La Couronne de Cuivre

Ils s'étaient donc tous rapprochés les uns les autres. Puis ils avaient commencé à entendre les bruits. Des glissements indistincts dans le noir, des chuchotements qui semblaient se rapprocher d'eux. Durant quelques instants, ils virent deux silhouettes illuminées de petite taille glisser vers eux, les bras levés en un geste de supplication. Puis la pénombre les avala et le couloir replongea de nouveau dans le noir le plus total.

Chandara sentit un souffle glacé contre son oreille et entendit prononcer distinctement son nom. Et puis soudain, il y eut une lueur aveuglante, celle d'une torche que Maelys tenait à bout de bras.

"Rien ne vaut les bons vieux silex.", dit-elle avec un sourire.

Ainsi donc le mal se mettait enfin à l’œuvre pour révéler ses sombres pouvoirs, menant les premiers assauts contre leur volonté. Peut-être l’esprit démoniaque derrière ses manifestations cherchait-il à saper leurs forces, à insinuer la terreur dans leurs esprits. Mais il commettait une grave erreur en se prenant ainsi à deux paladins ! Ensemble, ils étaient plus forts, malgré leurs lacunes respectives. Et tant qu’ils pourraient veiller l’un sur l’autre, Chandara se sentait à même de faire face à ces épreuves. L’apparition des mânes ne contribua donc qu’à faire monter sa colère contre les horreurs qui s’étaient commises ici, par pur sadisme, pour le simple plaisir pervers d’une divinité démente et de ses adeptes dérangés. Cet endroit devait être purifié, détruit s’il le fallait, comme le temple de Talos, sombre et terrible, dont elle avait assisté à la fin. Encore une fois, ce qui devait être fait le serait. Et cette fois elle ne doutait plus ni du bienfondé de son action ni de la loyauté de ses compagnons. Et pourtant, Arthur avait raison en affirmant que la priorité devait être donnée à la récupération de l’ouvrage maudit. Le mal cherchait-il à les distraire ? A les animer d’une colère aveugle qui leur ferait commettre des erreurs ? Qui les détournerait de leur objectif ?

Les réflexions de la paladine s’interrompirent là quand elle sentit un souffle funeste s’insinuer en un frisson jusqu’au plus profond de ses os. Elle reconnut son nom murmuré, déformé, vicié la désignant. L’esprit avait-il perçu sa révolte ? Cherchait-il à exploiter ses doutes, à éprouver sa résolution ? N’avait-elle fait que l’imaginer en raison de l’atmosphère malgré tout angoissante de ces lieux maudits ? Arthur pouvait en tous cas remercier une fois de plus le conseiller Longuehune pour l’avoir doté de gantelets solides en sus de son armure. Car sinon, la réaction brève mais incontrôlée de la paladine à ce moment lui aurait certainement engourdi les doigts.

La lumière salvatrice allumée par Maelys la trouva blême et confuse et elle s’empressa de relâcher la main du paladin afin de ne pas apparaître comme la petite fille effrayée qu’elle avait pu être autrefois. La peur était une des principales armes du mal et y céder était lui donner de la force. Elle s’efforça donc, par défi sans doute, de répondre au sourire de l’amie d’Elie et chuchota en réponse :

- Bravo, Maelys, vous nous tirez d’un bien mauvais pas. Nous devrions peut-être allumer les autres torches si la lumière affaiblit notre ennemi. Je crois qu’elle ne l’aidera pas à nous repérer alors cela rééquilibrerait les chances en notre faveur… Qu’en pensez-vous ?

Maelys hocha la tête, quelque peu dubitative toutefois.

"Peut-être, mais j'ai un peu peur qu'elles s'éteignent de nouveau. J'ai peut-être mieux."

Sur ce, elle incanta puis toucha le marteau de Chandara.

Malelys ==> lumière ====> marteau de Chandara.

Elle sourit franchement.

"Désolée pour tout à l'heure. J'ai été prise de cours. Maintenant, que faisons nous ?"

