La Couronne de Cuivre

Emile se frotta l'oreille en souriant.

"Eh bien je crois qu'il va falloir que je retrouve le meurtrier sans tarder si je veux pouvoir combler mes prochaines dettes de jeux."

Il avait dit ça d'un ton enjoué, gardant ses cartes fermement en main.

"Ah ?", répondit aussitôt Georgette, non sans une certaine concupiscence dans la voix.
"Si vous dites ça, ajouta le docteur, c'est certainement que vous avez déjà une idée en tête..."
"Allons allons, Emile, ne nous faites pas languir plus longtemps !"

Elle baissa la voix.

"Avez-vous découvert quelque chose... ?"

"J'ai bien peur qu'il ne faille voir par là qu'une tentative d'humour certes maladroite. Cela dit le bureau annexe du maitre pourrait être une piste, le bandit qui a totu renversé sur son passage ne connaissait aps les lieux c'est certain. Ou alors..."

Emile s'interrompit faisant de mine de réfléchir à quelque chose en particulier.

"Ah.. ?", commenta le docteur Dupré.
"Vous voulez dire que... "quelqu'un" a déjà tenté de récupérer le trésor depuis hier soir ? A-t-il découvert quelque chose ?"
"Et vous avez une idée... de son identité ?", renchérit le docteur.

Pour le moment, seuls deux tours de jeux avaient été effectués.

[HRP : si ton personnage envisage une stratégie, tu es tout à fait libre de la décrire dans ton post (ça m'aiderait à savoir quel(s) test(s) effectuer le cas échéant). De toute façon, je ne dévoile jamais les pensées aux autres joueurs o

]

"Quand je suis retourné dans le bureau qui avait été mis sans dessus dessous la nuit où... Enfin où le maître nous a quitté, le bureau était toujours en désordre mais je jurerais que deux trois petites choses avait été changé."

Il prit une profonde inspiration avant de reprendre.

"C'étais comme si on avait voulu faire croire que quelqu'un était repassé par là..."

Tout cela n'était que parole en l'air mais les réactions de ses interlocuteurs seraient surement très révélatrice. Et par la même occasion pourrait toujours les distraire un petit moment.

"C'est fascinant...", commenta Georgette.
"Vous savez qui aurait pu avoir intérêt à faire ça... ? Il y avait quelque chose de valeur dans ce bureau ? Le... trésor peut-être ?"

Sa stratégie portait cependant ses fruits. Davantage captivés par ses pseudos révélations, ses adversaires ne jouaient pas à leur meilleur niveau. Et le contrat qu'il jouait ne tolérait aucune erreur, d'aucune des deux parties.

Six plis étaient déjà passés, soit la moitié de la manche. Pour le moment, tout se passait bien... Mais il était encore possible que ses adversaires réalisent la situation, et ne le fassent chuter...

"A n'en point douter la même personne qui a mis la pièce sans dessus dessous quelques temps auparavant, peut être avait-elle laissé quelque chose qui indiquait son identité. De valeur ? Pas une valeur monétaire non mais d'une autre sorte... Tout est possible !"

Emile regarda autour de lui guettant la réactions des personnes environnates comme s'il cherchait à les sonder.

"Assez parlé, partenaire..., lança Georgette Marquand. Nous sommes en train de nous laisser embobiner par Emile, qui risque fort d'honorer son chelem !"
"Vous avez raison, Georgette !", répondit le docteur.

Emile balaya la salle du regard, mais l'autre table ne semblait pas avoir suivi leur conversation. Son partenaire, en revanche, avait disparu. Où avait-il bien pu aller ? Il lui semblait qu'il était parti fumer un cigare à la fenêtre... ?

De nouveau dans le vif de la partie, l'équipe adverse remporta un premier pli. Il devait à présent réaliser un sans-faute.

Cela ne se présentait hélas pas très bien... Sa stratégie de "distraction" ayant été percée à jour, il n'était plus aussi simple de défaire la défense de ses adversaires.

Et ce qui devait arriver arriva...

"Ah, aurai-je été trop gourmand, Emile ?", lança une voix derrière lui, qui manqua de le faire sursauter.

Gaston Chambernaud était revenu.

"Emile s'est tout de même très bien débrouillé !", le complimenta le docteur Dupré.
"Je vois ça, acquiesça Gaston en souriant. C'est de ma faute, j'aurai dû nous en tenir à la manche sans chercher un chelem... Encore toutes mes excuses, Emile. Mais vous avez admirablement limité la casse ! Nous nous rattraperons une autre fois, ne vous inquiétez pas."

Gaston Chambernaud s'installa de nouveau à sa place, et la manche se solda par l'échec attendu.

