La Couronne de Cuivre

Quête : Equité

" Ce n'est pas ma compagne, c'est ma fille... fit le forgeron avec le sourire. Venez, je vais vous montrer où vous pouvez vous installer... et présenter Tache de Lune à votre étalon..."
Il fit mine de saisir Prince des Frelons par les rênes, mais le cheval se déroba en renâclant.
" J'aurais pu m'en douter, dit-il avec un haussement d'épaules. C'est par là..."
Il indiqua la forge.
" J'espère que vous n'avez pas de grands espoirs. Zélia a décidé de me chasser des fourneaux depuis peu, elle me trouvait trop lamentable. Mais elle n'a que onze ans et... elle fait de son mieux. Si vous étiez prête à loger dans une grange, j'imagine que vous serez tolérante avec ce qu'elle vous proposera."

Quête : Equité

- Bien sûr, ne vous inquiétez pas. Ce sera toujours meilleur qu'un casse-croûte froid.

Non, corrigea-t-elle mentalement, certainement pas meilleur qu'un casse-croûte fournit par l'une des meilleures cuisines de Luménis... Mais elle n'allait tout de même pas se plaindre de pouvoir économiser un peu ses provisions !
Et donc... C'était sa fille. Pas sa compagne. Elle aurait pu s'en douter vu les allusions de l'autre. Mais tout de même, elle avait espéré... espéré quoi ? Ne pas courir le risque que cet homme aux beaux yeux verts s'intéresse un seul instant à elle, jeune femme solitaire sur la route ?
Les dieux fassent qu'il ne soit pas l'un de ces veufs à la recherche d'une mère pour leur enfant. Non, certainement pas puisque la petite avait déjà 11 ans, elle était presque autonome. Sa fille à elle aurait eu, quoi... 8 ans ? Mais pourquoi diable fallait-il qu'elle y pense maintenant ? Deux fois en deux jours... Il fallait qu'elle se concentre sur autre chose; sur le présent.

Elle fit signe à Prince de se diriger vers la forge - sans doute la jument était-elle dans un pré par là-bas-, tandis qu'elle-même suivait l'homme avec un brin d'appréhension. Non, juste sa timidité subitement exacerbée. Pourtant, un petit moment de bavardage avec une jeune adolescente n'avait rien d'inquiétant. Elle s'efforça de se convaincre qu'il en allait de même de son père : après tout, le forgeron n'était pas l'un de ces commerçants obtus qui ne jurent que par leur vision des choses, il se montrait plutôt tolérant avec Prince, c'était donc sans aucun doute un homme très sympathique. Et non pas un séducteur impénitent comme le sous-entendait l'autre. Inutile qu'elle s'inquiète à ce point ! Incroyable comme elle se montrait méfiante avec les hommes depuis sa mésaventure de l'année précédente, lorsqu'elle avait bien failli être vendue comme esclave. C'était un autre temps, un autre lieu, d'autres personnes. Elle était adulte, elle devait savoir faire la part des choses tout de même.

Quête : Equité

La forge était la dernière maison du hameau vers l'ouest, le village n'en comportant qu'une dizaine. C'était un bâtiment de bonne taille, bien entretenu, et l'atelier, ouvert aux vents, était encombré d'outils et d'armes en cours de fabrication. En fait, l'établissement dénotait un rien dans un bourg aussi minuscule, mais il survivait sans doute davantage sur des ventes à l'extérieur que sur la fourniture d'articles du quotidien à ses voisins.
Un immense pré s'étendait à côté, dans lequel s'égayaient quelques chevaux et deux vaches. Parmi les premiers, Astrée repéra rapidement la jument en chaleur, dont le comportement était caractéristique. Nerveuse, elle hennissait sans cesse, cherchant des noises à ses congénères pour un rien. C'était une grande créature noire dont le chanfrein était marqué d'une tache blanche. Prince des Frelons donna de la voix et Astrée comprit que si elle ne lui enlevait pas rapidement son harnachement, il s'en chargerait de lui-même, et sans doute avec moins de délicatesse. De son côté, le forgeron n'osait pas s'en approcher.

Quête : Equité

Astrée eut tôt fait de s'emparer de ses bagages, chargeant son gros sac sur une épaule. Elle défit rapidement les sangles qui retenaient la selle, les rênes, et laissa son étalon filer vers le pré, amusée par son impatience. Il ne regrettait certainement plus d'avoir dû délaisser quelques pissenlits. Quant à elle, avec son sac, son bâton, son arc, son carquois, et toute la sellerie en prime... elle était plus chargée qu'une mule !
Bon, mon grand, te voilà libre pour la nuit... mais par pitié, tu évites de te faire remarquer en te transformant...