Chandara rendit son sourire à la jeune femme, lui signifiant par là-même qu’elle n’avait pas à s’en vouloir. Pour achever de briser la glace avec l’inconnue et surtout tenter de la mettre à son aise, elle crut bon de répondre d’un ton ingénu. Son humour laissait à désirer mais il fallait reconnaître ses efforts en la matière :

- Très pratiques ces sortilèges ! Comme ça je pourrai voir où je frappe pour une fois ! Seriez-vous barde vous aussi, Maelys ? Cela nous en ferait trois rien que pour raconter nos exploits. Enfin, surtout ceux de mes compagnons. Il faudra que je vous raconte comment Arthur a démantibulé le chevalier spectral tantôt ! Je n’y pas assisté mais j’ai vu la carcasse. Cela fera quand même une bonne histoire, non ? Surtout si nous nous y mettons à quatre pour arracher des détails à notre compagnon si modeste ! Mais vous savez déjà comment sont les paladins !

Puis adressant un sourire joyeux à ce dernier, pour lui faire comprendre qu’elle ne comptait pas le mettre mal à l’aise, elle ajouta d’un ton plus sérieux :

- Si vous n’avez pas de meilleure idée, je serais d’avis de passer rapidement ce niveau en revue, salle par salle, pour y trouver d’éventuelles sorties de tunnel ou alors cette arme dont vous parliez. Espérons que cette lueur attire nos compagnons vers nous aussi. Mais restons vigilants car elle pourrait attirer autre chose… Elie, est-ce que la légende apportait d’autres précisions ?

Maelys haussa brièvement les épaules avant de secouer la tête.

"Non, je ne suis pas barde et heureusement. Il vaut mieux que l'on ne m'entende jamais chanter. J'ai quelques petits talents de mage. Rien de bien significatifs mais j'avoue qu'ils m'aident bien. Et vous, avez-vous la possibilité de tenir à distance les morts-vivants ?"

Elle s'adressait aussi bien à Chandara qu'à Arthur.

Le sourire de Chandara se figea pendant une seconde. Elle honnissait par-dessus tout les créatures mort-vivantes, se faisant un sacerdoce de les traquer en priorité depuis qu’elle avait choisi de suivre la voie du paladinat, à sa manière particulière. Et pourtant, Helm ne lui avait jamais accordé le pouvoir conféré à ses aînés plus méritants de faire appel à sa puissance pour tenir la non vie à distance voire la détruire. Et même si son dieu l’avait jugé digne, elle n’aurait aujourd’hui plus ce pouvoir. Perdu, comme tant d’autres de ses capacités. Arthur était toujours auréolé de la grâce son dieu, connu pour abhorrer spécialement la non vie, lui aussi. Mais la question soulevée par Maelys était délicate. Lorsqu’ils avaient affronté l’allip sur la falaise, Chandara avait observé son confrère en action. Et elle se souvenait parfaitement que seule Tempérance avait ostensiblement usé de son pouvoir. Ah, comme la prêtresse lui manquait en pareille instant ! L’helmite chercha à capter l’expression d’Arthur, puisant de la force dans son attitude confiante, dans sa résolution, dans la contemplation de son charmant sour… - euh non ! Oubliez ça ! Ceci était une réflexion privée ! –
La paladine répondit pour eux deux après avoir recouvré sa contenance :

- Ne vous en faites pas : Arthur et moi pouvons les tenir aussi loin que portent nos armes. Nous les empêcherons de vous approcher !

Eli hocha la tête, visiblement confiante. Maelys eut l'air plus dubitative.

"Espérons ..., dit-elle doucement, a ce que j'ai compris, c'est une force ancienne que nous combattons. Et il n'est pas seul. Et apparemment, son réveil doit occasionner le réveil des autres ... Nous risquons d'avoir du pain sur la planche."

Chandara n’en pensait peut-être pas moins que Maelys mais le premier rôle d’un paladin n’était-il pas d’inspirer de la confiance ? Arthur y parvenait très bien en tous cas alors la jeune helmite n’entendait pas lui faire déshonneur. La Cojumite arborait donc un visage serein, la tête haute et un léger sourire aux lèvres quand elle annonça :

- Dans ce cas, il n’y a pas un instant à perdre, n'est-ce pas ? Nous pouvons peut-être encore le prendre de vitesse mais le plus urgent est de retrouver Brus et Luna.