"C'est à vous de distribuer, Gaston", lança Georgette en lui tendant le paquet.
"Peut-être pourrions-nous solder tous nos comptes, et changer d'équipe ou de partenaires ?, proposa le docteur. Emile, qu'en pensez-vous ?"

"Eh bien oui cela serai avec plaisir. Si l'on pouvait éviter les manœuvres acrobatiques en revanche, je ne voudrais pas y laisser ma chemise..."

Emile et Gaston empochèrent leurs quelques gains - pas autant qu'ils auraient pu remporter, mais au moins étaient-ils dans le vert - et cédèrent leur place à Louis et Roland avant d'aller retrouver Nils et madame Chambernaud.

Mais à peine les cartes étaient-elles distribuées que les annonces furent interrompues par une arrivée fracassante.

Mademoiselle Lemaçon déboulait tout à coup dans la salle, le souffle court, pointant dans leur direction un index accusateur.

"Que se passe-t-il donc ?, interrogea Nils après quelques instants de silence. Vous... vous avez trouvé le coupable ?"
"Mon dieu..., souffla madame Chambernaud. Est-il... parmi nous ?"

Peu après, Yvette apparaissait à la porte, passablement essoufflée.

"Quelqu'un a été tué ?, lança-t-elle sans autre forme d'introduction. Quelqu'un... d'autre ?"

Le silence se fit aussitôt.

"Non, apparemment pas, répondit-elle à Yvette après une poignée d'interminables secondes. Bon sang, je suis la seule à avoir entendu ce coup de feu ?"
"Vous savez, nous étions tous ici en haut..., répondit le notaire d'une voix timide, et le château est grand... Où avez-vous entendu tirer ?"
"Oui, je confirme, renchérit Nils. Nous étions tous ici à disputer quelques parties depuis plus d'une heure. Que s'est-il donc passé ?"

Mademoiselle Stoän, s'approcha à son tour derrière Yvette, suivie de près par Marjorie.

Un coup de feu...? Emile ne put s’empêcher de jeter un œil inquiet vers Gaston chambernaud.

"Etes- vous seulement sure qu'il s'agisse d'un coup de feu yvette ? La maison est vieille vous le savez comme moi et avec les vénemenst récents, on a vite fait de s'imaginer des choses..."

"Moi ?, s'exclama Yvette, mais je n'ai rien entendu ! Je posais simplement la question..."
"Je crois que je suis capable de faire la distinction entre un coup de feu et le bruit que fait une vieille maison, le toisa l'inspectrice, quelque peu vexée. Le Comte gardait-il des armes ici ?"

Louis Marquand croisa un instant le regard d'Emile.

"Il me semble..., commença-t-il d'un ton hésitant, il me semble en avoir aperçu un dans le coffre-fort, lorsque nous sommes allés chercher le testament hier soir, avec Emile..."

"Et s'il me prenait l'envie d'aller vérifier si cette arme se trouve toujours là-bas, poursuivit-elle en détachant lentement ses mots, je verrai que c'est le cas, pas vrai ?"

Ses yeux le fixaient intensément.

Tout à coup, le jeune garçon de la troupe de théâtre entra dans la salle de jeu, une inquiétude ostensible sur le visage.

"Vous avez vu Mylène ?"
"Pas depuis le déjeuner, non", répondit l'inspectrice au jeune homme.

Elle s'adressa de nouveau à toute l'assemblée.

"Bon, séparons-nous et essayons de la trouver. Vous, ajouta-t-elle en désignant Emile, d'un ton qui ne laissait aucune place à la négociation, vous venez avec moi."

Les invités s'échangèrent un regard circonspect, puis quittèrent leur place dans un concert de raclements de chaises sur le vieux plancher.

Emile suivit l'inspectrice sans dire un mot cherchant du regard gaston chambernaud.

Gaston Chambernaud disparut rapidement de la salle avec la majorité des autres invités, à la recherche de la jeune femme disparue.

L'inspectrice s'arrêta tout à coup, surprenant une conversation.

"Mon dieu, Armand, que s'est-il passé ?, s'écria Nils en rejoignant le jeune homme. Mylène a disparu ?"
"Je ne sais pas, répondit-il d'une voix quelque peu affolée. Elle était... dans sa chambre je crois... ?"
"Il n'y a pas une minute à perdre !", s'écria Roland, qui les avait rejoint.

Le docteur Dupré intervint à son tour tandis qu'ils entreprenaient leur course.

"Je viens avec vous", lança-t-il.

Ils les suivirent à leur tour, traversant toute l'aile Sud en direction de la grande suite où logeaient les acteurs de la Croix Bleue. Le visage de Nils se figea tandis qu'il ouvrait la première porte sur sa droite dans le couloir.

"Mylène !, s'écria-t-il. Docteur, venez vite !"

