La Couronne de Cuivre

Albérich dut reconnaître qu’il n’aurait pu être d’aucune utilité : il ne connaissait pas la région, n’était pas en bonne santé, et risquait de s’avérer un poids plutôt qu’un adjuvant dans la recherche du petit garçon. Il dut donc battre en retraite, à son corps défendant.
« Vous avez raison, je vais vous retarder… et Bastien m’a eu l’air d’un jeune garçon plein de ressources, je suis certain qu’il va bien. »
Autrefois, il aurait cru ce genre de paroles ; aujourd’hui, il savait que les choses les pires se produisaient quotidiennement, sans que personne n’y trouve à redire, sur la terre comme au ciel. Le gamin était certainement mort dans un congère quelque part.
« Vous devriez demander l’aide du chapelain de Sire Eudes. Les clercs ont des sortilèges qui leur permettent de retrouver ce qui est perdu. En retraçant la piste possible de votre petit-fils, un prêtre d’expérience comme messire Eloi devrait n’avoir aucun problème à le localiser. »
Mort ou vif. Evidemment, pour cela, il aurait fallu que le vieil homme ait justement mémorisé l’incantation ad hoc, et les chances étaient maigres. S’il devait dormir dessus, le gamin aurait mille fois le temps de geler sur place. Il songea aux pouvoirs d’Ada, se demanda si la halfeline ne pourrait pas agir, mais il devina qu’elle avait certainement déjà proposé son aide au vieillard.
" Si je peux faire quoi que ce soit..."

Le vieil homme acquiesça.
-Merci pour vos conseils. Malheureusement, messire Eloi n'est pas en très bonne forme. c'est pour le soigner qu'Ada est montée au château, cette nuit...
Il secoua la tête.
-Nous allons sans doute organiser une battue. D'ordinaire, c'est Belle qui les mène, mais nous avons d'autres chiens... Si vous voulez vous joindre à nous, vous serez le bienvenu. Pensez juste à bien vous couvrir.
IL soupira.
-Un an jour pour jour. Serais-je superstitieux que j'y verrais un signe...
Puis il se détourna, s'apprêtant sans doute à refaire le trajet en sens inverse, en quête d'un indice quelconque.

Albérich n’eut pas besoin de lui poser la question pour deviner ce à quoi il faisait référence. Les brumes, la neige, et la disparition d’un enfant. Il avait déjà entendu cette histoire, à Combeloup. Que sire Eloi soit justement mal en point était un réel manque de veine, et il se maudit à voix basse en refermant la porte. Si seulement…
Arrête ça. Si seulement rien.
Il retourna jusqu’à sa chambre, choisit des vêtements chauds et confortables, puis fila à la cuisine pour attraper un petit déjeuner consistant. Ensuite, il attrapa son manteau et sortit sur la route de Combeloup, bien décidé à participer à la battue pour retrouver le petit garçon. Maigre consolation face à son sentiment de culpabilité grandissant.

Aux abords de Combeloup, Albérich tomba sur une petite foule emmitouflée dans d'épais manteaux de laine. Il semblait y avoir là toute la population du bourg, y compris les gamins assez âgés pour pouvoir explorer les environs sans qu'ils aient besoin d'avoir leurs parents dans leur ombre. Les gens du château étaient venus, aussi : Sire Hugues, une demi douzaine de soldats, Elisa et son père. Le baron était pale, les traits tirés, les yeux soulignés de cernes sombres. Mais la mine décidée.
Ce n'était pourtant pas lui qui donnait les ordres. Ada, au cercle de l'attroupement, rappelait des consignes que la plupart semblaient déjà connaître.
-Nous allons nous positionner régulièrement tout au long du chemin jusqu'à la maison d'Albérich, disait-elle. Nous nous séparerons en deux groupes afin d'explorer les deux côtés. Dès que vous verrez quelque chose, appelez. Et rappelez-vous que s'il faut aller vite, il faut surtout se montrer attentif. Mieux vaut perdre quelques secondes que manquer un signe...

Albérich demeura en périphérie du rassemblement, écoutant les consignes avec attention. Il n’avait pas l’intention de se faire remarquer, juste de participer de son mieux aux opérations. Il se maudit à nouveau de ne pas avoir insisté pour garder le garçon à l’intérieur. Il avait pensé que si Ada l’avait envoyé en pleine nuit…
Ne te cherche pas d’excuses, ne bats pas ta coulpe, agis, maintenant.
Il se redressa et suivit les premiers villageois qui allaient se mettre en position.