Elle se tourna vers le forgeron, tendant le harnachement.
- Où puis-je déposer tout cela ?

Quête : Equité

Le forgeron contemplait les chevaux avec un léger sourire aux lèvres, puis il se tourna vers Astrée et rougit.
" Oups, pardon, je me montre bien peu attentif, sur le coup..." s'exclama-t-il en la débarrassant du harnachement du cheval.
Taillé comme il était, l'équipement pesant de la rôdeuse devait représenter bien peu de choses.
" On peut mettre tout ça dans la sellerie, c'est juste là... Mais vous pouvez entrer dans la maison. Porte verte. C'est ouvert. Zélia doit être quelque part, elle vous montrera où vous pouvez vous installer pour dormir. Moi je dois travailler encore, j'ai pas fini mon travail du jour, mais vous pouvez vous balader dans le coin, si ça vous tente... ou si Zélia vous laisse ressortir."

Quête : Equité

- Merci !
Elle se dirigea vers la porte en question, laissant le forgeron s'occuper de son matériel. Elle jeta un dernier coup d'oeil à Prince qui n'avait d'yeux que pour la jument noire. Il avait bien le droit de vivre un peu sa vie de cheval, après tout... Mais elle se demandait vraiment si sa progéniture hériterait de ses dons mystérieux. Mais peut-être qu'il ne pouvait tout simplement pas se reproduire.

Elle frappa à la porte, puis poussa légèrement le battant.
- Il y a quelqu'un ?

Quête : Equité

Astrée déboucha dans un petit couloir obscur qui s'ouvrait à droite sur la pièce de vie. Il y avait là un feu, encore éteint pour l'heure mais déjà préparé, ainsi que plusieurs fauteuils usés et plus loin, une table rectangulaire et quelques chaises. La rôdeuse perçut un mouvement venant du fond de la salle, et une petite fille surgit, partageant un air de famille indéniable avec le forgeron. Elle était drapée dans un tablier un peu trop grand pour elle et elle courut à la rencontre de la rôdeuse.
" Bonjour Dame, je crois que vous vous êtes trompée de porte. Les potions de la mère Julie, c'est de l'autre côté du coin. Et le forgeron... Et bien, il doit être dans l'atelier, non ?"
Elle avait déclamé tout ça avec le plus grand des sérieux.
" Mais maintenant que vous êtes là... Vous savez comment on farcit un chou ?"

Quête : Equité

Astrée sourit, amusée.
- Je ne cherche pas de potions, et j'ai déjà croisé le forgeron, c'est lui qui m'a envoyé ici... Je cherche un toit pour la nuit, en fait. Et je sais même que tu t'appelles Zélia et que tu es une très bonne cuisinière. D'après ton père en tout cas.
Elle rajusta la sangle de son sac, décidément bien lourd.
- Et pour répondre à ta question, oui, je sais comment farcir un chou. Tu veux le faire avec de la viande ou avec du riz ? Et d'ailleurs, je peux même t'aider... si tu me dis où je poser mon gros sac.

Quête : Equité

Zélia parut ravie de la nouvelle et changea immédiatement d'attitude.
" A mon avis, il va te mettre dans sa chambre. C'est la seule avec un lit assez grand, c'est pour ça. Mais ne t'en fais pas, il va pas dormir avec toi, hein ! Mais tu peux mettre ton sac n'importe où, c'est pas grave, tant que tu le mets pas sur le chat... Mais tu pourras pas le manquer, le chat, il est gros comme un veau."
Une fois qu'Astrée eut déposé ses affaires, la gamine embraya.
" C'est quoi, du riz ? Moi je comptais le fourrer avec de la viande et de l'avoine, en fait, c'est ce que j'ai lu qu'on pouvait faire, mais le bouquin est vieux et il manque des pages, parce que Josette — c'est la chèvre, Josette — les a mangées et c'était trop tard pour qu'on puisse les lui sortir de la bouche..."
Et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, Astrée était dans une cuisine, devant un fourneau rougeoyant, avec un chou, de la viande et tout le nécessaire pour concocter un délicieux chou farci.