Le docteur Dupré s'engouffra dans la pièce, suivi de Roland et d'Armand. Emile fit quelques pas en avant, découvrant le corps sans vie de la jeune fille, une tâche rouge colorant son chemisier blanc.

"Suivez-moi, lança l'inspectrice au majordome. Vous autres, restez ici, je reviens tout de suite."

Elle l'emmena en direction du bureau du maître en accélérant encore la cadence.

"Où étiez-vous juste avant que j'arrive dans la salle tout à l'heure ?, lui demanda-t-elle une fois qu'ils furent seuls. Qui d'autre que vous a accès au coffre-fort ?"

Emile se couvrit la bouche à la vue du corps, au moins on ne pouvait pas lui reprocher d'avoir de l'estomac. Misére encore un meurtre... Mais à quoi était-elle donc payé ?

"Tout à l'heure ? Euh tout à l'heure... Bon dieu ! Mais qu'est ce que vous voulez que j'en s..."

Came toi Emile, calme toi. Il ne fallait pas se laissez aller à l'angoisse. Du maintien, de la méthode, de la sérénité... Il prit une longue inspiration.

"Je suis... Navré. Je ne voulais pas... J'étais donc en cuisine j'ai déjeuné pendant que Marjorie et yvette faisait le service après quoi je me suis occupé du service. Je suis ensuite monté avec les invités pour disputer une partie de bridge."

"Et pendant la partie ?, insista l'inspectrice. Vous n'avez pas... quitté la pièce... ?"

Elle le fixa dans les yeux, tandis qu'ils montaient dans la chambre du Comte.

"Ecoutez... Je vais faire simple. Que vous ayez tué cette jeune femme ou pas, c'est une chose. Mais si pour une raison quelconque, j'apprends que vous ne pouviez qu'avoir noté un évènement particulier, et que vous me l'avez caché... Je vous coffre pour entrave à la justice dans une affaire de meurtre. C'est bien compris ?"

"Que j'ai tu... Mais comment pouvez vous osez m'accusez ainsi !? Et sur ce ton qui plus est ! Le fait que vous soyez une femme n'excuse rien, nous sommes dans une maison réputé ici et je vous prierais de surveiller votre langage. Vous n'êtes pas dans une auberge ici, nous sommes des gens bien élevés !"

Emile posa un regard lourd sur elle, l'air furibond.

L'inspectrice serra les poings et souffla lentement en se massant le visage.

"Je crois que vous ne comprenez pas bien..., soupira-t-elle. Je vois clair dans votre jeu, vous savez. Je n'ai pas de preuve vous incriminant dans aucun des deux meurtres, mais je sais que vous cachez des informations. Pour quelles raisons ? Qui couvez-vous ? Je l'ignore, mais vous en cachez. Je crois que vous ne saisissez pas bien mes propos. En cachant ce que vous pourriez savoir, vous entrez au mieux dans l'obstruction d'enquête, si ce n'est dans la complicité. Et vous ne voulez pas être complice d'un meurtre, n'est-ce pas, monsieur Martineau... ?"

Ils arrivèrent enfin tous deux dans le bureau du maître.

"Avant que vous m'ouvriez ce coffre-fort, je vais vous reposer ma question : avez-vous, oui ou non, noté quelque chose de particulier pendant votre partie de bridge ? Comme une absence impromptue par exemple ?"

Elle le toisa du regard.

"Je l'apprendrai d'une façon ou d'une autre, vous savez. Tout comme je sais que l'assassin a rejoint la salle peu avant mon arrivée... Mais si je l'apprends de quelqu'un d'autre, et que vous ne pouviez pas ne pas le savoir..."

Elle laissa sa phrase en suspens. Mais son ton ne laissait place à aucune ambiguïté.

"Dans la mesure où on y met les formes, je n'ai jamais vu aucun inconvénients à répondre à vos questions. Pour vous répondre donc : docteur Dupré s'est absenté en début de partie afin de prendre un peu d'air frais et un certain temps après Monsieur Gaston Chambernaud en a fait de même. A vrai dire c'est surtout le comportement de mademoiselle stoan qui 'ma interloqué... Elle semblait faire des recherches pour le moins ésotérique."

Une goutte de sueur perla le long de sa tempe.

"Vous insinueriez donc que l'assassin était parmi mes partenaires de bridge ? L'un d'entre nous pourrait-il être assez stupide ou assez fou pour abattre de sang froid une jeune personne au su et aux yeux de tous ? Le départ inopiné de mes partenaires est un secret de polichinelle vous savez car toutes les personne présentes vous diront la même chose que moi."

L'inspectrice désigna le coffre d'un geste, l'intimant de l'ouvrir sur-le-champ. N'ayant guère le choix, Emile s'exécuta.