Les deux paladins se placèrent naturellement aux avant-postes avant que Chandara ne prenne l’initiative de s’éloigner de la trappe pour se diriger vers ce qu’elle supposait être le fond du temple. S’ils croisaient un couloir, ils prendraient le temps d’explorer rapidement les salles transverses pour ne pas risquer d’être pris à revers.

Eli hocha la tête et murmura.

"Il y avait une sorte de comptine sur les maisons de Pères. Après les avoir énumérées, il y avait un passage disant : l'amour est au coeur du mal, comme le mal est au coeur de l'amour. Du blanc au coeur du noir, du noir au coeur du blanc. Et dans son coeur le mal abrite sa propre destruction ..."

Elle soupira.

"Peut-être un piège. Du moins, on raconte qu'au fur et à mesure, l'architecte s'est rendu compte de l'ignominie de ses projets. C'est ce qui l'aurait rendu fou. Peut-être a-t-il laissé la clé pour le détruire."

La paladine tentait sincèrement de comprendre les paroles sibyllines évoquées par Elie et adressa même un regard plein d’interrogations à son compère paladin, l’air de lui demander s’il y comprenait quelque-chose, en tous cas s’il voyait mieux qu’elle le moyen d’exploiter cet indice. Mais comme bien souvent dans les prophéties, la solution ne se révélait que trop tard, l’événement ne prenait sens qu’une fois accompli. La jeune femme prit cependant le parti de répondre d’un trait d’esprit, espérant, à défaut d’apporter la preuve de son intelligence supérieure, chasser les doutes et maintenir le moral de la petite troupe :

- A mon avis, si cette comptine est de lui, il l’a écrite bien après les travaux et être devenu… hum - comment dit-on par chez moi déjà ? – « perturbé dans les étages ». Oui, c’est ça ! A moins que cela ait un rapport avec l’amour qu’Elios pourrait encore porter à sa sœur et la possibilité de le ramener à la raison par ce biais. Si c’est ça, j’apporterai une obole bien méritée au temple de Sunie le plus proche, je vous le dis. Ou alors, c’est simplement en rapport avec l’arme dont vous parliez tantôt. Dans ce cas, il faudra en honorer Tempus, j’imagine ? Bien moins sympathique, cette engeance là…

Si Eli hocha la tête presque à chaque fois, Maelys croisa les bras avec un soupir.

"Oui, cela fait beaucoup. De plus que l'esprit de l'architecte était peut-être déjà dérangé ou "perturbé dans les étages" comme vous le dites. Et à mon avis, il devait se moquer d'Elios et de Luna comme de sa première chemise. Donc ... Je ne vois qu'une solution : il parlait de l'arme. Mais où ?"

La paladine se fit à nouveau pensive, assimilant les avis exprimés avant de répondre d’un ton conciliant mais qui n’avait rien perdu de sa détermination :

- Au temps pour ma belle théorie alors ! Mais au besoin, je fais confiance à Elie pour bien tourner ce passage ! Vous auriez dû entendre ce qu’elle a écrit sur cette affaire de Linceul. Pour y avoir été, je vous promets que c’était exagéré et ma réputation en a grandement pâti pas mal de temps ! On n’arrêtait pas de me demander de déraciner des arbres à mains nues et d’autres fadaises du même tonneau ! Si si, je vous jure. Enfin, c’est arrivé une fois, à la taverne. Mais euh… oui. D’accord, je vois bien à votre air que je parle un peu trop. Donc, d’après la comptine, c’est le cœur du mal qui abrite sa destruction. Donc le centre ? L’endroit le plus profondément enfoui ? M’est avis que nous ne parviendrons pas à résoudre cette charade en restant ici.