Comme le grand-père de Bastien n'avait absolument rien repéré, sur le trajet, les villageois se déployèrent sur toute sa longueur, du portail donnant sur la cour de l'ancienne garnison aux premiers jardins du bourg. La distance n'était pas bien grande, mais les hommes n'étaient pas très nombreux, et chaque groupe était séparé de plusieurs mètres. Ils paraîtraient encore plus dispersés quand ils se seraient scindés en deux lignes marchant en sens contraire...
Albérich gravissait doucement la pente, solitaire, quand il fut interpellé par une voix familière.
-Contente de voir que vous allez mieux... fit Elisa. Je vous promets de moins vous épuiser, lors de notre prochaine leçon d'escrime...
Elle était souriante, même si on la sentait tendue.

L’ancien clerc accueillit la jeune fille avec un calme sourire, emprunt d’une pointe d’empathie. Il ne doutait pas qu’elle soit replongée dans son propre deuil, même si Ada pensait qu’elle n’avait pas été proche de l’enfant. Perdre un frère n’était jamais chose aisée, et la disparition de celui-là l’avait propulsée à la place qu’elle exécrait tant. Albérich tenta de se souvenir de ce qu’il avait ressenti à la mort de ses frères aînés, perdus en mer l’un et l’autre, mais ne trouva que le vide. Cela le rendit un peu triste, mais il ne s’appesantit pas sur les fragments d’un autrefois trop distant. Le présent requérait son entière attention.
« Vous n’y êtes pour rien, vous le savez. » répondit-il en attendant qu’elle se hisse à sa hauteur. « Et je suis désolé d’avoir manqué nos rendez-vous quotidiens. »

L'adolescente haussa les épaules.
-Ce n'est pas comme si vous n'aviez pas de bonne excuse... fit-elle. Ne vous voyant pas venir, le lendemain de notre petite séance, j'en ai profité pour faire une virée à cheval jusqu'à chez vous. Trouvant porte close, j'ai poussé jusqu'au village... J'ai bien fait, je crois.
Ils avaient largement dépassé la mi parcours, s'étaient rapprochés de la demeure occupée par l'ancien aubemestre. Elisa s'immobilisa : vu la disposition des groupes qui les entouraient, ils semblaient avoir trouvé une place toute indiquée.

« En effet, je vous suis redevable de cette escapade. Sans vous, les dieux savent dans quel état je serais à présent… » fit-il en attendant que la battue se mette en mouvement.
Il laissa courir son regard sur l’assemblée, tentant de déterminer quelle était l’humeur dominante. Ada ne tarderait pas à donner le signal du départ. Il restait à espérer que Bastien ait eu plus de chance, ou de jugeote, que le petit seigneur avant lui.

-Vous seriez dans votre lit, à grelotter de fièvre ! répondit Elisa d'un ton léger. Avec une Ada furibonde à votre chevet. Et, honnêtement, je ne sais pas ce qui, des deux, est le plus dangereux.
L'adolescente était bien la seule à tenter de donner le change. Les villageois étaient d'humeur maussade, inquiète, tendue. Les quelques chiens de berger qui les accompagnaient aboyaient fréquemment, fébriles. Quant au seigneur des lieux et à ses gens, ils paraissaient des plus mal à l'aise... peut-être à cause des regards en coin que leur jetaient certains des habitants du bourg.
Enfin, Ada donna le signal du départ, et deux lignes parallèles se mirent en branlent.
La battue était lancée.

Albérich lui-même n’était pas d’humeur à plaisanter. Personne ne l’avait encore pris à parti, mais il se sentait misérable et mal à l’aise. Il avait été négligent, peut-être égoïste, et par sa faute, le gamin avait disparu. Tout ce qu’Ada avait pu dire, sur les responsabilités, les choix, la maîtrise imparfaite, minime, qu’on avait de la trajectoire des autres, était en train de s’effilocher. Il n’avait rien appris. Comme hier, il avait manqué de prudence, avait fait confiance au monde et à sa justice inhérente. La culpabilité s’enracinait en lui, il aurait été un proche du gosse, il serait déjà venu l'apostropher. Il ne restait pourtant qu’une chose à faire : le chercher.

