, il faudrait aller à un temple d'Eldath, ils sauraient sûrement..."

[Kasumi]

La poire était effectivement des plus fortes et Kasumi faillit s’étouffer en en avalant la première gorgée. Voilà qui n’allait pas faciliter le démêlage des informations contradictoires livrées par l’aïeule. Le demi-elfe retenait qu’il valait mieux se fier à la recherche de l’information à la bibliothèque de Luménis tout compte fait. Au moins avaient-ils maintenant une idée un peu plus précise de ce qu’ils recherchaient.

- Je crois savoir qu'il n'y a pas de temple d'Eldath à Luménis même. Vous sauriez nous en indiquer un dans la région ? Ou sinon le nom de ce clerc d'Eldath ? Nous allons de toute façon passer par Luménis cela dit...

[Voyageuse]

Sylvia but une infime gorgée de poire et faillit s'étouffer elle aussi. Elle préféra reposer son verre.
" Jacques d'Héliaster, il s'appelait. Un bel homme. Très dévot, surtout. Il a consacré sa vie à rechercher des sources sacrées, à en restaurer certaines, en bénir d'autres... Je me souviens qu'il écrivait son livre, il était sur le point de le terminer. Par contre, il n'y a pas de temple d'Eldath à ma connaissance, sauf à Erhedun. Mais ils ont sûrement une copie de son ouvrage à Luménis... Et sinon, Peyregorde n'est qu'à deux ou trois jours de cheval, depuis Luménis. Si cette vieille Malika est toujours en vie, elle vous renseignera. Mais ça fait bien vingt ans que je n'ai plus de nouvelles... Elle doit être morte, en y réfléchissant..."

[Kasumi]

Kasumi sentait l’alcool lui monter rapidement à la tête et nota les noms donnés par la vieille rôdeuse pour ne pas risquer de les oublier. S’il avait avant tout l’intention de se rendre à la Grande Bibliothèque de Luménis en profitant qu’ils soient sur place à la capitale, les références offraient une première piste à ne pas négliger car elle pouvait leur faire économiser bien des heures de lecture stérile. Il ne manqua donc pas de remercier l’aïeule tout en reposant son verre.

- C’est vraiment très aimable à vous de nous avoir accueillis mais nous allons devoir nous remettre en route car il nous reste beaucoup de chemin. Si nous repassons dans la région, nous vous tiendrons au courant si cela vous intéresse !

[Voyageuse]

L'aïeule penchait légèrement la tête, concentrée, pour mieux entendre leurs paroles. Elle répondit avec enthousiasme.
" Bien sûr, ça m'intéresse d'avoir des nouvelles de ce vieux Jacques ! Ah mais lui aussi il est sûrement mort, maintenant que j'y pense... mais c'est bien gentil à vous d'être venu, en tout cas ! assura l'aïeule de sa voix cassée. Et je vous souhaite une très bonne route ! C'est à Luménis que vous allez ?
- Oui, à Luménis.
" Vous y serez dans trois ou quatre jours. Et méfiez-vous, au bac, les chevaux n'aiment pas trop monter dessus, enfin sauf s'ils sont habitués... Mais les conducteurs sont habitués, eux. Allez, je ne vous retient pas plus. Bonne route !"

[Kasumi]

Kasumi se demanda confusément si Première Neige poserait problème pour la traversée du bac et si la louve ne chercherait pas à traverser plus loin à gué ou même à la nage plutôt que de se retrouver confinée sur une petite plateforme de bois au milieu d'inconnus et de chevaux. Après tout, son familier avait consenti à le suivre à l'île mouvante mais il se faisait tout de même fort de communiquer avec elle pour voir qu'elle solution la stresserait le moins.

En se levant pour saluer la vieille rôdeuse, le demi-elfe sentit la tête lui tourner un peu - effet de l'alcool décidément trop fort - mais il fit tout de même bonne figure avant de prendre congé.

[Voyageuse]

Ils reprirent donc la route et ne furent pas long à apercevoir le village, qu'ils contournèrent un peu à distance. Jeannot n'avait pas bu une goutte l'alcool, préférant laisser les adultes discuter entre eux en attendant non loin avec sa monture, et semblait soulagé que le voyage reprenne enfin. Il prit le galop le premier, heureux de la liberté qui s'offrait à lui.
La toute nouvelle jument de Sylvia, nettement plus nerveuse que les montures auxquelles elle était habituée, la surprit en emboîtant immédiatement le pas à Merveille, manquant désarçonner sa cavalière. Il lui fallut plusieurs minutes de galop effréné pour parvenir à la calmer, d'autant que Jeannot semblait prendre grand plaisir à cette course et encourageait les deux juments de la voix. L'étalon de Kasumi, quant à lui, peinait à suivre le rythme de ses deux congénères...