Arthur avait laissé les femmes parler — après tout, c'était leur spécialité — se contentant d'observer les alentours avec circonspection. Si les créatures de l'ombre étaient aussi nombreuses et le complexe était aussi vaste que le sous-entendait la dénommée Eli, il lui semblait que l'aide d'une arme magique, ou d'un dieu, ne serait pas de trop, aussi usa-t-il du temps de leurs discussions pour adresser une prière courte mais fervente à Lathandre. Une fois de plus, il avait la sensation qu'on avait dépêché une équipe bien novice au devant d'un péril bien grand, mais soit... A présent qu'ils étaient là, ils feraient de leur mieux pour en venir à bout. A nouveau, il n'avait pas réellement peur, car le devoir passait avant tout.
" Chandara a raison. Nous devrions bouger." finit-il simplement par dire.

HRP : désolée, mais je dois me remettre dedans... ça va venir...

"Bougeons alors ...", souffla Maelys qui fit quelques pas avant de s'interrompre.

"Au coeur du mal ... Au coeur du temple si je comprends bien. Le soucis, c'est que je ne connais absolument rien en temples ... Qu'est ce qu'il peut bien y avoir au centre ? Une salle spéciale ? Est-ce que je me trompe ou les édifices ont tous à peu près la même architecture, non ? Il y a bien des éléments qui indiquent qu'on approche du centre, non ? "

hrp : moi aussi ... on va y aller doucement ...

Chandara se fit songeuse à la remarque de Maelys. Elle sentait que la question s’adressait avant tout aux paladins du groupe à défaut de prêtres. Et comme elle représentait la moitié du contingent… Et qu’elle était de loin la moitié la plus bavarde, elle chercha quoi répondre et si possible serait susceptible de les faire avancer sans passer pour une idiote.

- En général, il y a toujours un autel destiné aux fidèles pour prier. Enfin, ici, je ne veux même pas savoir ce qu’ils y faisaient d’autre. Mais c’est peut-être un peu trop évident, trop exposé pour y cacher une arme. Il y a aussi une salle pour y entreposer les reliques et les quartiers des prêtres. C’est bête à dire mais le seul temple que j’ai pu « visiter » sans contraintes était celui de l’ignoble Talos à Melandis. Au temple de Helm, on ne me laissait pas aller partout… Mais Arthur en sait certainement davantage que moi sur ces questions, n’est-ce pas ?

Arthur haussa les épaules.
" Je pense qu'il y a autant de configurations de Temples que de Dieux... J'aurais tendance à penser, comme Chandara, que leur point commun est l'autel... mais je n'en suis même pas certain... et tous les autels ne se trouvent sûrement pas dans la pièce principale du Temple. Cela me semble aussi un peu hasardeux d'y cacher une arme formidable... Enfin... J'imagine que ça dépend du degré d'intelligence des clercs... Tous ne sont pas des lumières, je peux en attester."
Il s'empourpra.
" Pas que je pense être une lumière moi-même, bien sûr, mais j'ai connu un novice, à Luménis, qui avait vraiment des limitations dans le domaine, et... Bon, d'accord, il était seulement novice, mais si on fait paladin des gars comme moi, on doit fatalement faire clerc des gars comme lui. Heu. Bon. Je m'écarte du sujet. Hum. Je n'en ai aucune idée, en fait. Je ne sais même pas où nous nous trouvons présentement. Ce n'est pas déjà la grande salle ?"

Maelys regarda tour à tour Chandara et Arthur avant de hocher la tête. Un sourire fugitif glissa sur le visage d'Eli.

"Effectivement ... Et je connais assez peu d'éléments sur les habitudes des loviathes, et encore moins sur les plans des architectes fous. Ou peut-être l'objet en question est exposé aux yeux de tous sans qu'ils sachent de quoi il s'agisse. Sait-on jamais."

Elle se tut quelques secondes.

"Il me semble que quelqu'un approche."

Ils n’étaient pas plus avancés mais, faute de plan établi, la paladine allait proposer de procéder selon sa technique habituelle, fort pragmatique : avancer droit devant et aviser en fonction de ce qu’ils découvriraient ensuite. Heureusement pour la préservation de son reste de crédit auprès d’Arthur et du couple de manostiennes, elle fut interrompue avant même d’ouvrir la bouche pour le suggérer. A l’avertissement de Maelys, Chandara se mit en garde immédiatement et chercha à fixer ses sens pour déterminer l’origine et la puissance de la menace. Elle parvint vite à la conclusion qu’ils devaient être bien visibles avec un marteau dégageant une lumière flamboyante alors que leur adversaire, dont la présence avait été détectée, aurait malgré tout l’opportunité de les attaquer par surprise. Au moins se rassurait-elle de savoir qu'elle serait la cible privilégiée en tant que porteuse de flambeau.