Quête : Equité

Astrée ne se fit pas prier pour se mettre aux fourneaux. Elle avait posé son sac dans un coin de la pièce, et comptait bien refuser fermement de dormir dans le lit du forgeron si c'était bien ce proposait... Mais pour l'heure, il n'était pas là, et elle se trouvait en tête à tête avec une jeune pipelette de onze ans bien décidée à mériter sa réputation de bonne cuisinière.
Elle écouta patiemment nombre d'histoires sur la chèvre Josette ou le chat, tout en lui montrant comment couper la viande efficacement en tout petits morceaux. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas pris le temps de cuisiner tout simplement un bon petit plat.
Elle la convainquit de laisser tomber la recette du livre -la fin était indéchiffrable-, d'ajouter des oignons rouges, de l'ail, une carotte et quelques herbes aromatiques, de mettre nettement moins d'avoine et de lier le tout avec un oeuf battu.
- Et tu vois, maintenant tu enveloppes dans les feuilles, comme ça, et tu mets à cuire dans ta grande cocotte, bien graissée, à peu près à cette hauteur-là. Pas trop bas pour ne pas que ça brûle. Par contre je ne sais plus trop combien de temps il faut exactement, c'est indiqué pile à l'endroit où ta page est déchirée. Mais mieux vaut laisser trop que trop peu.
Le chat s'était approché, bien sûr, et se frottait contre ses jambes en ronronnant, lorgnant les déchets de viande, bien sûr.
- Je peux lui donner, ou tu as d'autres bêtes à nourrir avec ?

Quête : Equité

" Ben, j'ai le bébé dragon qui est dans l'appentis... fit-elle d'un air songeur, avant de sourire de toutes ses dents. C'est même pas vraaaaai !"
Elles entendirent alors la porte de l'extérieur s'ouvrir.
" Aïe... Tu ne diras pas que je t'ai trop exploitée, hein, sinon il va pas être content, il dit toujours que les invités c'est sacré, tout ça, mais bon, on voit bien que lui, il fait que taper sur son enclume, pendant que moi, je dois tenir l'intérieur...
— Zéliaaa ? demanda la voix du forgeron.
— Oui, p'pa, je suis à la cuisine avec Astrée.
— Astr... Quoi ? Tu ne l'as pas mise aux fourneaux, quand même ?"
La gamine leva les yeux au ciel.
" Non, non... Elle m'a juste donné des conseils... et j'ai fait la conversation...
— Misère. Je suis surpris que tu l'aies seulement laissée se présenter."
Il passa la tête par l'embrasure de la porte et grimaça en la voyant les mains pleines de viande.
" Je vais vous montrer où vous pouvez vous installer."

Quête : Equité

Les bavardages joyeux et incessants de Zélia avaient détendu Astrée, et c'est en riant qu'elle lança, avec un clin d'oeil vers la gamine.
- On était juste en train de comparer nos façons respectives de hacher la viande... Simple échange d'astuces de cuisinière à cuisinière, donc ! Mais c'est elle qui a fat tout le boulot, je vous rassure !
Elle se leva, s'essuyant les mains dans le torchon qui pendait.
- Je vous suis...

Quête : Equité

Le forgeron la précéda dans l'escalier qui menait aux étages et, comme la gamine l'avait anticipé, il poussa la porte d'une grande chambre bien aérée où trônait un lit double fait.
" Voilà, vous pouvez vous mettre là. Nous n'avons pas vraiment de salle d'eau mais il y a un broc sur la petit table, là derrière, et normalement de l'eau claire dans le tonneau juste à côté. Je vais vous laisser vous installer, moi je dois me décrasser, mais ensuite, j'imagine que nous passerons à table, et puis vous pourrez vous reposer. J'imagine que vous n'en êtes qu'au début de votre voyage..."
Il sourit.
" Bon, j'arrête de parler, je vous laisse tranquille. Appelez Zélia s'il y a un souci."

Quête : Equité

Astrée se sentit rougir, gênée. Zélia avait eu raison. Et même si dormir dans un vrai lit était tentant, il était hors de question d'en expulser son propriétaire - et encore moins de le partager bien sûr, elle ne l'envisageais même pas une seule seconde.
Aussi se tourna-t-elle vers le forgeron, mal à l'aise.
- Mais... c'est votre chambre? Et vous, vous allez dormir où ? Je n'ai pas besoin de tant de confort, je ne veux surtout pas vous priver de votre lit !