Et le voyage reprit, à une allure un peu plus rapide peut-être, comme s'ils avaient tous hâte d'arriver au fameux bac. Ils parvinrent enfin en vue de la Lézarde le lendemain en milieu d'après-midi. La route pavé qu'ils suivaient menait tout droit à un hameau, et ils aperçurent une sorte de quai, sans doute l'embarcadère du bac.

[Kasumi]

La course effrénée de Sylvia lui avait provoqué quelques sueurs froides mais la rôdeuse avait su maîtriser sa monture à merveille et le demi-elfe en éprouva une grande fierté. Il lui avait adressé un grand sourire pour la féliciter quand il avait finalement réussi à revenir à sa hauteur.

Arrivé en vue du bac, Kasumi les fit s'arrêter et démonta pour s'approcher de Première Neige. Il chercha à lui transmettre des images mentales pour lui expliquer qu'ils devaient passer de l'autre côté du cours d'eau. Il voulait lui faire comprendre qu'elle avait le choix entre les accompagner sur la plateforme de bois ou traverser par ses propres moyens.

[Voyageuse]

Il n'était pas certain que la louve ait bien compris le message, mais elle n'hésita pas une seconde pour lui faire savoir qu'elle n'avait pas envie de s'approcher de ce lieu plein d'humains. Traverser, passer de l'autre côté... ça, elle comprenait. Il la vit hésiter un instant, truffe au vent, puis filer d'un bond vers la gauche et l'amont du fleuve, à la recherche, certainement, d'un gué ou d'un endroit où l'eau serait suffisamment calme pour traverser à la nage.

Les trois voyageurs, quant à eux, s'approchèrent du hameau où s'étirait déjà une file d'attente assez impressionnante : une bonne trentaine de personnes, à cheval pour la plupart -ils étaient à la frontière de la Trouée après tout-, quelques chariots chargés de marchandises, quelques familles complètes.
Jeannot, lui, ne semblait guère plus rassuré que première Neige en apercevant la plate-forme de bois flottant sur l'eau qui se décollait tout doucement de la rive opposée.
" C'est... c'est là qu'on doit traverser ? Il n'y a pas... de pont ?"

[Kasumi]

Kasumi comprenait l'inquiétude de Jeannot d'autant qu'il était probable que le jeune-homme n'ait jamais mis le pied sur un bateau de toute sa vie. Le demi-elfe s'approcha donc de lui en s'efforçant d'adopter un ton rassurant :

- Oui, c'est bien ici. Mais il n'y a aucun danger, ne t'en fais pas : il faudra simplement descendre de cheval mais tu verras que la traversée est sûre et rapide. Et traverser ici nous fera économiser des jours : je suis certain que tu as envie de revoir ta grand-mère au plus tôt, n'est-ce pas ?

[Voyageuse]

Le jeune homme haussa les épaules.
" Ben, un détour vers le pont des Trois Sires, c'est pas si long, ça doit être à un jour ou deux d'ici..."
Il poussa un soupir à fendre l'âme.
" C'est la première fois que tu montes sur un bateau ? s'enquit Sylvia.
L'adolescent hocha la tête, sans quitter des yeux la plate-forme de bois qui avançait à une allure d'escargot.
" Il faut bien une première fois, fit la rôdeuse. Mais dis-toi que Merveille aura sûrement plus peur que toi, il faudra la rassurer...
- Ah... C'est vrai, oui..."
Tout en discutant, ils avaient pénétré dans le hameau et pris place dans la file. Un homme en uniforme s'approcha d'eux.
" Vous voulez traverser, je présume ? C'est cinq pièces d'argent par homme et par monture..."

[Kasumi]

Le prix était quasiment prohibitif mais le Pont des Trois Sires était éloigné et il était trop tard pour reculer maintenant que la manœuvre de Sylvia avait réussi à convaincre leur jeune compagnon. Kasumi sortit donc de sa bourse les trois pièces d'or demandées pour leur traversée à tous sans chercher à négocier puis il prit son mal en patience car ils approchaient de Luménis, leur prochaine destination et c'était une sensation excitante : il était impatient de faire découvrir la ville de lumière à Sylvia pour quelques jours.

[Voyageuse]

Monter sur le bac ne fut pas une mince affaire. Leurs montures à tous les trois n'étaient pas spécialement calmes et dociles, et Kasumi et Sylvia eurent besoin de tous leurs talents de rôdeur pour les apaiser et les convaincre de poser un pied sur la plate-forme mobile. Jeannot, en l'occurrence, semblait doté d'un sens inné de la communication avec les chevaux. Parlant doucement à l'oreille de Merveille, il lui insuffla du calme en quelques instants. Sa monture fut donc la première à oser franchir la passerelle de bois qui permettait de prendre pied sur l'embarcation, et il fut bien forcé de la suivre. Il était pâle comme un linge, et on voyait qu'il ne faisait bonne figure que pour ne pas inquiéter sa monture. Sylvia, elle conservait un masque calme en surface, mais Kasumi qui la connaissait bien la jugea plus pâle qu'à l'accoutumée. Le courant, violent, faisait légèrement tanguer le bac malgré la solidité des attaches, et ces mouvements à quai n'auguraient rien de bon pour la traversée.