Arthur n'entendait pas laisser Chandara jouer les héroïnes suicidaires en solo, aussi se porta-t-il à ses côtés, aux aguets, se gardant à son tour. Il n'était cependant pas certain que la personne en approche soit fatalement un ennemi... Après tout, ils avaient déjà rencontré deux alliées en ces murs, et l'adage disait "jamais deux sans trois". Ou alors c'était son âme lathandrite, prompte à voir les choses positivement, qui lui jouait des tours. Sans doute. Il y avait quand même plus de chance de croiser une goule rabique qu'un joyeux compagnon dans ce genre d'endroits... Il aurait bien tenté de détecter le mal, mais cela aurait nécessité qu'il lâche son arme... Décidément, le métier de paladin n'était pas très pratique...

Un carreau d'arbalète siffla soudain à leurs oreilles et alla arracher le chapeau de Maelys - heureusement sans dommage - pour aller se planter dans le mur derrière eux.

"Fichtre !", jura une petite voix.

Et le temple replongea dans le silence.

Chandara s’était figée sur place en sentant le carreau filer tout près de son oreille. Après une demi seconde d’hésitation car elle pensait avoir reconnu une voix familière, elle souffla à ses compagnons :

- Baissez-vous ! Personne n’est blessé ?

Puis elle s’écarta des deux femmes pour ne pas les laisser en position de cible éclairée et ajouta un ton plus haut. La paladine avait espéré qu’Arthur interprète son signe de tête comme une invitation à s’éloigner aussi pour prendre leurs ennemis à revers tandis qu’elle ferait office de diversion :

- Luna, c’est vous ?

Un petit silence. Et la voix de Luna leur parvint, un tantinet inquiète.

"Chandara ? Est-ce que c'est ton marteau qui brille comme ça ? Est-ce que j'ai blessé quelqu'un ?"

Maelys alla récupérer son chapeau accroché au mur. Elle l'examina d'un œil critique avant de passer son doigt par le trou causé par le carreau.

"J'imagine que c'est l'autre partie de votre groupe.", dit-elle avec une grimace sardonique.

Chandara regarda le chapeau avec un mélange de stupeur et d’incrédulité avant de reporter toute son attention sur Luna et son arbalète. Malgré le soulagement de retrouver leurs compagnons, la paladine était horrifiée de ce qui avait failli se produire et ne put s’empêcher d’adresser un regard accusateur en direction de la jeune femme. La pénombre masquait sans doute sa réaction mais il était évident que la Cojumite était furieuse quand elle répondit un peu sèchement avec une concision qui ne lui ressemblait guère :

- Oui, c’est bien moi. Non, tu n’as blessé personne mais ce n’est vraiment pas passé loin. Et oui, Maelys, Elie, je vous présente le reste de notre groupe : voici Brus et Luna.

L'adage avait raison.
Arthur était surpris.
Heureusement surpris. Mais surpris quand même. Et Tymora avait été avec eux : personne n'avait été blessé dans la méprise. Chandara avait cependant raison de se montrer sèche : Luna n'avait pas pu manquer le marteau lumineux... Il fallait qu'elle ait été à cran pour avoir tiré ainsi à l'aveuglette. Compte tenu des circonstances, il ne pouvait pas le lui reprocher.
" Tout le monde va bien, c'est le principal." fit-il à mi-voix, n'osant pas contredire l'Helmite furieuse, qu'il craignait tout particulièrement en ces moments de tension.
Il baissa légèrement sa garde, mais pas complètement : l'ennemi pouvait saisir l'opportunité de leurs retrouvailles pour frapper.

Brus se baissa par réflexe en entendant le déclic de l'arme. Le carreau lui fila au-dessus du crâne avant de se ficher dans le mur d'en face.

"Eh bah, c'était moins une..."