Quête : Equité

" Vous ne me privez de rien, je ne dors plus dans cette chambre depuis... depuis un certain temps. C'est Zélia qui vous a dit ça, évidemment..."
Il pinça les lèvres.
" En fait... C'est délicat... Je ne lui ai pas vraiment dit que je n'y dormais plus... Elle a besoin de croire que... que tout va bien, et que les choses sont redevenues aussi solides qu'avant... qu'avant que nous ne soyons plus que tous les deux, et donc... J'ai mon lit au grenier. Donc ça ne me prive de rien."

Quête : Equité

- Ah...
Ce fut tout ce qu'Astrée trouva à dire, sur le moment. Apparemment, l'homme avait vécu un drame douloureux, encore trop récent.
Mais c'était bien maigre comme commentaire, après une telle révélation, aussi se risqua-t-elle à ajouter :
- Vous savez, je crois qu'elle pourrait comprendre que vous ayez... changé de chambre. Enfin, à moi ça me semble bien compréhensible, comme réaction. Mais bon, vous la connaissez mieux que moi...

Quête : Equité

" Sans doute. Mais pour l'instant... Les choses tiennent comme elles tiennent."
Il eut une petite grimace embarrassée.
" Mais bon, voilà. Installez-vous. Et rendez-vous en bas pour le dîner."
Puis il s'esquiva vers le fond du couloir et une seconde volée d'escaliers, laissant Astrée découvrir la grande pièce qui avait dû être la chambre du couple. Les armoires étaient encore chargées et il y traînait un semblant d'objets usuels, disposés un peu au petit bonheur la chance, comme si on avait voulu faire croire que les lieux étaient occupés sans trop y réfléchir. Mais il y avait largement la place pour qu'elle y dépose ses affaires. En passant devant le miroir qui coiffait la cheminée, elle réalisa que sa mine portait toujours les stigmates de sa chevauchée...

Quête : Equité.

Elle se sentait presque mal à l'aise en entrant dans la chambre. Heureusement qu'elle ne croyait pas aux fantômes... Mais après tout, rien ne disait que la femme du forgeron était décédée, elle avait aussi pu décider de partir pour une raison inconnue. Hum... En abandonnant sa fille? Non, c'était peu probable. Et puis, finalement, cela ne la regardait pas.

La vision de son reflet dans le miroir l'amena rapidement à des considérations plus terre à terre : elle avait l'air d'avoir passé huit jours sur les routes, au moins... Comment avait-elle même osé cuisiner ainsi ?
Puisqu'elle disposait d'un abri pour la nuit, elle en profita pour laver rapidement ses vêtements les plus sales et enfiler ceux de rechange, laissant les tissus humides sécher dans le coin le plus chaud de la pièce : tout près du conduit de cheminée. Bien débarbouillée et enfin présentable, elle redescendit auprès de Zélia.

Quête : Equité

Le repas fut servi peut de temps après. Léoric s'était également changé et Astrée put constater que sous sa couche de poussière, c'était un rouquin couvert de taches de rousseur, comme sa fille. Ils s'installèrent autour de la table dressée, Zélia servit fièrement le chou farci, puis avoua rapidement à son père qu'elle avait en fait laissé la rôdeuse travailler. Le père ouvrit de grands yeux scandalisés mais l'embarras prédominait sur la colère, et il remercia chaleureusement Astrée d'avoir enseigné une nouvelle recette à sa fille. Ensuite, Zélia fit la conversation. Elle parla des petites histoires sans intérêt du hameau (qui, la rôdeuse l'apprit, s'appelait Tournebride), puis expliqua que son père était le fournisseur attitré du maréchal-ferrant de la commanderie des paladins de Luménis (ce qui gêna beaucoup le principal intéressé), raconta ensuite les aventures de Josette et Tache de Lune, récita plusieurs poésies enfantines qu'elle avait étudiées à l'école, puis manqua s'endormir sur la table. Le forgeron l'envoya se coucher et suggéra à Astrée d'en faire de même. Il s'enquit de ses intentions pour le lendemain matin : il se levait lui-même à l'aube et pouvait sans problèmes la réveiller.

Quête : Equité.