Pourtant, si certains villageois, voir le grand-père de Bastien, éprouvaient de la rancœur à son encontre, aucun ne la montra. Sans doute étaient-ils trop préoccupés par les recherches... D'ailleurs, leur ligne progressait lentement dans un chaos de roc, de glace et de neige, autant concentrée sur la recherche d'indices que sur l'évitement de pièges cachés, sur le contournement d'infranchissables congères. D'abord à flanc de coteau, leur progression ne tarda pas à les mener sur la crête du cercle de collines qui entouraient Combeloup, sur le flanc opposé...
Sur sa droite, puis derrière lui, Albérich pouvait voir l'enceinte, l'étage et le toit de sa résidence, masse gris sombre se détachant sur le manteau immaculé qui recouvrait le sol. Ils s'en étaient peut-être éloignés de deux cent mètres lorsque l'un des chiens se mit à aboyer de manière frénétique.
-Du sang ! lança l'un des villageois.
-J'arrive ! cria Ada. Les autres, continuez comme vous avez commencé : ça n'a peut-être aucun rapport, il ne faudrait pas manquer d'autres traces !
La vieille halfeline rejoignit le berger et son animal... Tous trois s'élancèrent bientôt à la suite de ce dernier. Manifestement, il était sur une piste.
Le vent, pourtant faible, hululait d'une étrange manière dans les parages. Manifestation d'un deuil imaginaire ? Simple bruit de l'air s'infiltrant dans quelque anfractuosité ? Dur à dire...

Le sang se figea dans les veines d’Albérich. Il se sentait reflet de l’hiver autour de lui, glacé au plus profond de lui-même. Gerbe écarlate sur la neige immaculée. Il ne parvenait pas à se défaire de la ronde des images de la veille, l’enfant frappant à sa porte pour lui porter un message, et lui, trop accaparé par ce qu’il était en train de coucher sur papier, incapable d’insister au moment fatidique. Bien sûr, il se pouvait qu’il soit toujours vivant, réfugié dans une bergerie, ou blessé dans une crevasse. Que le chien ne soit pas revenu pouvait être bon et mauvais signe. Il secoua la tête. Gamberger ne servait à rien. Ada avait dit de continuer à chercher… Il continuerait donc. Les mauvaises nouvelles tomberaient bien assez tôt, il fallait profiter des derniers instants d’incertitude.

Les autres s'éloignaient déjà, aiguillonnés par la macabre découverte. Albérich s'apprêtait à leur emboiter le pas, sur sa propre trajectoire, lorsqu'Elisa le retint par la manche.
-Regardez...
Sur leur droite, le terrain s'élevait brusquement, formant une paroi rocheuse chaotique, accidentée. Au-dessus d'un gros monticule de neige accumulé par le vent contre un rocher particulièrement imposant, une tache noire était visible. Un renfoncement dans la pierre, peut-être.
-Je crois qu'il y a une grotte, là... murmura-t-elle. Vous pensez pas qu'on devrait y jeter un coup d'œil, par acquis de conscience ? Bon, il y a peu de chance qu'on y trouve quoi que ce soit, mais...

Albérich n’avait aucune envie d’être parmi les premiers sur les lieux, si on venait à retrouver un corps. La proposition d’Elisa était donc bienvenue, et sensée, dernier répit avant l’inévitable.
« Vous avez raison. Ne laissons rien au hasard. » fit-il en lui emboîtant le pas.
Le parcours promettait de tester les limites de l’ancien clerc : il n’était pas accoutumé à ce type d’exercice, contrairement à la jeune châtelaine, et il ne se sentait pas très vaillant. Heureusement, la neige accumulée leur offrait un tremplin naturel, propice à faciliter leur parcours.

La neige devait s'entasser là depuis le début de l'hiver et, sans nul doute, la majeure partie du monticule était-elle gelée. Pas sa surface, malheureusement : la poudreuse fraichement tombée s'effritait, dégringolait sous leurs pas, et conserver l'équilibre était un labeur de tous les instants. Ils parvinrent cependant en haut sans casse et la jeune fille, bien moins essoufflée que son comparse, entreprit aussitôt d'élargir l'obscure ouverture. Elle ne ménagea pas ses efforts et, bientôt, les premiers rayons de lumière purent pénétrer à l'intérieur.
Sans tarder, sans hésitation, Elisa passa la tête par l'interstice... et se tendit brusquement.
-Dieux... souffla-t-elle.

La tension de la jeune fille pouvait vouloir dire tout et n’importe quoi, horreur comme émerveillement. Cependant, Albérich imagina immédiatement le pire : il y avait peu de chances qu’une grotte au milieu de la broussaille, mais non loin de son cottage, renferme un trésor caché. Il se porta, tant bien que mal, à la hauteur de la jeune fille, et lui effleura l’épaule pour l’avertir de sa présence, avant d’à son tour découvrir ce qui se cachait derrière la neige.