Sitôt le coffre-fort ouvert, la lieutenante s'approcha et se saisit de l'arme qu'il contenait, l'inspectant plus en détail.

"Vous n'avez toujours pas répondu à ma question, lâcha t-elle pendant son examen. Quelqu'un d'autre a-t-il accès à ce coffre ?"

"Il est toujours possible que maître Marquand ai noté la combinaison oui. Comme je vous l'ai déjà dit hier d'un point de vue technique le maître était seul à avoir accès au coffre."

Emile sentit un long frisson lui parcourir l’échine. Et si elle demandait à maître marquand d'ouvrir le coffre ? Qu'allait-il dire ?

Après un instant de réflexion, l'inspectrice reprit la parole.

"Si elle bouge de là, je saurais qui est le coupable..."

Elle reposa l'arme dans le coffre, avant de le refermer.

"J'imagine que le Comte n'avait pas d'autres armes en sa possession... ?", ajouta-t-elle en se tournant vers lui, le regard appuyé.

Si le maître disposait d'autres armes, Emile n'était en tous cas pas au courant.

"Si c'est le cas, alors cela veut dire que l'un des invités est venu avec son arme personnelle... Et qu'il faut réunir tout le monde. Tout de suite."

Il s'agissait davantage d'un ordre que d'une constatation.

Elle ne le lâchait pas du regard, et Emile avait l'impression d'être traversé de part en part, examiné sous toutes les coutures.

Allait-il lui dire ce qu'il savait ? "Tout" ce qu'il savait ?

Emile baissa les yeux hésitants.

"Mademoiselle Lemaçon... Est- ce que vous permettriez que je vous pose une question un peu personnelle ?"

Son cœur battait la chamade tiraillé entre le couteau et le glaive.

Elle le regarda fixement, quelque peu interloquée.

"Posez toujours... ?"

Il plongea ses yeux dans les siens sans jamais la lâcher d'un millimétre.

"Qu'adviendrait-il de vous si vous perdiez votre emploi ? Si les raisons pour lesquelles vos qualifications étaient appréciés n'avaient plus lieu d'être ? Si votre nom et votre réputation étaient salis ?"

L'inspectrice le dévisagea quelques instants, passablement surprise de sa question.

"J'imagine... J'imagine que je commencerai par boire un verre. Ou deux."

Elle fronça les sourcils, puis ajouta.

"Qu'est-ce que vous avez en tête, exactement ?"

"En quoi croyez vous que consiste mon travail mademoiselle Lemaçon ? Que pensez vous qu'il adviennne d'un majordome à qui on ne peut faire confiance ? Le maitre disparu,en l’absence d’héritier et dans une ville aussi petite un avenir peut très vite être fait comme défait..."

"A moins que vous ayez des aveux à me faire, répondit-elle d'un ton las, je ne vois pas en quoi cette histoire pourrait vous nuire si vous n'avez rien à vous reprocher, et si vous collaborez avec le lieutenant en charge de l'enquête, c'est à dire moi."

L'inspectrice soupira, et reprit, pédagogique.

"Écoutez, je comprends votre inquiétude, mais j'ai un meurtrier à coincer. Et nous devrions rejoindre les autres avant qu'un troisième cadavre s'ajoute à la liste."

Elle se tourna en direction du téléphone.

"Mais avant cela... je dois appeler mes collègues."

Mademoiselle Lemaçon décrocha le combiné et actionna la manivelle.

"Je voudrais le commissariat de police de Villeneuve, s'il vous plait."

Elle patienta quelques instants, et reprit.

"Antoine ? C'est moi."

Son regard se tourna vers elle, les sourcils froncés, soulignant sans ambiguïté sa présence inopportune.

"Antoine, il y a eu... un nouveau meurtre, poursuivit-elle. Une jeune fille de la troupe de théâtre. J'aurais besoin que quelqu'un vienne se charger de ça avant la fin de la journée."

Emile s'éclipsa finalement du bureau, rejoignant le rez-de-chaussée, guidé par le discret brouhaha montant dans le couloir devant la Grande Suite.

"...Je pense qu'elle est morte sur le coup...", expliquait le docteur à mademoiselle Stoän, entourés des autres acteurs de la troupe.

Le corps de la jeune femme était recouvert d'un drap noir, au centre de la chambre.

"Mais..., bégaya mademoiselle Stoän, quelqu'un a vu ce qu'il s'est passé ? Qui a pu... ? Qui ?"

L'inspectrice l'avait suivi de peu, et accourut à son tour en direction de la foule.

Emile s'enquit d'un autre membre de la troupe. Cette pauvre fille devait bien avoir une famille...

La Couronne de Cuivre

[MP] Histoire : Armand