- C'est gentil à vous... D'ordinaire je me réveille sans problème à l'aube, mais sait-on jamais, si vous ne me voyez pas descendre, je veux bien que vous veniez frapper à ma porte. Il vaut mieux que je me mette en route assez vite.
Elle étouffa un bâillement. Il était tard, la journée avait été longue... Elle eut une pensée pour Prince des Frelons, espérant qu'il était confortablement endormi quelque part et qu'il serait en forme le lendemain malgré ses aventures vespérales. Elle salua le forgeron, qui devait certainement avoir envie de dormir lui aussi, et monta directement dans sa chambre.
Malgré son léger malaise à l'idée de dormir dans le lit de quelqu'un d'autre, elle ne fut pas longue à sombrer dans un profond sommeil.

Quête : Equité

Un craquement.
Ténèbres toujours.
Quelqu'un marchait dans le couloir, et Astrée devina la lueur d'une lampe sous la porte de sa chambre. La personne s'arrêta quelques secondes juste devant, puis repartit, descendant vers le rez de chaussée.
Il faisait nuit noire et froid. Dans la cheminée ne persistaient que des braises rougeoyantes, bientôt mortes.
On marchait en bas. La porte d'entrée grinça, puis la lumière reparut, ténue, au travers des rideaux tirés.
Ce bruit étrange... Ah... Il pleuvait à verses.
Le silence revint.

Quête : Equité

Astrée était tétanisée. Elle s'était dressée dans son lit et serrait ses deux genoux contre elle, s'efforçant de réprimer les tremblements qui menaçaient de la faire claquer des dents. Et ce n'était pas à cause du froid.
Elle avait eu un peu de mal à se souvenir où elle était. Puis avait d'abord cru que c'était le matin. Puis, ses yeux ouverts dans l'obscurité, avait tenté de se convaincre que c'était le forgeron montant se coucher. Sauf qu'il était descendu. Donc ce n'était pas ça. Un fantôme ? Un intrus ? Et il avait failli entrer dans sa chambre...
Si elle avait une once de courage, elle irait regarder à travers les rideaux. Mais pour cela il aurait fallu cesser de trembler.

Elle inspira profondément. Une fois, deux fois, trois fois. Il n'y avait plus rien à entendre, que la pluie cognant sur le toit. Elle avait bien fait de chercher un abri pour la nuit. Et ce n'était pas la peine d'avoir peur comme ça... C'était peut-être simplement le forgeron qui descendait satisfaire un besoin naturel. Oui, c'était certainement ça. Il n'y avait pas de raison que ce soit autre chose ! Et il avait bien le droit de s'arrêter devant la porte de son ancienne chambre. Quelle stupidité de paniquer ainsi... C'est juste qu'elle avait été réveillée en pleine nuit dans un lieu inconnu, ça lui embrouillait les idées.

Inspirant une dernière fois, elle relâcha la tension dans ses muscles, et jeta un nouveau coup d'oeil en direction de la fenêtre. Tout de même, elle serait plus rassurée en allant vérifier, discrètement, à travers les rideaux. Sans ça elle risquait d'avoir bien du mal à se rendormir...

Quête : Equité

Au dehors, c'étaient de véritables giboulées qui claquaient sur la terre battue de la rue, myriade d'éclats de glace martelant les toits et les prairies. On n'y voyait qu'à quelques dizaines de mètres et Astrée devina une silhouette encapuchonnée, tenant une lampe tempête, qui circulait aux abords de l'atelier. Vu sa carrure, c'était probablement le forgeron. Il revint jusqu'à la maison, s'immobilisa sous l'averse quelques secondes, le visage levé vers les étages, puis fit volte-face et repartit dans la tourmente, vers la campagne. La rôdeuse vit la lumière décroître dans la nuit, cheminant irrégulièrement, arrêts, retours en arrière, voltes puis à nouveau vers l'avant, jusqu'à disparaître complètement au bout de quelques minutes.

Quête: Equité

C'était bien le forgeron. Même si elle en était quasiment sure, elle n'avait pu retenir un soupir de soulagement. Elle s'immobilisa complètement alors qu'il levait les yeux vers le étages, ne voulant pas être prise en flagrant délit de voyeurisme.
Mais il ne fit pas mine de s'en retourner dans sa chambre. Interloquée, elle le vit s'éloigner dans la campagne. Il semblait chercher quelque chose. Non, c'était absurde : on ne cherche pas quelque chose en pleine nuit sous la grêle. Il aurait attendu le lendemain... Mais que pouvait-il donc être en train de faire, alors ?
Elle se morigéna intérieurement : cela ne la regardait pas, après tout. Elle se trouvait ici par hasard, était témoin d'une scène qui ne la concernait en rien, et n'avait pas à s'en mêler ni même à se questionner.
Frissonnant, elle retourna se glisser sous les couvertures, mais resta les yeux grands ouverts, guettant des signes du retour de son hôte. Même s'il avait une carrure impressionnante, il devait souffrir par un temps pareil. Pourquoi donc n'avait-il pas attendu que la grêle cesse ?