Il y avait une caverne, derrière la neige. Une caverne sombre, d'autant plus sombre que leurs deux silhouettes obstruaient la majeure partie de la lumière qui y pénétrait par l'étroite ouverture. Cependant, lorsque sa vue se fut suffisamment accoutumée, Albérich ne put avoir aucun doute : il y avait un corps, là-dedans. Un corps petit et recroquevillé contre les parois de roc glacées.
Un corps d'enfant.

« Allez chercher les autres. » lâcha l’ancien clerc à mi-voix.
Les vieux réflexes reprenaient le dessus, il n’attendit pas de voir ce que faisait réellement Elisa, et termina de s’ouvrir un passage dans la neige. Les flocons dégringolèrent dans l’espace obscur tandis qu’il s’en extirpait et il se rua au chevet de l’enfant. A genoux, il le retourna, s’attendant sans illusions à le trouver dur comme la glace qui les environnait. Ses doigts cherchèrent sa gorge, il approcha déjà le visage de celui du gosse, espérant, sans doute vainement, y trouver l’ombre d’un souffle.

Glacé, l'enfant l'était sans conteste. Gelé, même. Presque aussi dur, oui, que la glace qui les environnait. Son visage était pâle à faire peur et ses yeux hermétiquement clos.
Pourtant, il sembla à l'ancien aubemestre qu'un souffle infime franchissait ses lèvres bleuies. Qu'un pouls presque imperceptible battait à sa gorge.
Bastien n'était peut-être pas mort. Mais il ne tarderait guère à l'être, vu son état. D'ici une heure, sans doute, beaucoup moins, certainement, il aurait trépassé.

Il ne pouvait pas mourir. Il était en mauvais état, mais rien n’était joué. Au fond de lui-même, Albérich n’ignorait pas que le gosse fut dans le coma et que les chances de le voir basculer vers la mort étaient élevées, mais il ne pouvait pas se permettre de laisser ces pensées interférer avec ce qu’il devait faire pour repousser l’inévitable. Avec un peu de chance, messire Eloi serait suffisamment remis pour donner au gamin le coup de pouce nécessaire. Avec un peu de chance, on trouverait une potion de soins quelque part, chez Ada ou au donjon. Il avait ôté son manteau qu’il avait étendu sur le sol. Il entreprit ensuite de dépouiller Bastien de ses vêtements gelés, avec précaution, lenteur et douceur. Il savait qu’un mouvement trop brutal pouvait faire lâcher le cœur des personnes victimes du froid. Ils ne pourraient pas le déplacer avant qu’il soit un minimum réchauffé. Ensuite, il l’emballerait dans le manteau. Idéalement, il avait besoin de la chaleur d’un corps, mais le clerc savait que les villageois le rejoindraient bien assez tôt.

Le corps de l'enfant était exempt de toute blessure, mais le froid qui l'avait gagné était impressionnant, inquiétant. Ses extrémités avaient apparemment gelé : ses doigts, ses orteils, ses oreilles et peut-être même son nez. Il avait un besoin impératif de chaleur... et il n'était pas dit qu'il s'en tirerait sans graves séquelles. Si jamais il réchappait de sa mésaventure, du moins.
Il y eut des pas, au dehors, et une petite avalanche de neige envahit la caverne, s'arrêtant à quelques centimètres d'Albérich et de son patient. Elisa déboula l'instant d'après, les joues écarlates, le souffle court.
-Ada arrive aussi vite qu'elle peut... haleta-t-elle. Elle a envoyé quelqu'un prévenir son grand père, et les autres vont continuer à chercher sa chienne, parce que...
Elle s'interrompit. lorgna le gamin.
-Il est... ?

« Non. » fit Albérich, peut-être un peu plus abruptement qu’il ne l’aurait aimé. « Pas encore. »
Il ne pouvait plus tergiverser. Bien sûr, Elisa était dans son ombre, et il allait s’exposer, mais il lui parlerait, il fournirait les explications nécessaires, il s’en irait, si on devait en venir à cela. Mais Ada avait dit que les Combelupins ne jugeaient pas. Il retira sa tunique et sa chemise, se mit torse nu et prit doucement l’enfant glacé contre lui. Son contact était tellement froid qu'il en était douloureux, mais l'ancien clerc ne se formalisa pas et l'entoura du mieux qu'il put. La carcasse crispée de Bastien semblait minuscule.
« Donnez-moi mon manteau. » demanda-t-il à Elisa.