L'un des passagers s'approcha de Jeannot, le distrayant un moment de sa peur. Il s'agissait d'un homme aux cheveux grisonnant, au teint mat, monté sur l'un de ces petits chevaux typiques de la Trouée.
" Dis-moi, petit... Tu ne serais pas un fils Hippolon ?
- Si, si ! J'suis Jeannot Hippolon.
- Il me semblait bien. Tu ressemble à ton grand-père, c'est fou...
- Vous connaissez mon papy ?
- Je l'ai connu dans le temps. Un bon vendeur de chevaux...
- C'est l'meilleur !"
L'adolescent avait un timbre et une façon de parler trop enfantins, et l'homme, à son expression, parut d'en rendre compte. Il ne poursuivit pas la discussion. Mais au moins avait-il distrait un moment Jeannot. Entre-temps, le bac s'était détaché de la rive, et, ballotté par les courants, commençait sa traversée. En le réalisant, Jeannot s'accrocha de toutes ses forces au bastingage. Sylvia, elle, avait le teint un peu trop verdâtre.

[Kasumi]

Kasumi n'avait rien manqué de l'échange impliquant Jeannot mais il se concentra davantage sur sa monture dont il tenait la bride. Avisant que Sylvia éprouvait aussi le mal de la traversée, il dégagea son autre main pour attraper la sienne et la serrer. Il espérait lui transférer un peu de quiétude par ce contact ou - à défaut - lui fournir un point d'ancrage auquel s'accrocher. Lui-même ne s'inquiétait guère de leur sécurité car le temps était au beau, à moins que l'une de leurs montures ne s'agite ce qui ne semblait heureusement pas encore être le cas.

[Voyageuse]

La traversée se déroula aussi bien qu'il était possible : en cette saison, le fleuve était encore gonflé par la fonte des neiges et son débit était impressionnant. Le courant était fort, ballottant l'embarcation et ses passagers, et ceux-ci durent bientôt oublier leur propre malaise pour s'affairer à rassurer les montures. Merveille, Eclair, et la jument de Sylvia -qu'elle avait nommé Bella- supportaient stoïquement la traversée, rassurés par leurs présence et leurs caresses. C'était le cas également des deux tiers des bêtes : leurs cavaliers, des hommes de la trouée, savaient l'importance du contact physique pour rassurer leurs montures.
Mais quelques-uns des passagers n'étaient pas natifs de la Trouée, et n'avaient pas ce lien viscéral avec leur cheval. Tandis qu'ils discutaient entre eux, à l'écart de leurs montures inquiètes, l'une d'elle hennit et se cabra, affolée, et son affolement eût tôt fait de contaminer ses voisins, faisant tanguer davantage l'embarcation et menaçant de faire chuter par-dessus bord ceux d'entre eux qui étaient les plus proches du bastingage -à commencer par Jeannot.

[Kasumi]

Kasumi lâcha la main de sa fiancée pour passer du côté du jeune-homme et le rattraper si les secousses le déséquilibraient. Tout en s'inquiétant de ses proches, il invectiva les cavaliers les plus proches des bêtes affolées pour qu'ils entreprennent de les rassurer. Et si Eclair ne s'affolait pas à son tour et que Jeannot parvenait à garder sa contenance, il irait les rejoindre pour les y aider avant qu'une catastrophe ne se produise.

[Voyageuse]

Jeannot était accroché au bastingage, l'air paniqué, mais il était costaud de nature et se cramponnait solidement. Les mariniers, quand à eux, ne semblaient pas trop s'inquiéter de la situation. Semblable incident devait être courant. Faisant preuve d'un sang-froid et d'un sens de l'équilibre étonnant, ils circulaient de l'un à l'autre, demandant aux cavaliers de tenir solidement leurs montures. Le rôdeur nota qu'ils distribuaient également des sangles de cuir pour que les personnes les plus proches du bord puisse s'arrimer, si elles le souhaitaient, au bastingage. Sylvia en saisit une pour elle, et une autre pour Jeannot, chargeant Kasumi de la nouer à la taille du jeune homme.
Ils étaient désormais au milieu du fleuve, le courant était au plus fort de sa puissance, et les chaînes qui les reliaient aux deux rives émettaient des grincements inquiétants. Les chevaux étaient difficiles à maîtriser, le rôdeur sentait une inquiétude presque palpable qui en émanait et Sylvia et Jeannot étaient aussi blêmes l'un que l'autre. Mais Kasumi remarqua que les mariniers, tout comme la moitié passagers -des habitués peut-être- ne semblaient nullement inquiets. Après tout, ils avaient fait la moitié de la traversée, et, malgré les grincements, les chaînes semblaient solides. Bella et Merveille, en revanche, semblaient se laisser gagner par l'angoisses à leur tour.