Quête : Equité

Mais la forgeron ne revint pas. Ou du moins pas dans l'immédiat. Il faisait à nouveau nuit et le vent soufflait dans les ardoises du toit. La cacophonie de la grêle tambourinant tout autour de la rôdeuse avait quelque chose d'hypnotique, de presque relaxant. Puis il y eut un éclair qui illumina toute la pièce, suivi d'un roulement de tonnerre déjà proche.
Astrée entendit alors de nouveaux pas dans le couloir, beaucoup plus légers, cette fois. Une course qui fit craquer le plancher, puis les pas gravirent l'escalier, avant de redescendre tout aussi vite.
" Papa ? fit une petite voix incertaine. Papa, tu es où ?"
La porte de la chambre s'ouvrit doucement.
" Papa, tu n'es pas là, quand même ?" souffla Zélia.

Quête : Equité

- Non, il n'est pas là, répondit Astrée avec un soupir.
Elle se redressa dans son lit, cherchant à tâton de quoi allumer une bougie.
- Je l'ai entendu sortir tout à l'heure, j'ai cru qu'il avait une envie pressante... Mais il n'est pas revenu. Peut-être qu'il attend la fin de l'orage, tout simplement...
Elle cherchait autant à rassurer la petite qu'à se défaire elle-même d'un vague sentiment d'inquiétude. Mais que pouvait donc bien faire son père dehors par un temps pareil ?...

Quête : Equité

La gamine dépassa Astrée et alla à la fenêtre, ouvrant les rideaux puis collant son visage à la vitre.
" Il est sorti ? Pourquoi il est sorti ? Peut-être qu'il a laissé un message en bas, je vais aller voir..."
Et aussitôt dit, aussitôt fait, elle ressortit de la pièce et dévala l'escalier en courant. Astrée l'entendit farfouiller en bas puis la porte d'entrée grinça et une nouvelle lueur s'élança sous l'averse, pour être mouchée presqu'aussitôt. La rôdeuse entendit à peine Zélia crier sous l'averse. Un grand coup de vent hulula dans le couloir et la porte claqua.

Quête : Equité

- Oh... Mince !
Astrée ne perdit pas un instant pour enfiler chausses et manteau, et se précipita à son tour en bas, en proie à mille questions.
Le forgeron avait dû laisser un mot... Suffisamment inquiétant pour que la petite parte à sa recherche. Mais où ?
- Zélia ! hurla-t-elle à travers la tempête, avant de s’avancer dans la direction où elle avait cru voir la lumière s'éloigner.

Quête : Equité

Zélia n'était pas très loin, elle s'était abritée sous l'auvent de l'atelier et semblait hésiter à poursuivre son exploration. Un nouvel éclair zébra le ciel noir et Astrée fut heurtée de plein fouet par une petite chose trempée et poilue qui lui escalada le bras pour aller se nicher à l'intérieur même du capuchon de son manteau. La sensation était désagréable, même quand on était familière de l'écureuil en question. La rôdeuse sentit une eau glacée lui dégouliner le long de la nuque jusqu'entre les omoplates. Seule bonne nouvelle : la petite fille ne semblait pas décidée à quitter son refuge.

Quête : Equité

Astrée réprima un cri de surprise, et sentit tout son dos se raidir. Prince était glacé.
Hey, tu n'aurais pas pu te trouver un abri au sec ? Quelle idée de traîner sous la pluie !
Mais après tout, c'était ce qu'il venait de faire, trouver un abri au sec et au chaud. Et elle ferait bien d'en faire autant.

- Zélia, cria-t-elle à nouveau. Attends-moi !
En quelques enjambées elle rejoignit à son tour l'auvent.
- Tu veux aller où comme ça ?!!!
Son ton était plus réprobateur qu'elle ne l'aurait dû. Mais se lancer en pleine nuit sous la grêle à la poursuite d'une gamine, sans compter l'assaut de son familier... cela ne la mettait pas spécialement d'humeur diplomate.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] La campagne luménienne