Elisa l'avait fixé, les yeux écarquillés, sans qu'il put savoir si elle avait vu la marque ou si, simplement, la situation la troublait profondément. Néanmoins, elle ne resta pas immobile et drapa l'homme et l'enfant dans le grand manteau de laine... avait de porter son regard sur le fond de la caverne.
-Mais bons dieux, pourquoi n'a-t-il pas fait de feu ? s'exclama-t-elle.
De fait, il y avait des fagots de bois, empilés un peu plus loin contre la paroi rocheuse. Secs, apparemment. Et en bonne quantité.
-En plus, je suis sûre qu'il a un briquet ! fit-elle, toujours pantoise, avant de se mettre en devoir de fouiller les vêtements abandonnés sur le sol.

Albérich ne prêtait qu’une attention relative aux propos de la jeune fille. Peu importait comment Bastien en était arrivé là : une seule chose comptait désormais, l’en sortir. L’ancien clerc refusait de songer aux séquelles, à ce que le gosse pourrait perdre : Eloi devait se remettre et pourrait remédier à pratiquement tout ce qui le frappait. Il était tendu tout entier vers les signes de vie de l’enfant. Le battement de son cœur, sa respiration discrète et la température de son corps. Sans vraiment y réfléchir, son esprit aussi était à la recherche de celui du gamin, comme s’il pouvait le frôler pour lui communiquer l’envie de survivre en dépit de la situation. Il ne restait qu’à attendre, désormais… Mais il faisait si froid… Il releva les yeux, espérant qu’Elisa avait trouvé de quoi les réchauffer.

Le souffle de l'enfant était toujours aussi ténue, ses battements de cœur toujours aussi imperceptibles et, malgré la chaleur que lui communiquait Albérich en le serrant contre lui, son corps était toujours aussi désespérément glacé. La situation n'avait peut-être pas empiré. Une chose était certaine, en revanche : elle ne s'améliorait pas encore.
De son côté, l'adolescente s'activait, frénétique mais efficace. Elle avait déniché un briquet dans les poches du manteau de l'enfant et le battait pour enflammer les fagots de bois sec. Des étincelles, une première flamme : le feu n'allait pas tarder à prendre.
A nouveau, des pas résonnèrent, à l'extérieur. Quelqu'un gravit lentement le monticule de neige, et la petite silhouette d'Ada finit par se détacher sur l'ouverture. L'instant suivant, elle les avait rejointe. Elle était encore plus essoufflée qu'Elisa lors de son arrivée, si telle chose était possible.
-Comment va-t-il ? murmura la vieille halfeline.

« Il est mourant. » dit Albérich, sans chercher à atténuer en rien la situation. « Je ne suis pas sûr qu’on puisse le sauver par des moyens conventionnels. »
Il écarta doucement les pans du manteau, à peine, pour qu’Ada puisse constater par elle-même. Le feu rougeoyait désormais, mais ils ne pouvaient pas exposer Bastien à la flamme, cela ne lui aurait fait aucun bien.
« Messire Eloi est-il vraiment mal en point ? Son aide serait des plus précieuses… »

-Pas étonnant... soupira la vieille femme en regardant le petit garçon. D'autant que le froid n'est pas seul responsable.
Elle secoua la tête.
-Messire Eloi était très fatigué, mais je crois en effet que son aide nous serait précieuse... Elisa ? Vous sentez vous capable de courir le mander au château ?
Déjà, la jeune fille était debout.
-J'y cours, Ada. Et nous reviendrons très vite : nous prendrons des chevaux.
Elle adressa un sourire - qui se voulait encourageant sans vraiment parvenir à l'être - à ses compagnons, puis détala, ventre à terre.

Albérich attendit que l’adolescente se soit éloignée pour relever les yeux sur Ada. Il faisait désormais face au feu, tenant toujours le petit garçon étroitement serré. Les flammes étaient des alliées potentiellement meurtrières.
« Que s’est-il passé ? » demanda-t-il finalement. « Qu’entendez-vous par « le froid n’est pas seul responsable » ? »

La vieille halfeline se laissa choir près du feu. Visiblement, elle était épuisée.
-Nous ne l'avons pas encore retrouvée, et même si les causes demeurent pour l'heure obscures, nous avons tout lieu de croire que Belle est morte... répondit-elle. Or, c'était le familier de Bastien. Vous l'imaginez, on ne perd pas un tel compagnon sans qu'il y ait... des conséquences.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Combeloup

Quête : Brumes

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Re : [Lieu] Combeloup

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