Puis le groupe se reforma, Brus n'était pas mécontent de les revoir tous, de leur côté ça manquait cruellement de combattants. A bien y regarder, les paladins en avaient même dégoté deux de plus. Le roublard leur sourit avant de se présenter :

"Et oui, c'est nous, bien content d'vous voir, j'm'appelle Brus! Alors vous aussi vous êtes arrivés ici. Nous à part des tunnels et une lamproie géante, on n'a pas trouvé grand chose, et vous?"

Chandara prit la parole à nouveau, désireuse de répondre aux questions légitimes de Brus. Son ton s’était quelque peu adouci après la tension initiale mais elle ne regarda pas dans la direction de Luna pour autant :

- Les bonnes nouvelles du jour sont qu’on a retrouvé une de mes amies et sa compagne : Elie est une barde, tout comme vous, Luna. Maelys est cachotière mais elle n’est certainement pas dénuée de talent non plus ! Elles nous ont aussi appris l’existence d’une arme qui pourrait nous servir contre un terrible ennemi maléfique. La mauvaise nouvelle, vous l’aurez compris est qu’on risque bien d’avoir à nous en servir pour atteindre Elios et le livre. Vous n’auriez rien vu de ce genre en nous rejoignant, par hasard ?

Inutile de s’attarder sur les dangers qu’ils avaient affronté dehors et encore moins sur le reste de leur périple : mieux valait se concentrer sur ce qui leur restait à accomplir et surtout sur le meilleur moyen d’y parvenir.

"Non, à part une lamproie géante qui a manqué nous tuer, nous n'avons rien trouvé de tel. Mais Brus lui a fait peur en ... Non, vous ne voulez pas savoir."

Elle s'interrompit tout à coup.

"Vous avez parlé de mon frère ? Qu'est-ce qui lui arrive ? Vous l'avez vu ? Est-ce que nous allons pouvoir l'aider ?
- Vous feriez mieux de la prévenir ..." souffla Eli d'une voix douce.

Arthur n'était pas certain d'avoir saisi tous les détails de la conversation qu'Eli et Chandara avaient eue sur les Pères maléfiques, les Loviates et les armes magiques, d'autant qu'il surveillait alors les alentours, laissant à l'Helmite la direction des opérations.
" Heu... Apparemment, votre frère n'est pas seul en ces lieux... Si j'ai bien compris, il y a une autre entité plus puissante et plus dangereuse qui erre entre ces murs que nous devrons affronter d'abord... C'est ça ?"
Il regarda en direction de Chandara, espérant qu'elle lui viendrait en aide, et conscient, au passage, qu'elle allait le trouver bien... distrait. Enfin, si ça s'arrêtait à distrait, c'était qu'elle était bien gentille.

Chandara comprit l’invitation de son confrère à compléter son récit et elle trouva l’attention très touchante, à des lieues de penser que c’était parce qu’Arthur n’était pas vraiment sûr de ses explications. De son point de vue, Arthur avait forcément tout compris bien mieux qu’elle mais lui laisser une occasion de ne pas paraître trop à la traîne. Elle lui dédia donc un sourire reconnaissant des plus charmants avant de prendre sa suite :

- D’après ce que j’ai compris, l’entité qu’évoque Arthur s’est mise en sommeil et pourrait s’être mise en tête – façon de parler – eh bien, de se servir d’Elios. Pour se réincarner…

Consciente de ce que la révélation pouvait avoir de brutal, elle ajouta d’un ton qu’elle espérait convaincant :

- Mais nous l’en empêcherons ! Ou nous la chasserons s’il le faut. D’où l’importance de mettre la main sur cette arme qui est censée être cachée au cœur du temple.

"Et il y a un moyen pour l'en empêcher ? Vraiment ? Et que se passera-t-il s'il se réincarne avec lui ?"

Elle semblait de plus en plus inquiète, au bord de l'hystérie.

"Nous devrons le tuer", répondit doucement Maelys.

Luna interloquée se tourna vers les deux paladins, puis vers Brus. Puis de nouveau vers les deux paladins.

"Et vous ne m'avez rien dit."

La Couronne de Cuivre

[Quête] Guerre des plaines brûlantes : un certain goût pour la mort